•             Quelques jours d’escapade en Basse-Normandie avec celle qui m’accompagne et nous voici tous les deux de retour à Rouen mercredi quinze avril, spécialement revenus pour le concert Emily Loizeau au Club Cent Six, un chapiteau posé sur le quai (près du squelette du futur Cent Six) où nous n’avons pas encore mis le pied. 
                On attend devant les grillages, un nuage noir monte à l’horizon, des vigiles s’embrassent, une fille passe, lunettes Dior sur le nez, c’est Grace, la chanteuse qui fait première partie, en route vers son hôtel. Bientôt une drache nous tombe dessus. Dans la file, ça râle mais les vigiles, c’est comme les policiers, il leur faut des ordres. L’ordre arrive enfin, les portes s’ouvrent. Le premier vigile que je rencontre entreprend de me tâter. 
                -Je sens que je vais aimer le Cent Six si je me fais tripoter comme ça, lui dis-je. 
                -Vous n’avez pas peur que quelqu’un entre avec un couteau, me répond-il. 
                J’éclate de rire, ce qui l’énerve un peu. Horripilé par cette obsession sécuritaire, je me dis que je ne suis pas prêt de revenir au Cent Six, salle publique où l’on traite le spectateur comme dans le privé. Celle qui me tient la main n’est pas fouillée, elle doit juste vaguement ouvrir son sac. Elle passe donc avec ses trois couteaux. 
                Le concert prévu à vingt heures ne commence que bien après, lorsque Grace revient de son hôtel. Cette première partie est soulante, de la soupe internationale, fanfreluches et colifichets, qu’il faut subir debout, musique actuelle oblige. S’ensuit le changement d’instruments sur scène, très long. Il fait chaud sous le chapiteau et cela pue la sueur. Quelques protestations fusent et enfin entre en scène Emily Loizeau que j’ai beaucoup aimée dans ses précédents concerts.
               Quelle déception, elle ne chante que les chansons de son nouveau cédé qui sont, je le découvre, insipides ou niaises et en interprète plusieurs debout se trémoussant assez ridiculement sur un piédestal, flattant le public avec des plaisanteries pas drôles. Ne reste du passé que la performance vocale 
                Elle en est à pleurer sa Sister quand je sens s’évanouiller celle que je tiens dans mes bras. Je l’entraine vers une aération et elle se ranime. C’est le son fort passant dans son petit corps qui lui a fait mal. 
                On regarde de loin Emily Loizeau interpréter en rappel une chanson de son premier disque, celui des bonnes chansons, et puis on rentre à pied par les quais déserts, slalomant entre les flaques, un peu accablés par la soirée. 
                (Emily, qu’est-ce qui t’arrive ? Un triple conseil : trouve-toi un bon parolier, ne quitte pas ton piano quand tu chantes et arrête tes blagues à deux balles.)

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  •             Maigre public jeudi soir à l’Opéra de Rouen où Thierry Pécou présente deux de ses compositions, complémentées d’œuvres de Manuel De Falla et de Marin Marais. Le second balcon n’est pas ouvert, le premier où je suis n’est pas moitié occupé et en orchestre il reste des places. Soit les retraité(e)s qui composent la grosse majorité du public habituel sont en voyage organisé, soit ils et elles manifestent contre la musique contemporaine.

                Je quitte ma place sur le côté pour une centrée et l’ensemble Zellig, complété de Céline Frisch au clavecin, interprète le Concerto pour clavecin, flûte, hautbois, clarinette, violon et violoncelle de Manuel De Falla, ce dont je me réjouis, les compositeurs espagnols étant très peu souvent au programme de la maison.

                Thierry Pécou vient dire quelques mots. Il explique qu’il a composé Poème du temps et de l’éther pour violoncelle et piano (flûte et clarinette au lointain) après avoir, en Russie, entendu plusieurs cérémonies chantées en même temps dans les différents recoins d’une église orthodoxe. Il ajoute qu’avant Marin Marais, il jouera une sarabande de lui-même.

                Pour le Poème, il est au piano et Silvia Enzi au violoncelle. La flûte et la clarinette au lointain sont en hauteur, au niveau du premier balcon. D’où je suis, on les entend aussi bien que les deux instruments sur scène, aucun effet de lointain, mais l’ensemble s’écoute bien.

