•             Je lis la nuit quand je suis seul et ne dors pas. Cette semaine, c’est l’ouvrage (catalogue d’exposition) intitulé Marie de Régnier, muse et poète de la Belle Epoque qui me tient compagnie.

                Marie est bien plus intéressante par sa vie que par ses écrits, c’est la deuxième des trois filles de José-Maria de Heredia rendu soudain célèbre par son seul livre Les Trophées qui lui vaut naturalisation et Académie française. Celui-ci tient salon tous les samedis. A cette occasion, Marie fait connaissance d’Henri de Régnier, alors jeune poète symboliste, elle a douze ans, puis celle de Pierre Louÿs, amené là par Régnier, elle a quinze ans.. Elle écrit ses premiers poèmes et crée l’Académie canaque ou Canacadémie où le discours d’usage est remplacé par un concours de grimaces, elle a dix-huit ans, parmi les membres : Marcel Proust, Paul Valéry, Henry de Régnier, Pierre Louÿs, Jean de Tinan, Philippe Berthelot et Léon Blum.

                José-Maria de Heredia s’endette par le jeu. Henry de Régnier propose de remettre le père à flot en épousant la fille. Marie furieuse jure de se refuser à son mari et de s’offrir à Pierre Louÿs. Ce qu’elle fait tout en ayant une aventure avec Jean de Tinan pendant que Louÿs fait de même avec la jeune Mauresque Zohra bent Brahim.

                Un enfant naît, officiellement de Régnier et en réalité de Louÿs. Les deux hommes vont ensemble à la mairie pour le déclarer. Pierre Louÿs est désigné parrain par la volonté de Marie. Celle-ci lui propose d’épouser Louise, sa jeune sœur, afin de faciliter leurs rencontres, ce qu’il fait.

                Elle a ensuite une liaison avec la lesbienne Georgie Raoul-Duval, qui auparavant faisait la troisième avec Colette et Willy, puis se détache peu à peu de Pierre Louÿs et a pour amants, après la mort de son père, Jean-Louis Vaudoyer, poète aujourd’hui oublié, puis Edmond Jaloux, Henry Bernstein, dramaturge qui la bat, Gabriele D’Annunzio et d’autres.

                A la mort de Pierre Louÿs, le secrétaire de celui-ci fait chanter Marie. Elle parvient à racheter le dossier secret contenant lettres érotiques et photos pornographiques mais une copie subsiste.

                Un an plus tard, nouveau scandale, est publié sous le manteau (comme on dit) Trois filles de leur mère, provocant récit pornographique mettant en scène les trois filles Heredia, Hélène, Marie et Louise, version fantasmée de leur histoire signée Pierre Louÿs.

                Oui, je passe de bonnes nuits avec Marie de Régnier, grâce à ce catalogue d’exposition publié par la Bibliothèque Nationale de France qui me donne envie de rechercher dans ma bibliothèque le Dossier secret : Pierre Louÿs - Marie de Régnier publié chez Christian Bourgois en deux mille deux et Trois filles de leur mère publié par le même dans la collection Dix/Dix-Huit.

                Et je ne manquerai pas, comme chaque année, à l’occasion du prochain vide-grenier d’aller saluer en sa tombe, au cimetière de Bonsecours, le père d’une fille si réussie.

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  •             Dimanche vingt-sept janvier, j’envoie le mail suivant à Ernest Pignon-Ernest :

                « Bonjour

                Je viens de voir avec peu de plaisir le néo-classique Roméo et Juliette des Ballets de Monaco dont vous signez la scénographie. Je n'arrive pas à relier cette collaboration avec les pratiques artistiques qui sont les vôtres. Ce travail n'est pas évoqué sur votre site, ni sur la page qui vous est consacrée sur Wikipédia.

                Pourquoi?

                Vous remerciant par avance de votre réponse, bien cordialement. »

                Ernest Pignon-Ernest me répond le même jour :

                « ....et bien moi j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec ce chorégraphe, mon parti pris pour ce genre de travail est d'abord de considérer que l'oeuvre plastique est la chorégraphie elle-même et ne travailler qu'à des espaces qui en favorisent la dynamique, c'est à dire de m'inscrire dans une oeuvre vraiment collective.

