•             Une seconde supplémentaire pour aller au bout de deux mille huit, de quoi s’embrasser plus longtemps sous le gui, pour celles et ceux qui en sont capables, sans doute pas les branlotins et branlotines que je côtoie à l’Echiquier, qui ne savent si la fête ce sera chez Thomas ou chez Lucie mais où que ce soit, il s’agit de se soûler à fond.

                Evidemment, deux mille huit qui s’achève et deux mille neuf qui s’annonce ne peuvent que les désespérer, elles et eux qui buvaient déjà avant.

                Cette crise financière et économique m’évite au moins d’entendre le Tout Puissant de la République dire que pour gagner plus, il faut travailler plus. Le travail disparaît un peu plus chaque jour. Ce pourrait être une bonne nouvelle mais étant donné le fonctionnement de la société, c’est le nombre de pauvres et de malheureux qui augmente.

                Celui qui nous gouverne peut continuer à s’agiter, je vois bien qu’il ne sait pas quoi faire pour contenir les effets de l’action des financiers sans scrupules, qui sont par ailleurs ses amis, et qu’il a peur.

                Ces anonymes malfaisants qui agissent dans l’ombre, mobiles et invisibles, débranchant les usines les unes après les autres, saccageant la vie des plus faibles, j’ai le mot pour les qualifier : des terroristes.

                Curieusement, aucun juge ne s’intéresse à eux.

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  •             Lundi après-midi, elle et moi faisons une première étape chez Détéherre à Quévreville-la Poterie parmi les centaines de milliers de livres au milieu des champs. Des ouvrages de tous les genres (cette bouquinerie prend à son compte le propos de Nietzsche Le mauvais goût a son droit autant que le bon goût) et, je le constate à regret, pas un seul pour moi, ce qui est peut-être une bonne chose, j’achète trop de livres.

                Elle fume vite fait une cigarette dans le froid jaune de la campagne normande et nous repartons, direction Louviers.

                Au musée de la ville natale, après Combas, c’est Erró qui fait de la figuration narrative jusqu’au mois de mars. L’entrée est gratuite et nous y sommes seuls en ce jour hivernal. Bien mal foutu ce musée, quatre salles incommodément reliées les unes aux autres mais en l’occurrence, ce n’est pas trop grave car Erró, de son vrai nom Guðmundur Guðmundsson, est multiple, au moins trois. C’est du moins l’impression que me donnent les œuvres ici exposées, la plupart récentes.

                Dans le haule d’entrée, donc peu mises en valeur, figurent les toiles de la série E-mail Breakfast, peintures à l’huile des années deux mille un deux mille deux, saturées de personnages issus des univers de la bédé, de la science-fiction et de la publicité. Trop de choses dans la tête de chacun, c’est l’un des propos d’Erró, qu’il illustre aussi dans la série exposée tout au bout du labyrinthe Target Practice datant de mil neuf cent quatre-vingt-quinze, toiles faites à la peinture glycérophtalique.

                Entre les deux, la série de lithographies, qu’on croirait réalisée par un autre, Le dernier voyage de Mao à Venise, images datant de deux mille trois, raillant la propagande du maoïsme triomphant, plus vraies que vraies, et la série Les lettres d’amour japonais, peintures à l’huile datant des années mil neuf cent soixante-dix-neuf et quatre-vingts, exécutées par un troisième homme, pourrait-on penser, dans un style quasiment hyperréaliste.

                Cette série japonaise est ce qui me plaît le plus dans cette exposition et à elle aussi, je crois. Erró, apprends-je, l’a peinte après avoir rapporté du Japon un lot de documents dont il ignorait tout, les reproduisant fidèlement sans les comprendre. Plus tard, Alain Jouffroy (que je connais bien par la revue Supérieur Inconnu) lui a expliqué qu’il s’agissait de l’histoire d’une rébellion féminine dans le Japon des années vingt du vingtième siècle.

