•             Samedi matin, très tôt, direction le département de l’Eure où se tient l’énorme vide-greniers des Andelys, « le plus ancien de France » se glorifient les organisateurs qui annoncent mille cinq cents exposants sans préciser que les trois quarts ou même les quatre cinquièmes sont des professionnels et que ce vide-greniers ressemble tout à fait à une foire commerciale, comme il en existe une fois par an dans les petites villes où l’on s’ennuie. Je le fréquente depuis plus de trente ans, je sais où se concentrent les vrais videurs de greniers et c’est vers eux que je me dirigerai.

                A l’entrée d’Heudebouvlle, je suis alarmé par de nombreux gyrophares et, arrivé à ce niveau, je découvre ce que les journalistes appellent « un terrible face-à-face », deux voitures détruites, des pompiers qui s’affairent, les gendarmes pas encore là, des automobilistes qui font la circulation, je passe en regardant devant moi, trop effrayé par ce que je pourrais voir à l’intérieur des deux voitures, me disant que si j’étais parti un peu plus tôt, si je ne m’étais pas arrêté à Igoville pour prendre de l’essence…

                Et pendant les kilomètres qui me restent à parcourir pour arriver aux Andelys, c’est d’un œil inquiet que je surveille la moindre voiture venant vers la mienne.

                Un monde fou bien sûr dans les rues dévolues à l’étalage des marchandises, je les parcours sans tarder, bien vite conscient que ce n’est pas jour de bonne pêche pour moi. Jamais vu autant de gendarmes dans ce vide-greniers. J’en croise des groupes de deux ou  trois tous les cinquante mètres, le maire sarkoziste a bien fait les choses. A quelques fenêtres, des drapeaux et des ballons bleu blanc rouge, un ornement très Sarkolène Royal, c’est pour fêter la défaite de la France à la Coupe de Rugby.

                Je pars de là avec quelques livres à revendre, qui me permettront d’en acheter d’autres ailleurs, et, dans son emballage, tout neuf, le Pamplemousse mécanique des Fatals Picards qui fera bien plaisir à celle qui m’attend à la maison.

                Dimanche matin, encore plus tôt et avec elle, direction Isneauville à quelques encablures de Rouen, pour la même raison, et là aussi je suis déçu de ne rien dénicher, la plupart des étalages sont tenus par des familles se débarrassant de leurs vêtements de marque.

                Une demoiselle s’inquiète :

                -J’aimerais bien avoir vendu ce pull avant que ma mère arrive.

                -Ah bon, c’est à elle ?

                -Non, c’est un cadeau qu’elle m’a fait ; je l’ai jamais mis.

                A l’étalage voisin, Etre la fille d’Emile Louis, un livre signé Maryline Vinet. Pas facile, c’est sûr d’être la fille d’un tueur en série, cela lui a permis néanmoins de gagner quelque argent en racontant son histoire.

                Je n’achète pas ce livre. Celle qui m’accompagne n’achète pas le pull. Nous partons pour un deuxième vide-greniers à Amfreville-la-Mivoie.

                Pas d’achat mirobolant là non plus mais j’y croise Albert Amsallem que je vois toujours avec plaisir. C’est le directeur du Théâtre des Chalands à Val-de-Reuil.

                -Ah j’ai vu que tu fais venir les Fatals Picards, lui dis-je. J’aime beaucoup mais comme je les ai déjà vus deux fois cette année, je n’irai pas.

                Il me vante sa programmation théâtrale : Embedded, qui dénonce le rôle des journalistes dans la guerre d’Irak et Elf, la pompe Afrique. Deux pièces au contenu trop politiquement arrêté pour qu’elles m’intéressent, rien de ce qui est démonstration bien pensante ne me tente, je n’aime que l’ambivalence ou le contradictoire, l’incertitude.

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  •             Je viens de terminer le Journal qu’écrivit Pierre Louÿs (qui n’était alors que Pierre Louis et avait seize ans) entre juin mil huit cent quatre-vingt-sept et mai mil huit cent quatre vingt-huit, idée qui lui était venue après avoir lu celui de Marie Baskhirtseff.