                Il y a une page qui concerne mon travail de scénographe dans la monographie.

                Autant que je me souvienne, ce que vous dites dans votre blog à propos de ma réponse concernant le collage de Rimbaud, ou je me suis mal expliqué ou vous n'avez pas compris le sens de ma réponse, mais ça n'a pas beaucoup d'importance.

                Cordialement »

                Le lendemain, vingt-huit janvier, j’essaie d’en savoir un peu plus :

                « Merci de votre réponse. 

                Je perçois bien les raisons pour lesquelles il vous est agréable de travailler à la scénographie d'une troupe de danse, mais pourquoi les Ballets de Monaco qui présentent des chorégraphies d'un autre âge? Pourquoi n'avoir pas choisi, à l'exemple de Picasso avec les Ballets Russes, l'une des troupes belges (flamandes) ou françaises qui sont à la pointe de la danse contemporaine, dont le travail s'inscrit dans le monde d'aujourd'hui et qui laisseront un nom dans l'histoire de la danse? 

                Je suis désolé que le propos que j'ai mis dans votre bouche en réponse à ma question concernant la dégradation de vos affiches n’exprime pas votre pensée. Voulez-vous me reformuler votre propos? Je corrigerai. 

                Verriez-vous un inconvénient à ce que je publie notre échange dans un futur billet de mon Journal de bord? 

                Bonne journée à vous. »

                Las, Ernest Pignon-Ernest en reste là et je n’ai pas réponse à mes questions. Ce qui est sûr, c’est que si l’an prochain les Ballets de Monaco sont encore au programme de l’Opéra de Rouen, je laisserai ma place à un(e) qui aime ça.

                Je ne serai sans doute pas le seul si j’en juge par ce que j’entends ici ou là. L’autre jour, par exemple, à la Halle aux Toiles, madame Duchoze, la femme du galeriste rouennais bien connu, chez qui est exposé Ernest Pignon-Ernest, racontant qu’elle avait assisté à la représentation du Roméo et Juliette pour la scénographie de celui-ci mais que ne supportant absolument pas cette forme de danse, elle avait quitté la salle avant la fin.

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  •             Dernier jour, ce mercredi vingt février, pour voir l’exposition Mïrka Lugosi organisée par Marie-Laure Dagoit à son adresse Derrière la Salle de Bains, il est temps que j’y entre.

                Je dis bonjour à l’organisatrice fort occupée à des travaux de pliage et d’enfilage et fais le tour des murs du couloir sur lesquels sont exposées les images de Mïrka Lugosi qui en raison de leurs dimensions réduites ne souffrent pas trop de l’exiguïté des lieux.

                Mïrka Lugosi est peintre d’images, comme elle le dit d’elle-même. Ici sont présentés des tirages limités de ses œuvres originales, dessins d’un érotisme inquiétant et lumineux, cérébral et provocateur, animal et faussement naïf, tout cela à la fois.

                Cet échantillon me donne envie d’en voir davantage et dans de meilleures conditions. Je vais guetter le nom de Mïrka Lugosi au catalogue des futures expositions parisiennes.

                Je retourne dans la petite pièce du fond où s’affaire Marie-Laure Dagoit. Je lui demande quelle est cette chanson qui sort de son ordinateur.

                -C’est Daniel Darc, me répond-elle.

                -Ah bon, je l’ai entendu il y quelques années au Rock Dans Tous Ses Etats, c’était totalement différent et moins bien que ça.

                Elle prend l’air outragé qu’elle sait si bien se composer.

                -Ah non, c’est mieux sur scène, ça c’est de la pop, c’est pas intéressant.

                Je me demande pourquoi elle l’écoute alors. Ce n’est pas la question que je lui pose. Je n’ai pas envie de l'agacer davantage. Je m’interroge juste à haute voix sur le fait que certains chanteurs très rock sur scène font des enregistrement acoustiques de leurs chansonnettes.