                Une famille arrive au moment où nous en avons fini. Sur le livre d’or, celle qui m'accompagne félicite Erró pour ses Tortues Ninja et « Est-ce que c’est Lucien, celui peint en rose qui se pique dans les toilettes ? ».

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  •             C’est ce lundi que la Cour Administrative d’Appel de Douai se penche sur le cas de la famille Mamedov. Il semble que l’Azerbaïdjan ne souhaite pas voir Musvic revenir dans son pays, ce qui ferait de ce couple, si la décision de la Cour n’est pas en leur faveur, des « ni régularisables, ni expulsables », avec impossibilité de travailler autrement qu’au noir, pour le plus grand profit de certains patrons.

                Le Progrès du vingt-huit décembre deux mille huit interroge Samira :

                Pourquoi Musvic est-il parti en Allemagne ?

                « Nous n’avions plus d’argent, nous ne voulions pas toujours solliciter nos amis français, il est parti en Allemagne car un ami pouvait nous dépanner et nous aurions pu payer la taxe d’habitation qui s’élève à trois cent trente-six euros. »

                Comment vont les enfants ?

                « Narguiz est malade, elle prend des médicaments contre le stress. La petite, Zarha, souffre de troubles digestifs et régulièrement d’infections pulmonaires. »

                Comment analysez-vous votre situation actuelle ?

                « Je vis un cauchemar, nous avons quitté l’Azerbaïdjan, pour un monde meilleur, nous n’avons rien fait, nous voulons seulement travailler et nous intégrer au pays des droits de l’Homme. »

                Vous avez des contacts avec Musvic, comment est-il ?

                « Il est stressé, il s’inquiète beaucoup et il s’ennuie de ses enfants. Il a du mal à réaliser, il a été très choqué d’avoir été arrêté alors qu’il n’avait rien fait. Et dans le même temps, le fait que l’ambassade d’Azerbaïdjan ne lui a pas délivré de laissez-passer pour être renvoyé, c’est un soulagement pour l’instant. »

                Qu’attendez-vous de la décision du tribunal de Douai, lundi ?

                « D’avoir quelque chose de positif et d’obtenir le doit de rester en France, notre souhait ensuite c’est d’obtenir la nationalité française. »

                Quel avenir pour vous en France ?

                « Musvic a déjà des promesses d’emploi et moi je souhaite passer mon permis et ensuite travailler, pourquoi pas dans l’enseignement. »

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  •             Je lis La Vie quotidienne des Ecrivains et des Artistes sous l’Occupation, livre écrit par Gilles et Jean-Robert Ragache, paru en mil neuf cent quatre-vingt-huit chez Hachette. Des deux frères auteurs, le premier est bien connu à Evreux et le second à Rouen. Le sujet de leur livre m’intéresse beaucoup mais sa lecture me déçoit, pas assez fouillé, trop de faits mis à la suite les uns des autres sans réelle réflexion et, ce qui m’énerve, de-ci de-là des petites réflexions moralisatrices de type bonne conscience de gauche.

                Je savais déjà qui des artistes et écrivains français a été carrément collabo ou carrément résistant, ou un peu perdu entre les deux, ou a attendu que ça se passe, facile après de porter des jugements sur les fourvoyés et les hésitants.

                Un épisode assez croustillant raconté par les frères Ragache, c’est la grande exposition consacrée à Arno Breker, le sculpteur officiel du régime nazi, à Paris en mil neuf cent quarante-deux, annoncée en ces termes en première page de Comœdia, journal pronazi :

                Je vous salue Breker

                Je vous salue de la haute patrie des poètes

                Patrie où les Patries n’existent pas, sauf dans la mesure où chacun y apporte le trésor du travail national

                Parce que dans la haute patrie où nous sommes compatriotes, vous me parlez de la France.

