•             Un certain nombre d’années que je suis abonné à Télérama, plus précisément à l’édition parisienne de Télérama, qui comporte un supplément Sortir, relatif à la vie culturelle de la capitale (au sens large). Ne voilà-t-il pas que je reçois, signée de Béatrice Hubbert, Directrice des Relations Abonnés (c’est le jargon employé), une circulaire m’informant que désormais si je veux continuer à recevoir ce supplément je dois le lui dire, soit en renvoyant le papillon joint, soit via Internet.

                Je choisis Internet, passe un certain temps à écrire comment je m’appelle où j’habite et quel est mon numéro d’abonné, et il m’est annoncé que ma demande est enregistrée.

                Le nouveau Télérama arrive mercredi. Sans son supplément Sortir. Je veux protester en téléphonant au service des abonnés mais constate que maintenant il est doté d’un numéro surtaxé.

                Je réponds donc une deuxième fois par papillon, Oui je veux recevoir le supplément Sortir, déversant ma mauvaise humeur au dos dudit papillon, tout ce temps perdu, toutes ces bonnes raisons de dire des gros mots à Télérama, tout cela parce que cet hebdomadaire veut faire de petites économies, peut-être que son mariage avec Le Monde ne lui a pas réussi, ce qui est sûr c’est que désormais pour Télérama aussi, la devise c’est : Toujours moins.

    Partager via Gmail Yahoo!

  •             Premier concert de la saison pour l’Opéra de Rouen, cela se passe dans la cathédrale, où l’on est si douloureusement assis que de plus mal placés que moi doivent changer de chaise, leurs genoux ne trouvant pas place entre deux rangées. Pendant que Daniel Bargier, chef de choeur, est interrogé par une équipe de télévision qui s’apprête à enregistrer la totalité du concert, Monseigneur Descubes, archevêque, trouve place au premier rang, où les chaises sont réservées à quelques privilégiés.

                Denis Comtet, organiste, attaque le Prélude du Choral varié sur le thème du Veni Creator pour orgue de Maurice Duruflé sans que les auditeurs qui m’entourent jugent bon de se taire, sans doute se croient-ils à la messe. Ce n’est que lorsque le Chœur de Chambre de Rouen se fait entendre que le silence se fait. Pierre Villette est également au programme de cette première partie pour chœur seul. Ces deux compositeurs sont originaires de la région, Villette banalement né à Duclair et Duruflé remarquablement né à Louviers (tout comme moi).

                Après l’entracte, l’orchestre se met en place pour le Requiem pour soli, chœur, orchestre et orgue de Duruflé, dans sa version de mil neuf cent soixante et un. Le baryton Arnaud Richard, la mezzo-soprano Marie-Paule Bonnemaison et la séduisante harpiste Iris Torossian sont de la partie. Des applaudissements nourris (comme on dit) saluent l’exécution de cette œuvre.

                Alors que choristes et musiciens quittent la scène, je me dirige vers la sortie et parviens assez rapidement sur le parvis. Empruntant la rue Saint-Romain pour regagner mon logis, je rattrape trois des violons de l’orchestre, déjà dehors, leurs instruments bien houssés sur le dos, plaisantant et chahutant, pressés comme tous les travailleurs de rentrer chez eux après le boulot.

    Partager via Gmail Yahoo!

  •             Avant qu’elle ne se termine, je visite au Jeu de Paume l’exposition double je qui fête les trente ans de ce couple qui, depuis une rencontre dans un vernissage, conjugue les compétences et les talents de l’un et de l’autre, Pierre, le diplômé de photographie de Genève et Gilles, l’ancien élève des Beaux-Arts du Havre, les rois de la kitcherie interlope.

