• Paris m’est l’occasion d’un bon bain de foule ce mercredi matin : en apéritif, la gare Saint-Lazare dont les travaux obstruent plusieurs issues puis en plat de résistance, la ligne Neuf du Métropolitain en défaillance technique et surchargée par la grève de la ligne A du Reureureu. Cela m’oblige à beaucoup de chaleur humaine et c’est compressé (en un mot) que je rejoins La Muette.

    Ne sachant plus où trouver le Musée Marmottan désormais appelé Marmottan Monet, je demande à une jeune femme si elle est du coin. Oui, me répond-elle avec un charmant accent peut-être anglais. Elle m’indique qu’il faut passer devant la gare devenue restaurant puis traverser le jardin du Ranelagh, ce qui m’est comme une résurrection.

    J’ai l’affiche en point de mire : Fauves et Expressionnistes (de Van Dongen à Otto Dix). Les cinquante œuvres viennent du Musée Von der Heydt de Wuppertal.

    L’exposition insiste sur les deux principaux mouvements qui marquèrent l’avènement de l’art moderne en Allemagne avant la Première Guerre mondiale : les Expressionnistes du groupe Die Brücke (Le Pont) fondé à Dresde en mil neuf cent cinq : Ernst Ludwig Kirchner, Erich Heckel, Karl Schmidt-Rottluff, et ceux de la NKVM, Nouvelle Association des artistes de Munich, mouvement qui donnera naissance en mil neuf cent onze au Blaue Reiter (Le Cavalier Bleu) : Vassily Kandinsky, Alexej von Jawlensky, Franz Marc, August Macke et Gabriele Münter. Elle montre aussi Edvard Munch, Emil Nolde, des Fauves français : Raoul Dufy, Georges Braque, Maurice de Vlaminck et Kees Van Dongen, des représentants de l’Expressionnisme autrichien comme Kokoschka et Oppenheimer, et jusqu’aux principaux représentants de la Nouvelle Objectivité (Die Neue Sachlichkeit) : Max Beckmann, Otto Dix et George Grosz.

    Marmottan Monet, Musée des Impressionnistes, est content de présenter les Expressionnistes  et les Fauves, et moi d’y être, qui n’aime rien tant que cette peinture. Je peux la regarder à souhait, très peu de visiteurs et visiteuses ayant fait ce jour le déplacement jusqu’au bout du seizième arrondissement. Un seul gardien veille sur ce trésor accroché aux murs courbes.

    Je mets deux étoiles au Fils de l’artiste sur un sofa de Max Pechstein, trois étoiles à la Jeune fille en jupe rouge d’Adolf Erbslöh, à la Jeune fille à la pivoine d’Alexej von Jawlensky (reproduite sur l’affiche de l’exposition), au Renard d’un bleu noir de Franz Marc, quatre étoiles au Nu de jeune fille de Kees Van Dongen et cinq étoiles à celui devant lequel je reste longtemps assis A la beauté d’Otto Dix, si souvent vu en reproduction mais jamais pour du vrai.

    Dans une petite salle annexe sont présentées quelques lithographies et des aquarelles parmi lesquelles trois de Georg Grosz : Leonie, Jeune fille travaillant en usine et Autoportrait.

    Sur le livre d’or, un grincheux écrit qu’il est déplorable qu’aucune explication n’accompagne cette exposition, vous vous êtes contentés d’accrocher les tableaux et au visiteur bonne vache à lait d’acheter le catalogue. Comme si pour s’instruire, il était obligatoire d’acheter quoi que ce soit.

    Je ne quitte pas le bâtiment sans aller revoir les tableaux de Claude Monet, malheureusement accrochés dans des conditions qui ne sont pas les meilleures. Marmottan est un musée à l’ancienne où sur l’ascenseur est inscrit « Ne pas utiliser en cas d’incendie ».

    Meules et nymphéas et roses et le Portrait de Poli et (ça c’est connu, dit un quinquagénaire à sa femme) Impression soleil levant, il y a là de quoi rendre jaloux Laurent le Fabuleux qui à Rouen veut faire Festival Normandie Impressionniste. Quoi encore ? De tristes Pissarro, de médiocres Morisot et de secondaires Renoir, beaucoup de meubles qui ne m’intéressent pas.