                L’auteur de ce mauvais poème est Jean Cocteau. Au vernissage, il est en bonne compagnie : Auguste Perret, Paul Belmondo, Aristide Maillol, Kess Van Dongen, Maurice de Vlaminck, André Derain, Jacques Chardonne, Pierre Drieu la Rochelle et cætera, ce qui fait écrire à Michel Ciry dans son Journal Je relève avec tristesse la veulerie de mes compatriotes devant l’ennuyeux et colossal académisme d’Arno Breker. Ayant bien mal tourné, cet élève de Maillol trône actuellement à l’Orangerie où, d’une monumentalité qui n’est due qu’aux dimensions, d’énormes faux dieux trop musclés, peuplent l’espace de leur vide ambitieux.

                Jean Marais est d’un autre avis, trouvant ces statues « géantes, sensuelles, humaines » et Sacha Guitry, ami d’Arno Breker, déclare « Si ces statues entraient en érection, on ne pourrait plus circuler. »

                Je n’ai jamais rencontré Gilles Ragache qui, lorsque je vivais près d’Evreux, s’occupait là-bas, en ces années soixante-dix, d’Histoire populaire et contestataire, responsable des Editions Floréal et de sa revue Le Peuple français, devenue par la suite Gavroche. Maintenant, je crois qu’il est formateur d’enseignant(e)s et il écrit des livres pour enfants.

                Son frère, Jean-Robert, fut Grand Maître du Grand Orient de France et dans l’équipe de Robert (tiny) à la mairie de Rouen. En stage à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Mont-Saint-Aignan, j’ai étudié avec lui la chanson révolutionnaire de mil sept cent quatre-vingt-neuf à mai soixante-huit.

                Je me souviens de la discussion relative au Temps des cerises de Jean-Baptiste Clément.

                -Je vous mets au défi de trouver quoi que ce soit de révolutionnaire dans les paroles de cette chanson, nous avait-il dit.

                - La couleur des cerises, lui avais-je répondu.

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  •             Vendredi fin d’après-midi, avant d’aller avec elle ramasser des cartons dans les rues de Rouen, je l’invite à boire quelque chose à la brasserie Paul, établissement que je fréquente peu. Il y a affluence, notamment d’enfants, sans doute en raison de la proximité du marché de Noël et de ses activités sportives pour moutard(e)s. Cela nous évite d’entendre le piano mécanique mais nous exaspère et nous incite à la moquerie.

                A côté de nous, une famille s’accroît brusquement. Deux femmes dans la trentaine, aux traits fatigués, sans doute sœurs, avec trois moutard(e)s, sont rejointes par un homme du même âge, mari de l’une et beau-frère de l’autre, accompagné de quatre autres moutard(e)s dont une grande. Un couple de gens âgés, submergé, leur cède sa table et prend la fuite. Après un grand mouvement de chaises, toute la famille est enfin posée.

                Il est quasiment dix-huit heures mais c’est l’heure du goûter avec crêpes dégoulinant de chocolat. Le calme relatif ne dure pas longtemps. La marmaille grouille bientôt entre les chaises. Au fur et à mesure que le bruit et l’agitation s’accroissent, les deux mères se tassent sur leurs chaises. Elles ne savent plus comment contenir leur descendance. Lui, comme le font si bien les mecs, regarde ailleurs. Je devine que tous les trois n’ont qu’une idée en tête : Vivement que l’école reprenne.

                Je songe aux propos du philosophe Marcel Gauchet, l’autre matin sur France Culture. Il parlait du rejet de l’école par certains enfants, de plus en plus nombreux. D’après lui, cela s’explique par l’attitude de leurs parents qui les y déposent le plus tôt possible pour les y reprendre le plus tard possible, une attitude que l’enfant interprète en ces termes :

                -Je t’aime bien mais tu m’emmerdes. Je préfère que ce soit d’autres que moi qui s’occupent de toi. J’ai autre chose à faire de plus intéressant.

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  •             Je ne suis vraiment pas rassuré de savoir que c’est Michelle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur (celle qui voit des terroristes partout), qui garde la France pendant que Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa, Tout Puissant de la République, (après avoir fait son boulot de marchand d’armes auprès de son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, un ami des pauvres) et François Fillon, celui qui fait figure de Premier Ministre, sont en vacances.