                J’aime leurs photos peintes, issues du mélange des esthétiques religieuses, pornographiques et populaires, paillettes, pierreries, bites et boules à neige, savamment mises en valeur dans des cadres outranciers de plastique pastel ou de vieux bois doré. C’est délicieusement malsain et tout à fait au goût de celles et ceux qui arpentent les différentes salles, dont évidemment pas mal de couples de garçons, mais aussi des filles seules et une petite grand-mère qui a l’air de bien s’amuser.

                Beaucoup de personnes connues, plus ou moins nues, sur les photos de Pierre et Gilles, certaines rétroéclairées, je note en passant : Laetitia Casta, Lio, Björk, Mireille Mathieu, Madonna, Arielle Dombasle, Nina Hagen, Catherine Deneuve, Etienne Daho, Marilyn Manson, Catherine Jourdan, Kylie Minogue, Sylvie Vartan, et ici Eva Ionesco, en délicieuse Eve près de son Adam et là Natacha Reigner en jolie criminelle, la robe ensanglantée, serrant contre elle son jeune amant nu.

                Toute une salle consacrée aux autoportraits de Pierre et Gilles, une autre aux scènes religieuses, on se croirait dans un musée de province et j’arrive à la dernière œuvre ‘Innocenc, la photo peinte d’une charmante nymphette nue dans un champ de fraisiers, cernée par d’innombrables fraises d’un rouge turgescent, à quoi s’ajoutent, au pied de cette photo, des pots où poussent d’autres fraisiers en plastique bien fournis en fruits, et, jusqu’au plafond, de chaque côté de la photo, d’autres fraisiers, grimpants ceux-là, mais toujours bien dotés, un chef-d’œuvre de perversité.

                J’aime vraiment le monde de Pierre et Gilles, ce n’est pas le mien mais je suis bien content de m’y promener.

    Partager via Gmail Yahoo!

  •             Une atmosphère plutôt tendue à la librairie Mona Lisait de la rue Saint-Martin à l’heure matutinale où j’arrive, c’est l’inventaire depuis trois jours et ce n’est pas fini, j’ai bien du mal à arrêter un vendeur dans sa mécanique comptée des cartes postales pour lui demander s’il n’y aurait pas quelque part un deuxième exemplaire de celle représentant l’Alice de Balthus.

                Ce lieu est décidément trop agité pour moi, je le quitte pour me rendre à la galerie Templon où, dans le nouvel espace de l’impasse Beaubourg, sont proposés des œuvres de Jean-Michel Alberola, et à mon désappointement s’y trouvent surtout des sculptures en néon, dont l’une enfermée dans un carton et éteinte.

                Je demande à la jolie hôtesse blonde (dans ce genre d’endroit les hôtesses sont toujours jeunes et jolies, que deviennent-elles lorsqu’elles ne le sont plus ?) si c’est voulu par l’artiste.

                -Non, me dit-elle, c’est une panne, je m’excuse.

                Elle bidouille un peu la prise et le néon s’allume, voilà ce n’était pas grand-chose.

                Le communiqué de presse de la galerie Templon parle ainsi des sculptures en néon de Jean-Michel Alberola : « Titrées Luxe, Rien, Toi-même, ces œuvres mêlent réflexion politique et artistique, tout en interrogeant le spectateur sur sa relation à l’œuvre d’art et sa commercialisation. » Eh bien, Jean-Michel, tu peux éteindre tes néons, j’ai depuis longtemps ma petite idée sur le sujet.

                Je quitte la maison Templon et, par les rues piétonnières, me rend à l’église Saint-Eustache où je crois n’être jamais entré, un organiste y est à l’œuvre, répétant pour un futur concert, par les portes ouvertes entrent les bruits de la ville dont celui d’un Karcher.