                Après la sérénade, Céline Frisch se met au clavecin et Silvia Lenzi s’installe avec sa viole de gambe pour Les Folies d’Espagne pour basse de viole et clavecin de Marais, un vrai plaisir pour celles et ceux qui aiment la musque baroque, d’ailleurs certain(e)s (la plupart à cheveux blancs) s’en vont dès l’œuvre jouée, se dispensant de l’autre composition de Thierry Pécou Les machines désirantes pour piano, flûte, clarinette, saxophone, violon et violoncelle, laquelle il met sous le parrainage de L’Anti-Oedipe de Deleuze et Guattari : D’une certaine manière, il vaudrait mieux que rien ne marche, rien ne fonctionne. Ne pas être né, sortir de la roue des naissances, pas de bouche pour téter, pas d’anus pour chier. Les machines seront-elles assez détraquées, leurs pièces assez détachées pour se rendre et nous rendre au rien ?

                C’est un concert étrange, pas assez de spectateurs et de spectatrices, de trop longs et approximatifs préparatifs sur scène avant chaque morceau, ce qui ne m’empêche pas d’apprécier la musique de Pécou. D’autres semblent moins emballé(e)s. Derrière moi, à l’issue, l’un dit à l’autre :

                -Il faut pas qu’on applaudisse trop fort, sinon il va nous proposer autre chose.

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  •             Mercredi matin, celle avec qui j’ai parlé une longue partie de la nuit dort dans le train. Sa tête est posée sur mes genoux. Quand nous arrivons à Paris, elle prend le chemin de son école et je descends à Châtelet.

                Il pleut, plus ou moins. Mon parapluie tient encore le coup. Chez Boulinier, je trouve pour seulement trois euros cinquante le cédé de Romain Dudek, dont la renommée ne semble pas avoir atteint la capitale. Poésie des usines va trouver sa place dans ma discothèque.

                Je passe rive gauche avec l’intention de visiter, le jour de son ouverture, l’exposition Kandinsky au centre Pompidou. Las, une file d’attente comme je n’en ai jamais vue ici me décourage. Je repasse rive droite, toujours sous la plue, me case au Malongo Café, rue Saint-André-des-Arts, où je lis longuement la correspondance de Frida Kahlo. Beaucoup de douleurs, l’accident de bus qui, à dix-sept ans, la laisse infirme, son mari Diego Rivera qui la trompe (c’est le mot en usage) avec sa sœur Cristina, des plaisirs et du bonheur aussi, sans oublier des surprises pour le lecteur que je suis. Je note celle-ci, concernant la peintre Georgia O’Keeffe : « La pauvre O’Keeffe a passé trois mois à l’hôpital, elle est partie aux Bermudes se reposer. Elle ne m’a pas fait l’amour pendant ce temps, parce qu’elle était trop faible, je crois. Dommage. »

                J’observe parallèlement la clientèle hétéroclite de l’endroit. Un vieille Chinoise sort de son sac un vieux camembert qui pue et le mange à la petite cuillère. Une femme au visage fatiguée s’entretient avec celle qui est peut-être sa fille :

                -J’ai besoin d’une personne qui ne me prend pas pour une folle, qui ne pense pas que je déraisonne, lui dit-elle.

                Je sors de là vers quinze heures et arrive par hasard dans la manifestation dénonçant la future chasse aux soutiens de Sans Papiers. Il y a foule place Saint-Michel. Certain(e)s manifestant(e)s portent l’affichette jaune. Elles et eux demandent à être poursuivis pour avoir aidé ou être prêt(e)s à aider un Sans Papiers. Des camions de télévision à paraboles géantes (Canal Plus, Globe Cast Production) relaient les images. Pas pu y être à Rouen, j’y suis à Paris, par hasard.

                C’est la fin de la manifestation. Dans le métro, j’aide une Sans Papiers et son petit garçon à franchir le tourniquet sans payer, puis rejoins l’Ecole Boulle où j’ai rendez-vous à seize heures avec celle qui me tient la main.

                Il ne pleut plus. Nous décidons d’aller à pied jusqu’au cimetière du Père Lachaise. Elle veut voir la tombe de Bashung. Celle-ci est encore couverte des fleurs de l’enterrement, des bouquets et des gerbes en voie de décomposition, parfaite image des réalités de la mort.

                Nous nous promenons ensuite au hasard dans les allées, puis, boulevard de Charonne, nous entrons au numéro quatre-vingt-seize qui donne son nom à un café bien sympathique, le repaire de libertaires de tout poil. Devant un kir, nous évoquons la vie, la nôtre précisément. Au mur du café, ce conseil avisé : On achète ton bonheur : vole-le !

