•             Première fois que je reçois une invitation à  bien vouloir honneur de ma présence une exposition de l’Ecole des Beaux-Arts de Rouen avec en entête les noms de Valérie Fourneyron, Députée Maire et de Laurence Tison, Ajointe au Maire, chargée de la Culture et du Spectacle Vivant.

                La culture avec ou sans majuscule, je ne sais pas très bien ce que c’est mais que la nouvelle municipalité n’y inclut pas le spectacle vivant (avec ou sans majuscules), je trouve ça étrange.

                Quoi qu’il en soit, à l’heure où j’y suis je ne vois là ni la maire ni l’adjointe. Peu de monde me tient compagnie dans les deux salles de la grande galerie. Quelques beauzarteux et beauzarteuses et quelques invité(e)s comme moi, après avoir parcouru l’univers visuel de Véronique Boudier et l’univers sonore d’Emmanuel Laguarrigue, n’ont d’autre choix que de sortir. Nul imprimé n’est là pour expliquer le propos des deux artistes. C’est du vernissage à bas bruit. Il doit y avoir un bar quelque part mais le vin qu’on y sert je le connais.

                Emmanuel Laguarrigue présente Impressions chosen from another time une installation qui me fait songer à celles de Claude Lévêque vues récemment à la galerie Mennour à Paris : des cubes métalliques, des néons, des baffles grandes et petites, dont certaines s’embrassent sur la bouche, et du son (musique et voix superposés) en boucle.

                Véronique Boudier présente Tu tu une installation vidéo de trois grands écrans sur trois murs différents où est projeté en décalage le même film montrant les évolutions gracieuses d’une danseuse en tutu et masque du genre de ceux utilisés dans les cérémonies sadomaso.

                Le premier comme la seconde travaillent sur la répétition, aussi, me dis-je, tu peux rester longtemps à écouter ou à voir la même chose, si t’es têtu, sinon tu te tues…euh… sinon tu te tires. C’est ce que je fais.

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  •             Pour trois jours le Secours Populaire de Rouen occupe le rez-de-chaussée de la Halle aux Toiles. Il s’agit de vendre des livres au profit de l’association. Entouré de pas mal de bibliomanes de ma sorte, j’y suis dès ce vendredi matin, à l’heure de l’ouverture des portes. Je sais ce qui m’attend à l’intérieur. Beaucoup de livres, dont peu m’intéressent, gérés par un groupe de nostalgiques du communisme qui trouvent là l’occasion de mettre en place temporairement la société de leur rêve.

                Au mur des citations d’auteurs de divers horizons, recopiées d’une belle écriture d’institutrice ou d’instituteur, vantent les charmes de la lecture. Derrière les tables où l’on règle ses achats, ces dames sont déjà en train de se pouiller. Chaque année c’est ainsi, elles font le bien ensemble mais elles se détestent. Les hommes, eux, patrouillent dans la salle et suspectent chacun(e) portant un sac à la main. Le râleur en chef dénonce le désordre mis par les acheteurs potentiels.

                Le meilleur est à venir, au moment de payer : une première attente pour obtenir un ticket marqué de la somme due, une deuxième attente un peu plus loin pour payer, une troisième attente pour récupérer mes livres contre le ticket marqué payé. Chaque année je me plonge avec ravissement dans ce petit univers bureaucratique.

                France Trois Haute-Normandie arrive et installe sa caméra au centre de la salle. Je dois partir avant d’être interrogé sur mes achats, trois livres érotiques : Le Buisson ardent d’Hervé René Martin (Le Cercle Poche), Histoire du roi Gonzalve et des douze princesses de Pierre Louÿs (La Musardine) et Les tableaux vivants (anecdotes véridiques tirées de nos amours avec nos libertines illustres et nos fouteuses de qualité) d’un anonyme du dix-neuvième siècle (La Musardine). Dommage, une petite interviou aurait contribué à établir ma réputation dans la région.

