• Je suis en avance ce mercredi, il est midi et quart, et il y a déjà pas mal de monde devant la Préfecture de Rouen : des parents, des enfants, des membres d’associations, des politiciens, deux radios et une télévision. Un exemplaire du journal local circule où  l’on peut lire un article sur la menace d’expulsion encourue par Melissa (élève de cours moyen première année de l’Ecole Bachelet à Rouen) et par ses parents qui ont deux autres enfants nés en France.

     Le nombre de protestataires ne cesse de croître. Il y a là, me dit-on, certains qu’on n’avait pas vus depuis longtemps à une manifestation et même un élu du Nouveau Centre, l’appendice de l’Huhemmepé (ou devrais-je écrire l’Huhemmepet tant ce parti sent mauvais avec son Identité Nationale).

    La mère de Melissa répond aux intervious. Une délégation comprenant des parents d’élèves de l’Ecole Bachelet et un membre du Réseau Education Sans Frontières entre dans la Préfecture où doit les recevoir un ou une responsable de la question.

    Pendant l’attente, la vingtaine d’élèves de tous les âges se charge de l’animation, secouant la banderole que le vent glacial déchire, soufflant dans des sifflets, frappant des cuillères contre des couvercles et scandant inlassablement « Non à l’expulsion de Melissa ». Devant l’énergique troupe enfantine, une chaise vide porte le prénom de leur camarade indésirée.

    Certain(e)s manifestant(e)s doivent partir remplacé(e)s par d’autres. Nous en sommes maintenant à trois écharpes tricolores.

    La délégation ressort. L’un des parents fait le porte-parole sans porte-voix, grimpé sur les marches de l’église de la Madeleine. On les a écoutés, on a pris bonne note de la mobilisation et des éléments nouveaux, parmi lesquels la promesse d’embauche de la mère de Melissa par la Mairie de Rouen. Une décision sera rendue d’ici peu.

    La manifestation se disperse pacifiquement (comme on dit chez la Police). Je rentre par l’avenue Flaubert. Arrivé à l’angle du boulevard des Belges, je considère les deux immeubles désormais inoccupés dont le dernier étage a brûlé la semaine dernière. Un jeune couple s’occupe à remplir le coffre de sa voiture avec ce qu’il a pu sauvé.

    *

    Une employée d’Heudéheffe Bleu Ciel me téléphone. Elle vient m’informer, me dit-elle, des dispositions mises en place par « messieurs Borloo et Sarkozy  dans le cadre du Grenelle de l’Environnement » qui me permettent de bénéficier d’un diagnostic gratuit de ma consommation d’énergie électrique.

    -Vous êtes bien propriétaire ? me demande-t-elle.

    -Pas du tout.

    Elle raccroche brutalement.

    Ces gens-là sont devenus d’une impolitesse. (Même pas eu le temps de lui dire ce que je pense du projet de construction d’un réacteur Heupéherre à Penly.)

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  • C’est dans la froidure que je rejoins la gare de Rouen mardi matin. Il est sept heures. Les  politicien(ne)s sont debout, distribuant leurs petits papiers. A ma gauche : les socialistes, à ma droite : les sarkozistes (avec la Sénatrice en personne) et au milieu, je ne sais qui. Je ne sors pas les mains de mes poches.

    A l’intérieur, une affiche publicitaire rend visible Invisible, le nouveau roman de Paul Auster, évidemment présenté comme son meilleur. Je n’aime de lui que ses débuts : L’Invention de la solitude et La Trilogie new-yorkaise et c’est Au-delà de l’absence (la suite de La Mort de la bien-aimée) de Marc Bernard que je lis dans le train.

    Je fais au mieux pour fouiller dans les bacs à livres du Quartier Latin. J’ai les mains et l’esprit engourdis. Le Tout Puissant de la République ne pourrait-il pas faire une déclaration contre le froid, du genre « L’hiver, ça commence à bien faire. ». Je quitte les lieux avec Vies cruelles, nouvelles de Lorrie Moore publiées chez Rivages.

