•             Ceux que j’entends dans ce bar. Cette façon qu’ils ont de dire « Je me suis acheté » au lieu de « J’ai acheté » :

                -Je me suis acheté deux Mobycartes à vingt-cinq euros.

                -Je me suis acheté un dévédé de Gad Edmaleh.

                -Je me suis acheté des clopes.

                -Je me suis acheté une cravate noire.

                Moi, moi, moi, je me fais sans cesse des cadeaux. Tellement je m’aime.

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  •             Dans ma boîte à lettres, en principe, que le courrier acheminé par La Poste, en raison d’une porte cochère infranchissable sans la clé adéquate, la fameuse clé du facteur ou de la factrice. Il faut croire que les soutiens d’Albert (tiny), maire de Rouen, en possèdent une pour y avoir glissé, il y a deux semaines, « Le bilan de l’équipe municipale » dudit.

                Cela se présente comme un numéro de Rouen Magazine pour ce qui est de la maquette et pour le fond, il est bien content de lui, Albert, le candidat à sa succession.

                Entre un questions/réponses (qui est le questionneur ? je ne sais pas) et un questionnaire auquel est invité à répondre qui veut (démocratie participative, comme on dit chez Marie-Ségolène), une quantité de photos (achetées à la ville de Rouen par le candidat selon la législation en vigueur) sert de support à des commentaires flatteurs sur l’action du sortant.

                Rien d’excitant pourtant : des places redessinées, des rues transformées, une école (une seule) rénovée, une crèche (une seule) créée, des bâtiments restaurés, une médiathèque commencée, des poubelles enterrées, un jardin public ajouté, des vélos en libre service proposés et cétéré et cétéré.

                Ni plus ni moins que ce que font tous les maires (de droite ou de gauche) des villes de population équivalente et donc ce qu’aurait fait n’importe qui à sa place (quand je pense que, pour lui, l’un des cinq points forts de son mandat est l’installation de grands écrans au pied de l’Hôtel de Ville pour le foute et le rugby « un moment privilégié de communion dans le sport avec les jeunes », communion, sport, jeunes, beurk, beurk, beurk).

                S’ajoute le flou qui fait apparaître les réalisations ou les projets de l’agglomération comme les siens propres. Y va même carrément en revendiquant le nettoyage des façades du Palais de Justice (payé par le Ministère de la Justice et inachevé).       

                Oublie évidemment de parler des ratages, des échecs, des fermetures et des abandons. Je n’établis pas la liste, l’opposition s’en charge et en fin d’année dernière Liberté Dimanche s’en est déjà gaussé sur trois pages.

                J’ajoute juste que, sur ce dépliant publicitaire, près de la photo d’un voilier à quai, je lis ceci : « En deux mille quatre, le Marité retrouve sa région d’origine avant un tour de France avec Thalassa ». C’est tout, pas un mot de plus sur cette épave flottante qui est en cale sèche depuis deux mille cinq à Cherbourg, en travaux pour un bon moment encore, et dont le coût est maintenant estimé à près de sept millions d’euros, une bonne affaire.

                Non, de cela il ne parle pas Albert (tiny), maire de Rouen, c’est que depuis que Sarkozy l’a pris dans ses bras, il voit la vie en rose.

                En rose ? Euh non. Disons en bleu.

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  •             Jeudi onze heures du matin, je traverse la Seine d’un pas prudent. Sur le trottoir du pont Corneille s’étale le verglas. Je me rends au marché de la place des Emmurées. Là, peu de brocanteurs et déjà en train de remballer. Inutile d’y chercher le livre. J’achète Libération et file à la station de métro Joffre-Mutualité.

                Une rame arrive. Elle est à l’intérieur. C’est que l’on a rendez-vous. Elle m’attrape au passage.

                Descente à Petit-Quevilly, station François Truffaut et entrée au Bon Accueil, restaurant chinois en libre buffet. Un repas à volonté cuisiné par une sorte de Vulcain asiatique nous attend. On en profite bien avec du vin blanc. Sur l’addition : Apéritifs offerts, c’est vraiment le bon accueil.

                Il s’agit maintenant d’aller à pied de Petit-Cul à Grand-Cul en suivant la ligne de métro. Nous marchons parmi les barres d’immeuble et les pavillons accolés. Elle compte les pères Noël accrochés aux murs, balcons et gouttières. Je l’aide et c’est comme cela qu’on arrive à Grand-Quevilly. La Maison des Arts n’ouvre qu’à quinze heures trente. Allons prendre un café au bar des Provinces.

                Là aussi l’accueil est sympathique. La propriétaire vient nous serrer la main comme à de vieilles connaissances et nous offre un calendrier (La Clusaz en hiver, ça nous rappelle nos vacances l’été dernier).

                Je bois mon café et le sien puis elle dessine des bêtises et je feuillette Libération : accrochés à des grues, trois pendus iraniens, trafiquants de drogue condamnés à mort.

                -Tu as vu comme ils ressemblent aux pères Noël, lui dis-je. Combien en as-tu compté déjà?

