•             Musique baroque à l’Opéra de Rouen, mardi soir, où l’orchestre Les Boréades venu de Montréal, présente un florilège des œuvres d’Henry Purcell.

                Purcell est né en mil six cent cinquante-neuf et mort trente-six ans plus tard. Samuel Pepys, dont je lis toujours le Journal, éminent joueur de flageolet et de viole, a pu croiser le petit Henry dans les rues de Londres. C’est du moins ce qu’il me plaît d’imaginer alors que je parcours le livret programme de la soirée.

                Un spectateur arrive avec des roses qu’il tient à offrir à l’issue du concert, ce qui donne à la superviseuse l’occasion de superviser. Un peu plus tard, elle est de nouveau à la manœuvre, agressée par deux dames petites qui s’estiment mal placées. Elles sont abonnées et donc payant moins exigent d’avoir mieux que d’autres qui paient davantage. La superviseuse les installe dans des fauteuils restés libres, bien situés. Elles ne verront pas mieux. Il ne fait pas bon être petit quand on est assis à l’orchestre.

                Pour moi ça va et je suis bien entouré car la musique baroque attire le bourgeois de Bois-Guillaume. Ce soir, on a des problèmes de pendule, la faute au changement d’heure. Faut-il ou non arrêter le balancier quand on l’avance d’une heure ? Les avis sont divergents, mais tout le monde se retrouve pour se réjouir d’une bonne nouvelle : Anne-Laure va avoir un garçon, c’est pour fin avril.

                Je ne suis pas fou de la musique baroque. En revanche, il y a là une cantatrice qui me ravit, dont la voix mérite bien des superlatifs. C’est Karina Gauvin.

                Elle a un gros succès, revient trois fois pour de petits suppléments et on en demanderait bien encore.

                Je rentre vite à la maison, pas très en forme ce soir, pour tout dire quelque peu malade, ne me suis pourtant pas encore découvert d’un fil.

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  •             Je passe quasiment chaque jour devant la Rose des Vents, une boutique de décoration (meubles, objets et vêtements), sise rue Saint-Nicolas. Depuis un mois, j’ai l’œil attiré par les dessins de Craoman qui en agrémentent la vitrine. Je me dis que la prochaine fois j’entre, et voilà que j’attends pour le faire la fin d’après-midi du dernier jour (et encore après avoir été rappelé à l’ordre par un exilé).

                L’exposition se nomme Bagarre. Elle montre des dessins et des objets frauduleux (beaucoup d’encres de Chine, quelques gouaches et des poupées assez inquiétantes), des dessins fouillés où il y a beaucoup à regarder. L’univers de cet artiste que je ne connais pas est teinté de science-fiction, de bande dessinée, d’un soupçon de Jérôme Bosch, un monde déglingué assez violent qui me plaît bien. Je regarde tout ça rapidement, regardé moi-même par les tenanciers de la Rose des Vents. Je n’ai pas assez de temps malheureusement car l’Opéra m’attend.

                Il me reste le blog du dénommé Croaman pour revoir tout ça (et d’autres œuvres dudit).

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  •             Vendredi après-midi, une jeune maman chinoise, sans papiers, est arrêtée à la sortie du métro à Issy-les-Moulineaux. Elle est placée en garde à vue au commissariat de cette ville. Le Préfet des Hauts-de-Seine promet aux parents d’élèves, enseignants, voisins et amis de cette jeune femme de la libérer samedi matin.

                Au lieu de cela, elle est envoyée au Centre de Rétention de Oissel. Elle passe devant le juge des Libertés et de la Détention, au Palais de Justice de Rouen, qui la maintient en rétention 

                La voici ce mardi trente et un mars devant le Tribunal Administratif rouennais où je me trouve pour la soutenir en compagnie de plusieurs autres membres du Réseau Education Sans Frontières et d'une adhérente de la Ligue des Droits de l'Homme. Trois autres dossiers doivent être jugés.

                Cette jeune femme est mère de deux enfants nés en France : Issac, trois ans, qui fréquente une école maternelle du dix-neuvième arrondissement de Paris, et Gaston, dix-huit mois, tous deux privés de leur mère depuis cinq jours.

                Il est presque quatorze heures, Gaston arrive avec son père (sans papiers mais libre) et sa jeune tante, conduits à Rouen par deux membres du Réseau des Yvelines. On attend. Nous discutons avec Cécile Madeline, l’avocate. Les policiers jouent aux jeux vidéo. Une interprète fait des mots fléchés. Gaston ne cesse de pleurer. Son frère aîné, Issac, n’est pas là. Il est malade depuis que sa mère a disparu.

                Un peu avant trois heures, le tribunal fait son entrée. La juge fait sortir le bébé pleureur. Deux premiers dossiers sont évoqués, avec une avocate de permanence. Maître Madeline plaide ensuite pour la jeune Chinoise avec la fougue et le talent habituels. Elle insiste sur le fait que la Chine ne délivre pas de passeport pour les enfants nés en France. Si la maman est renvoyée là-bas, elle le sera seule, privée pour toujours de ses enfants. C’est ensuite le tour du dernier convoqué, qui a un avocat. Dans chaque cas, la juge prend le temps d’interroger la personne. C’est un peu compliqué pour la maman chinoise dont l’interprète parle une autre variante de la langue, la jeune sœur du mari vient en aide.

                -Vous avez quelque chose à ajouter ? demande la présidente.

                -Je veux rester en France avec mes enfants, dit la maman chinoise, ce que l’interprète officielle traduit par : Je veux rester en France avec mes enfants, ce qui déclenche un petit éclat de rire général.

                Il ne reste plus qu’à attendre à nouveau. Nous allons prendre un verre en terrasse en face au Florestane.

                C’est l’heure. Deux Arrêtés Préfectoraux de Reconduite à la Frontières sont annulés, deux sont maintenus. Parmi les deux qui peuvent se réjouir, la maman chinoise. Après avoir signé quelques papiers puis récupéré ses affaires dans le fourgon de police, elle peut rentrer à Paris.

                Il est dix-sept heures quand je reviens chez moi, plus beaucoup de temps pour aller voir l’exposition de Craoman à la Rose des Vents.

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