                Je déambule dans le bel édifice jusqu’au mausolée de Colbert. J’apprends sur un panneau contigu, qu’ici reposent également Vaugelas, Voiture, Scaramouche, Marivaux et Rameau, que La Fontaine, Mirabeau et la mère de Mozart y eurent leurs obsèques, que Richelieu, Molière et madame de Pompadour y furent baptisés, que Louis le Quatorzième y fit sa première communion et que Lulli s’y est marié. Que de beau monde je croise à Paris où que je mette les pieds. Tiens, un peu plus loin, voici l’un des neuf exemplaires du triptyque, en bronze avec platine d’or blanc, La vie du Christ de Keith Haring.

                Je franchis ensuite la Seine pour me rendre rue de Condé où j’entre au Mercure de France. Je tente vainement d’y obtenir de nouvelles jaquettes pour remplacer celles, abîmées par la lumière, de mes cinq volumes d’œuvres de Paul Léautaud.

                Je refranchis le fleuve par le pont des Arts, entre dans la cour intérieure du Louvre où je suis arrêté par quatre demoiselles asiatiques, l’une d’elles me met un appareil photo dans les mains et je n’ai plus qu’à m’exécuter, une belle photo devant la pyramide. Je traverse le jardin des Tuileries et me voici au Jeu de Paume pour le double je de Pierre et Gilles.

                Ensuite, en métro jusqu'à Nation, pour y rejoindre l’école Boulle. Je surveille la sortie, tous ces boulliens et boulliennes agité(e)s qui s’éparpillent après les cours et puis tiens là voici, celle que j’embrasse.

    Partager via Gmail Yahoo!

  •             Suis parvenu au bout des cinq cent trente-six pages de L’Amérique au jour le jour, journal écrit par Simone de Beauvoir lors du voyage qu’elle fit aux Etats-Unis en mil neuf cent quarante-sept. Un peu pesant comme lecture mais quelques belles envolées, sans jamais tomber dans le manichéisme, avec parfois de réjouissantes naïvetés, ce qui a fait dire à Mary Mac Carthy, dans un article de The Reporter, à l’époque de la parution de ce livre là-bas, que c’était « Madame Gulliver en Amérique ».

                Elle a bien du mal, Simone, au bout de trois mois passés à parcourir les Etats-Unis en tous sens et jusque dans les lieux prétendument mal famés, à revenir en France, complètement dépitée elle écrit : Sur la triste avenue, qui file vers Paris, les gens sont mal vêtus, les femmes ont des cheveux sans couleur, mal frisés, les hommes des visages gris, leur démarche est humiliée. Les légumes du marché sont rabougris. Pas de taxi gare des Invalides ; au bord du trottoir les voyageurs s’énervent, ils commencent à se disputer. Il fait gris. Paris semble transi, les rues éteintes et moroses, les étalages dérisoires. Là-bas, dans la nuit, un immense continent étincelle. Il va falloir réapprendre la France et rentrer dans ma peau.

                Au cours de ma lecture, j’ai noté ça : Je remarque que les Français sont beaucoup plus sensibles que les Américains à mon déplorable accent : c’est que chacun attache une grande importance à l’approximation qu’il a, quant à lui, réalisée ; les Américains me semblent considérer avec une égale indifférence ces divers degrés d’imperfection : du moment qu’on se fait comprendre, autant parler franchement mal qu’à moitié bien.

                J’adore ce du moment qu’on se fait comprendre, autant parler franchement mal qu’à moitié bien et je trouve que c’est un excellent conseil.

    Partager via Gmail Yahoo!

  •             Hier, dix-sept septembre deux mille sept, l’Inspection Académique du Haut-Rhin (Service de la Vie Scolaire, troisième bureau) se fend d’une bien jolie lettre d’appel à la délation qu’elle adresse par mail à tous les directeurs et directrices des écoles maternelles et élémentaires du département, en voici le texte : 


        « Mesdames et Messieurs les Directeurs,


        Avez-vous connaissance de scolarisation d'élèves "sans papier" dans votre établissement ?
        Dans l'affirmative, veuillez nous le faire savoir dans la journée »

                  Suivent deux numéros de téléphone, ça laisse moins de traces qu’un courrier.
                Une étape de plus dans l’organisation de la chasse à l’enfant, une étape de plus dans la propagation de la sarkoze, cette maladie insidieuse qui peu à peu étend ses ravages.