    En ce jour où la plupart des musées sont fermés, je vais me réchauffer dans celui d’Art Moderne de la Ville de Paris, visitant l’exposition consacrée à Charley Toorop, peintre hollandaise rattachée à la Nouvelle Objectivité. J’y suis quasiment seul.

    Charley Toorop est née en mil huit cent quatre-vingt-onze et est morte en mil neuf cent cinquante-cinq. Elle a peint beaucoup d’autoportraits, de portraits de groupe et de natures mortes (quelques arbres en fleurs également, montrés dans des coins). Tout cela est totalement inégal. Les périodes fastes et périodes néfastes se succèdent. Je suis globalement déçu mais quand même.

    Il y a à voir dans cette peinture effrayante. Ainsi ce portrait de ses trois enfants : John, Edgar et Annie. Annie, jolie petite fille blonde, est au premier plan dans la lumière. Les deux garçons sont derrière elle, dans l’ombre et surdimensionnés. Edgar est devenu peintre comme sa maman, elle-même fille du peintre Jan Toorop. John est devenu cinéaste, proche de Joris Ivens. Quant à Annie, j’ignore son sort.

    L’exposition des œuvres de Charley Toorop comprend aussi des salles réservées aux œuvres des artistes de ses ami(e)s dont Léger, Mondrian, Zadkine et la photographe d’origine hongroise Eva Besnyö. D’elle, j’en verrais plus avec plaisir.

    Je marche jusqu’à la rue d’Artois où j’ai rendez-vous avec une autre photographe, passant par l’avenue Montaigne où les riches se tiennent encore bien. A l’Acte2galerie, Jill Greenberg expose ses portraits de moutard(e)s en pleurs (et quels pleurs !) sous le titre End Times. J’aime beaucoup cette collection d’images techniquement parfaites car retouchées en studio de façon hyperréaliste d’enfants de deux ou trois ans hurlant leur douleur. Je ne suis pas le seul, semble-t-il, toutes sont déjà vendues. « Ils pleurent le monde qu’on s’apprête à leur léguer » déclare d’une manière un  peu osée l’Américaine Jill Greenberg. Concrètement, pour réussir ces photos, elle a donné une sucette à chaque bambin puis la lui a retirée brutalement. Quelques portraits de singes par la même sont également montrés.

    J’attends mon train au café La Ville d’Argentan où je termine la lecture d’Au-delà de l’absence. Près de moi, deux trentenaires un peu trop présents discutent de management, d’interfaces, d’amont, d’aval et de clients qu’il faut inquiéter puis rassurer.

    Après un voyage tranquille, j’arrive chez moi dans une ambiance festive. Les colocataires étudiant(e)s d’en face font la java, chantant « Enlève ton pantalon » puis « Enlève ton caleçon ». Des filles gloussent. Des flaches d’appareil photo éclairent l’appartement mais celui-ci est trop haut pour que j’en profite. Je m’endors, même pas gêné par le bruit.

    *

    Vendredi dernier, j’ai raté le concert Doulce Mémoire : Les Roses d’Ispahan à l’Opéra de Rouen. J’ai totalement oublié qu’il avait lieu. C’est ma faute mais ne serait pas arrivé si, comme par le passé, je pouvais y prendre tous mes billets du mois avec la faculté d’obtenir une meilleure place quand il s’en libère. Ces billets m’étaient comme autant d’aide-mémoire.

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  • Je trouve l’autre semaine chez Joseph Trotta un petit livre carré publié chez Horay intitulé Perles de la littérature, précisément le tome deux dudit. Dominique Jacob y recense les bêtises qu’ont écrites les écrivains français, des choses comme Il mourut sur la guillotine de mort violente. (Pierre Mac Orlan, Quai des brumes).

    Du côté des célébrités normandes, Maupassant et Flaubert sont ex-aequo.

    Pour le premier :

    Et le cadavre immobile semblait heureux. (La Veillée)

    et

    On avait marché onze heures, ce qui, avec les deux heures de repos laissées en quatre fois aux chevaux pour manger l’avoine, faisait quatorze. (Boule de Suif)

    Pour le second :

    Un matin, le père Rouault vint apporter à Charles le payement de sa jambe remise : soixante et quinze francs en pièces de quarante sous. (Madame Bovary)

    et

    Il reçut pour sa fête une belle tête phrénologique toute marquetée de chiffres jusqu’au thorax et peinte en bleu. (Madame Bovary)

    Maupassant écrivait vite, souvent pour des journaux. Flaubert, lui, passait son temps à se relire et à se corriger, au point d’en mourir prématurément. Que le constant sérieux ne l’emporte pas sur la désinvolture, je trouve ça réjouissant.

