• Vendredi après-midi, je vais à l’Opéra de Rouen rendre mon billet. Plutôt que d’entendre Elisabete Matos chanter les airs célèbres de Puccini et de Verdi, je préfère aller au Grand-Quevilly pour un concert en plein air au Parc des Provinces.

    J’entre par la porte principale. Une gorgone au sein tatoué me fonce dessus. Me dit agressivement que c’est pas par là, que là c’est pour les abonnements. Je le sais bien mais tous les employés sont de ce côté. Je ressors. J’entre par la porte annexe, côté rue Jeanne-d’Arc, dans l’aquarium surchauffé récemment créé pour recevoir le public, où il n’y a personne aujourd’hui. Deux employés font le même chemin par l’intérieur pour me rejoindre. L’un d’eux m’explique une nouvelle fois que l’autre entrée c’est pour les futur abonné(e)s. Je sais, lui dis-je, mais on peut me dire ça autrement, on est de moins en moins aimable à l’Opéra de Rouen Je rends mon billet à l’autre, lui disant que c’est avec plaisir que je serai ailleurs ce soir.

    Passant devant la Fnaque, j’aperçois une longue file d’attente composée essentiellement de filles qui serpente à l’intérieur puis à l’extérieur. Elle traverse la rue de la Poterne et se termine devant la vitrine de l’opticien Lempereur. Pour qui ce succès ? Un livre dans les bras d’une des présentes me l’apprend : Guillaume Musso. Il est assis à une table, il signe ses livres.

    Le soir venu, je prends la Sud Trois et me gare dans la contre-allée de l’avenue des Provinces au Grand-Quevilly. Dans le parc voisin, c’est le festival de printemps. La Grande Sophie est au programme ce soir. Je m’assois sur l’une des marches du théâtre de verdure au moment où Your Happy End, un duo havrais, commence la première partie. Cela s’écoute sans grande attention. Je me laisse distraire par celles et ceux qui m’entourent, par l’architecture de cette ville que j’apprécie, par les canards qui nagent sur l’étang.

    La Grande Sophie entre en scène, robe noire toute simple sur collants noirs. Je connais peu. Je sais juste que ça ne fait pas mal à la tête. C’est parfait, j’ai besoin d’une respiration.

    Je me lève et vais vers la scène pour la voir et l’entendre de plus près. Elle enchaîne ses gentilles chansonnettes, bien soutenue par ses musiciens, s’écarte de son répertoire le temps d’un hommage à Barbara, Dis, quand reviendras-tu ? une chanson qui me fait songer à celle qui me tenait autrefois la main, aujourd’hui mère de deux enfants. Elle me l’a chantée plus d’une fois et ne m’écrit presque plus.

    Je l’aime bien, cette Grande Sophie, mais quelles niaiseries elle chante ! Je ne sais qui écrit ses paroles, elle sans doute. Elle doit trouver son inspiration dans les livres d’Anna Gavalda.

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  • Sorti des Docks Soixante-Seize, jeudi après-midi, je rejoins le centre de Rouen pour, à dix-sept heures, être de celles et ceux venus soutenir les résidents du foyer Aftam du Grand-Quevilly.

    Travailleurs immigrés logés dans des conditions indignes, hommes d’un certain âge ou d’un âge certain, la plupart originaires d’Afrique Noire, quelques-uns du Maghreb, ils sont là pour raconter comment ils vivent ou plutôt survivent à deux dans un espace réduit sans aération de huit à dix mètres carrés comprenant une plaque chauffante, les deux lits, un sanitaire et une douche. Ils se plaignent des loyers élevés (trois cent trente euros par mois par lit), des déménagements en catastrophe et sous la menace, des emménagements dans des chambres avant la fin des travaux, des humiliations de la part du gérant et d’une absence de dialogue et de concertation avec la direction. Deux d’entre eux portent une banderole « Nous demandons le respect de nos droits fondamentaux et de notre dignité ».

    Une voiture de police par le rassemblement alertée se gare à proximité. Les policiers n’en sortent que lorsque le journaliste de la télévision régionale commence à filmer. Ils vont le voir pour lui demander je ne sais quoi, puis retournent s’asseoir dans leur véhicule.