                Le vingt-cinq décembre, Pierre Louÿs est à Rouen :

                « Aujourd’hui, visité Rouen avec Jacques et Emile Chardon.

                Rouen est une ville de province avec des allures parisiennes : la rue de la Paix peuplée par des Normands. Trois belles voies : le rue Jeanne-d’Arc, la rue Thiers et le rue de la République ; de beaux magasins, tramways, lumière électrique, deux théâtres, trois gares, un grand port, de beaux quais, des femmes élégantes, jusqu’à des cocottes, mais province, province. »

                Il revient sur le sujet deux jours plus tard :

                « Hier après-midi, j’ai visité très vite et tout courant les grands édifices de Rouen :

                Premièrement Saint-Ouen. Rien à dire. Eglise régulière et embêtante. Beau style peut-être, mais trop régulier, pas assez original.

                Deuxièmement Saint-Maclou. Très curieuse église, d’une forme unique : croix de Saint-André sans tours, avec une grande flèche au-dessus du chœur, et les trois portails en demi-cercle. C’est un peu gauche, mais vraiment pas laid. Ensuite, Edmond m’a conduit au palais de justice, mais il était pressé, et il n’a eu que le temps de me montrer les deux salles d’entrée, et à peine la façade. C’est admirable et j’aurais bien voulu rester plus longtemps.

                Enfin la cathédrale est merveilleuse. Le portail surtout. Je ne sais pas comment cela se fait, les tours sont absolument différentes, elles sont flanquées n’importe où, n’importe comment, avec une façade entre les deux, sans aucun rapport avec le reste. Tout cela est absolument disparate, sans style, sans unité, sans art, et cela fait un ensemble qui est de toute beauté.

                Je suis monté dans la flèche : quarante sous qu’a payés Lucie. Mon guide était Mme Pottier, « avec deux t, m’a-t-elle dit, tout le monde vous parlera de moi, mon bon monsieur, tous les ceusses qu’ont monté là-haut me connaissent à cause de mes capacités. Soixante-neuf ans et trois jours. Voilà vingt ans que je suis ici, monsieur, et on me met à la porte le huit janvier, et j’ai jamais eu un reproche à me faire, etc. » Quel caquet, mon bon Dieu, pendant une heure ! Quand elle m’a fait pénétrer avec elle dans l’affreux couloir, entièrement noir et fluet, qui mène à la flèche, j’avoue que je n’étais pas très rassuré. Lucie non plus ; elle l’a dit à Jacques en rentrant.

                -Cette vieille femme avait l’air si méchant.

                -T’aurais mieux aimé qu’il entre là-dedans avec une jeune fille ? lui a dit Jacques.

                -Oh ! mon Dieu oui !

                Et moi donc ! il y avait là un petit escalier, bien noir, bien muet, bien étroit, bien désert, où on aurait pu faire toutes sortes de gaillardises avec une fille pas trop pimbêche. Mais celle-là me faisait frémir.

                Très belle flèche et vue superbe, du premier étage. D’en haut, on ne voit pas assez net.

                En somme, ascension très curieuse. Huit cent dix-sept marches. »

                Je ne sais pas quand a cessé d’être offert à l’aventurier local ou de passage, la grimpée des marches de la flèche de la cathédrale. De mon jardin, ou plutôt du jardin de la copropriété où je suis locataire, je devine l’escalier aux huit cent dix-sept marches qui permet d’atteindre la plate-forme supérieure. On peut tenir à quinze là-haut, m’a-t-on dit. Ce dont je rêve, c’est d’y monter un soir avec elle seule et d’y passer la nuit. Qui donc a récupéré la clé de madame Pottier ?