    Je traverse une nouvelle fois le jardin du Ranelagh à la recherche de la station de métro La Muette. Il est quatorze heures. Dans les restaurants, les riches sont en pleines agapes, qui me regardent passer.

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  • Mercredi matin, aux aurores, je me réchauffe à la Maison de la Presse gare de Rouen en attendant le train pour Paris. La revue Histoire y propose un numéro spécial titré Les Pauvres, de Job à Martin Hirsch. Que Job ait été pauvre comme Job je ne l’ignore pas mais que Martin Hirsch le soit aussi première nouvelle. Ces journalistes ne pourraient-ils pas être moins confus ?

    Martin Hirsch, pseudo ministre de Sarkozy et bonne conscience de ce gouvernement d’extrême droite qui renvoie des Afghans sans papiers dans leur pays en guerre (avec la complicité du gouvernement de pseudo gauche de Grande-Bretagne), est un grand bourgeois pour qui un pauvre ne doit pas toucher un revenu de pauvreté sans travailler, un point de vue de bon catholique. Qu’ils restent pauvres mais qu’au moins ils travaillent. C’est aussi que chaque riche a besoin d’un certain nombre de travailleurs pauvres pour être riche.

    Dans le train, je lis Hôtel Savoy de Joseph Roth, ouvrage publié dans la collection L’Imaginaire chez Gallimard. Dans cet hôtel, le luxe des premiers étages côtoie la misère des derniers étages. A l’image du monde, le Savoy rayonnait à l’extérieur d’un éclat intense, étincelant de la splendeur de ses sept étages ; et la misère y habitait dans la proximité de Dieu, écrit Joseph Roth dans son roman dont l’action se situe dans les années trente, c’est-à-dire aujourd’hui.

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  • Cette année, Fourneyron (Valérie), maire, a remisé les grosses boules d’Albert (tiny), son prédécesseur, au prétexte qu’elles consommaient trop d’énergie. Les principales rues commerçantes rouennaises ont pour décoration des cônes enguirlandés éclairés par des diodes électroluminescentes. Entre deux cônes, un paquet cadeau blanc à ruban rouge rappelle à qui l’aurait oublié que Noël c’est d’abord une fête commerciale. Dans certaines rues, les boutiquiers, pour faire bonne mesure, ont dessiné au pochoir à la peinture blanche des pas menant à leurs échoppes.

    Du côté de Saint-Sever, rive gauche, ce sont les mêmes décorations mais sans les paquets cadeau. Normal, ce sont les pauvres qui habitent là.

    L’affiche de l’opération « Rouen givrée » est sans ambiguïté, où je lis « Rouen et ses trois mille commerçants vous souhaitent d’excellents fêtes de fin d’année » car le boulot de maire de Rouen tel que le pratique la maire actuelle, c’est d’abord la direction du centre commercial, à quoi s’ajoute l’animation sportive.

    Ayant du temps libre, elle vient d’aller sauver la planète à Copenhague avec dans ses bagages Guillaume Grima (adjoint chargé de l’Environnement, de la Voirie et des Espaces verts), sa caution verte.

    J’ai bien connu ce dernier quand il faisait l’instituteur à l’école Léon-Blum de Val-de-Reuil dans les années quatre-vingt-dix. Nous nous y sommes croisés plusieurs fois par semaine pendant deux ou trois ans. Le retrouvant à Rouen quand j’y suis arrivé, je me suis avancé vers lui avec l’envie de lui dire « Ah, salut Guillaume, comment vas-tu ? Qu’est-ce que tu deviens ? » et j’ai eu la surprise de le voir continuer tout droit.

    Cela s’est produit plusieurs fois. Parlant de ça avec une connaissance commune, celle-ci m’apprit que mon ancien collègue était désormais adjoint de Robert (tiny), le maire d’alors.

    Je ne sais pas si cette fonction fait enfler les chevilles. Je suis sûr qu’elle rend très myope et que cette myopie est également politique.