                Ce matin, je prends mon téléphone et j’appelle l’un des deux numéros. J’exprime mon étonnement face à de telles méthodes qui rappellent une page peu glorieuse de l’Histoire de France. Une dame bien embarrassée me répond que ce mail a été annulé tout de suite après son envoi, qu’il s’agit d’une erreur, d’une maladresse. Bien, bien.

    Partager via Gmail Yahoo!

  •             Il y a quelques mois, écoutant France Culture, l’émission des Mardis littéraires consacrée à Gustave Flaubert, j’entends Yvan Leclerc, professeur à l’Université de Rouen et spécialiste dudit Flaubert, annoncer qu’à l’occasion du cent cinquantième anniversaire de la parution de Madame Bovary, une lecture publique en continu de cet ouvrage est prévue à Rouen au lycée Corneille.

                Je m’inscris et me voici franchissant pour la première fois les portes du prestigieux établissement, ce dimanche midi, seconde journée du Patrimoine.

                Un apéritif dînatoire attend les intrépides lecteurs et lectrices, salle dix, et là j’ai le plaisir de trouver en la personne de madame la proviseure adjointe du Lycée Corneille quelqu’une que je connais depuis longtemps et que j’avais un peu perdue de vue.

                Nous nous racontons nos chemins parcourus et elle m’apprend que des élèves de Corneille souhaitent s’entretenir avec des lecteurs après l’épreuve, j’accepte.

                Il est bientôt quatorze heures, un café vite avalé et nous voici tous dans la Salle des Actes du lycée, là où le jeune Gustave, lors d’un conseil de discipline, se fit exclure avec quelques autres élèves, pour avoir protester contre une injuste sanction collective. Il y a là des membres de l’Association des Amis de Flaubert et de Maupassant, à l’origine de ce Marathon Bovary, et quelques isolés comme moi. Celle qui est venue m’encourager est assise sur l’un des bancs de bois qui entourent la salle, elle ne veut pas participer à l’expérience au prétexte qu’elle lit comme une quiche, si elle le dit…

                Sur l’estrade, le pupitre m’attend, muni d’un discret micro et énergiquement éclairé. La lecture, qui a débuté samedi, est filmée au profit de l’Université de Rouen. Je viens de signer plein de décharges à ce sujet et j’ai déjà mon diplôme de lecteur offert par les Amis de Flaubert et de Maupassant, il faut que j’assure.

                Hier, le premier lecteur a été Julian Barnes, l’auteur du Perroquet de Flaubert, cette après-midi, c’est moi et je suis bien content de commencer car ainsi je n’ai pas le temps de réfléchir.

                -C’est quand vous voulez, monsieur Perdrial.

                Je lis le début du chapitre sept de la troisième partie, Emma cherche de l’argent, croulant sous les dettes à l’insu de son imbécile de mari, elle s’humilie à chaque page, je ne vois que le texte. Ni les caméras qui tournent, ni les attentifs auditeurs ne me gênent et je m’en sors assez bien, ce que me confirme celle venue m’écouter.

                Nous restons pour les lectures suivantes et après qu’Yvan Leclerc a lu magistralement le passage dans lequel apparaît le mystérieux Binet (un passage qui a bien fait cogiter Pierre Dumayet), je me mets à la recherche des élèves de Première et de Bétéhesse en Audiovisuel, de braves lycéen(ne)s qui passent ce ouiquennede ensoleillé enfermé(e)s dans une salle de classe.

                Me voici maintenant assis dans un confortable fauteuil, toujours aussi éclairé, face à trois demoiselles, les deux plus jeunes s’occupent de la caméra et du micro, la plus aguerrie pose les questions, derrière il y a des garçons et des filles qui s’affairent à des tâches obscures et un professeur qui supervise discrètement.