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  •             Encore une histoire comme je les aime, la mairie communiste d’Aubervilliers qui demande à la police de virer des squatteurs, ce qui se fait assez salement en présence des enfants d’une école et voici qu’entre en scène Rama Yade, secrétaire d’Etat aux droits de l’homme qui s’indigne du sort réservé aux malheureux expulsés, bien contente de démontrer que les communistes sont aussi méchants que les sarkozistes, puis François Fillon, celui qui fait figure de Premier Ministre s’en mêle : « Eh quoi, ça ne va pas, petite secrétaire, tu viens remettre en cause une décision de justice ? » tout en pensant très fort : « Pour une fois que les communistes font du bon boulot, on ne va pas les embêter ».

                Ce matin, France Culture m’apprend qu’il y a encore eu des affrontements entre les expulsés (parmi lesquels des enfants et des femmes enceintes) et la police, des expulsés d’origine africaine et en situation régulière, juge bon de préciser le journaliste.

                Tout cela bien réjouissant vraiment et guère étonnant si l’on se souvient du bulledoseur employé par d’autres communistes à Vitry, il y a je ne sais combien d’années, contre des immigrés, et qui donc a construit des Centres de Rétention si ce n’est un certain Jospin. Il faut être bien naïf pour croire qu’en cette matière, la gauche est meilleure que la droite.

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  •             « On ne m’empêchera jamais d’essayer d’aider ou de soulager la misère du monde, dans quelque pays que ce soit » se vante Cécilia Sarkozy dans L’Est Républicain.

                Bien, bien, je lui propose à cette dame, première de France, de se pencher sur Yvan, l’enfant russe tombé du quatrième étage en fuyant la police venue arrêter ses parents sans papiers à Amiens ou de tous ces enfants emprisonnés dans les Centres de Rétention avec leurs parents en attente d’expulsion (à Oissel, par exemple, cette petite Véronique de quatre ans et Geoffrey, son petit frère de quelques mois, dont les parents russes, Yekatarina et Vladimir Popov, risquent le renvoi au Kazakhstan où ils redoutent d’être tous tués).

                « J'ai honte d'être Française. Je n'ai pas payé un billet d'avion pour participer à ce genre d'opération honteuse », c’est Marie-Françoise Durupt qui a dit ça, dans l’avion Paris Bamako, à la police expulsant brutalement un immigré sans papiers, et elle ne s’en vante pas, elle.

                Elle a failli le payer cher mais a été acquittée lors du procès qui a suivi sa déclaration, on ne peut pas toujours compter sur les juges, bien sûr le Parquet peut faire appel.

                Tant qu’il y a une Marie-Françoise Durupt pour faire oublier une Cécilia Sarkozy, il reste un peu d’espoir.

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  •             Quelle tristesse ce rabâchage médiatique sur la Coupe du Monde de Rugby. Je ne peux y échapper car même France Culture succombe et se penche sur les gros poilus. Dire que cela va durer quarante-quatre jours. Déjà qu’il fallait se fader la Coupe de Foute. Ne manque plus que la Coupe de Criquette.

                Ce Laporte qui s’occupe de tout ça demande aujourd’hui à tous les Français de s’habiller en bleu pour encourager l’équipe nationale. Ça tombe bien, c’est la couleur de la droite et donc de son ami Sarkozy, le Tout Puissant de la République, qui le fera sous-ministre dès qu’il aura terminé son petit boulot. Il pourra continuer à gérer son casino et autres petites affaires privées.

                Bref, que ceux et celles qui aiment boire de la bière en groupe devant un téléviseur se réjouissent, ils ont l’occasion de le faire. Evidemment, cela fait de la viande saoule dans les rues après le match mais quelle merveilleuse invention, cette Coupe du Monde de Rugby, pour faire passer le fric de millions de gens modestes (comme on dit) dans la poche de quelques centaines de gens riches.

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  •             Ce jeudi, je prends comme bien souvent un café au Son du Cor lorsque je vois poindre au bout de la rue Eau-de-Robec, Bernard Clarisse, l’homme le mieux habillé que je connaisse, professeur d’Arts Plastiques à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Mont-Saint-Aignan (Hihuheffème). Je le salue de loin et il s’approche pour me demander ce que je deviens. Je l’invite à boire quelque chose mais il n’a pas le temps, il met la dernière main à l’une des expositions qu’il organise à l’Hihuheffème.