    Tombant (c’est le mot) sur une vidéo où Guillaume Grima raconte son court passage à Copenhague, j’entends ce naïf raconter que là-haut dans cette affaire mise en place par l’Organisation des Nations Unies, ce sont les quatorze mille membres des Organisations Non Gouvernementales qui mènent les négociations et comme c’est merveilleux cette démocratie directe.

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  • Qu’est-ce que je faisais, hier, avenue des Ternes, en ce début d’après-midi, parmi d’autres promeneurs désœuvrés du dimanche. Ah ! ce jour est difficile à vivre. On ne sait par quel bout le prendre.

    J’ai beaucoup aimé les dimanches. Si, à présent, je les aime moins, c’est peut-être que j’en ai trop vu ou bien que, d’une manière générale, je ne sache plus rien aimer autant qu’auparavant, écrit Henri Calet dans ses Poussières de route (Le Dilettante).

    Cet état d’esprit n’est généralement pas le mien, sauf quand celle qui pourrait être là n’y est pas, accablée de travail à Paris et de soucis de logement, la famille dont elle s’occupait des enfants la mettant ignominieusement dehors.

    Une affiche sur la porte de la bouquinerie Le Rêve de l’Escalier m’amène donc ce dimanche matin à prendre ma voiture pour me rendre à une vente de livres d’occasion à la Salle des Fêtes de Vascoeuil, sans grand espoir mais sait-on jamais.

    Arrivé dans le village, j’aperçois une femme, une baguette de pain trop cuit sous le bras, qui rentre chez elle. Je m’arrête pour lui demander où. Son chien se met à hurler.

    -Tais-toi Oswald, hurle-t-elle à son tour.

    Elle m’explique : à droite après la gare (celle-ci désaffectée). Quelques voitures sont garées devant la Salle des Fêtes. L’ouverture est prévue dans un quart d’heure. La porte est ouverte. J’entre et on me dit que je peux rester au chaud, bien que l’on ne soit pas encore prêt. Effectivement, quatre ou cinq vendeurs s’installent. Un autre potentiel acheteur est là, en qui je reconnais l’un de mes condisciples de l’école Anatole-France de Louviers, il y a bien longtemps. Nous ne nous saluons pas.

    Un coup d’œil circulaire me suffit pour savoir que je suis venu pour rien. Je ne vois là que mauvaise littérature et livres dépenaillés

    Avant même l’ouverture officielle, je suis sur la route du retour.

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  • Samedi matin, je me dirige vers le marché des Emmurées. Arrivé rive gauche, je dois slalomer entre des Céhéresses en grande tenue. Plusieurs rues sont barrées. Des véhicules anti barricades sont en embuscade, des escouades aux abois. J’achète un kilo de clémentines et fais le chemin inverse, traversant à nouveau les forces de l’ordre (comme ils disent). Je demande à une jeune femme qui passe par là si elle sait pourquoi. Il y a un congrès des maires du coin au Conseil Général et le Président du Sénat doit venir.

    L’après-midi, je croise par hasard une manifestation du réseau Sortir du nucléaire devant la Fnaque, pas grand monde et la foule qui s’en fout occupée à ses achats de Noël. A seize heures, je suis au Gros-Horloge où doit avoir lieu un kiss in organisé par des filles qui aiment les filles et des garçons qui aiment les garçons mais au coup de sifflet personne pour s’embrasser. Quelques membres de Sos Racisme déploient néanmoins une banderole qu’ils replient aussitôt. La foule n’a qu’une idée en tête : aller de magasin en magasin. Ça sent le sapin.

    A dix-sept heures, je suis à la Galerie Mam, rue Damiette, où cela sent également le sapin (c’est le titre de l’exposition en cours, qu’au Frac on aurait appelée « Vacuité(s) Morosité(s) »). On y voit diverses œuvres narquoises de divers artistes s’en prenant à cette fête niaise, rien de bien nouveau. Je suis venu entendre Hélios Azoulay, seul, qui fait ici performance musicale.

    Si lui est seul, nous ne sommes pas nombreux à l’écouter jouer de son suprême clairon. Le lieu est petit. On y entre et on en sort, On y boit du vin chaud. On y fume à l’extérieur. Marie-Andrée Malleville est fébrile. Il fait froid. Hélios joue à répétition sur l’un des titres de Mezz Mezzrow dont je me souviens avoir lu l’autobiographie La Rage de vivre, il y a fort longtemps, je crois que Boris Vian me l’avait recommandée.