                -Ah non Michel, ce n’est pas le jour, s’énerve-t-elle, qu’est-ce que tu veux que j’en sache ? Elle attrape un de ses pliages et l’enfourne violemment dans sa pochette de cellophane en disant : Allez au suivant !

                Je reçois son message cinq sur cinq. Okay à la prochaine. Je sors de la baignoire encore tout mouillé.

                La prochaine exposition, c’est Pierre Molinier dont les œuvres mériteraient un lieu plus vaste et plus tranquille mais à Rouen, je dois faire avec le peu qui existe et donc j’irai voir ça malgré les mauvaises conditions d’accrochage et la mauvaise humeur éventuelle de la fille Derrière la Salle de Bains.

                Je n’ai pas eu le temps de lui demander pourquoi, elle qui se défend toujours d’écrire de la littérature érotique, lors d’un entretien récent paru dans Paris Normandie, à la question : « Pourquoi écrivez-vous des textes érotiques ? », elle répond sans protester : « J'écris des textes érotiques par plaisir. ». Je sens que ça lui aurait plu comme question.

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  •             Je sais que quatre listes sont en lice pour les municipales à Rouen : deux trotskistes (une de la Ligue Communiste Révolutionnaire (Elle c’est air), une de Lutte Ouvrière (Elle eau), une de droite et une de gauche.

                Celle de droite s’appelle « Confiance en Rouen ». C’est bizarre. Qu’est-ce que ça veut dire avoir confiance en Rouen ? Il a dû se tromper Albert, c’est « Rouen me fait confiance » qu’il voulait dire. Il va voir.

                Celle de gauche s’appelle « Rouen motivée ». C’est bizarre. Comment Rouen peut-elle être motivée ? Elle a dû se tromper Valérie, c’est « Motivée pour Rouen » qu’elle voulait dire. On va voir.

                Bien que je vive en plein centre de la ville, je n’ai guère d’informations sur ce qui se passe pendant la campagne des municipales. Ma boite à lettres est protégée contre la distribution de publicités, l’affichage est interdit, les donneurs et donneuses de tracts ne sont pas encore levé(e)s à l’heure matutinale où je fréquente les marchés.

                Il est vrai que je pourrais me rendre aux réunions électorales mais je ne peux m’y résoudre, je ne supporte pas d’entendre les politicien(ne)s. Je pourrais aussi lire régulièrement le quotidien régional mais son soutien au maire sortant m’exaspère. Je consulte sur le site Grand Rouen les comparatifs des programmes des deux principales listes (les deux autres y sont totalement ignorées) mais je n’y vois que généralités banales. Bref, je ne sais pas grand-chose, ce qui ne m’empêche pas de savoir pour qui je ne voterai pas au premier tour.

                Quand même j’ai su, à droite, grâce au blog de Laure Leforestier (vraie Modem qui l’a payé cher), la mascarade de la Saint-Valentin. Albert (tiny), maire sortant sarko-centriste (ou centro-sarkoziste) dévoilant sa flamme à la ville de Rouen via une petite annonce dans Le Figaro puis, avec ses colistiers et colistières (Uhemmepé, Nouveau Centre et partie du Modem soumise à la droite), déambulant dans les rues avec petits ballons en forme de cœur et distribution de romans à l’eau de rose. Totalement affligeant.

                Quand même j’ai lu, à gauche, sur le site de Paris Normandie, une décevante déclaration. C’est à propos des caméras de surveillance installées en ville. Patrick Michel, l’actuel adjoint à la Sécurité s’en félicite évidemment et benoîtement explique que « Sur des mouvements type Cépéheu, le dispositif sera très utile aux forces de l'ordre. ». Que pense Fourneyron (Valérie), socialiste, tête de liste de « Rouen motivée », de ces caméras ? « Nous ne sommes pas opposés par principe à la vidéosurveillance. Même si nous préférerions une société qui n'a pas besoin d'en arriver là. Il faudra impérativement réaliser une évaluation précise de l'efficacité du dispositif, notamment en matière de protection des libertés individuelles, pour envisager une éventuelle extension. » Totalement inquiétant.