                -C’est le vernissage ce soir à dix-huit heures, venez si vous êtes libre

                C’est ainsi que je me retrouve au Mont aux Malades deux heures plus tard. L’exposition a pour titre Escaliers : la verticale du possible, elle regroupe sur ce thème trente-quatre artistes et est réalisée avec le concours de la galerie parisienne Charlotte Norberg. Beaucoup d’escaliers et donc beaucoup de chutes, parmi les œuvres aussi, certaines sont à laisser à la cave, mais d’autres me plaisent vraiment. Au premier plan, l’inquiétante acrylique sur toile Chambre numéro dix-huit de Peter Klasen puis des photos : Sortie de métro de Sabine Weiss, deux séries signées Yehuda Neiman Escaliers Grand Palais et Escaliers Buzenval, celle de Vlada Krassilnikova montrant une danseuse du Moulin-Rouge vautrée sur les marches, également et surtout pour son titre, le tirage pigmenté sur toile et sur voile de Gabriela Morawetz Promesse du contraire. Bernard Clarisse est à la fois présent sur les lieux et verticalement accroché au mur avec une œuvre, technique mixte sur toile, Anabasis (Epidaure). Quoi encore ? Une sanglante peinture acrylique sur toile de François Fries (trop évidemment baptisée Le Crime de l’escalier).

                Cela papote devant les œuvres d’art :

                -C’est très très chouette, J’adooore !

                -Bon, Pavarotti est mort.

                -Chaque œuvre est estimée, j’espère. Au cas où…

                -Et votre fille, qu’est-ce qu’elle devient ? Ah ! elle travaille pour une Ohennegé. Très bien.

                -Oui, j’aime bien, je les achèterai pas, mais bon.

                C’est le moment des discours. Bruno Maheu, directeur de l’Hihuheffème, s’y colle en premier. Il file la métaphore de la verticale qui mène vers les sommets, n’envisage pas un instant que cette verticale mène aussi bien et vachement vite vers le gouffre. L’indécrottable optimisme des pédagogues me laisse toujours coi. Anne-Laure Meyer, l’une des commissaires de l’exposition, prend le relais et élève un peu le sujet.

                Ensuite champagne et petits fours, je discute un peu avec Anne-Laure Meyer de son travail à la galerie Charlotte Norberg et de son autre emploi à l’Assemblée Nationale.

                -Vous êtes enseignant ? me demande-t-elle.

                -Je l’étais, mais j’ai arrêté dès que cela a été possible.

                -Ah bon, vous n’en pouviez plus ?

                -Pas du tout, mais je suis, d’une manière générale, contre le travail.

                On évoque ensuite le rapport qu’ont avec l’art les enseignants, les avocats et les médecins et elle regrette le peu d’intérêt des politicien(ne)s avec qui elle travaille pour l’art contemporain.

                -Il est bien fini le temps des Pompidou, lui dis-je.

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  •             Trop longtemps que je ne suis pas retourné à Paris, et là j’ai une bonne raison d’y aller puisque j’ai rendez-vous avec elle en fin d’après-midi.

                M’y voici dès le matin, dans le Marais, dont je parcours, sous un soleil prometteur et dans une fraîcheur automnale, les rues calmes bordées des hôtels particuliers bien connus, en attendant l’ouverture de Mona Lisait, la librairie d’occasion de la rue Pavée. J’entre au Centre Culturel Suédois, au prétexte d’y prendre un programme et j’en profite pour faire pipi.

                Mona Lisait, une librairie qui n’a l’air de rien quand les portes sont fermées mais quand elles s’ouvrent, c’est une vraie rue en impasse qui s’offre à l’acheteur potentiel. Je dois prendre garde à l’inégal pavé quand je farfouille dans les bacs et les étagères du rez-de-chaussée où les livres d’art s’épanouissent. Au premier, c’est la littérature, et attention dans l’escalier.