    Dommage, en revanche, que Dominique Jacob prenne parfois pour une ânerie ce qui est une délectable méchanceté volontaire. Ainsi de Jules Renard, dans son Journal : Mallarmé, intraduisible, même en français.

    Lisant Libération de jeudi dernier, j’y trouve cité ceci de Patrick Modiano, tiré de son nouveau roman L’Horizon : S’ils voulaient se parler, ils ne s’entendraient pas, comme deux personnes qui sont séparées par une vitre d’aquarium que j'offre à Dominique Jacob pour son tome trois.

    *

    Samedi dernier, mes deux boulangeries (récemment devenues habituelles) étant fermées, j’entre place Saint-Marc dans celle nommée Chez Catherine. Je demande une demi baguette. La patronne attrape une baguette, la coupe : un tiers, deux tiers. Elle me donne le tiers.

    -Elle est petite votre moitié, lui fais-je remarquer.

    -Ah bon, vous voulez l’autre, me répond-elle hargneusement.

    -Ni l’une, ni l’autre, merci au revoir.

    *

    Patrick Topaloff meurt d’une crise cardiaque à soixante-cinq ans. J’en avertis Riga. Celle qui s’y trouve adore les chansons niaises. Dans le cas présent, il y a à laisser, comme ce J’ai bien mangé j’ai bien bu qu’aurait pu chanter Carlos (le défunt fils de Françoise Dolto) et à prendre, comme ce Où est ma ch’mise grise ? (parodie de You’re the One That I Want du film Grease).

    Où est ma ch’mise grise ? / Où l’as-tu mise ?Si tu la retrouves pas / Prends garde à toi, une chanson qu’il me plaît de réécouter un huit mars.

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  • Dans la nuit de dimanche à lundi, je suis réveillé par des bruits inhabituels. Que fait ce monde sous ma fenêtre ? Eh bien, Antarès Bassis tourne Porteur d’hommes, un court-métrage narrant l’histoire d’un déménageur qui troque le portage de cartons contre celui d’humains. Pourquoi dans la nuit, pourquoi dans la ruelle où j’habite, je ne sais. Ce que je sais, c’est que cette venelle est un lieu à tournage de films. Je me souviens de celui de Madame Bovary par la Bibici se branchant chez moi, promettant de me dédommager et ne le faisant pas, de celui des Misérables par Téheffun recouvrant les pavés de terre pierreuse et partant sans nettoyer, refilant le caillou et la poussière aux employés municipaux furieux.

    L’équipe des Films Sauvages a trouvé asile dans l’appartement d’en face dédié habituellement aux travaux artistiques d’un groupe de femmes quinquagénaires. Dans la ruelle, des garçons portent un gros micro poilu, un énorme projecteur ambulant et une caméra d’épaule. Les filles s’occupent des accessoires. A l’intérieur, d’autres filles font du café et du thé. Il est une heure du matin, le huit mars, Journée Internationale des Droits des Femmes (dite abusivement Journée de la Femme).

    En attendant que s’achève le tournage, je lis Expérience de Martin Amis, livre de Mémoires d’icelui, publié chez Gallimard en deux mille trois. L’auteur y raconte longuement ses relations avec son père l’écrivain Kingsley Amis (inconnu de moi), le viol et l’assassinat de sa cousine Lucy Partington par le tueur en série Frederick West (connu de moi) et ses déboires dentaires, comparant la visite au pharmacien de l’adolescent qu’il était quand il s’agissait d’acheter sa première capote à la visite au pharmacien pour acheter son premier tube de Steradent.

    Je n’en suis pas personnellement à un tel stade de la débandade. Mes dents tiennent encore bon. Mes oreilles aussi, qui m’apprennent que le tournage de Porteur d’hommes est terminé. Je repose Expérience sur mon lit. Je vais pouvoir dormir.