                Sarkozy sur une plage brésilienne, Fillon au pied des pyramides égyptiennes, d’autres passent Noël en prison, dont les présumés terroristes Julien Coupat, épicier à Tarnac, et son amoureuse, Yldune Lévy, étudiante en archéologie.

                Cette dernière est bouclée à Fleury-Mérogis depuis le quinze novembre deux mille huit sans jamais avoir été entendue par le juge d’instruction (ce n’est prévu que pour le huit janvier deux mille neuf). Elle est dans une cellule où pendant la nuit la lumière la réveille toutes les deux heures.

                Je pense à elle pendant que j’écoute Johnny Cash chantant dans les prisons de Folsom et de Saint-Quentin, l’un des trois cédés du coffret enfermé dans la jolie boîte métallique de ses Greatests Hits, que m’a offert celle qui passe Noël chez ses parents

                Que fait Michelle Alliot-Marie pendant qu’elle garde la France ? Je crois qu’elle écrit un livre : L’Ultragauchautonomanarchiste pour les Nuls.

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  •             C’est par le site ouaibe de Radio Plein Air que je l’apprends hier : « Musvic Mamedov, ce ressortissant d’Azerbaïdjan, installé dans la région doloise depuis un an et demi, avec femme et enfants, a vu son appel rejeté cet après-midi par la cour d’appel du tribunal administratif de Strasbourg. »

                « Retenu au centre de rétention de Mulhouse, ce père de famille risque désormais d’être expulsé dans son pays d’origine. » conclut le journaliste de cette radio locale.

                J’imagine dans quel état il doit être, et sa femme et ses enfants qui passent ce Noël sans lui. Air France va encore jouer le sale rôle qui lui est désormais habituel, comme le montre ce qui arrive aux  philosophes Sophie Foch-Remusat, Yves Cusset et Pierre Lauret. Ils le racontent dans le Libération de Noël :

                « Mardi 16 décembre, nous sommes quatre philosophes français à prendre l’avion à Roissy pour Kinshasa [République démocratique du Congo, ndlr] afin d’y participer à un colloque avec des philosophes africains, intitulé «Culture du dialogue et passage des frontières». Avant que nous embarquions, un policier distribue une «notice d’information» de la Police aux frontières (PAF) mettant en garde contre les conséquences judiciaires de l’opposition à l’embarquement d’une personne expulsée de France : tous délits cumulés, huit ans d’emprisonnement et 70 000 euros d’amende ! Ainsi avertis, nous constatons qu’au fond de l’avion, un homme et une femme, d’origine africaine, sont assis, menottés, et entourés de plusieurs policiers en civil.

                Pouvons-nous tranquillement nous asseoir pour aller en Afrique parler avec des Africains du dialogue, des droits de l’homme et de l’accueil des étrangers, alors que dans notre avion deux de ces «étrangers» sont menottés, escortés, expulsés ? Citoyens d’une démocratie dont la constitution est censément adossée à une charte des droits de l’homme, nous décidons d’aller demander à quel titre ces personnes sont expulsées. Les policiers et une hôtesse de l’air, très tendus, nous ordonnent de nous asseoir. Un policier finit par nous dire qu’il s’agit d’étrangers sans titre de séjour et que c’est la loi. Pendant ce temps, la cabine s’est transformée en un véritable forum où les passagers discutent, protestent, s’indignent, demandent qu’on enlève les menottes ou que la police descende de l’avion et refusent de s’asseoir.

                L’agitation retombe au bout d’une vingtaine de minutes, le commandant de bord obtient que tous se rassoient afin que l’avion décolle. Nous regagnons nos places. Une passagère lasse et désolée nous explique qu’elle est d’accord avec nous, mais qu’elle va voir sa famille pour Noël, qu’elle est en transit et qu’hier l’avion n’a pas décollé à cause d’un incident similaire. L’hôtesse de l’air vient demander l’identité des trois «fauteurs de trouble». Pierre Lauret refuse.