                J’y passe un bon moment et ressors de là avec les Mauvaises pensées d’Ambroise Bierce, publié au Cherche Midi, Le Dictionnaire érotique établi par Richard Ramsay pour les Editions Blanche et trois ouvrages qu’assurément on ne trouve pas à Rouen : La Décadence du Nu de Pierre Klossowski publié à Londres par Black Dog Publishing Limited, Sex in Asia de chez powerHouse Books et Nerve / nu (e) (s) (es), publié par Le Seuil/Chronicle, qui propose des photographies de quarante-neuf artistes, dont Nan Goldin et Richard Kern, une sorte de version papier du ouaibe magazine Nerve.

                Je passe par la rue des Rosiers où l’on s’affaire à la confection des falafels et tourne à gauche pour rejoindre la Seine. Passant devant la Cathédrale, j’y entre pour faire un peu le touriste et je ne suis pas seul, beaucoup d’Italiens surtout (je commence à croire que les Italiens sont toujours en vacances), les vitraux magnifiques sous le soleil bien évidemment.

                Je me pose pour pique-niquer sur le quai où circulent pas mal de Vélib’, ces nouvelles bicyclettes en libre-service, puis rejoins, par la rue de la Huchette, la librairie Gibert Jeune. Hélas, hélas, l’espace dévolu habituellement sur les trottoirs aux soldes soldés est occupé présentement par les copies doubles et les stylos à bille, rentrée scolaire égale librairie sinistrée.

                Il en est de même un peu plus haut sur le boulevard Saint Michel à la librairie Gibert (Gibert c’est le papa, Gibert Jeune c’est le fils, ils sont fâchés), j’entre toutefois car j’aime bien déambuler dans les cinq étages de l’immense bâtiment et au rayon livres érotiques j’achète le Dictionnaire des fantasmes, des perversions et autres pratiques de l’amour paru en deux mille aux Editions Blanche.

                Un petit tour ensuite à la Librairie Galerie de la Sorbonne et me voici maintenant pourvu de Marguerite Duras, vérité et légendes, paru aux Editions du Chêne, un ouvrage richement illustré grâce aux photos de la collection de Jean Mascolo, le fils de l’écrivaine.

                Ça suffit comme ça. Je vais prendre un café au Malongo Café de la rue Saint-André-des-Arts. J’y entends les Parisiens critiquer le Vélib’. Si je comprends bien, le problème est le suivant : trop d’utilisateurs se rendent aux mêmes endroits, il y a donc embouteillage de vélos dans certaines stations et impossible d’y laisser le sien, obligation d’aller plus loin et donc déplacement inutile, perte de temps et énervement. C’est vrai que tout à l’heure dans le Marais, j’ai croisé une camionnette munie une longue remorque, un jeune homme y chargeait les vélos qui encombraient la station pour les emporter vers une autre station moins fréquentée. Derrière, des automobilistes immobilisés pestaient. Des vélos sur un camion, des voitures dont le moteur tourne à l’arrêt, pas vraiment le but recherché.

                Enfin, je m’en moque un peu, je vais à pied, me voici maintenant à Beaubourg, rue Brisemiche, près des fontaines mouvantes signées Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle, où j’ai rendez-vous avec elle, devant chez Dame Tartine, et elle arrive avec son grand sourire.

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  •             Bien mécontent j’étais l’an dernier et l’an avant-dernier ne n’avoir pu obtenir d’abonnement au Rive Gauche de Saint-Etienne-du-Rouvray, le directeur Robert Labaye ayant choisi de donner la priorité à celles et ceux pouvant supporter des heures de file d’attente devant son théâtre. Ma lettre de protestation au maire de Saint-Etienne est restée sans réponse mais pas sans effet.