                Je préfère une société où quelqu’une se disant de gauche ne tienne pas ce genre de propos. Par principe, ce n’est pas pour sa liste que je voterai au premier tour.

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  •             A pied, en longeant le Robec, je me rends ce lundi à la pompeusement nommée Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Normandie afin d’y entendre Patrick Bouchain, architecte et scénographe bien connu. Il est dix-sept heures quinze, me voici devant l’ancienne usine Fromage. C’est là que maintenant on apprend à faire l’architecte en Normandie. Je traverse le parc en diagonale, droit sur la cheminée de briques rouges. J’entre à la suite d’un quidam à serviette qui ne peut manquer de venir ici pour la même raison que moi dans ce lieu que je ne connais pas encore.

                Un verre de cidre bien frais m’est offert sous l’imposant double escalier hélicoïdal complété de coursives qui dessert les étages, une sorte d’orgue en fer forgé parcouru en tous sens par les élèves (certain(e)s badgé(e)s) et cela me fait penser au sulfureux Alain Robbe-Grillet, mort aujourd’hui, précisément au titre d’un de ses romans Le Voyeur, à son goût des jeunes filles, certaines ici sont très séduisantes et quelles jolies jambes vraiment, vues d’ici

                Je cesse de rêver et trouve place dans le modeste amphithéâtre où se tient la conférence. Le directeur de l’école, dûment badgé lui aussi, remercie les présents, étudiant(e)s d’ici et d’ailleurs (ce sont les rencontres des écoles d’architecture françaises et d’Europe centrale et orientale), architectes des environs et personnalités extérieures. Il oublie de citer le simple curieux que je suis.

                Une professeure présente rapidement l’invité et c’est à lui.

                Patrick Bouchain interroge la commande publique. Qui construit ? demande-t-il. Celui qui réclame. Celui qui se plaint. Plutôt que celui qui désire. L’architecture publique est l’expression d’un manque (on veut tel équipement parce que la ville voisine le possède) L’élu reporte ensuite la demande sur les techniciens via le programmiste et s’ensuivent concours anonymes et choix d’entreprises mieux disantes. Au final, l’usager ne s’y retrouve pas et est déçu.

                Pour faire du différent, continue-t-il, il faut des commandes simples. A titre d’exemples, avec des images, il commente certaines de ses réalisations passées : l’auditorium La Grange au Lac à Evian, le siège social de Thomson Multimédia conçu avec Daniel Buren à Boulogne-Billancourt, la commémoration du bicentenaire de la Révolution à Valmy, les deux plateaux de la cour d’honneur du Palais Royal conçus avec Buren (qui lui valurent de connaître la prison, dit-il, je ne me souviens plus de cette histoire), le Théâtre du Centaure à Marseille, les roues du passage à l’an deux mille sur les Champs-Élysées, l’ancienne usine Lu de Nantes devenue salle de spectacle sous le nom de Lieu Unique, l’Ecole de cirque Fratellini de Saint-Denis, la Condition Publique (manufacture culturelle) à Roubaix, le Caravansérail (chapiteau à ossature de bois de la Ferme du Buisson) à Marne-la-Vallée et l’Ecole de cirque Le Dragon Volant à Rosny-sous-Bois. Il évoque aussi son travail pour le Théâtre Equestre Zingaro à Aubervilliers et la Ferme du Bonheur à Nanterre.

                Libertaire, adepte de l’autoconstruction et de la récupération, désormais libéré de l’obligation du travail, Patrick Bouchain conclut en expliquant qu’il va désormais s’inspirer pour le logement social de ce qu’il a fait pour les bâtiments culturels en créant une Société Coopérative d’Intérêt Collectif. Cela pour faire aboutir en quinze ans quatre projets dans quatre villes bien différentes : Calais, Nantes, Marseille et Nanterre. Je note cette idée : donner aux adolescent(e)s l’accès direct à leur chambre sans passer par le salon familial.