    Si j’ai bien compris, les salles collectives de ce foyer ont été supprimées pour construire de petites chambres individuelles supplémentaires à quatre cent quarante euros par mois, ce pourquoi les résidents demandent aussi que soient installés dans un bâtiment voisin un réfectoire, une cafétéria, une salle de télévision et une cuisine. Ils souhaitent aussi des espaces adaptés aux enfants et aux familles, des placards de rangement, un point phone pour recevoir des appels, des douches et des sanitaires collectifs.

    Quelqu’un à la préfecture doit recevoir une délégation, six résidents et six soutiens, mais au moment d’entrer il n’est plus question que de trois et trois d’où discussion avec la police. Une policière est de la partie et une nouvelle fois je constate qu’il y a vraiment de jolies filles chez les fliquettes, toujours des blondes bizarrement.

    Parmi les soutiens, il n’y a que des gens d’extrême gauche dont pas mal de Hennepéha avec des autocollants partout sur leurs vêtements. Des gauchistes que j’ai du mal à supporter bien longtemps. L’une est en train de dire du mal de Simone de Beauvoir, laquelle, tout en étant l’auteur du manifeste féministe Le deuxième sexe, écrivait aussi à son amant Nelson Algren des choses comme : je veux que tu sois mon mari, je veux être ta petite femme soumise. Elle trouve ça scandaleux. Ces gauchistes me fatiguent avec leurs idées simplistes. Je pars sans savoir combien seront reçus à la Préfecture et pour quel résultat.

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  • Jeudi vers quinze heures, je quitte mon logis afin d’aller voir à quoi ça ressemble l’intérieur des Docks Soixante-Seize, ce bien beau centre commercial excentré voulu par Albert (tiny), ancien maire de droite, et inauguré par Fourneyron (Valérie), maire de gauche (paraît-il).

    J’ai vu des images à la télévision de cette cérémonie : Madame le Maire descendant un escalier mécanique en compagnie de son mauvais génie, Laurent le Fabuleux. Au pied de l’escalier, des musicien(ne)s de l’Opéra de Rouen donnaient l’aubade, dirigé(e)s par Oswald Sallaberger. La culture prostituée par le commerce et la politique, c’est une vieille histoire.

    Je vais à pied, passant par le quai au long duquel les branlotin(e)s découvrent la sexualité. Mon attention, tout à coup, est détournée de ce spectacle par une fumée noire qui monte dans le ciel du côté où je vais. Il ne faudrait pas quand même que les Docks brûlent le jour où je me décide à aller y voir.

    Plus j’avance et plus le panache de fumée noire s’épaissit. Je vois maintenant que les Docks sont indemnes. Cela vient de derrière, et là je suis vraiment inquiet, car s’y trouve le Hangar Vingt-Trois. Passé le pont Flaubert, je découvre ce qu’il en est. L’usine Roubois, proche de la salle de spectacle et plus ou moins désaffectée, brûle. La fumée noire monte haut dans le ciel, passe par-dessus les Docks Soixante-Seize et retombe sur la ville. Des pompiers s’occupent à éteindre l’incendie.

    J’entre dans le centre commercial. C’est tranquille. Peu de monde dans les immenses allées. Des boutiques sur les côtés, quasi désertes, dans lesquelles je ne mets pas le pied. Je grimpe au premier, c’est la même chose, puis au deuxième, c’est le cinéma Pathé, sous les toits (il y fait trop chaud, m’a-t-on dit). Je redescends, regarde d’un peu plus près la faible clientèle dans les magasins. Je sors mon carnet pour noter : chez Orange personne, chez Subway personne, chez Jeff de Bruges personne, chez Petit Bateau personne, chez Mango trois, chez Esprit ça ne va pas fort non plus. Les cases vides sont obturées par un optimiste « Bientôt ici une nouvelle boutique ». Un vigile me regarde bizarrement. Quelqu’un qui écrit, c’est toujours suspect. Je range mon carnet et quitte les Docks Soixante-Seize.