                Je réponds aux questions que l’on me pose, comment j’ai connu le Marathon, pourquoi j’ai choisi d’y participer, à quand remonte ma première lecture de Madame Bovary (j’avais treize ou quatorze ans) et qu’en avais-je pensé à cette époque lointaine (un téléphone portatif  sonne et perturbe ma questionneuse) et puis voilà qu’elle me dit qu’elle sait que j’ai fait de la radio autrefois (je vois bien qui m’a dénoncé), je lui raconte un peu ça, lui explique que je ne parlais pas dans le micro, et pour finir, elle en revient à Flaubert et je dois résumer en un seul mot mon expérience de lecteur marathonien, je lui propose : Aventure.

                Ensuite, je retrouve celle qui m’attend assise dans la cour du lycée, fumant une cigarette roulée par ses soins, écoutant, grâce au puissant haut-parleur extérieur, la suite de Madame Bovary. Je la reconduis chez ses parents puis je vais traîner dans les allées du vide-grenier de Bihorel où un exposant me fait don d’un exemplaire de Salammbô. Je n’ai jamais pu lire ce roman carthaginois, un monument d’ennui selon moi. Elle a envie de lire les classiques, ce sera pour elle et elle en fera ce qu’elle voudra.

                Il est un peu plus de dix-sept heures quand je regagne Rouen, j’ai l’idée de retourner au lycée Corneille où la lecture n’est peut-être pas terminée, mais je me heurte à une porte fermée.

                J’arrive trop tard, Emma est déjà morte.

    Partager via Gmail Yahoo!

  •             Couché à minuit quarante, debout à six heures trente, tel je suis quand il s’agit de livres à dénicher et heureusement, celle qui se réveille à mon côté est pareille à moi.

                La Seine est absente pour cause de brouillard intense quand les vendeurs s’installent sur les quais de Rouen, les livres sont là innombrables et souvent à prix dérisoire, impossible dans ces circonstances de résister à la tentation.

                Tiens, un carton empli de livres érotiques. Le vendeur est présent chaque année, il me connaît bien. Il m’accuse de n’être intéressé que par ce genre de livres, bref d’être obsédé. Je lui rétorque que le coupable dans cette affaire, c’est lui, qui achète ces livres et les lit avant de les revendre.

                Il nous explique que lorsque des hommes découvrent par hasard ce carton, certains prennent la fuite alors que pas mal de femmes y fouillent avec délices, c’est le cas de celle qui m’accompagne, elle y trouve son bonheur, et moi aussi avec Facéties de Le Pogge Florentin publié chez Anatolia, Le Majordome de Frederika Fenollabbate chez Belfond, Alice au pays du plaisir de Jacqueline Lagrange, un ouvrage épuisé, paru en son temps aux Productions de la Seine et Un été à la campagne d’un anonyme du dix-neuvième siècle, publié autrefois par Guillaume Apollinaire et ici dans sa réédition chez Ombres. Pour faire bonne mesure, le vendeur volubile m’offre Le Catalogue raisonné des amants de Lucie de Paddy Donegan publié au Pré aux Clercs.

                Ailleurs, le brouillard dissipé, j’achète un bel ouvrage, édité par la Bibliothèque Nationale de France, consacré à Marie de Régnier, femme de lettres et femme fatale, fille de José Maria de Heredia, mariée à Henri de Régnier et amante de Pierre Louÿs, père de son fils.

                Plus loin encore, le soleil apparu, je m’approprie un recueil de romans et nouvelles d’Arthur Schnitzler (La Pochothèque), Les Envoûtés de Witold Gombrowicz (Stock), Les notes de l’oreiller de Sei-Shonagon (Stock), L’Impossible de Georges Bataille (Minuit), le Journal de voyage de Michel de Montaigne (Folio) et les Lettres à ses amis et quelques autres de Marguerite Yourcenar (Folio).