    *

    Ne sais pas à quoi cela me sera utile mais j’ouvre une page Fesse Bouc agrémentée d’une photo de moi-même prise par celle qui se trouve actuellement en Lettonie. On m’y voit debout devant la porte de la maison qu’habitait Georges Bataille à Vézelay. On peut s’y inscrire pour être mon ami(e).

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  • Je sais bien qu’il va faire froid, très froid, mais j’y vais quand même, pas question de rater les premiers vide-greniers de l’an deux mille dix. Au lever du jour, je quitte Rouen ce dimanche, où le soleil se lève derrière la côte Sainte-Catherine. Un peu plus tard, je contemple, navré, à Saint-Adrien, le château de la Belle au Bois Dormant désormais défiguré par une excroissance construite dans sa partie basse après grignotage de la falaise. Presque arrivé, je longe les croix de bois qui symbolisent le sort des ouvriers susceptibles d’être licenciés par la papeterie M-Real. Enfin, j’entre dans Pîtres où je me gare avec l’espoir d’en repartir facilement à l’issue.

    Le vent est glacial. Vendeurs et vendeuses sont grelottants et acheteurs et acheteuses guère mieux. J’enfile mes gants, ce qui ne m’aide pas à fouiller dans les cartons de livres. Un quidam regrette de ne pas avoir emporté sa «casquette à zoreilles de chasseur ». Je croise deux connaissances déconfites et abrège mon parcours pitrien.

    Je m’extrais difficultueusement du flot des arrivant(e)s et me dirige vers Val-de-Reuil. Je me gare dans le quartier olympique (ici règne la gauche sportive). Des deux cent cinquante exposant(e)s annoncé(e)s, vingt-cinq sont présent(e)s dont les Témoins de Jéhovah qui ne risquent pas de m’avoir comme client. Ici aussi, le vent est figeant et je fais vite.

    De retour à Rouen, je vais faire le tour du Clos où se tient le marché coutumier. Trop de monde à cette heure et des politicien(ne)s à éviter qui tractent (comme on dit dans ce milieu) pour les Régionales, je me faufile de marchand de livres en marchand de livres. Une jeune femme m’aborde. C’est une institutrice de l’Ecole Michelet. Elle fait signer la pétition contre l’expulsion programmée de Melissa. Je lui dis que je serai à la manifestation mercredi et rentre me réchauffer chez moi avec pour tout butin Laissez-moi.

    Laissez-moi (réédité chez Phébus) est un récit (autrefois titré Commentaires) qu’écrivit Marcelle Sauvageot après avoir été abandonnée par son amant. Elle mourut peu après de tuberculose, à l’âge de trente-quatre ans. Clara Malraux, Charles Du Bos, Paul Valéry, Paul Claudel et René Crevel ont dit suffisamment de bien de Laissez-moi pour me donner envie de le lire.

    *

    Une femme sur France Culture qui se vante d’avoir connu Paul Newman quand il habitait à Montmartre. Il la raccompagnait chez elle. « En tout bien tout honneur » croit-elle utile de préciser. Alors qu’en lui faisant du bien, il lui aurait fait honneur.

    *

    Samedi matin, rue Cauchoise, l’une à l’autre : « Tu sais quoi, il paraît qu’une bonne femme de l’immeuble faisait pousser du haschich. Ouais, tout en haut, sur le balcon ». Ce qui me fait souvenir des luxuriantes plantations d’une voisine d’en face (presque visibles de la rue et totalement de mon appartement). Rien de fâcheux ne lui est arrivé jusqu’à ce qu’elle déménage et soit remplacée par un Procureur de la République qui ne fumait que du tabac.

    *

    Samedi soir, en attendant ma fille et son ami qui viennent dîner, je regarde les informations régionales à la télévision ; quelques images du grand métingue rouennais d’Europe Ecologie Haute-Normandie à la Halle aux Toiles : des candidats qui arrivent du fond de la salle et remontent l’allée centrale cependant qu’au micro on crie leurs noms, que l’on secoue des drapeaux en cadence et que l’on applaudit debout. De quoi frémir.