    Bon, ça tiendra bien jusqu’à Noël.

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  • Parrainés au Conseil Régional le samedi, convoqués au Tribunal Administratif le jeudi, telle est la vie de Khazal, lycéenne à Flaubert (Rouen) et de Chaliko, lycéen à Ferdinand Buisson (Elbeuf). Leur mère est là, convoquée elle aussi, et leur père mais lui vient d’obtenir des papiers provisoires au titre de réfugié politique.

    Kahzal a pour parrain Alain Le Vern, président du Conseil Régional de Haute-Normandie qui n’est pas là, mais la marraine de Chaliko est présente, c’est Christine Fillatre, radicale socialiste, adjointe au maire de Louviers. Nous sommes aussi plusieurs du Réseau Education Sans Frontières et une professeure du lycée Flaubert nous a rejoints.

    La convocation est pour onze heures mais cela commence comme souvent par une longue attente. Le Tribunal se présente un peu avant midi d’une façon si discrète que personne ne se lève.

    -Asseyez-vous, ironise la Présidente, qui rappelle qu’on se lève ordinairement dans une telle circonstance.

    Nous nous levons. Elle nous dit de nous asseoir.

    La situation des enfants et de leur mère est résumée par l’une des juges puis maître Gosselin, la jeune avocate de la famille, prend la parole. Elle n’insiste que sur les points principaux du dossier (la procédure étant écrite) et signale la présence dans la salle de la marraine de Chaliko et de la professeure de Khazal. L’une des juges demande des précisions sur la caution qu’apporte cette professeure du lycée Flaubert à la jeune fille. Elle s’est en effet engagée financièrement pour elle et un de ses bulletins de salaire figure au dossier.

    La parole est ensuite à madame le Rapporteur Public (qu’on appelait encore il y a peu madame le Commissaire du Gouvernement). Assez confuse, ne sachant pas bien qui de Chaliko ou Khazal est la fille ou le garçon, elle réfute le droit pour ces deux lycéens d’obtenir des papiers au titre d’étudiants, au prétexte que leurs parents sans papiers (et donc sans travail officiel) n’ont pas les revenus nécessaires pour leur payer des études. La loi est ainsi faite, qui a des barèmes pour toutes les activités humaines. Comment font Khazal et Chaliko pour mener actuellement leurs études ? Madame le Rapporteur Public ne se pose pas la question.

    A la sortie, Khazal, habituellement si souriante, semble inquiète. Nous la rassurons. Elle et son frère et donc leur mère ont de bons atouts dans leur dossier et parrain et marraine veillent sur eux. Le jugement sera rendu dans deux ou trois semaines et s’il le faut, l’avocate fera appel.

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  • La classe d’art dramatique d’orientation professionnelle du Conservatoire à Rayonnement Régional de Rouen présente à la Chapelle Saint-Louis ses travaux de fin d’année, c’est par cette formulation en langue bétonnée que le public est invité à aller y voir. La réservation est indispensable, il y a très peu de place dans ce théâtre. J’en suis, m’étant mieux débrouillé que l’an dernier, assis parmi les parents et grands-parents des comédien(ne)s, les copains et les copines, quelques professionnel(le)s de la profession, et sans doute y a-t-il aussi d’autres vrais spectateurs et spectatrices.

    Maurice Attias, professeur, parle un peu des auteurs joués ce soir, uniquement des contemporains : Sarah Kane, Jon Fosse, Martin Crimp et Marius von Mayenburg, dont les scènes sont rassemblées sous le titre Intimité(s). Le plan d’un appartement Effe Un est tracé sur le plateau.

    Cela commence par des extraits de 4.48 Psychose et de Manque de Sarah Kane et s’achève par Anéantis de la même. Sarah Kane s’est pendue avec ses lacets dans les toilettes d’un hôpital à l’âge de vingt-huit ans. Sa mort est à l’image de son théâtre. Ne la connaissant jusqu’alors que de nom et réputation, je la découvre ce soir avec l’envie d’en voir plus un jour.