                Elle, de son côté, fait de belles emplettes, dont un dictionnaire Robert à l’état neuf pour un petit euro.

                Seule l’envie d’être ensemble un peu tous les deux nous arrête et nous fait quitter les lieux. Les doigts sciés par le poids des livres, nous regagnons le logis où nous attend un lit accueillant.

    Partager via Gmail Yahoo!

  •             C’est une première, cette année, à Rouen les Journées du Patrimoine ne sont pas seulement une histoire de vieilles pierres et de métiers déclinants, cela grâce à Laure Leforestier, maire adjointe, qui a confié à Laure Delamotte-Legrand l’organisation d’une soirée Dessous du patrimoine intitulée Draping (une allusion au passé drapier de la ville), l’air frais de l’art contemporain, danse, installations, performances et concerts, injecté dans la tradition traditionnelle.

                Il est vingt heures quand j’entre avec celle qui m’accompagne dans l’église Saint-Maclou où sont déjà rassemblés moult spectateurs, c’est le lieu où se produisent Hélios Azoulay et son Ensemble de Musique Incidentale.

                A l’affiche Les Quatre Saisons de Vivaldi, un Poncif pour quintet à cordes signé dudit Azoulay. Le voici, costume orange à fines rayures brunes, et l’air parfaitement narquois :

                -La plupart des compositeurs contemporains font de la musique ennuyeuse pour distraire le public, annonce-t-il, moi je fais de la musique distrayante pour ennuyer le public.

                Et en route pour un beau crime de lèse-Vivaldi. Cela fonctionne à merveille, les premiers à s’enfuir sont celles et ceux qui ont mal étudié le programme, ayant lu Les Quatre Saisons de Vivaldi au lieu de Les Quatre Saisons de Vivaldi d’Hélios Azoulay, suivent celles et ceux qui ne peuvent pas supporter ça et dont le nerf auditif est douloureux, il reste heureusement beaucoup d’amateurs qui, comme elle et moi, prennent beaucoup de plaisir à l’exécution de ce Poncif

                Dans la préface à cette œuvre, Hélios Azoulay écrit : « Rares sont les raisons qui maintiennent encore légitime le métier de compositeur. Parmi elles, se trouve celle d’avoir à bouleverser la situation de concert. » . Il ajoute : « Et parce que l’on ne renverse totalement que ce que l’on reconnaît complètement, c’est précisément les lieux communs les plus absolus qui seront les plus efficaces. Pour dissiper tout malentendu, il est important de souligner que le renversement n’est ni relecture, variation ou paraphrase, ni même détournement. Renverser une œuvre doit agir précisément et comme le plus élégant des sabotages. » et conclut : « Le titre de la composition achève définitivement de transformer la situation de concert en un traquenard. J’ai intitulé cette forme Poncif. »

                Suit, présenté par le même Azoulay, Socrate d’Erik Satie, merveilleusement chanté par Marielle Rubens, avec au piano : François Lambret.

                Je resterais bien là et elle aussi, pour y entendre ensuite un autre Poncif d’Hélios La scène avec Mickey dans Fantasia et deux échantillons de La Musique d’Ameublement d’Erik Satie, mais il y a aussi à voir ailleurs et nous filons vers l’Abbatiale Saint-Ouen pour y regarder Julie Nioche qui danse dans la nef. Ça s’appelle Hachedeuzo-Hainacéhelle-Céacéotrois et ce n’est pas désagréable à voir. Nous courons ensuite au Musée des Beaux-Arts où nous découvrons les photos, dessins et sculptures d’Eric Wurm, bien déçus nous repartons mais arrivons trop tard pour la performance intitulée Cabaret automobile proposée par Karine Bonneval dans la Petite Galerie de l’Ecole des Beaux-Arts, dommage, alors on retourne à l’église Saint-Maclou retrouver Hélios Azoulay.