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  •             C’est un peu dans le désordre. Me voici à la Halle aux Toiles mardi soir, draché par l’averse subie sans parapluie, afin d’y entendre Anna Kasyan, soprano. Je suis l’un des premiers arrivés et donc l’un des mieux placés. Ce n’est pas l’affluence (manque de curiosité pour les musiques arméniennes, russes et géorgiennes). De nombreux compositeurs sont au programme. Seuls les Russes me sont connus (Tchaïkovski, Rimski-Korsakov, Moussorgski, Rachmaninov).

                Derrière moi, une vieille dame énonce la maxime du jour : « C’est quand on se lance dans l’informatique qu’on apprécie les jeunes. » Et d’ajouter que son petit-fils l’aide bien, mais il manque de patience : « Ça fait déjà trois fois que je te le dis ». Le jeune n’est pas parfait.

                Une caméra est posée entre les chaises pour fixer la prestation d’Anna Kasyan, vite renversée par un vieux spectateur. Il la remet en place comme si rien n’était. Elle semble toujours fonctionner quand la soprano, robe noire à paillettes, commence à chanter. Elle est accompagnée par la pianiste Nino Pavlenichvili.

                L’ardente Anna Kasyan ne met pas longtemps à séduire le public, alternant les œuvres guillerettes et celles à caractère dramatique. Il est question de nature printanière et d’amour sensuel : « Allons au bois, cueillir la framboise ».

                Elle récolte beaucoup d’applaudissements et offre un petit Offenbach en cadeau.

                Je quitte la Halle aux Toiles content de ce concert, mais soucieux pour des raisons personnelles (comme on dit). Ce que je ne raconte pas ici, si ce n’est qu’arrive en pleine nuit celle qui a pris le dernier train Paris Rouen.

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  •             A Paris ce mercredi, je ne peux être à dix-huit heures au Palais de Justice de Rouen avec un écriteau autour du cou, ainsi qu’y appellent, comme dans toutes les grandes villes de France, plusieurs organisations, cela à l’initiative d’Emmaüs.

                Il s’agit d’aider Besson, le nouveau ministre de l’Immigration et de l’Identité Nationale, a remplir l’objectif chiffré du Projet de Loi de Finances deux mille neuf : Interpeller, en deux mille dix, cinq mille cinq cents aidants de Sans Papiers.

                « Aidant des Sans Papiers, je suis prêt à être poursuivi », c’est ce qui doit figurer sur l’écriteau.

                Les choses ne s’arrangent pas depuis que Besson a pris la suite d’Hortefeux. Il faut dire qu’étant passé en quelques mois du Péhesse à l’Uhemmepé, disant aujourd’hui sur l’immigration à peu près le contraire de ce qu’il disait hier, il s’y connaît en matière d’identité.

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  •             Samedi matin, aux aurores, j’assiste au ballet des véhicules de fourrière emportant les voitures des imprudent(e)s garé(e)s dans le quartier dit Augustins-Molière où se vident les greniers pendant deux jours chaque année aux Rameaux. Tandis que s’installent vendeurs et vendeuses, des noctambules éméché(e)s se répandent sur le trottoir devant le Dakota Café, bar d’afteure. Deux mondes se côtoient qui ne se reverront que l’an prochain.

                Du quartier rouennais Augustins-Molière, je n’espère pas beaucoup. Je scrute cependant chaque étalage attentivement, à la recherche de livres et de cédés. Vers neuf heures, le comité de quartier juge bon d’envoyer la musique et quelle musique ! Je supporte le disque des Enfoirés (que fait Renan Luce dans cette lamentable prestation ?) jusqu’à ce que ces enfoiré(e)s commencent à massacrer Une petite cantate de Barbara. C’est trop, je prends la fuite, n’ayant pas dépensé un euro.

                Le lendemain, c’est avec celle qui m’a rejoint que je prends la route de Gaillon pour voir si c’est mieux là-bas. Le centre de la petite ville ennuyeuse est livré non seulement aux videurs et videuses mais aussi à toutes sortes de camelots. Elle trouve pour pas cher un méchant cutter et je crains bien de repartir sans rien d’autre qu’un lot de vieilles bougies.

                Elle m’invite à aller voir de plus près le château éternellement en travaux. C’est ainsi que, rebroussant chemin, je trouve chez un vendeur de livres neufs la correspondance de Frida Kahlo, récemment parue chez Points Seuil sous le mauvais titre de Frida Kahlo par Frida Kahlo. Pour le quart de son prix, ce livre devient mien.

                Au retour à Rouen, nous parcourons les allées du vide-grenier Augustins-Molière. La musique est aussi mauvaise que la veille, mais ma chance est de retour (tu pourrais dire que c’est moi qui te porte chance, me dit-elle). Je trouve, pour un euro, un cédé document édité par France Musiques et le Chant du Monde, l’enregistrement fait par un amateur, le premier octobre mil neuf cent cinquante-quatre, du filage d’un concert donné à l’Atelier (Bruxelles) par une débutante interprète de chansons réalistes, une nommée Barbara.