    J’attends qu’il en ait fini avant de rentrer à la maison. Celle qui me rejoint le ouiquennede n’y est pas, retenue à Paris par son dur labeur.

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  • Avec un titre pareil, en plein débat du Besson (maintenant totalement sarkozé) sur la notion d’extrême droite d’identité nationale, pas très envie d’y aller à ce vernissage au Fonds Régional d’Art Contemporain de Haute-Normandie, mais j’entends jeudi matin sur France Culture François Chaslin conseiller cette exposition Identité(s) Territorialité(s) dans son émission Métropolitains, tout en se moquant du titre, mais lui c’est à cause des esses entre parenthèses qui font, dit-il, très Mai Soixante-Huit, et donc vendredi soir je traverse Rouen à pied pour rejoindre Sotteville, remontant un flot incessant de voitures allant au pas mêlées de bus numéro sept n’allant pas plus vite dont les passagers debout sont serrés comme sardines.

    Arrivé trop tôt, je prends un café au Trianon. Un couple y travaille sa musique, lui jouant de la guitare, elle écrivant et chantant. Je termine la lecture de Sans valeur marchande de Michel Bounan (Editions Allia).

    Le moment venu, je fais le tour des photos du Frac qui toutes ont à voir avec le monde qui périclite, ici ou ailleurs, dans les villes ou dans les campagnes, illustrant assez bien le propos de Bounan quand il écrit Quiconque a observé la putréfaction d’une charogne peut se faire une idée de l’effondrement d’une civilisation. Bounan regrette les temps anciens où l’art et la vie ne faisaient qu’un, il ne souhaite pas que s’écroule ce monde qu’il dénonce car avec lui s’écroulerait ce à quoi il tient et donc il espère que de celui qui va mal naîtra un nouveau ressemblant à l’ancien (si j’ai bien compris).

    Discours, petits fours, aucun(e) des treize photographes ne retient mon attention, le vin blanc est frais et pas mauvais, le pain surprise est sans surprise mais se laisse manger. Je ne m’en prive pas et un groupe de beauzarteux et beauzarteuses non plus.

    L’un propose aux autres une chouille pour le vingt-six décembre.

    -C’est pas la veille de Noël, ça ? demande l’une.

    -Mais nan, c’est le lendemain de Noël. L’idée, c’est de ramener les restes des parents.

    -Les restes des parents ?

    -Bah oui, les restes du repas de Noël. Et puis sinon, cheveux fluo et vieilles polaires.

    -Une polaire ?

    -Bah oui, t’as jamais eu une polaire quand t’étais au collège ?

    -Bah non, mais j’ai peut-être encore mon caoué orange.

    Dans le bus numéro sept presque vide qui me ramène chez moi, je songe qu’aucun monde ne me convient, ni l’ancien, ni le présent, ni le futur quel qu’il sera, puis cherche comment renommer l’exposition du Frac au titre si fâcheux, pourquoi pas « Comme un cheveu sur la soupe » ou bien « Plus qu’un poêle à mazout ».

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  • Cela ne s’arrange pas à la Halle aux Toiles, salle où pour avoir une bonne place il faut être à l’entrée une heure avant le concert. Jeudi soir, ne voilà-t-il pas qu’un couple et leur grande fille venue là avec ses cours de philosophie, profitant de la confusion après que la papillonneuse a donné le signal du départ, doublent tout le monde et se collent contre la porte, l’air à la fois content et honteux, les yeux sur les pieds. Une quasi vieillarde distancée dans le raide escalier proteste qu’elle était la première et veut rependre sa place. Le trio fusionnel fait la sourde oreille. Mon voisin précise qu’en fait, c’était lui le premier mais que nous le sommes tous, il n’y a pas à en faire une histoire. Tout cela me rappelle La Passion considérée comme course de côte d’Alfred Jarry (texte paru en mil neuf cent trois dans Le Canard sauvage) qui commence ainsi : Barrabas, engagé, déclara forfait. Le starter Pilate, tirant son chronomètre à eau ou clepsydre, ce qui lui mouilla les mains, à moins qu'il n'eût simplement craché dedans – donna le départ.  Jésus démarra à toute allure.