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  • Jeudi soir, je suis au Conservatoire de Rouen où c’est la Dolce Ombra, une semaine thématique proposée par Volny Hostiou (ombre, double, écho, répétition, canon et cætera). J’ai manqué les deux premiers épisodes pour cause de spectacles à l’Opéra. L’acte trois est intitulé Dialogue de l’ombre double (théâtre, musique) en référence à Boulez.

    Attendant l’ouverture des portes, j’échange quelques mots avec Maurice Attias, professeur de théâtre, qui s’occupera de mettre mon nom dans le fichier afin que je sois mieux informé des activités de la maison.

    Il convient, me dit-on, d’être centré pour bien profiter du son spatialisé. J’abandonne donc ma place habituelle et me case au troisième rang. Au premier, une bande de jeunes musicien(ne)s attend son heure. Sur scène et dans la salle, un gros matériel informatique et électronique témoigne de l’orientation de la soirée

    Le noir se fait puis deux musiciennes et un musicien entrent en scène pour Di rive e di corsi d’acqua (Des rivages et des rivières) de Michele Tadini, trio pour flûte en sol, violoncelle, Wiimote et électronique (à l’informatique Michele Tadini et Tom Mays). Francis Faber est aux manettes, Anne Cartel à la flûte et Martina Rodriguez au violoncelle.

    Viennent ensuite Marie Herbelin et Louise Jacquot avec leur traverso pour Médiéval illégal, une composition de la première (à l’électronique Thibault Georges).

    La bande de jeunes musicien(ne)s improvise (avec électronique) sous la direction de Francis Faber.

    Les élèves de Maurice Attias donnent la scène du dialogue de l’ombre double tirée du Soulier de satin de Paul Claudel.

    Enfin, Aude Camus, à la clarinette, et Thomas Collin (La Grande Fabrique de Dieppe), à l’électronique, jouent Dialogue de l’ombre double de Pierre Boulez.

    Difficile de parler de ce bain de sons et d’images, juste dire que j’en ressors bien rafraîchi.

    *

    J’observe, l’autre jour, les jardiniers de la ville planter des buissons dans les jardinières neuves installées le long du tapis qui protège les pavés du parvis de la Cathédrale lors du passage des camions emplis des ruines du Palais des Congrès. Mettre des jardinières pour enjoliver un chantier de démolition, une idée typiquement rouennaise.

    *

    Place Saint-Marc, au Vascoeuil, je lis (dans la collection Dix/Dix-Huit) Comme si j’avais des ailes, l’autobiographie de Chet Baker (sexe, drogue et jazz ’n’ roll). Il me semble que la plupart des gens sont impressionnés par seulement trois choses : quand on joue vite, quand on produit des notes aiguës et quand on joue fort écrit-il. Il me semble que cela est également vrai pour la musique dite classique (je le constate régulièrement à l’Opéra de Rouen).

    *

    Un pilier de bar, au Vascoeuil : « Je suis pas sorti pendant une semaine. J’avais une sorte de gastro. J’allais aux chiottes six ou sept fois dans l’après-midi. ». Heureusement, il va mieux. « Je commençais à me faire chier à rester enfermé » conclut-il.

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  • Je lis dans le numéro de Libération d’hier jeudi, le portrait que fait Charlotte Rotman de la sympathique Karima Delli, ancien membre de la Bac (Brigade Activiste des Clowns), élue députée européenne sous la bannière Europe Ecologie.

    Daniel Cohn-Bendit, Karima Delli, quel contraste avec nos tristes locaux, me dis-je un peu plus tard en ouvrant l’enveloppe électorale des prochaines Régionales. Claude Taleb y montre sa grosse tête (de liste) et y déclare que « le temps n’est plus aux demi-mesures » et qu’ « il est temps de passer aux actes ».

    Claude Taleb Europe Ecologie Haute-Normandie est « soutenu par les Verts », c’est écrit en petit en bas à droite. L’euphémisme est délicieux. Cette liste est aux mains des Verts, plus précisément d’une petite partie d’entre eux, comme le raconte Jean-Yves Guyomarch :

    « Je suis élu régional depuis 2004. J’avais posé ma candidature pour conduire la liste des Verts en Haute-Normandie. J’ai été exclu par une commission électorale des Verts hauts normands, il faut dire que celle-ci composée des familles Taleb et Bérégovoy et de leurs amis me donnait peu de chance de représenter une autre orientation politique pour les régionales.

