• Jamais encore, depuis douze ans qu’il existe, n’avais mis les pieds dans ce Festival des Cinémas du Sud, jamais tenté par la programmation, trop de bonnes intentions, trop de bons sentiments, mais cette année avec le temps dont je dispose, je m’y risque cette après-midi au Gaumont République pour voir un film taïwanais de Yee Chih-Yen Blue Gate Crossing, une histoire de fille qui ne sait pas encore si elle aime les filles ou les garçons.

    Eh bien, une salle remplie de branlotins et de branlotines, l’équivalent de plusieurs classes, conduits là par une seule professeure, et perdus dans cette masse quelques spectateurs venus là de leur propre initiative et le regrettant déjà.

    Bruits divers, rots, pets, sonneries de téléphone, gloussements, imitation de la langue chinoise, déplacements, ricanements à propos des broute-minous, une spectatrice excédée s’insurge :

    -Vous n’êtes pas chez vous devant votre télé !

    Peine perdue et l’enseignante se garde bien d’intervenir.

    Et le film dans tout ça ? Une oeuvrette gentillette.

    On ne m’y reprendra plus. Cela dit si le souci était de remplir la salle pour se prévaloir d’une bonne fréquentation et continuer ainsi à bénéficier de subventions, ce festival est une réussite.

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  • Vernissage de l’exposition Clinic au Pôle Image, hier soir. Trois photographes traitant du portrait. Trois moments de la vie à l’hôpital. Naissance, accident, sénilité. Un parcours sans issue, clinique.

    Charles Fréger (France) pour la naissance. Présent, retour du Japon, vêtu et tondu à la samouraï, rougissant quand on parle de lui. Ses photos montrent des élèves sages-femmes, debout face à l’objectif, vêtues d’un tablier de boucher, dans la salle de travail (comme on dit), cela ne donne pas vraiment envie de renaître.

    Stefan Ruiz (Etats-Unis) pour les urgences. Ses photos prises au Céhachu de Rouen montrent des soignants et des blessés, souvent de trois quarts, sur fond blanc. Quiconque a déjà mis les pieds dans ce service hospitalier sait qu’on s’y sent peu de chose.

    Peter Granser (Allemagne) pour la sénilité. Ses photos montrent des visages de vieillards atteints de la maladie d’Alzheimer, le regard vide, dans une lumière blanche. La vie comme elle peut se terminer quand on n’a pas de chance.

    Présence et discours des divers commissaires d’exposition et de Valérie Fourneyron, conseillère régionale socialiste, chargée de la culture. Cette dernière ressemblant étonnamment à celui qui nous sert de président quand elle parle, mimique, intonation, gestuelle. Une sorte de déformation professionnelle sans doute.

    Croisant une connaissance, pas vue depuis longtemps, je lui demande : Qu’est-ce que tu deviens ? Comme réponse : Je travaille toujours à la Grand Mare, etc. Je ne m’habituerai jamais à cela, on demande à qui que ce soit où il en est dans la vie, dans ce parcours sans issue, et il vous parle de cette chose sans intérêt : son travail.

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  • Un café à l’Echiquier, bizarrement aujourd’hui peu de monde et pratiquement que des couples de garçons aimant les garçons, alors que, le plus souvent, en ce lieu, je déguste mon noir breuvage entouré de plein de jeunes filles échappées du lycée Camille Saint-Saëns. Leur absence me remet en mémoire ce que dit d’elles Baudelaire dans Mon cœur mis à nu :

    La jeune fille des éditeurs.

    La jeune fille des rédacteurs en chef.

    La jeune fille épouvantail, monstre, assassin de l'art.

    La jeune fille, ce qu'elle est en réalité.

    Une petite sotte et une petite salope; la plus grande imbécile unie à la plus grande dépravation.

    Il y a dans la jeune fille toute l'abjection du voyou et du collégien.

    De retour chez moi, je retrouve, outre le texte de Baudelaire, ceci, tiré des Carnets d’Henry de Montherlant :

    Il faut aimer la bêtise comme je l’aime, et en être attisé, pour courir à ma mode après les petites jeunes filles, qui sont dans l’ordre de l’infini, ce qu’il y a de plus bête au monde.

    Qu’on ne compte pas sur moi pour en dire, à mon tour, du mal, de ces jouvencelles, surtout quand elles ne sont pas là.

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  • Trois fois au cinéma ce ouiquennede, activité favorisée par le festival Télérama et ses billets à trois euros permettant de voir les « meilleurs » films de l’année et par la Fnaque offrant une entrée gratuite pour deux à une avant-première.

    Commencé au Melville (festival Télérama), petit public grisonnant de vendredi après midi, par Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton et Valerie Faris, histoire d’une famille bien atteinte, entassée dans un minibus Volkswagen, en route vers un concours de mini miss, comédie assez réjouissante sur les névroses familiales et le mode de vie américain.