                Alors que le calme est revenu et que tout le monde attend le décollage, le commandant de bord vient lui annoncer qu’il exerce son pouvoir de le débarquer. Un instant plus tard, des policiers armés et bottés le somment de sortir, finissent par l’arracher à son siège et le sortent manu militari de l’appareil. Sur la passerelle, ils le plaquent au sol et le menottent avec brutalité, son visage éraflé est en sang. Ils débarquent ensuite violemment un jeune homme qui n’avait rigoureusement rien fait ! Pierre Lauret est libéré au bout de six heures de garde à vue, et convoqué au TGI de Bobigny pour «opposition à une mesure de reconduite frontières et entrave à la circulation d’un aéronef».

                Dans l’avion, la discussion continue librement entre les passagers indignés et les deux «complices» restés à bord : un territoire est-il à considérer comme une propriété ? Les frontières en sont-elles les murs ? L’ordre public justifie-t-il tous types de mesure ? Et ce en dépit des intimidations des policiers, et du commandement de bord allant jusqu’à nous menacer de nous livrer à la police congolaise. A leur retour le 22 décembre, Sophie Foch-Rémusat et Yves Cusset sont appréhendés par la police au sortir de l’avion et passent onze heures en garde à vue pour «outrage, menace à agent de la force publique et opposition à mesure de reconduite frontières», en attendant leur convocation devant le procureur.

                Ce qui frappe dans cette histoire, c’est la volonté de constituer un délit d’opinion. Nous avons seulement posé des questions, de manière calme et pacifique, sans jamais émettre ni slogan ni appel. Nous avons ainsi rendu visible et publique une situation qui a fait l’objet d’un débat d’opinion. Mais le seul fait de porter à la connaissance de l’opinion, et qu’elle s’en empare, l’action du gouvernement, est traité comme un grave délit. On vous avertit d’abord de tout ce que vous risquez, et si en dépit de cela vous vous exprimez en posant une question, on vous débarque, on vous brutalise, on vous place sans ménagement en garde à vue et on vous poursuit sur la base d’une qualification ubuesque des faits. Le gouvernement proclame la «légitimité» de ses lois et l’abus qu’il y a à s’insurger contre elles, mais il veille à ce qu’elles soient appliquées en catimini, et pour cela il est prêt à recourir à des sanctions et des brutalités extravagantes. Parce que son action suscite au fond la honte de tous, expulsés, citoyens, équipage, et même certains policiers, le gouvernement redoute l’opinion. Non pas celle qu’il peut manipuler par des fictions médiatiques et des fantasmes d’invasion, mais celle qui se forme publiquement et fait entendre sa voix, dans le débat, face à la réalité des situations humaines.

                Ici, le dispositif d’expulsion des étrangers rencontre un problème : il est délicat d’expulser des Africains dans des avions remplis de passagers africains. Car ces derniers savent qui sont ces hommes qui voyagent en «classe prison». Ils savent qu’ils ont quitté leur pays à cause de la misère, ou de la tyrannie, ou de la guerre. Ils savent le courage dont ils ont dû faire preuve pour arriver en France, puis pour s’y maintenir. Ils savent enfin la honte sociale qui frappe ceux qui sont contraints de rentrer, privés de tous leurs biens et n’osant plus se présenter à leurs proches. Cette opinion est partagée par de nombreux citoyens pour qui ceux qu’on appelle les «immigrés» sont des voisins, des camarades de travail, les copains de leurs enfants.

                C’est cette opinion éclairée que le gouvernement veut museler, avec dans bien des cas la complicité active d’Air France. Il s’agit d’empêcher par tous les moyens qu’on puisse voir les immigrés pour ce qu’ils sont : des hommes et des femmes qui vivent une histoire à la fois tragique et courageuse dans ce monde que nous partageons - si mal - avec eux. Il s’agit de les expulser sans que nul ne se demande ce qu’ils ont vécu avant, et ce qui va leur arriver après. L’important est que les avions décollent à l’heure. Dans l’indifférence au sort de ces hommes entravés qui sont nos compagnons de voyage.