    Philippe Hachet a également connu l’exclusion. Pourtant, son militantisme depuis de très nombreuses années est reconnu.

    Pendant mes 6 ans au conseil régional, j’ai vu le groupe des élus verts accompagner docilement les politiques d’Alain Le Vern. Pas une seule motion en séance plénière pour marquer notre opposition à l’installation d’un EPR à Penly (d’ailleurs pas un mot dans le programme 2010 pour les régionales). »

    Cela me navre, ne m’étonne guère et explique pourquoi, après avoir voté Europe Ecologie aux Européennes, je ne voterai pas le quatorze mars prochain pour sa pâle copie régionale.

    *

    Près du Conservatoire de Rouen, sur une grille, cette banderole : « Ecole Bachelet : Non à l’expulsion de Melissa ». Les services de l’Identification Nationale en ont repéré une ici qui a vocation à être reconduite à la frontière. Le gouvernement national sarkoziste continue son sale boulot (soutenu localement par la sénatrice Morin-Desailly, tête de liste aux élections régionales).

    *

    La résistance s’organise pour aider Melissa et sa famille à rester dans notre beau pays. Les parents d’élèves de l’Ecole Bachelet appellent à une manifestation le mercredi dix mars à douze heures trente devant la Préfecture de Rouen afin d’obtenir un rendez-vous avec le Préfet. Une pétition de soutien est signable sur papier auprès d’eux ou via le site du Réseau Education Sans Frontières.

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  • Jeudi matin, il fait beau et froid, un vrai temps de letton, me dis-je en songeant à celle que je ne reverrai que le vingt et un mars pour la raison qu’elle prend l’avion ce midi à destination de Riga avec toute sa classe et ses professeur(e)s. Je fais un tour au marché des Emmurées, rive gauche, d’où je reviens sans aucun livre. J’évite d’emprunter le tunnel installé devant le Palais des Congrès que je trouve trop proche de la machine à dévorer le béton. Je sens l’accident possible, pas envie de finir sous les ruines. J’emprunte l’autre tunnel, plus sûr, la Cathédrale, entrant par la porte principale, sortant par la latérale. De retour chez moi, j’envoie un message à mon amoureuse, lui souhaite un bon voyage. Je ressors, passe par Le Rêve de l’Escalier, où aucun livre ne m’attend, et dirige mes pas (comme on dit) vers le Tribunal Administratif où, à onze heures, est convoquée une famille arménienne (les parents, deux filles majeures) de Maromme à qui la Préfecture de Rouen a envoyé une Obligation de Quitter le Territoire Français (une troisième fille mineure n’est pas concernée).

    L’huissier me dit qu’il y a du retard. Je vais prendre un café en face, reviens et trouve là une des filles en compagnie d’un étudiant en photographie de ma connaissance (il effectue un travail sur cette famille sans papiers). Arrivent les membres du Réseau Education Sans Frontières, d’Amnesty International, de la Ligue des Droits de l’Homme, de la Cimade, d’Artisans du Monde et des professeur(e)s de la plus jeune des deux filles majeures.

    Une très longue attente commence.

    Un peu avant midi et demi, nous nous levons à l’entrée des juges. La Présidente indique au jeune homme qu’il n’a pas le droit de faire des photos. Il le sait bien.

    Maître Madeline, du cabinet Eden, avec sa fougue habituelle, plaide le dossier des quatre indésiré(e)s. Elle insiste sur le fort soutien que reçoit cette famille, sur la pétition de plus de mille signatures, le parrainage du maire de Maromme, les lettres d’enseignant(e)s, la présence des associations dans la salle. Elle passe ensuite au fond, ne niant pas la difficulté du dossier : la famille n’est en France que depuis deux ans. Elle demande au Tribunal de tenir compte de sa tragique histoire : le frère du père assassiné en Arménie pour ses opinions politiques, le père accusant la police, sa maison brûlée en représailles, la fuite de toute la famille en Géorgie (les parents, les trois filles et un garçon de quinze ans qui y disparaît, sans doute enlevé), la fuite en Russie où ils sont à nouveau persécutés (l’aînée a une phalange coupée par une bande de skins), une nouvelle fuite à l’aide de passeurs qui les abandonnent un jour à Rouen (ils découvrent alors qu’ils sont en France). Pendant ces cinq années d’errance, les deux filles aînées (et la benjamine absente) ne sont pas allées à l’école. Elles ont appris le français en deux ans à Rouen et le parlent parfaitement.