                Quelques questions pas vraiment intéressantes du public, applaudissements, et tout le mode se retrouve dans la grande salle pour un nouveau verre de cidre Ponpon. Le directeur de l’Ecole d’Architecture remercie quelques autorités qui viennent juste d’arriver, la dernière, (cerise sur le gâteau, flagorne-t-il), étant Catherine Morin-Desailly, Officielle de la Culture à la mairie de Rouen.

                Je quitte ce beau monde et rentre à pied par la longue route de Darnétal. Je n’y croise que trois personnes bien qu’il ne soit que vingt heures. Cela me permet de songer tranquillement au goût qu’ont les institutions pour les personnages atypiques, comme on aime les inviter ici ou là, et leur laisser, ici et là toujours, quelques terrains de jeux où mettre en œuvre leurs idées dérangeantes.

                Ainsi en est-il avec Patrick Bouchain, je crois. A l’abri de cet alibi et d’autres du même genre, ceux qui décident, ceux qui ont confisqué le pouvoir, continuent à faire bâtir à grande échelle, avec l’aide d’architectes conformistes ou paresseux, de moches bâtiments pas pratiques pour leurs pauvres.

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  •             Je reçois ma facture de téléphone. Je vérifie rapidement si cela correspond à mes appels. Une rubrique m’arrête : services télématiques. A ce titre, je suis taxé pour un appel au Trente-Six Onze effectué avec mon bon vieux Minitel.

                Jusqu'à présent les appels de courte durée pour consulter l’annuaire y étaient gratuits et comme le Minitel est bien plus rapide à mettre en fonction que mon ordinateur, c’est cette solution que je choisissais pour trouver tel ou tel numéro de téléphone. Je constate que c’est désormais payant et que je n’en ai pas été informé par France Telecom.

                En revanche, France Telecom joint à ma facture un dépliant publicitaire où sont vantés quelques dixièmes de centime de baisse à la minute pour les appels vers les fixes et les mobiles.

                J’appelle le Service Clients (comme ils disent maintenant) au Dix Quatorze pour faire état de mon mécontentement. Un jeune homme me répond qu’il n’est pas là pour cela et me raccroche au nez. Je rappelle. Une jeune femme me dit qu’elle comprend parfaitement, qu’elle trouve elle aussi que France Telecom devrait informer par écrit de tous ses changements de tarif, les hausses comme les baisses. Elle m’invite à protester auprès du Service Info Consommateur France Telecom Fixe, m’en donne l’adresse et également son nom à elle.

                Maintenant que faire de mon Minitel ? Il ne me sert plus à rien. Sa place est à la poubelle.

                Je ne peux m’y résoudre. Je sais ce que je dois à cet engin. Dans les années d’avant Internet, un jeudi d’Ascension, la messagerie Trente-Six Quatorze Chez, grâce à laquelle je jouais avec le hasard, m’a fait une bien jolie surprise.

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  •             Ce samedi s’achève pour moi l’année du Morbihan et commence celle de la Moselle. C’est avec celle qui me rejoint en fin de semaine que je fête cet anniversaire par un dîner à la Peña, le restaurant chilien et rouennais de la rue des Augustins, un accueil sympathique, une bougie sur la table, une décoration un peu passe-partout, de la musique qu’on peut ne pas entendre, un bon choix de coquetèles, une cuisine goûteuse avec des plats au nom espagnol que je ne peux retenir et un service attentif, de quoi passer une bonne soirée et même de rattraper la Saint-Valentin empêchée par une distance de cent vingt kilomètres entre nous deux le jour vé.

                Nous sortons de là un peu pompettes et rentrons à pied par la large voie réservée à Teor, le bus qui va vite.