    S’ajoute que bientôt l’un ou l’une des aggloméré(e)s lâche un pet malodorant et là cela me rappelle une des Bagatelles de Benjamin Franklin (petits textes imprimés par lui-même et distribués à ses amis) dans laquelle il suggère à l’Académie royale de ***** d’organiser un concours dont l’objet serait de découvrir quelque drogue saine et non désagréable susceptible d’être mélangée à notre nourriture ordinaire, ou à nos sauces, qui serait capable de rendre la décharge naturelle du vent de nos corps non seulement inoffensive, mais encore agréable comme un parfum.

    J’ai l’esprit buissonnier ce soir et ce n’est pas, une fois entré dans la salle, la lecture du livret programme qui m’aide à me concentrer sur la raison de ma présence ici : le concert anniversaire Joseph Haydn. Jamais encore je n’ai lu un tel délayage, à croire qu’il n’y a rien à dire des trois quatuors et trois trios. Jamais non plus je n’avais vu tant de vieux et de vieilles à la Halle aux Toiles. C’est peut-être parce qu’Oswald Sallaberger est au violon, à propos duquel je lis que « les succès tapissent son parcours » (ce qui me fait penser à une chanson de Boby Lapointe).

    -Y a encore aut’chose, dit la vieille dame derrière moi, j’ai mis de la sauce dans un teupeurouare et je sais plus c’que c’est.

    Bon allons-y pour les deux premiers quatuors avec Oswald au violon. Les ombres des musiciens semblent jouer avec ceux dessinés dans l’horrible fresque qui sert de fond de scène, une nouvelle raison pour moi d’être distrait.

    A l’entracte, ma voisine n’hésite pas à dire qu’elle n’aime pas le jeu d’Oswald, qu’elle lui préfère celui de Jane, beaucoup plus sensible. Son amie lui répond qu’elle n’a rien vu d’Oswald d’où elle est assise mais que Marie vient de lui dire qu’au contraire elle l’aime mieux comme violoniste que comme chef d’orchestre et qu’elle a croisé Gaston qui garait sa voiture pour prendre sa femme (ce qui me fait penser…mais le concert reprend).

    Encore trois trios et un quatuor (sans Oswald) et c’est la fin. Je n’aime guère cette musique de chambre plan plan et les musiciens(ne)s sont si crispés. J’applaudis quand même, on n’a pas tous les jours deux cents ans de cimetière. Bon anniversaire, Joseph.

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  • Le Centre Pompidou toujours fermé pour cause de la grève due à la malfaisance de Sarkozy et de son pusillanime Ministre de la Culture (ce neveu du Mythe Errant placé là en raison de son nom, comme il y a quelques années Jean-Marie Le F-Haine s’était offert pour son parti un Charles de Gaulle, petit-fils de l’autre), c’est vers la Maison Européenne de la Photographie que je me dirige mercredi en fin d’après-midi, chargé de livres et de ma douleur à l’épaule.

    Je ne sais pas où la trouver dans le Marais. Je demande mon chemin à tout ce qui ressemble à un(e) intellectuel(le), en vain. C’est finalement un marchand de crêpes même pas né natif (comme dit le suspect Chirac) qui me l’indique. J’y entre juste à l’heure de la gratuité, à temps pour éviter une nouvelle drache.

    L’exposition en cours est Delpire & Cie. C’est un hommage sur plusieurs étages au talent multiforme de Robert Delpire, aujourd’hui âgé de quatre-vingt-trois ans et demi et qui vient d’ouvrir la Magnum Gallery à Saint-Germain-des-Prés.

    Je parcours ces étages et demi-étages où sont montrés cinq cents photos, cent cinquante livres, des originaux, des catalogues, des panneaux publicitaires, des cartons d’invitation, croisant et recroisant de nombreux garçons et filles qui font des études dans le domaine et s’instruisent.

    J’y découvre Neuf, la revue de la Maison de la Médecine, dont, dans les années cinquante, alors qu’il est étudiant en médecine, âgé de vingt-trois ans, Delpire fit une brillante revue artistique (y publiant Doisneau, Breton, Capa, Miller, Sartre, Picasso, Cartier-Bresson, Brassaï, Frank, etc.), travail poursuivi, études de médecine abandonnées, avec L’Oeil, autre riche revue.