                L’Etat français espère nous conduire à cette docilité en multipliant les inculpations et les sanctions, sans oublier de citer Guy Môquet au passage. Il peut parvenir à ses fins : après tout, on a vu pire dans l’histoire. Dès lors, c’est notre responsabilité politique et morale, à l’heure où la crise financière va lourdement aggraver la situation des pays pauvres et des migrants dans le monde, de nous opposer aux projets dégradants du gouvernement du «pays des droits de l’homme», au sein d’une Europe transformée en forteresse. »

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  •             Ma rencontre l’autre samedi avec les motards de Noël augmente le nombre de mes lecteurs via le site Motard et Compagnie (Motos, Discussions, Balades), mais pas forcément le nombre de mes amis.

                L’un d’eux m’envoie un mail pour me dire : « Une référence à Brassens en appelle une autre ..." qu'on soit ......... quand on est con, on est con " ». Il signe « un motard qui aime les choses de la vie ... ».

                J’ignore s’il est ou non du nombre de ceux qui, chaque Noël à Rouen, font hurler leur moteur à l’arrêt pendant de longues minutes, mais je savais déjà que Brassens parle aussi de moi dans ses chansons.

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  •             Ce mardi soir, je vais à la première (rouennaise) de la Véronique d’André Messager à l’Opéra de Rouen, un spectacle vanté en ces termes : « Drôle et vive sans jamais être vulgaire, cette comédie finement ciselée emporte le spectateur dans un tourbillon musical et visuel idéal pour finir l’année », et qualifié tantôt d’opéra-comique, tantôt d’opérette.

                Avant de partir, je cherche la différence entre les deux et je trouve ceci sur Ouiquipédia : « L'opérette ne diffère de l'opéra-comique que par ses sujets — mettant en scène des personnages du peuple, ou bien des nobles ou des héros de pacotille et non des personnages historiques ou de grands mythes — et par son traitement musical — les exigences requises pour les chanteurs sont moindres: par exemple, des chanteurs comme Bourvil ou Luis Mariano excellents dans le genre, auraient difficilement trouvé une place dans le « grand » répertoire. ». Ce n’est pas avec ça que je peux y voir clair mais je ne cherche pas davantage ; ce soir, pour être à l’unisson, je dois mettre mon cerveau au repos.

                Cette Véronique me fait penser à celle qui m’a tenu la main pendant plus de dix ans. Elle vit désormais à Clichy avec mari et enfants. Si je suis là ce soir, c’est aussi pour cette raison.

                J’ai une bonne place en corbeille. Seulement sur le siège devant le mien s’agite une gamine qui a de bonnes notes au collège. Une place libre m’appelle et elle est excellente. Quand le noir se fait, je traverse l’allée et m’y installe. Plus personne n’est devant moi.

                Dès le lever de rideau, je sens que je n’ai pas eu tort de faire le déplacement. La scénographie due à Denis Fruchaud (cloisons et plates-formes à roulettes déplacées selon le besoin, minimum de décor), complétée par la lumière due à Marc Delamézière, fait passer bien des choses et, comme tout le monde, je suis content d’entendre De-ci, de-là, cahin-caha/ Va chemine va trottine/ Le picotin te récompensera et Poussez, poussez, l'escarpolette (ils se sont mis à deux pour écrire le livret : Albert Vanloo et Georges Duval). A la fin, tout va bien. Le vicomte Florestan de Valaincourt qui avait le choix entre aller en prison à Clichy ou épouser Hélène de Solanges se marie avec Véronique qui n’est autre qu’Hélène de Solanges.

                Le public, moins bien habillé que lors du dernier concert, a l’air réjoui.

                -Ça va plaire à tes parents, entends-je près de moi.

                Au bar, cela sent un peu le marché de Noël (où d’ailleurs l’Opéra tient boutique), c’est qu’aujourd’hui, plus que du champagne, on sert du vin chaud.