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  •             Soirée danse ce jeudi à l’Opéra de Rouen avec la venue de la Compagnie Nationale de Danse espagnole et de son chorégraphe Nacho Duato, des scolaires (comme on dit) s’installent un peu partout dans la salle. Derrière moi quatre filles s’interrogent. Elles ne savent pas ce qu’elles vont voir : un ballet ? une comédie musicale ? Légère défaillance du côté de la préparation au spectacle, une professeure a fort à faire. Présentement, celle-ci cherche quelques-un(e)s de ses élèves.

                -Ils ne sont quand même pas repartis ?

                Un jeune couple cherche ses places. Lui la mène n’importe où. Elle se laisse faire. Trois fois, comme tous mes voisins et voisines du rang Effe du premier balcon, je me lève pour les laisser passer. Ils finissent par s’asseoir au bon endroit. Chacun(e) les considère d’un sourire amusé. Le public semble de bonne humeur ce soir.

                Une bonne humeur qui ne se dément pas à la vision des deux parties de la chorégraphie de Nacho Duato (créée à la fin du siècle précédent) Multiplicidad (Multiplicité) et Formas de silencio y vacio (Formes de silence et de vide) sur des musiques de Johann Sebastian Bach. Ce dernier meurt à la fin.

                Cela se présente comme une succession de saynètes. Les danseurs et danseuses sont parfait(e)s et leurs évolutions des plus esthétiques. Entre l’une des Variations Goldberg (Glenn Gould au piano) en prologue (dansé par Nacho Duato lui-même) et la même par le même en épilogue, on passe par de jolis duos et de charmants mouvements d’ensemble, accompagnés par le violoncelle ou par le clavecin, par l’orchestre ou par l’orgue. C’est une agréable façon de réviser son Bach.

                Dans un entretien reproduit sur le livret-programme, Nacho Duato parle de « l’humanisme de la musique de Bach ». L’humanisme, j’ai toujours du mal avec ça. Et comment une musique peut être humaniste, c’est pour moi un profond mystère.

                Au dernier baisser de rideau, après de nombreux applaudissements, tous mes voisins et voisines se précipitent concomitamment vers la sortie la plus proche en une belle envolée, sorte de prolongement du spectacle. Je les suis tranquillement. Autant je n’aime pas attendre, autant je n’aime pas me presser.

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  •             Le temps est presque printanier à Paris ce mercredi, idéal pour aller sur les deux rives de librairie en librairie avec pause déjeuner dans le jardin de Cluny. Je passe par des cases familières : Joseph Gibert, Boulinier, Gibert Jeune, Mona Lisait puis rejoins la rue Saint-Honoré pour une petite visite chez Parallèles (livres disques nouvelle presse), une survivante de l’effervescence des années soixante-dix, toujours bien attrayante, même si, retour à l’ordre moral oblige, je n’y vois plus certains livres ou revues qui faisaient autrefois son attrait. De là je vais rue de la Bourbonnais, à côté, chez sa petite sœur Gilda (occasion achat-vente). Je me charge un peu plus, content de trouver là, pour moins d’un euro, le Petit traité de désinvolture de Denis Grozdanovitch, livre qui porte en exergue cette citation de Charles Albert Cingria : Il n’y a rien de plus fructueux ni de plus amusant que d’être distrait d’une chose par une autre chose.

                Ce n’est pas ce livre que j’ouvre un peu plus tard au Malongo Café de la rue Saint-André-des-Arts mais le roman d’Emmanuel Bove commencé le matin dans le train, L’Amour de Pierre Neuhart, acheté dimanche dernier à la vente d’Amnesty Intenational de Val-de-Reuil, roman qui narre la rencontre d’un industriel presque quadragénaire avec une jeune fille de dix-sept ans.