    J’y vois Qui êtes-vous Poly Maggoo ?, film de William Klein, prix Jean-Vigo en soixante-sept, que Delpire a produit, que j’ai déjà dû voir autrefois.

    J’y retrouve Max et les Maximontres, ce sympathique livre pour enfants de Maurice Sendak, que Delpire a publié le premier en France en soixante-sept.

    J’y revois les publicités signées Delpire pour Cacharel (photos de Sarah Moon, son épouse), L’Oréal, Citroën et Habitat.

    J’y fais le tour des livres parus aux éditions Delpire, parmi lesquels le célèbre Les Américains de Robert Frank, ainsi que les collections Photo Poche et Poche Illustrateur.

    J’y trouve, parmi tous ces livres, Le Labyrinthe de Saul Steinberg, publié par Delpire en mil neuf cent soixante, (Steinberg que j’ai découvert un peu tard l’autre semaine à Strasbourg au Musée Tomi Ungerer).

    J’y apprends que les calendriers d’Amnesty International, c’est aussi Robert Delpire, que les numéros spéciaux consacrés à la photo du Nouvel Observateur, c’est toujours lui. Je feuillette le dernier, datant de deux mille neuf, titré Tout seul. J’y lis ceci de Paul Valéry, tiré des Dialogues : Un homme seul est toujours en mauvaise compagnie et ceci de Louis-Ferdinand Céline, tiré du Voyage au bout de la nuit : Etre seul c’est s’entraîner à la mort, de quoi me donner un peu à penser pendant le toujours trop lent voyage du retour à Rouen.

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  • Sorti d’Orsay, mercredi, je vais à pied sous la pluie jusqu'à la rue Monsieur-le-Prince où je déjeune japonais. Au sortir, la pluie un peu calmée mais pas ma douleur à la clave, je fais le tour des bouquineries du quartier puis de celles de la rive droite. Fouillant dans les bacs de chez Gilda sur le trottoir de la rue des Bourbonnais, je trouve ce que je ne cherchais pas mais qui m’est indispensable.

    D’abord, publié chez Gallimard en deux mille quatre, un assez rare Tomi Ungerer (non exposé en son Musée de Strasbourg), lequel illustre de cinquante dessins les textes déjantés de Claude Mollard qu’il a (prétend la quatrième de couverture) rencontré par hasard dans un tégévé. Acronyme oblige, cela s’appelle Le Très Grand Véda. On y trouve par exemple d’Ungerer une souple femme à tête d’escargot se faisant du bien elle-même et de Mollard des jeux de mollets, ainsi : La femme ose toilette courbée : Laure échine. Nœud, dunes, ondes qui me ramène à Orsay devant le tableau de Gustave.

    Ensuite, publié il y a un an par area et le Musée des Beaux-Arts de Rouen, le catalogue de l’exposition Ombres heureuses consacrée à Bernard Ollier, artiste et écrivain, catalogue au dos duquel Laurent Salomé, directeur, écrit « Artiste secret et mystérieux, Bernard Ollier entraîne celui qui contemple ses œuvres dans une réflexion vertigineuse sur l’existence où l’infinité des possibles entraîne l’impossibilité de tout choix et dessine inexorablement le spectre de la mort. », je ne saurais dire mieux. Je me souviens de la lecture performance des textes de Bernard Ollier par lui-même, Hélios Azoulay se chargeant du sabotage. Les immenses toiles grises sont malaisément reproductibles sur une page de livre mais les textes y ont tout leur piquant, ainsi, tiré d’Index (Roman(s) à reconstituer), à l’entrée Arsula : Arsula n’existe pas. Pas davantage qu’Ursula avec laquelle on la confond régulièrement.

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  • Il est près de dix heures mercredi lorsque j’arrive devant le Musée d’Orsay qui ouvre à neuf heures trente, mais d’ouverture, point, retardée dit une affiche. Je me mets donc au bout du long serpent constitué de celles et ceux qui attendent de savoir s’il y aura grève ou non. C’est la faute à Sarkozy, Tout Puissant de la République et fauteur de désordre.