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  •             Vendredi soir, je suis au premier balcon de l’Opéra de Rouen pour assister à la Petite messe solennelle de Gioacchino Rossini que donne l’ensemble Mélisme(s) dirigé par Gildas Pungier, bien placé pour considérer les nombreux sièges inoccupés.

                Très vite cette messe m’ennuie, le chœur ne sonne pas, certain(e)s solistes manquent d’éclat, je n’entends pas l’harmonium et j’entends trop le piano, c’est du moins ainsi que je ressens les choses, ne connaissant par ailleurs rien à la musique.

                Au moment de l’entracte, Gildas Pungier s’adresse au public pour l’inciter à acheter le seul cédé de l’ensemble Mélisme(s), consacré à un compositeur breton.

                A la reprise, c’est pareil, sauf qu’en plus je manque m’endormir. Il fait dire qu’en ce moment je ne suis pas au mieux de ma forme. Les applaudissements sont polis et nous valent en bonus un Ave Maria de je ne sais qui, platement chanté lui aussi.

                Je rentre sans tarder, me disant que je suis loin d’avoir assister au meilleur concert de l’année.

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  •             L’ouverture est prévue pour dix heures vendredi matin, je ne suis pas le seul à attendre. Je reconnais là des bouquinistes rouennais et des trafiquants divers, des particuliers aussi et de faux particuliers, aucune femme. C’est la vente de livres de Terre des Hommes, association caritative.

                L’un des organisateurs vient nous prévenir que la personne qui a la clé est bloquée à l’entrée de Rouen par une voiture ayant pris feu vers le Mont Riboudet. Dès qu’il a le dos tourné, les quolibets fusent : « C’est n’importe quoi », « On doit s’organiser mieux que ça », « Ça n’arrive pas avec les autres » (les autres, ce sont Amnesty International et le Secours Populaire). L’amateur de livres est homme patient et courtois. Je suis bien placé pour le savoir, moi qui peste intérieurement, voyant que le retard augmente le nombre d’acheteurs potentiels.

                La voiture coincée finit par arriver. Chacun pour soi se précipite à l’intérieur. Je sais que parmi l’énorme quantité de livres de toute nature se trouvent quelques pépites qui n’intéressent que moi.

                Cela se confirme. Je pioche d’abord La mort de C. suivi de Le puritain passionné de Gabrielle Wittkop (sulfureuse auteure du Nécrophile) paru chez Verticales en deux mille un, puis Les baromètres de l’âme (Naissance du journal intime), étude littéraire signée Pierre Pachet, parue chez Hatier en mil neuf cent quatre-vingt-dix. Le meilleur est pour la fin avec l’édition originale, parue dans la collection L’infini chez Denoël en mil neuf cent quatre-vingt-quatre, de Vivre, recueil d’articles de Pierre Guyotat, avec envoi de l’auteur à Hervé Bazin, une belle illustration des mœurs en vigueur dans l’édition française.

                Je revois bien la tête d’Hervé Bazin, auteur de beste-selleurs, vivant partiellement à Mont-Saint-Aignan, coiffé comme Mireille Matthieu. Je n’ai lu de lui que Vipère au poing, roman de détestation familiale. Son univers est à mille lieux de celui de Guyotat, mais Bazin étant alors un grand faiseur et défaiseur de prix littéraires, et la collection L’Infini étant dirigée par Philippe Sollers, autre grand faiseur et défaiseur, j’imagine que ce dernier a donné à l’auteur de Vivre une liste de gens influents à caresser dans le sens du poil.

                Pierre Guyotat ne s’est pas foulé. Il a juste écrit « Pour Hervé Bazin », daté « le vingt-cinq janvier mil neuf cent quatre-vingt-quatre » et signé. Evidemment, Bazin n’a jamais lu Vivre, mais a dû je pense envoyer un mot de remerciement, peut-être même s’est-il vengé en envoyant à Pierre Guyotat son livre suivant.

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  •             Je grimpe par la chenille jusqu’au sixième étage du Centre Pompidou, admirant Paris qui se donne à voir dans le soleil, façon carte postale voilée de pollution. Poussant le rideau de la Galerie Deux, j’entre dans Les années parisiennes d’Alexander Calder (Sandy pour les intimes).