                Ce matin au petit déjeuner, plutôt que de lui faire découvrir Yves Simon et sa chanson Sur les bords de la Moselle/ J’avais un amour/ Qui me faisait des quenelles/ Des patates au four, je choisis d’entendre avec elle un Gérard Manset de circonstance, en deux temps. Matrice d’abord : Renvoyez-nous d'où on vient/ Par le même canal le même chemin/ De l'éternelle douleur/ De la vallée des pleurs/ Renvoyez-nous pour notre bien/ On n'en veut pas plus on demande rien/ Que de nager dans le grand liquide/ Comme un têtard aux yeux vides/ Matrice tu m'as fait/ Dans son lit défait/ Matrice tu m'as fait/ Mal... le mal est fait. Puis Toutes choses : Et toutes choses se défont/ Comme le plâtre des plafonds/ Comme le vin du carafon/ Quand il devient couleur de cendre/ Et qu’on voit le niveau descendre/ Et que la plaie reste sans fond.

                C’est mon anniversaire. J’ai besoin d’être triste pour être gai.

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  •             Pas d’Ambassadeur pour les Droits de l’Homme évidemment (pourtant avocat, François Zimeray) quand j’arrive ce vendredi à trois heures moins le quart au Tribunal Administratif de Rouen, ne sont là qu’un jeune avocat, une jeune avocate et leur secrétaire qui dans l’urgence s’occupent à tenter de constituer les dossiers de défense de leurs clients, onze Africains (Maliens et Sénégalais). Ceux-ci sont en liberté. En effet, le juge de la Détention et des Libertés considérant leur arrestation irrégulière les a relâchés, certains ont eu le temps de rassembler des documents pour se défendre maintenant contre le Préfet de Police de Paris qui demande leur éloignement, comme dit Brice Hortefeux, ministre de l’Immigration et de l’Identité Nationale.

                Ils font partie des raflés du mardi douze février deux mille huit. À cinq heures du matin, quatre cents policiers accompagnés de chiens ont investi leur foyer de travailleurs migrants au quarante-trois rue des Terres-au-Curé à Paris (portes et mobiliers cassés, violences physiques, disparition de biens). Deux des résidents, terrorisés par les chiens, ont sauté par la fenêtre, l'un d'eux est toujours hospitalisé. Sur les cent quinze personnes interpellées, quatre-vingt-quatre sont menacées de reconduite à la frontière, une ayant été déjà expulsée vers le Mali.

                Le sort d’onze de ces hommes se décide donc à Rouen. Certains sont déjà là, d’autres ne sont convoqués qu’à cinq heures. L’avocat de la Préfecture de Police de Paris vient d’arriver, il complète ses dossiers. La greffière s’agite en tous sens. L’Etat sarkozien veut faire vite mais ce n’est que vers quatre heures que madame le Juge des Reconduites à la Frontière est en mesure de faire son entrée. Nous sommes quatre du Réseau Education Sans Frontières à être venus soutenir ces Sans-Papiers.

                D’emblée, l’avocat des interpellés dénonce les conditions dans lesquelles comparaissent ses clients à la suite d’une libération tardive ne leur ayant pas permis de rassembler tous leurs documents, l’obligeant lui et sa consoeur à une défense très précaire. Il parle de précipitation, de dossiers copiés collés sans tenir compte des cas particuliers, de motivations stéréotypées.

                Chaque cas est étudié plus ou moins vite selon les documents en possession de l’avocate et de l’avocat. S’il y a peu de documents, l’avocat de la Préfecture de Police le dénonce. Quand il y en a, il les suspecte d’être des faux : avec un bon logiciel, rien de plus facile que de faire des certificats de travail, déclare-t-il, et selon lui, il y a doute dès qu’un convoqué porte un nom courant en Afrique (Sow, Traore, et cætera). Deux des intéressés n’ayant pas eu la possibilité de réunir leurs papiers se voient accorder un délai et sont reconvoqués pour lundi après-midi.