    Suivant et précédant les extraits de l’œuvre de Sarah Kane, sont présentés des extraits d’Et la nuit chante et d’Hiver de Jon Fosse, des histoires de couples qui vont bien mal. Là aussi, j’ai envie d’en connaître davantage.

    La première partie s’achève sur un extrait de la pièce Le traitement de Martin Crimp et la seconde débute par un extrait de la pièce Le moche de Marius von Mayenburg, deux scènes au comique grinçant.

    Les treize apprenti(e)s du Conservatoire se donnent à fond et avec talent pendant ces deux heures vingt-cinq de théâtre. La soirée vaut bien mieux que cette appellation trop modeste de présentation de travaux de fin d’année.

    J’applaudis bien fort avec tout le monde. Sur scène, les élèves saluent sagement. L’une est encore chez Sarah Kane, le regard absent, dans ses bras un bébé mort et ensanglanté.

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  • Musique de chambre lundi soir, ce devait être à la Halle aux Toiles, salle mal foutue mais adaptée à un petit effectif de musicien(ne)s. Pour une raison inconnue, c’est à l’Opéra où j’hérite d’une très mauvaise place à l’orchestre : Hemme Quarante-Cinq.

                Je demande à la placeuse si c’est complet.

                -Pas du tout, me répond-elle d’un air pincé.

                -Alors pourquoi donc suis-je à une place aussi déplaisante ?

                -J’en sais rien, je fais pas partie de la billetterie, moua, m’envoie paître cette mijaurée.

                Je me souviens de l’époque pas si lointaine où les placeuses de l’Opéra de Rouen étaient sympathiques. Depuis quelque temps, on y trouve surtout des petites bourges prétentieuses, aimables avec le client bien mis, méprisantes avec les autres. Les garçons placeurs ne sont pas de ce genre, quelques filles travaillant dans les étages non plus, mais ce soir cela se passe en bas où s’épanouissent les pimbêches, dont le sujet favori de conversation est la fripe : Ouah, elle est trop bien ta robe, tu l’as eue où ?

                De ma très mauvaise place, au bout du jardin, j’ai une vue imprenable sur la salle où de nombreux sièges restent inoccupés. En revanche, pour voir la scène, c’est tête à gauche toute, avec risque de torticolis. Quand les portes se ferment, je renonce à me déplacer.

    Ce soir, c’est musique pour instruments à vent avec en ouverture celle de La Flûte enchantée arrangée pour octuor à vent par Joseph Heidenreich. Arrangée est le mot, c’est un moment un peu pénible.

    La suite est due à Franz Krommer, musicien fort connu de son vivant, ignoré ensuite. Sa Partita pour octuor à vent en fa majeur est un bon exemple d’art pompier qu’il n’était peut-être pas nécessaire de sortir des oubliettes.

    Cela s’arrange un peu avec Miladi (Jeunesse) pour sextuor à vent de Leos Janacek et tout à fait avec la Petite symphonie pour flûte, deux hautbois, deux clarinettes, deux cors et deux bassons de Charles Gounod, dont un mouvement est repris en rappel après les applaudissements.

    -Heureusement qu’il y avait Gounod, dit une dame en sortant, ce qui est tout à fait mon avis.

    Une bonne averse est tombée pendant le concert. Rouen a les pavés tout mouillés. Je rentre rapidement pour éviter de me faire tremper par la suivante. Derrière la Cathédrale, un arc-en-ciel disparaît lentement.

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  • Trop de vide-greniers ce dimanche, là aussi la difficulté c’est de choisir, lesquels et dans quel ordre. Je lui propose (elle n’a pas le choix) de commencer par la campagne.

    Je me gare à l’orée de la forêt, au bout d’un chemin menant à un cleube hippique et à pied nous gagnons le centre de Houppeville. Il fait déjà chaud à cette heure matutinale. Nous faisons le tour des exposant(e)s, vite déçus, pas de livres, pas de cédés. Sans attendre que déballent les retardataires, nous filons à Bihorel où cela se passe sur l’hippodrome.