                Un Prélude en Tapisserie d’Erik Satie, joué au piano par François Lambret, en amuse-oreilles et revoici l’Ensemble de Musique Incidentale avec Helios Azoulay à la clarinette pour le long et répétitif Clarinet and String Quartet de Morton Feldman qui dans Entre catégories écrit : « Je m’intéresse à la manière dont le temps existe avant que nous posions nos pattes sur lui… ». Hélios qualifie cette œuvre de musique d’endormissement et prévient :

                -Si votre voisin plonge dans le sommeil, ne le réveillez surtout pas.

                J’échappe de peu à cet endormissement et celle qui est assise à ma gauche également.

                Il est minuit trente quand nous regagnons la maison tout heureux d’avoir découvert ce zozo d’Azoulay.

                -J’espère bien l’entendre à nouveau un jour, lui dis-je. Sur la scène de l’Opéra de Rouen par exemple, je serais curieux de voir et d’entendre ça.

    Partager via Gmail Yahoo!

  •             J’apprends par le biais de la Lettre Imagine Rouen qu’un professeur de lettres du lycée Le Corbusier de Saint-Etienne-du-Rouvray vient d’expérimenter ce qu’il en coûte d’être à la fois enseignant et homosexuel.

                Voici ce qu’explique de cette affaire le Centre Gay et Lesbien de Paris :

                « Lors de la réunion préparatoire de rentrée, le proviseur de l'établissement aurait informé l’assistance que l'un des professeurs de français de l'an dernier, avait quitté l'établissement "de son plein gré" et que "toute rumeur le concernant sera sévèrement réprimandée par l'administration"

                Ces propos auraient suscité la consternation au sein de l'assistance, aucun enseignant n'ignorant que le professeur de français absent - qui n'avait jamais caché son homosexualité - avait fait l'objet d'une lettre de dénonciation anonyme de la part d'une collègue de travail au nom de la morale.

                Au départ de l'affaire, des élèves sont parvenus à se connecter sur un site Internet de rencontres pour adultes homosexuels, y ont trouvé le profil de leur enseignant, avec une photo où on le voit nu de dos. A partir de cette "découverte", ils ont mis au courant certains enseignants et l'un d'entre eux a adressé une lettre à sa hiérarchie qui a déclenché le processus de sanction. »

                « Ce site Internet n'est pas interdit, il est réservé aux adultes consentants qui doivent créer un compte pour s'identifier, signale le Centre Gay et Lesbien de Paris. Les parents n'ont pas activé le contrôle parental sur les ordinateurs de leurs enfants, sinon, ils n'auraient jamais pu accéder aux profils des internautes inscrits. »

                « Les enfants, leurs parents et les enseignants complices ont attenté à la vie privée du professeur de français, mais pire encore, comme cet enseignant est homosexuel, il fait l'objet d'une sanction pour motif d'immoralité et se retrouve muté dans un autre établissement, soi-disant de sa propre initiative, ajoute Christine Le Doaré, présidente du Centre Gay et Lesbien de Paris. En réalité, le professeur a été convoqué au rectorat de Rouen où lui a été proposée une mutation qu’il a dû accepter afin d'éviter le risque d'être frappé d'une mesure disciplinaire. Cette manière de faire constitue une pression administrative caractérisée. »

                «Si les élèves avaient trouvé un profil de leur enseignant sur un site de rencontres hétérosexuelles que se serait-il passé ? Probablement rien, rigolades, complicités et puis c'est tout », suggère le Centre Gay et Lesbien pour qui l'affaire relève bel et bien d'une forme d'homophobie.

                Dénoncé anonymement par un de ses collègues (comme ils disent), sanctionné par sa hiérarchie (bien que la loi interdise la discrimination homophobe sur le lieu de travail), tel est le sort du professeur homosexuel.

    Partager via Gmail Yahoo!