    Quelqu’un(e)s perdent patience et s’en vont. L’immense majorité reste. Je choisis d’être optimiste. Vers dix heures trente une voix féminine annonce que le Musée va bientôt ouvrir, première bonne surprise. La seconde est à l’intérieur : seules les caisses sont fermées pour cause de grève. L’entrée est gratuite.

    Je m’allège au vestiaire puis me dirige vers l’exposition James Ensor pour laquelle je suis là. Je laisse la première salle consacrée aux débuts, profitant des dernières encore peu fréquentées, là où explose le talent du peintre des masques et de la mort, me laissant emporter par la couleur et la violence des tableaux, notant en vrac Adam et Eve chassés du Paradis (par un Dieu vachement fâché), Le Foudroiement des anges rebelles, Etonnement du masque Wouse, L’Intrigue, Masques raillant la mort, Les Poissardes mélancoliques, Des squelettes dans l’atelier, Quelques belles scènes d’assassinat, La Mort et les masques, également séduit par les dessins bien noirs et subversifs, les démons le turlupinent. La dernière salle est consacrée aux autoportraits de l’Ostendais dont Ensor aux masques, L’Autoportrait au chapeau fleuri (jouxté du chapeau en question posé sur un crâne dont le socle est un vase de Chine emprunté pour l’occasion au Musée Guimet : il fait fuir deux femmes effarouchées par leur proche avenir) et Mon portrait en 1960 (assez squelettique). On trouve là aussi des masques japonais et de carnaval ayant appartenu à Ensor et sa sirène dite des îles Fidji (queue de poisson, corps en bois sculpté, tête de singe) que dessine une jolie jeune fille à genoux. Je rebrousse vers les débuts La Mangeuse d’huîtres et La Grande Vue d’Ostende. « Mes recherches à cette époque précèdent celles des Impressionnistes de France et d’ici. Les Manet et impressionnistes de 1880 sont noirs, opaques et manquent de lumière » déclarait modestement James, fort apprécié d’Emile Verhaeren qui écrivit en mil neuf cent six : A ceux qui, devant ses œuvres vaticinent : « Ce n’est pas dessiné », Ensor peut répondre : « C’est mieux que ça ». Il a raison Émile, me dis-je avec dans la tête le texte de Jean-Roger Caussimon, que chantait Léo Ferré, que chante Arno (autre Ostendais) On voyait les chevaux d' la mer/ Qui fonçaient, la têt' la première/ Et qui fracassaient leur crinière/ Devant le casino désert.../ La barmaid avait dix-huit ans/ Et moi qui suis vieux comm' l'hiver/ Au lieu d' me noyer dans un verre/ Je m' suis baladé dans l' printemps/ De ses yeux taillés en amande/ Ni gris, ni verts/ Ni gris, ni verts/ Comme à Ostende/ Et comm' partout/ Quand sur la ville/ Tombe la pluie/ Et qu'on s' demande/ Si c'est utile/ Et puis surtout/ Si ça vaut l' coup/ Si ça vaut l' coup/ D' vivre sa vie !...

    Mes pas me mènent ensuite (le cinquième étage étant fermé pour travaux) vers les salles du niveau zéro où se sont réfugiés les Gauguin et les Van Gogh (desquels je ne me lasse jamais) puis me ramènent à L’Origine du monde (à laquelle je reviens toujours).

    Avant de me risquer dehors où tombe la pluie et alors que ma clavicule se rappelle douloureusement à mon souvenir, je visite rapidement l’autre exposition du moment Art Nouveau Revival au niveau deux, une accumulation d’objets, meubles, tableaux, affiches, journaux, disques, livres et tutti, trop pour moi, mais suis content de retrouver là deux tableaux de Clovis Trouille La Costaude de la Bastoche (avec en arrière plan une entrée de métro Guimard) et Le Palais des Merveilles (Hommage au Modern’Style) et Pravda la Surviveuse de Guy Pellaert et le calendrier de Salut les copains et le Mademoiselle âge tendre que j’empruntais à ma sœur quand j’étais branlotin, pour en savoir un peu plus sur les filles et comment faire pour leur plaire.

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