    Là, nous sommes plus chanceux, Kandinsky et Marguerite Duras pour celle qui me tient la main, Higelin, Nicolas Bouvier, Natalia Ginzburg et Valery Larbaud pour moi. Elle m’offre l’édition du soixantième anniversaire (avec quarante documents inédits) de L’Ecume des jours, un élégant coffret du Livre de Poche, illustré par la photo de deux figurines ayant appartenu à Boris Vian, s’embrassant durablement grâce à un aimant.

    Il est déjà dix heures et demie quand nous terminons le tour de l’hippodrome sous un ciel menaçant. Désirant imiter les figurines aimantées, nous rentrons.

    L’après-midi, je poursuis seul, d’abord à Rouen, rue Saint-Julien, puis au Grand-Quevilly, boulevard des Provinces, des endroits que j’aime bien parcourir le matin quand  peu de monde est éveillé. Ce dimanche, il est trop tard et il fait trop chaud. Très vite, je ne supporte plus les familles poussives qui m’empêchent d’avancer. Avant que mon envie de zigouiller un(e) moutard(e) ne me conduise à un acte irrémédiable, je prends la fuite.

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  •             Samedi en début d’après-midi, je fais un tour en ville pour voir un peu à quoi elle ressemble en ce jour de Grande Braderie (une braderie ne peut être que grande quand elle est rouennaise). Pas question que je me batte pour un chiffon, mais il y a, rue Eugène-Boudin, une sorte de marché à la brocante où, je ne rêve pas, j’aperçois quelques livres et parmi ceux-là un grand et bel ouvrage illustré intitulé Thérèse et Lisieux, publié aux Editions du Cerf, texte de Pierre Descouvement, photos d’Helmuth Nils Loose. Vendu à un prix des plus raisonnables, il devient aussitôt mien.

    C’est un cadeau pour celle qui arrive bientôt. Au retour des vacances de Pâques, passant par Lisieux, nous avons visité la basilique et elle est tombée sous le charme de Thérèse Martin.

    Avant qu’elle ne sonne à ma porte, je note quelques-uns des propos étranges de la Sainte : « J’étais heureuse de toucher aux vases sacrés. », « A peine entrée dans le confessionnal, je sentis mon âme se dilater. », « Je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection. », « J’imite la conduite de Madeleine : son amoureuse audace charme le cœur de Jésus. », « Je m’offre comme victime d’holocauste à votre amour miséricordieux. », « Après ma mort, je ferai pleuvoir des roses. », « Je veux passer mon ciel à faire le bien sur terre. »

    Quand celle que j’attends arrive, elle proteste contre ce cadeau qu’elle estime immérité. Y trouve-t-on la photo de Thérèse enchaînée jouant le rôle de Jeanne en prison ? Elle y est.

    Laissant là l’ouvrage, nous allons faire un tour, non pas en ville mais ailleurs dans la ville, du côté de la Croix de Pierre. Rue Saint-Vivien, une vitrine nous attire où figure une œuvre d’art dans laquelle des pommes de terre tiennent le rôle principal. D’autres travaux à la pomme de terre sont exposés à l’intérieur où nous apercevons aussi deux jeunes personnes. Nous entrons, regardons tout cela, intéressés. Il s’agit, nous dit-on d’Art-purée, une exposition éphémère organisée par le Collectif d’en face. Elle se continue par derrière. Nous prenons le couloir, arrivons dans une seconde pièce où une installation banale nous déçoit. Dans la cour, deux autres jeunes personnes nous apprennent qu’il y avait vernissage la veille et pommes de terre cuites à manger.

    -Et en plus, elles étaient bonnes les patates, nous dit l’une d’elles.

    En sortant, nous nous interrogeons sur ce Collectif d’en face, qui ne doit pas être la caserne Philippon, sise de l’autre côté de la rue. Arrivés rue Saint-Hilaire, nous entrons à la Boulange de la Croix de Pierre où toutes les pâtisseries individuelles sont désormais à un euro. La difficulté, c’est de choisir.