    Terminé au Melville (festival Télérama) par Volver de Pedro Almodovar, public nombreux et varié de dimanche après-midi, l’une des caissières énervée par la présence  inhabituelle de cette masse de spectateurs (ce qui prouve qu’en temps ordinaire le cinéma est trop cher), criant à plusieurs reprises que « ceux qui zont leur billet se rangent derrière la barrière ». Almodovar, bien, forcément, à la hauteur de sa réputation, dans cette histoire de femmes qui ont beaucoup à se plaindre des hommes.

    Entre les deux, dimanche matin, à l’Ugécé de Saint-Sever (avant-première Fnaque), projection de La vie des autres de Florian Henckel von Donnersmark, évocation très réaliste des mœurs de la police politique (Stasi) en République Démocratique Allemande, film à la réalisation peu inventive et à la musique assez soûlante mais qui raconte bien l’horreur froide du régime communiste est-allemand.

    A l’entrée de l’Ugécé, une quinquagénaire bourgeoise seule, ayant en main un ticket gratuit pour deux, abordée poliment par un homme du même âge et du même milieu, sans ticket, lui demandant s’il pouvait profiter de la deuxième entrée gratuite, le pauvre se faisant envoyer promener d’un « On ne demande pas ce genre de chose, cela ne se fait pas, c’est à moi de proposer cette entrée si j’en ai envie », une sale coche, cette femme, comme je n’ai pas hésité à le dire.

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  • Comme je le racontais ici le huit janvier dernier, je n’avais point l’espoir de voir Jacques Higelin cette année au Rive Gauche en raison du système d’abonnement injuste ayant cours dans cette salle (ma lettre au maire de Saint-Etienne-du-Rouvray à ce sujet, toujours sans réponse) et puis jeudi matin, suite à un désistement que je ne raconterai pas ici, voici que la situation change et qu’Higelin au Rive Gauche, oui oui.

    Toujours en forme l’artiste, higelinesque en diable, commençant « au minimum » pour bientôt prendre son envol, « tomber du ciel » et se rattraper au branches ; justifiant sa « réputation d’équilibriste », un petit verre de vin rouge pas loin, ses lunettes posées n’importe où, un chien entrant en scène côté jardin et vite rattrapé ; ne sachant pas (Higelin, pas le chien) les paroles des chansons de son dernier disque (vraiment très bien ce nouvel opus) ; se plantant au piano, s’arrêtant, recommençant ; racontant n’importe quoi, parlant par exemple des femmes de France Culture qui posent des questions sur les Esquimaux et en arrivant au projet d’aller « niquer les otaries » ; bref faisant le Jacques comme lui seul sait le faire.

    Grand succès évidemment et spectateurs debout. Au deuxième rappel, revient seul pour une ultime et très belle chanson, inconnue de moi, évoquant le parc Montsouris. Un dernier salut et la promesse de continuer à chanter jusqu’au bout de sa vie, promesse de vieux jeune homme en pleine possession de ses moyens, promesse faite devant des spectateurs enchantés, dont certains ont le même âge que lui et contrastent tristement, avec leur aspect de retraités bedonnants et ankylosés ayant renoncé à vivre, est-ce qu’ils s’en rendent seulement compte?

    Comme chaque fois que j’ai le plaisir de le voir, je pense à mon propre avenir, c’est sûr je suis sur la pente descendante, avec dix ans de retard sur lui. Sur ce Jacques Higelin qui se tient encore si bien et qui fait la démonstration qu'avoir un âge avancé n’est pas toujours la ruine, pour cela aussi il m’est bénéfique.

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  • Le nouveau directeur de l’Opéra de Rouen semble décidément apprécier les spectacles pour tout public. Voici Le Bourgeois Gentilhomme comédie ballet de Molière et Lully dans sa version intégrale (plus de trois heures), avec prononciation d’époque, à la lumière de mille bougies.

    Bien sûr on rit, grâce au texte de Molière et au jeu des comédiens (notamment Olivier Martin Salvan dans le rôle de monsieur Jourdain et Nicolas Vial dans le rôle de sa femme). On s’ennuie aussi avec la musique de Lully et l’interminable ballet des nations à l’acte six.

    Tout cela était bon pour le roi qui employait Molière et Lully. Personnellement, si c’était le genre de mise en scène qui m’intéresse, je me serais débrouillé pour naître au dix-septième siècle.

    Mes deux voisines de corbeille, enthousiastes, debout pour applaudir, l’une disant à l’autre:

    -Je garde le programme, je l’afficherai dans les toilettes.

    De retour à la maison, je lis que Vincent Demestre, le directeur artistique et chef d’orchestre, est né en mai soixante-huit, ce qui explique sans doute pourquoi il est si ferme partisan de la tradition.