                -Trente-trois.

                Allez c’est l’heure, visitons cette exposition intitulée Corps à corps.

               Burlesques, érotiques, abîmés, renversés, fragmentés, souffrants, nus, dégradés ou vêtus, ces corps sont l’œuvre d’une douzaine d’artistes bien connus ou moins connus. Il s’agit d’estampes et ce sont surtout Roland Topor et ses dessins des Neuf grâces et de Lady Mille-pattes, Pol Bury et ses Ramollissements de la Vénus de Milo, Izabella Gustowska et sa série de photographies Les traits relatifs à la ressemblance, Jiri Kolar et ses rencontres de boîtes de conserve avec la peinture d’Ingres Les trois sources et Zoran Music et ses terribles images de charniers Nous ne sommes pas les derniers qui nous retiennent.

                Pas trop longtemps, car il est bon rentrer à la maison pour un autre corps à corps.

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  •             Ce qui me déplaît aussi dans cette interdiction de fumer dans les bars, cafés et restaurants, c’est que ça réjouit les prudent(e)s, les raisonnables et autres bonnets de nuit.

                J’écris cela d’une main au bar tabac Le Socrate où l’on ne fume plus depuis ce mercredi, de l’autre je tiens Feuilles volantes de Georges Hyvernaud, publié au Dilettante.

                J’essaye mon briquet. Marche pas, naturellement. Les autres ont des briquets qui marchent. Un petit geste négligent, et la flamme jaillit. Moi, je m’énerve. Je tourne la molette à me faire mal au pouce, je tire un peu la mèche, je retire la petite pierre, je la replace, je visse et je devisse tout ce qui peut se visser et se dévisser. Rien à faire. Quelques étincelles sans vertu. écrit Georges Hyvernaud.

                Cela me rappelle quelqu’une.

                Georges se bat un moment avec son briquet. Il le porte à un spécialiste qui lui montre qu’il fonctionne parfaitement. S’ensuivent des pensées moroses sur son incapacité exceptionnelle à obtenir des choses, des hommes, du monde, ce qu’en obtient le premier venu.

                Il se reprend : Je ne suis pas le premier venu. Ecrire, c’est encore ce que je fais de moins mal. Ressource d’infirme. Les écrivains sont probablement tous ainsi, les vrais. Pas étonnant qu’ils se fassent rouler…

                Cela me rappelle quelqu’un.

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  •             Chaque matin à neuf heures pendant une semaine France Culture me ramène dans les années soixante-dix en célébrant, pendant une heure, Actuel, la revue mensuelle de Jean-François Bizot, mort l’an dernier. Plein feux sur la route, la dope, les communautés, le rock, l’écologie, la contre culture, la liberté sexuelle, toutes choses excitantes et pour certaines passablement dangereuses

                Avec elle, je feuillette, ce mardi soir, ma collection incomplète ressortie du placard (j’étais naïf, j’ai prêté certains numéros que je n’ai jamais revus). Du Spécial déprime au Numéro libéré, nous passons par L’avortement militant, le Spécial parano, le Spécial cochon, L’Herbe, Le quatrième sexe, Sur l’autoroute des Freaks, Et maintenant, démerdez-vous ! , La connerie c’est les autres.

                Ce qui l’amuse bien, ce sont les petites annonces gratuites du genre de celle-ci : « Solitaire, trente-cinq ans et un roman à écrire cherche grande bringue folle de littérature à l’esprit pas trop étroit qui pourrait m’héberger loin du bruit et de la fureur ». Ou bien « Toi, nana qui aime la nature et veut la découvrir, prends ton sac et viens à l’aventure hors des chemins battus » Ou encore : « Ras le bol de la vie cinglée des villes. Cherchons autre chose, vieille baraque à retaper ferait bien l’affaire. Sommes quatre et peu de fric. ». Pour chaque annonce, suivent le nom et l’adresse.

                Je sais que dans au moins un de ces numéros d’Actuel, se trouve une annonce suivie de mon nom et de mon adresse. Me souviens plus de ce que je cherchais, une fille peut-être.

                Elle est bien contente de se plonger dans cette période aventureuse sur papier coloré, orange sur fond jaune ou vert sur fond bleu, et regrette amèrement d’être jeune à l’époque où il convient juste de travailler plus pour vendre à perte.

                -Ne t’en fais pas, lui dis-je, cela va bientôt revenir.

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  •             Qu’elle soit paralysée, la main qui écrit cet insupportable blabla sur l’ancien et le nouvel an, la rotation de la Terre, la fuite du temps, les siècles circulaires, les espérances perdues, les grandes résolutions et toute son infernale suite…c’est signé Ambrose Bierce et je l’offre à celles et ceux qui s’épanchent en ce premier jour de l’année nouvelle.

                En bonus, la définition du mot « Année » par le même Ambrose Bierce dans son Dictionnaire du Diable, paru en édition de poche chez Rivages : Période de trois cent soixante-cinq désillusions.

                Deux mille huit étant bissextile, il reste un espoir.

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