                Sur le site de la revue Opérette, je lis « De nos jours, Véronique a complètement disparu des scènes parisiennes et est très rarement montée par les théâtres de l’Hexagone. » Une affirmation qui date un peu. L’an dernier, cette opérette a été représentée dans la capitale, au Théâtre du Châtelet, mise en scène par Fanny Ardant, et il semble qu’en province, elle se multiplie.

                Née en mil huit cent quatre-vingt-dix-huit, Véronique a eu son heure de gloire entre mil neuf cent vingt et mil neuf cent quarante. Elle ressurgit, je ne sais si c’est un symptôme.

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  •             -Il est encore parti en voyage, l’autre enfoiré. Oui, il est au Brésil en train de se faire bronzer et pendant ce temps-là, nous, on mange des nouilles. J’en ai vu des présidents, j’en ai jamais vu un qui voyage tout le temps comme lui. Et les autres au Parti Socialiste qui passent leur temps à s’engueuler. Moi, je vais renvoyer ma carte d’électeur à la Mairie. Oui, je vais le faire. A soixante-quatorze ans, j’attends plus rien. J’ai plus que la mort à attendre.

                Ainsi s’exprime la vieille femme qui est derrière moi dans la file d’attente à la caisse d’Intermarché, place Saint-Marc. Je fais mes dernières courses de Noël. Le réveillon pour elle et moi c’est ce soir vingt-deux décembre (le vingt-quatre, elle est requise par sa famille).

                Quand elle arrive, nous faisons le tour de la ville à pied, en évitant les artères les plus commerçantes, pour découvrir l’ensemble des illuminations municipales. Fourneyron (Valérie) a retrouvé les grosses boules d’Albert (tiny), ancien maire, et aussi ses petites lumières clignotantes. C’est assez sobre et agréable à voir. La laideur vient des ajouts des commerçant(e)s, tous ces sapins ridicules sur la voie publique (la palme revenant à ceux en contreplaqué rouge de la rue Saint-Romain) et aussi des lieux pitoyables où se déroulent les occupations sportives de « Rouen givrée » (pas moyen d’oublier que la maire est médecin du sport).

                Une autre horreur qui n’a rien à voir avec Noël et sera donc permanente, ce sont, rue du Général-Leclerc, les deux nouveaux abribus de la ligne Teor, architecture datée, couleurs verte et bleue juxtaposées. L’un d’eux, sis devant le bel immeuble des Nouvelles Galeries, ruine l’image que l’on peut en avoir. Laurent le Fabuleux a encore frappé.

                Il est temps d’aller prendre un alcool fort et c’est du côté du monde d’hier (dans un lieu empli de hors-la-loi où on écoute de la bonne musique) que la fête commence, vodka pomme pour elle, vodka fraise pour moi.

                Le lendemain matin, après la fête, nous partons pour une nouvelle balade à pied qui nous mène rive gauche dans le brouillard. Le sommet de la tour des Archives est invisible et l’on devine à peine l’esthétique chapiteau du cirque Medrano posé sur le quai.

                Nous allons vers la gauche jusqu’au chantier de ce qui est encore abusivement présenté comme une Médiathèque. Je lui fais découvrir le bâtiment en construction et, à côté, le parc Grammont, quasi désert. Un grand-père promène ses deux petits-enfants. Deux ouvriers à gilet jaune balaient mollement les feuilles.

                Nous nous dirigeons ensuite vers Saint-Sever et nous attardons devant la vitrine de l’agence immobilière Guy Hanot. Elle ressemble à celle d’un antiquaire avec sa collection de pots à tabac.

                -Tu as vu, me dit-elle, il y a aussi des photos à l’intérieur.

                Ce sont celles d’acteurs et d’actrices, de chanteurs et de chanteuses, de sportifs et de sportives, des années cinquante et soixante. Le maître des lieux nous aperçoit et nous ouvre la porte.

                -Ce sont deux visiteurs pour le musée, annonce-t-il à ses employées.

                Je donne à celle qui m’accompagne le nom de celles et ceux que je reconnais sur ces images qui datent de mon enfance, quand les Noëls étaient si tristes.

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