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  • Ce pauvre Arnaud Montebourg, c’était bien la peine qu’il abandonne son rêve de sixième république pour celui plus concret d’un poste de ministre de Marie-Ségolène Royal. Une petite plaisanterie sur le compte de ladite dont le principal défaut serait le compagnon et pan sur les doigts, le voilà obligé de se la fermer pendant un mois, ce qui s’appelle selon la candidate socialiste à l’élection présidentielle « rétablir l’ordre juste » (ces quelques mots font frémir).

    Décidément, aucun humour ces politiciens, de quelque parti qu’ils soient, ils peuvent plaisanter au dépend de leurs adversaires mais alors se moquer de leur propre camp, impossible. Et c’est bien ce qui les rend inquiétants.

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  • Vernissage de l’exposition de la photographe et vidéaste Manuela Marques à l’école des Beaux-Arts de Rouen. Artiste portugaise, Manuel Marques, robe verte et lunettes, se promène dans la salle où sont exposées ses photos sombres. Dans la salle voisine, obscurcie, sont diffusées ses vidéos. Sur un mur: une main aux doigts hypertendus frôlant longuement un parquet, sur un autre: un courant fluvial ininterrompu. Comme l’écrit un critique : Manuela Marques oblige le spectateur à s’interroger sur ce qu’il voit.

    Je ne m’interroge pas longtemps pour trouver ce que je vois totalement dénué d’intérêt et incommensurablement ennuyeux. Les beauzarteux et beauzarteuses présents contemplent cela en silence, l’une d’elles m’apprend qu’ils sortent de trois heures de rencontre avec l’artiste. On comprend qu’ils soient un peu assommés.

    Sans attendre le verre de cidre accompagné de biscuits apéritifs au goût de carton que l’on offre lors des vernissages à l’école des Beaux-Arts, je me jette dans la tempête qui souffle depuis le matin, heureusement je n’habite pas loin. 

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  • Dans le métro, nuit tombée, en route pour Petit-Quevilly afin d’y visiter le théâtre de la Foudre dans le cadre du parcours du spectateur organisé par la Scène Nationale. Foule dans ce transport en commun à cette heure de retour à la maison, voyageurs serrés comme légumes en boîte, constatation une nouvelle fois de la grande différence d’ambiance entre le métro rouennais et le métro parisien.

    A Paris, dans les rames une population diverse, voyageant pour de multiples raisons, toutes classes sociales mélangées, dont la majeure partie a choisi ce moyen de transport. A Rouen, que des pauvres, souvent énervés, en chemin vers la banlieue, beaucoup subissant ce mode de déplacement par l’impossibilité de se payer une voiture. Imagine-t-on un musicien dans le métro rouennais ?

    Content de quitter cet espace confiné et ce climat tendu pour les coulisses du théâtre de la Foudre. Fouler le sol de la scène, assister à quelques manœuvres techniques, s’enfoncer dans les coulisses (locaux techniques, loges), faire connaissance avec un vocabulaire exotique comme tous les vocabulaires de corps de métier.

    Ce matin, un petit tour sur le site Internet de Fred Borzeix me replonge dans tous ces termes, et même davantage, le plaisir d’y lire ce genre de propos qui fait voyager l’esprit : ne pas confondre le rideau à la française avec un rideau en retrousse dit à la romaine qui se masse en guillotine.

    Hier soir encore, entrant dans la salle du théâtre, vu pour la première fois cette fameuse servante (lampe fantôme comme disent les Anglais), une baladeuse de sécurité fixée sur un trépied veillant sur la scène la nuit et en laquelle les artistes voient un esprit protecteur.

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  • Au Conservatoire, hier, pour un concert de l’Opéra de Rouen, une soirée consacrée à Schönberg et Boulez. Côté Arnold Schönberg, la mezzo-soprano Doris Lambrecht et la pianiste Alice Ader pour Le Livre des Jardins suspendus suivi de Six pièces pour piano, interprètes talentueuses pour musique un peu ennuyeuse, à mon goût du moins.

    Plus excité par Le Marteau sans Maître de Pierre Boulez, présenté par Frank Langlois, musicologue, à l’aide d’extraits de musiques extrême-orientales dont s’est inspiré le compositeur. Plaisir des sons hétérogènes et instables, agrément des jeux du vibraphone et du xylorimba et ravissement pour les yeux que la présence de la jeune et jolie percussionniste Catherine Herrise-Favre. Tout cela mené par le chef d’orchestre Jean Deroyer, dirigeant ce Marteau sans maître d’une gestuelle d’automate. Applaudissements nourris, un spectateur enthousiaste s’époumone à réclamer un bis, sans succès.

    Retour par les rues piétonnières dans une ville où tout semble devenu musical et boulézien. Rue Saint-Romain, une courte pièce pour cinq paires de talons aiguilles et train entrant en gare, comme un supplément de programme.

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