•             Nancy Spero est l’invitée du Fraque de Haute-Normandie à Sotteville-lès-Rouen pour la dernière exposition de la saison. Elle présente des œuvres datant des années soixante-neuf soixante-douze inspirées par sa lecture des textes d’Antonin Artaud et réunies sous le double titre Artaud Paintings et Codex Artaud, combinaisons de peinture, texte dactylographié et collage sur papier.

                Nancy Spero a aujourd’hui quatre-vingt-un ans. C’est une féministe à la sauce américaine qui espère que son « iconographie résiste à la réification inhérente au regard masculin », le genre de propos qui suffit à me la rendre antipathique.

                Le directeur du Fraque a la bonne idée d’associer à cette exposition, ce samedi deux juin, une lecture de textes et de lettres d’Artaud qui fut interné, il y a soixante-dix ans, à Sotteville-lès-Rouen. J’imagine bien comment cela a dû se passer. Quel comédien du coin suffisamment connu pourrait faire l’affaire ? Tiens, pourquoi pas Olivier Saladin ! Il est d’accord. On lui envie les textes photocopiés. Il ne les lit pas.

                Il arrive avec plus d’une demi-heure d’avance, son enveloppe timbrée pleine de textes à la main, et n’en  profite pas pour jeter un œil sur ce qu’il doit lire. Résultat : une lecture hésitante, bredouillante, trébuchante, bafouillante, pour tout dire navrante, qui ne peut que nuire à la réputation de ce comédien.

                Il y a quelques années, Denis Lavant lisait les textes de Jean-Pierre Duprey, autre poète fragile de la tête, sous la verrière du musée des Beaux-Arts de Rouen, cela avait une autre allure.

                Que dire des travaux de Nancy Spero ? Une beauzarteuse ici présente les trouve nuls ! Personnellement, je ne sais trop quoi en penser car je les apprécie surtout pour les extraits de textes d’Artaud qui y figurent, c'est-à-dire malgré les intentions de l’artiste qui a déclaré « j’ai préféré utiliser le texte original, en français, et, ce faisant, ne pas faciliter la lecture des citations. » C’est bon pour les Américains non francophones, ici cela ne fonctionne pas, je prends donc des notes, des petits bouts de textes, je n’aime Artaud qu’à dose homéopathique.

                Que l’église catholique soit maudite avec vous, Lucifer, Jésus-Christ, et l’esprit inique de la Vierge qui fomenta la sueur Saint-Esprit, et puis L’obscène pesanteur phallique d’une langue qui prie, et encore Avant de me suicider qu’on m’assure de l’être, pour finir ce chapelet d’injures très capitaine Haddock que j’entends Antonin Artaud éructer en direction du négligent Olivier Saladin et de ses semblables Barbes d’ânes, cochons pertinents, maîtres du faux verbe, trousseurs de portraits, feuilletonistes, rez-de-chaussée, herbagistes, entomologistes, plaie de la langue.

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  •             Chaude soirée au Hangar Vingt-Trois avec Africando, le groupe « mythique et sympathique de salsa africaine » pour reprendre l’expression du directeur du lieu. La salle est en mode « petit bal » mais le nombre des spectateurs transforme cela en concert debout où l’on doit se contenter de gigoter les uns près des autres ou les uns contre les autres, cela dit vu mon niveau en danse c’est mieux pour moi.

                Les quatorze musiciens et chanteurs d’origines diverses, Africains, Cubains et Gaulois, font rapidement monter la température, les vêtements tombent et les corps se rapprochent. Bien sûr, il en est pour rester le cul posé sur leur chaise ou pour se remplir de pisse d’âne au bar, à chacun ses plaisirs, comme dit madame Michu.

                A la pause, sur la musique enregistrée diffusée pendant l’attente de la reprise du concert, les véritables salseurs et salseuses envahissent la piste et s’y donnent à fond sous les yeux envieux de celles et ceux qui font cercle autour d’eux. Rien de plus érotique en matière de danse que la salsa. Ou pour reprendre les termes de celle qui se frotte contre moi dès qu’Africando remonte sur scène :

                -La salsa, ça donne envie de baiser.

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  •             Absent pour le deuxième tour des législatives le dix-sept juin prochain, je trouve un aimable mandataire pour voter en mon nom, il faut régulariser cela.

                Première étape : A la mairie de Rouen, je demande le service des élections afin d’y établir la procuration. Ce n’est pas ici qu’il faut s’adresser, me dit-on à l’accueil, mais du côté des services de police ou de la justice.

                Deuxième étape : Au commissariat proche de la rue Beauvoisine, une fonctionnaire à l’amabilité toute policière me reproche de ne pas connaître tous les prénoms de mon mandataire. Je repars bredouille, laissant sur place et debout une demi-douzaine d’individus venus là pour diverses plaintes (j’apprends incidemment que garer son véhicule au parking du Palais, géré par une société privée, peut vous amener à le récupérer serrure fracturée et roue de secours volée).

                Troisième étape : Au palais de justice, après avoir interrogé mon mandataire qui en vérité n’a qu’un seul prénom (comment fait-il pour vivre ainsi, je ne sais pas), je passe avec succès le filtrage policier, fouille de sac et poêle à frire anti-métaux, et me rends au tribunal d’instance, salle quatorze, où me reçoit une gentille greffière. Assis dans un confortable fauteuil en cuir, je renseigne l’imprimé idoine, en deux minutes l’affaire est faite.

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  •             Musique enjouée avec jeune chef d’orchestre au programme de l’Opéra de Rouen. Mal placé en bout de corbeille, je profite des nombreuses places restées libres pour glisser vers le centre. Après l’entracte ma place est revendiquée par sa propriétaire. L’une de ses voisines, m’indique d’autres sièges libres mais m’enjoint de ne pas m’asseoir devant elle. J’explique à cette dame que je m’assois où je veux. A l’Opéra de Rouen, les meilleures places de corbeille sont le plus souvent occupées par les plus riches qui achètent leur fauteuil à l’année, quel dommage qu’ils doivent parfois y côtoyer ceux qui ne paient que vingt euros par mois, Que font ces gens sur mon plongeoir, comme le chante Alain Souchon.

                Kirill Karabits né à Kiev en Ukraine il y a trente ans, dirige donc l’orchestre local pour un concert allègre allant de l’Ouverture de Armida de Josef Haydn au Concerto pour piano et orchestre en la mineur de Robert Schumann en passant par la Symphonie numéro cinq en si mineur dite « Hambourgeoise » de Carl-Philipp Emanuel Bach et la Symphonie numéro quatre en mi majeur d’Etienne Nicolas Méhul. Dirige sans baguette et joue du clavecin debout, c’est peut-être un détail.

                Pour Schumann, arrive Laure Favre-Kahn, jeune pianiste blonde dont la renommée est déjà bien établie. Cachée dans ses cheveux et les doigts endiablés, elle déchaîne les applaudissements et ajoute au programme une Etude pour la main gauche signée Scriabine.

                Un public un peu clairsemé, et fait inhabituel peu de bronchiteux, ce qui est vraiment un bien pour la musique et ceci expliquant peut-être cela : les abonnés malades chroniques doivent tous être en cure thermale. Reste le bruit du métro.

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