                Au fil du temps, la fatigue gagne chacun. Les Africains convoqués sont épuisés et silencieux. La juge oublie l’un des dossiers et doit quitter la salle de tribunal pour aller le chercher. Les avocats des deux bords répètent le même propos à chaque dossier avec un peu moins de conviction à chaque fois. Arrive le dernier cas, il concerne un homme très mince et très grand qui visiblement souffre beaucoup. Il porte un corset et est allongé sur un fauteuil plutôt qu’assis. Son avocat explique qu’il est atteint d’une grave tuberculose attestée par des certificats médicaux indiscutables, ce qui ne l’a pas empêché d’être raflé avec les autres puis emprisonné au Centre de Rétention de Oissel. L’avocat de la Préfecture de Police ne conteste pas mais ergote.

                Finalement, madame le Juge de la Reconduite à la Frontière annonce qu’elle ne donnera pas sa décision dans la précipitation. Elle veut avoir la temps d’étudier le dossier de chacun. Le délibéré ne sera rendu que mardi. Sauf pour le dernier cas, ajoute-t-elle. Immédiatement, elle déboute le Préfet de Police de Paris, l’homme tuberculeux peut rester en France pour se soigner.

                Il est six heures et quart. Avant de partir, je discute avec l’un des interpellés. Il me demande à combien de kilomètres de Paris ils sont, le temps que met le train pour y retourner et le prix d’un billet.

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  •             Sous le prétexte malhonnête de l’insalubrité, le ministre de la Rafle et du Drapeau, comme le nomme le Réseau Education Sans Frontières, vient de réaliser un sale coup au foyer des Terres-au-Curé dans le treizième arrondissement de Paris. Après le passage des policiers, les portes défoncées et les chambres saccagées témoignent du véritable objectif de l’opération. 
                Cent sept étrangers en situation irrégulière ainsi que ceux en situation régulière en font les frais.

                Le numéro de Libération de ce jeudi reproduit le témoignage de l’un d’eux : « Ils nous ont mis dehors. Certains n’ont pas eu le temps de s’habiller. On a attendu une demi-heure dans le froid. Pendant ce temps-là, ils ont fouillé les chambres. Puis, ils nous ont fouillé dix par dix. Quand nous sommes rentrés dans les chambres, on a trouvé un Coran déchiré et piétiné. Des chargeurs de portables détruits, les fils coupés, des téléphones avaient disparu. »

                Onze des Sans-Papiers de ce foyer sont maintenant au Centre de Rétention de Oissel, dans l’agglomération rouennaise, et passent ce vendredi après-midi à quinze heures devant le Tribunal Administratif de Rouen.

                Y verrai-je François Zimeray, le nouvel Ambassadeur pour les Droits de l’Homme ?

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  •             Après que Le Figaro a annoncé à tort le ralliement de François Zimeray, président socialiste fabusien de l’agglo de Rouen, à la liste centro-sarkoziste d’Albert (tiny), maire de Rouen, pour les prochaines municipales, le dernier Conseil des Ministres vient de montrer qu’il peut faire mieux. Le voici nommé Ambassadeur pour les Droits de l’Homme par le Tout Puissant de la République, l’ami des dictateurs.

                Libération, dans son édition d’hier, explique comment le titulaire de cette haute fonction a été débarqué pour faire place au nouveau rallié en ces termes : « Le prédécesseur de Zimeray, Michel Doucin, goûte de son côté assez peu la méthode «expéditive» avec laquelle il a été débarqué. «C’est simple, raconte-t-il, j’ai reçu un coup de fil mardi pour me dire de faire mes valises, un truc de gougnafier. ». Ce journal expose également l’enthousiasme qu’a déclenché cette nomination au Ministère des Affaires Etrangères : « Au Quai d’Orsay, on raconte volontiers comment Rama Yade, secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme qui a intronisé Zimeray au conseil des ministres, se dit en privé désolée, expliquant que le parachutage «vient d’en haut», de l’Elysée, et qu’elle n’est pour rien dans cette nomination «politique ».

                Eh bien, bravo François. La France n’attendait que toi pour faire don à l’exportation de ces Droits de l’Homme dont on n’a que faire dans notre beau pays quand il s’agit des étrangers y ayant cru suffisamment pour faire le voyage jusqu’ici.

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