                Dans sa préface, David Nahmias évoque le purgatoire dans lequel était tombé Emmanuel Bove, auteur à succès des années vingt et trente du vingtième siècle, puis sa redécouverte récente. Ce qui m’étonne, quant à moi, c’est que le Castor Astral, éditeur de qualité, ait cru bon de rééditer ce roman qui n’évite aucun des clichés circulant sur ce genre d’histoire d’amour. Evidemment, l’industriel, après avoir été ruiné par la petite peste, finit alcoolique. Cela est en plus d’une niaiserie absolue. Je me gausse à la lecture de l’épisode du baiser dans la rue :

                Un après-midi, il ne put s’empêcher de l’embrasser sur les lèvres en pleine rue. Elle rougit et, les yeux brillants de colère, lui dit :

                -C’est fini, je ne sortirai plus avec vous.

                Car elle le tutoyait et lui disait vous tour à tour. Il devint, lui aussi, cramoisi, et l’air humble qu’il eut alors pour l’implorer ne fit qu’accroître la colère de la jeune fille.

                -Vous êtes complètement ridicule et vous me ridiculisez avec vous, ajouta-t-elle.

                Pierre Neuhart était sur le point de pleurer. Il lui semblait que, derrière lui, des passants s’étaient arrêtés. Il dit alors :

                -C’est vrai, vous avez raison. Je vous jure que je ne recommencerai plus.

                Un peu plus tôt, parce que j’ai mauvais esprit, comme disent certain(e)s, j’aime bien la scène du jeu de cartes : Pierre Neuhart lui avait appris l’écarté et, souvent, il lui demandait de jouer…

                Bon, je lis ça d’une façon désinvolte en me laissant distraire par les unes et par les autres, le Malongo Café est presque en face du lycée Fénelon. Je songe à celle que je dois retrouver tout à l’heure, une promenade dans le jardin du Luxembourg et un dîner dans notre restaurant japonais préféré. Si elle est d’accord.

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  •             Je le croise de temps à autre dans les rues piétonnières de Rouen. Il est vert écolo. Sa forme le situe entre l’œuf et le suppositoire géants.

                C’est un cousin du pousse-pousse asiatique. Il a nom vélo-taxi. Il est présentement en démonstration. Il doit ensuite se multiplier dans les rues sans voitures de la ville. Il est fait pour les vieux et les vieilles argenté(e)s et il donnera un travail précaire à de jeunes désargenté(e)s. Allez, pédale, et plus vite que ça !

                Qu’il soit couvert de publicité en dit assez long sur sa véritable raison d’être. Après les panneaux publicitaires fixés à chaque lieu de parcage des Cy’clic, voici le panneau publicitaire ambulant.

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  •             Il paraît qu’elle travaille beaucoup Valérie Fourneyron, députée-maire de Rouen. Je suis curieux de voir ce qui sortira de ses efforts. Pour l’instant, je sais juste qu’elle veut donner le nom du dernier combattant français de la première guerre mondiale à une rue de la ville. C’est nul, tout à fait dans l’air du temps. S’emparer d’un évènement mineur, le placer sur le registre de l’émotion, faire oublier avec cela qu’on ne s’attaque pas aux vrais problèmes, c’est ce que fait Sarkozy régulièrement. Elle ne va pas faire comme lui, j’espère (et s’il manque à Rouen un nom de rue évoquant la guerre de quatorze dix-huit, pourquoi pas rue de la Grande Boucherie ?).

                Il y a tant à faire pour rendre cette ville un peu plus excitante, pour la décanuetiser. Allez, je te donne une idée, Valérie : installe donc quatre ou cinq éoliennes sur la côte Sainte-Catherine.

                Je sais qu’en faisant cette proposition le premier avril deux mille huit, je risque de passer pour un plaisantin. Pourtant je me vois bien dans quelques années, assis en terrasse au Marégraphe. A ma gauche, les pales des éoliennes dessinent des cercles enivrants. A ma droite, le pont levant (si si, il peut se lever) laisse passer un paquebot de croisière sud-américain. Entre les deux, sur le quai, respirant à pleins poumons l’atmosphère assainie d’une ville dépolluée, un coureur à pied profite de sa journée d’Air Tété.

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