                Voici ce qu’écrit Robert Labaye sur le site Internet du Rive Gauche : « Ah dites donc ! Pas facile de trouver des solutions pour satisfaire tout le monde et éviter les attentes interminables et les frustrations, les inégalités, etc. Vous êtes si nombreux à (…/…) venir patienter au moins quatre ou cinq heures, que nous comprenons les mécontentements et les mauvaises humeurs que cela peut engendrer. »

                « La gestion par Internet nous paraît pour l’heure encore inégalitaire » ajoute-t-il. « Alors en guise de tentative pour cette nouvelle saison, comme beaucoup également nous l’ont demandé, les abonnements seront effectués uniquement par correspondance. Vous recevrez le programme à partir du vingt-cinq août, nous commencerons à ouvrir les courriers dès le vingt-huit, ceux-ci seront traités par ordre d’arrivée naturellement et dans la limite des places disponibles (cachet de la poste et numérotation) jusqu’au quinze septembre. »

                Oui mais, pour recevoir le programme, il faut déjà être dans le fichier du Rive Gauche, c’est-à-dire déjà abonné l’an dernier, ou alors… pouvoir se connecter à Internet !

                Robert, encore un effort pour être tout à fait égalitaire !

                Ce qui est bien dommage pour moi, c’est que cette année la programmation du Rive Gauche ne m’incite pas à l’abonnement.

                Du changement aussi du côté de la Scène Nationale. Au Théâtre de la Foudre à Petit-Quevilly, désormais les places sont numérotées. C’est le bon peuple des spectateurs qui l’a décidé majoritairement lors d’une enquête réalisée la saison dernière. Pas de chance pour ceux qui, comme moi, préféraient arriver tôt pour choisir leur place et éviter certains voisinages néfastes (les groupes de branlotins turbulents par exemple).

                Et puis la durée de validité du « Passthéâtre », formule d’abonnement à cinq spectacles de la Scène Nationale (Théâtre de la Foudre et Centre culturel Marc Sangnier) n’est plus illimitée mais ramenée à un an à compter de la date d’achat. Là, au Théâtre de la Foudre, on n’a pas demandé son avis au bon peuple des spectateurs. C’est comme cela que fonctionne la démocratie, si la réponse attendue risque de vous déplaire, ne surtout pas poser la question.

                Comment vais-je faire pour trouver chaque année cinq spectacles de la Scène Nationale Petit-Quevilly/ Mont-Saint-Aignan qui m’intéressent vraiment ? Je me le demande.

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  •             Il y a quelque temps, je croise cette jeune voisine devenue professeure d’anglais et je lui demande où elle est nommée pour sa première rentrée, m’attendant à une mauvaise nouvelle pour elle et effectivement c’en est une.

                -A Créteil, me dit-elle. Dans un collège de la zone sensible.

                Sensible, elle l’est aussi et ses yeux se mouillent.

                -Je n’aurais jamais cru que ça se passait comme ça, ajoute-t-elle. Quand j’ai appris ça, j’étais prête à démissionner. Maintenant, j’essaie de m’y faire. J’ai trouvé un appartement à Champigny-sur-Marne et je reviendrai ici chez mon copain chaque fin de semaine.

                Elle m’explique que si elle avait su, elle se serait pacsée, au moins elle serait restée dans l’académie. Je lui réponds que ça ne lui aurait pas évité le collège difficile. Et peut-être même loin de chez elle, Le Havre est à peine plus proche de Rouen que Créteil.

                Combien naïfs sont ces jeunes hommes et ces jeunes filles qui, après des études erratiques, ne rêvent soudain que d’une chose : passer le Capesse et vivre une belle vie de professeur(e) avec plein de vacances à la clé.

                Quand je préviens celles et ceux de ma connaissance, surtout ne fais pas ça, tu vas te retrouver face à des élèves qui te haïront, t’insulteront, te lanceront des craies dans le dos, crèveront les pneus de ta voiture et pire encore, aucun(e) ne me croit.

                Je me souviens de l’une me répondant :

                -Oui, mais avec moi ce ne sera pas la même chose, ils verront que je les aime, que je suis là pour les aider.

                Elle a vu en effet.

                Aujourd’hui, celle qui fut ma voisine et qui est devenue professeur(e) doit être morte de peur face à ceux et celles à qui elle va devoir faire face toute l’année scolaire, un gros nœud au creux du ventre, sans avoir dormi de la nuit.