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  •             Samedi, fatigué de me faire balader par les syndicats, je décide de ne pas aller me promener dans les rues de Rouen pour une énième manifestation,. Je préfère le concret et choisis de me rendre à onze heures au Conseil Régional de Haute-Normandie. Je rejoins là les autres membres du Réseau Education Sans Frontières qui organise avec l’aide active des conseillers et conseillères de la majorité régionale (socialistes, écologistes, communistes) une opération de parrainage républicain de lycéen(ne)s majeur(e)s sans papiers.

                Il s’agit, par un document signé d’une autorité politique élue, de protéger, notamment pendant les grandes vacances, une quinzaine de jeunes garçons et de jeunes filles de toutes origines risquant à chaque moment l’arrestation en vue d’une reconduite à la frontière (comme on dit chez Besson et Sarkozy).

                Avec de nombreux autres, je m’assois dans l’hémicycle, d’où l’on bénéficie d’une très belle vue sur la Cathédrale. Michel Ranger, premier vice-président, s’installe à la tribune, remplaçant Alain Le Vern, président excusé (mais néanmoins parrain). Il est rejoint par plusieurs conseillers et conseillères ainsi que par une représentante du Réseau. Petits discours, filmage par la télévision régionale, chaque lycéen(ne) se lève à l’appel de son nom, monte à la tribune et reçoit le document salvateur. Certains parrains et certaines marraines n’hésitent pas à montrer leur émotion. Le jovial maire de Grand-Couronne félicite sa filleule comme s’il lui remettait un diplôme de réussite à un examen.

                Après la photo de groupe, nous allons tous et toutes prendre un verre à l’étage inférieur, champagne, jus de fruits et petits fours. Parfois, la gauche est encore la gauche et cela se fête.

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  • Samedi matin, j’écoute, sur France Culture, l’émission Concordance des temps qui évoque Pierre-Joseph Proudhon, dont c’est le bicentenaire de la naissance. A cette occasion, deux chansonnettes anarchistes sont diffusées sur l’antenne de la radio d’Etat : Le triomphe de l’anarchie par Marc Ogeret et, par un Alain Meilland que je ne connais pas, Proudhon story dont le texte reprend le célèbre Etre gouverné, c'est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n'ont ni titre ni la science, ni la vertu... Etre gouverné, c'est être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C'est, sous prétexte d'utilité publique, et au nom de l'intérêt général, être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre réclamation, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale !

                Ce texte signé Proudhon, issu de son Idée générale de la révolution au XIXe siècle, je l’ai lu, ou au moins contemplé, chaque jour pendant presque deux ans sur l’immense affiche apposée sur l’un des murs de la ferme où je vivais, avec d’autres dans mon genre, aux Grands-Baux, hameau des Baux-Sainte-Croix, au début des années soixante-dix.

                Je ne savais pas alors que Proudhon en avait écrit bien d’autres.

    Dans La Pornocratie ou les femmes dans les sociétés modernes, ouvrage publié après sa mort, il déclare : Je dis que le règne de la femme est dans la famille; que la sphère de son rayonnement est le domicile conjugal. Il ajoute : La nature, comme je l'ai dit, l'a enchaînée, dans son développement même, à la beauté; c'est sa destination, c'est, pour ainsi dire, son état. Allez, une petite dernière : Une femme qui exerce son intelligence devient laide, folle et guenon.

                Déjà moins sympathique, l’anarchiste Pierre-Joseph Proudhon.

                Il y a pire. Dans ses Carnets, publiés également après sa mort, il écrit, à la date du vingt-six décembre mil huit cent quarante-sept : Juifs. Faire un article contre cette race, qui envenime tout, en se fourrant partout, sans jamais se fondre avec aucun peuple. Demander son expulsion de France, à l’exception des individus mariés avec des françaises ; abolir les synagogues, ne les admettre à aucun emploi, poursuivre enfin l’abolition de ce culte. Ce n’est pas pour rien que les chrétiens les ont appelés déicides. Le juif est l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie, ou l’exterminer... Par le fer ou par le feu, ou par l’expulsion, il faut que le juif disparaisse... Tolérer les vieillards qui n’engendrent plus. Travail à faire. Ce que les peuples du Moyen Age haïssaient d’instinct, je le hais avec réflexion et irrévocablement.

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