                Je n’attends rien d’extraordinaire de cette exposition. Calder n’est pas mon genre, trop gentil, trop enfantin, et c’est bien ce que me confirme certains des films diffusés ici où on le voit faire mumuse avec ses jouets. Il n’empêche que ses statues de fil de fer sont à mon goût, bien mises en valeur par la lumière, ombres projetées ou rétro-éclairage. A l’entrée se trouve le fameux Calder’s Circus dont on peut faire le tour. Plus loin un certain nombre de mobiles et stabiles, rien ne bouge, sauf en images sur les murs. Un extrait de Dreams That Money Can Buy, réalisé par Hans Richter en mil neuf cent quarante-sept, apporte une petite note d’érotisme louche (une nymphette balthusienne mène un aveugle par la main puis jongle assise comme une petite fille ne doit pas le faire, la balle s’envole et se perd dans les mobiles de Calder).

                La suite est dans la Galerie du Musée au niveau quatre, dessins, photos et jouets pour enfants, ces derniers présentés en mouvement par un film. Il fait trop beau pour que je m’attarde. Je redescends, vais chercher mon sac à la consigne, passant devant la Galerie des Enfants où, avec des matériaux lourdingues, le moutard et la moutarde apprennent à faire un petit Calder. Ce « à la manière de » est consternant, que l’on n’ose même plus faire dans les écoles depuis longtemps.

                Dehors se croisent les groupes de touristes et de scolaires (comme on dit), proies rêvées pour les bateleurs en tout genre. Je passe par la librairie Mona Lisait, puis rejoins le Quartier Latin. Devant la fontaine Saint-Michel, une manifestation de Sans Papiers occupe quelques policiers.

                Après avoir fait le tour des librairies, sans rien acheter (un exploit), je fais une pause au Malongo Café, rue Saint-André-des-Arts. D’Odéon, le métro m’emmène à Michel Ange-Auteuil. Arrivé là, je stagne devant le Céhennéresse. En attendant celle avec qui il est question de faire la fête, je constate que rien ne ressemble plus à un professeur de collège qu’un enseignant-chercheur, (même habillement approximatif, même discours vaniteux), Une telle dont la dernière contribution a été tellement appréciée ne peut répondre aux centaines de mails de félicitation. Un tel qui le même jour s’est vu offrir d’enseigner à la Sorbonne et au Céhennéresse a dû décliner la première offre. L’une et l’autre partent dans des directions différentes, vers une vie que j’imagine pas très excitante.

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  •             Près de moi, dans le train, quatre dames institutrices et professeures vont à Paris, elles aussi. C’est mercredi. Elles ont un programme, trois musées puis le Jardin de Plantes. L’une d’elle a tout organisé. Les trois autres n’ont qu’à suivre. Ce sont des artistes également. Elles font de l’aquarelle et ne sont pas pour l’art moderne. Elles disent que l’art conceptuel, c’est juste vider sa poubelle. Elles pourraient me rendre malade, si je ne l’étais déjà.

                A la station de métro, au lieu de la ligne onze je prends la douze, ou l’inverse, je ne sais plus. Je m’en aperçois quand en vain dans le couloir je cherche sur les panneaux la station Belleville.

                -Tu veux un plan ?

                Je me retourne et découvre, me considérant narquoisement, une connaissance rouennaise. Un plan, j’en ai un, ce qui ne m’empêche pas de me perdre. Nous échangeons quelques mots. Il part vers des photos à voir. Je repars à l’aventure et retrouve mon chemin.

                A Belleville, je fais le tour du marché aux puces sauvage. Beaucoup sont Chinois(e)s ce matin parmi les vendeurs et vendeuses, des Arabes aussi, des Africain(e)s (qui parlent des trois cents noyé(e)s du naufrage dans la Méditerranée d’un bateau d’exilé(e)s clandestin(e)s) et quelques Gaulois(e)s. Au milieu des livres à vendre, j’aperçois Libre de Nicolas Sarkozy, en poche chez Pocket. Il est des objets qu’on ne devrait pas sortir de la poubelle.

                Le soleil m’enjoint d’aller jusqu’à Beaubourg à pied. Je croise le canal Saint-Martin, le long duquel je m’attarde, un café verre d’eau pris Chez Prune, authentique faux vieux mastroquet comme je demande qu’il s’en établisse à Rouen, puis je pique-nique au bord de l’eau, cerné par les pigeons, ces rats qui ont des ailes. Des policiers à vélo s’occupent de ma sécurité.

                Pas très faim, je reprends le chemin, traverse l’horrible place de la République et aperçois bientôt le Centre Pompidou. A l’intérieur, l’exposition Calder m’attend.

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