                C’est comme cela dans l’Education Nationale, les classes les plus difficiles, c’est pour les plus jeunes, les inexpérimenté(e)s, les moins bien payé(e)s, qui devront dépenser une partie de ce maigre salaire en allers et retours lointains.

                Qu’on ne compte pas sur les ancien(ne)s, mieux loti(e)s, pour dénoncer cette iniquité. A l’abri dans la petite planque qu’ils et elles se sont constituée au fil du temps, ils ont la réponse toute prête : Nous aussi, on est passé par là autrefois.

                La belle excuse.

                Moi aussi je suis passé par là. Nommé, après deux années à l’Ecole Normale destinées à faire de moi un enseignant en école primaire, dans un collège, et précisément dans une Classe Préparatoire à l’Apprentissage, face à des laissé(e)s pour compte qu’il m’aurait fallu transformer en garçons bouchers ou en champouineuses, dans un bâtiment préfabriqué au fond de la cour, avec des collègues (comme on dit) tout à fait satisfait(e)s que je les débarrasse de leurs pires élèves.

                Je me souviens du jour où, après avoir erré longtemps en voiture, je me suis arrêté à Acquigny, près du château, pour faire le point, et que la solution la plus réaliste me semblait être le suicide.

                (Je me suis sorti de là. Grâce à deux médecins. Le premier, médecin scolaire, me connaissant depuis l’enfance, qui m’a convaincu de reprendre ma lettre de démission déjà sur le bureau de l’inspectrice. Le second qui, de mois en mois, m’a complaisamment fourni des arrêts de maladie.)

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  •             Lit-on à Evreux plus qu’à Rouen, je ne sais mais il s’y vend quasiment plus de livres sur les quais de l’Iton que sur ceux de la Seine lors des deux fameux « Quais aux livres ». C’est Evreux qui commence ce dimanche et j’y suis au plus tôt, au moment des meilleures affaires et d’emblée je suis heureux de découvrir l’Opus deux de Mordillo, ce dessinateur argentin qui m’a toujours bien fait sourire, un livre paru autrefois chez Glénat, et chez le même vendeur, les deux mignons coffrets parus aux Mille et Une Nuits : Dix chefs-d’œuvre de l’érotisme Un et Dix chefs-d’œuvre de l’érotisme Deux.

                Parmi les dix chefs-d’œuvre du premier : La nuit merveilleuse de Vivant Denon, A la feuille de rose, maison turque de Guy de Maupassant, Femmes suivi de Hombres de Paul Verlaine, Les Rouilles encagées de Benjamin Péret et un inédit Le Petit Palais de Colette Fellous dont j’aime écouter chaque semaine Les Carnets nomades sur France Cul(ture).

                Parmi ceux du second : Les Leçons pour bien foutre de Baffo, le Catéchisme libertin de mademoiselle Théroigne de Méricourt et les Lettres érotiques de Stendhal et Mérimée.

                En bonus, un vingt et unième texte signé Mark Twain Quelques pensées sur la science de l’onanisme, une lecture indispensable avant d’entreprendre celles des vingt autres.

                Bien d’autres livres me sollicitent le long de l’Iton, j’en achète avec modération car où les ranger et comment trouver le temps de tous les lire. Mon sac cependant s’alourdit et je suis contraint d’aller le déposer dans le coffre de ma petite voiture avant de commencer à en remplir un deuxième avec une monographie consacrée à Franz von Stuck et Hello Anita, une bédé de Guido Crepax.

                Ce « Quai aux livres » trouve sa place à l’intérieur du huitième Festival du livre et de la bédé d’Evreux. Une cinquantaine de dessinateurs, inconnus de moi mais bien connus des amateurs, sont pris d’assaut par leurs admirateurs et admiratrices qui ne désirent qu’une chose : une  dédicace accompagnée d’un beau dessin. Sur l’autre rive, romanciers et essayistes, la plupart régionaux, attendent l’amateur, qui se fait décidément bien rare, doivent amèrement regretter d’avoir été, au collège et au lycée, si peu assidus aux cours de dessin.

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