    Pour la première fois depuis que je fréquente le Tribunal Administratif de Rouen, la Préfecture est présente en la personne de sa chef du service d’immigration. Elle s’emploie à démontrer que le Préfet a bien fait de délivrer ses quatre Obligations de Quitter le Territoire Français, parlant de la nécessité de défendre le « bien-être économique du pays » (jolie formule), et demandant au Tribunal de ne pas accorder de « titre de secours…. euh, séjour » (joli lapsus).

    C’est au tour de Madame le Rapporteur Public. Elle cite longuement moult jurisprudences et conclut au rejet des recours des quatre indésiré(e)s. Ce n’est qu’un avis. Le Tribunal jugera dans quelques semaines.

    Nous nous retrouvons dans l’antichambre pour faire le point. Il est treize heures trente quand chacun(e) rentre chez soi.

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  • Habituelle lutte pour les meilleures places à la Halle aux Toiles, mercredi soir, où l’Opéra donne concert de musique de chambre. Je ne peux rien contre le gang des vieilles mélomanes, venues là avec de longues écharpes leur permettant de réserver quatre chaises d’un coup. Je me case en bout de deuxième rang côté piano. Ces dames papotent. Il est question du film dont on parle tant mais dont on a oublié le titre.

    L’Ecole de Vienne est au programme (Arnold Schoenberg, Alban Berg) avec une échappée britannique (Benjamin Britten) et en final un autre Viennois peu connu mais qui devrait plaire à tout le monde (Alexander von Zemlinsky).

    Nous écoutons et applaudissons comme il convient Ein Stelldichein (Un rendez-vous) pour hautbois, clarinette, violon, violoncelle et piano d’Arnold Schoenberg, Fantaisie pour hautbois et trio à cordes de Benjamin Britten puis les Quatre pièces pour clarinette et piano d’Alban Berg.

    C’est au tour du Trio pour clarinette, violoncelle et piano en ré mineur du post romantique Alexander von Zemlinsky (ami de Schoenberg, le mari de sa sœur, puis de Berg). Mathieu Steffanus (clarinette), Eric Villeminey (violoncelle) et François Pinel (piano) emportent l’adhésion au point qu’une grande partie du public se laisse aller à applaudir dès la fin de l’andante, quelle impatience. Les trois musiciens y vont de tout leur corps. J’apprécie particulièrement le jeu de jambes de Mathieu Steffanus.

    Quand le trio revient saluer pour la troisième fois, l’une de mes voisines confie à son amie qu’elle aime beaucoup le violoncelliste parce qu’il ne se prend pas au sérieux.

    -Je lui ai parlé l’autre jour à l’Opéra, raconte-t-elle. Je lui ai dit : Vous êtes mon violoncelliste préféré.

    Sur cette déclaration d’amour, je quille la Halle. Rentrant par le parvis de la Cathédrale, j’ai devant moi le Palais des Congrès. Il est comme soufflé par une bombe. Une image déjà vue à la télévision quand il s’agissait de guerre à Beyrouth ou à Grosny.

    *

    L’autre semaine, dans le courrier des lecteurs de Télérama, un habitant de Tulle racontait que croisant sur un marché François Hollande (député et ancien maire de là-bas), il l’interpelle à propos de la nouvelle médiathèque (on peut être socialiste et construire une médiathèque) et lui suggère de donner pour nom à cet édifice celui d’Eric Rohmer (né à Tulle).

    Réponse du candidat à la future primaire socialiste pour la future élection présidentielle : « Mais qui connaît Eric Rohmer ? ».

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  • Mardi après-midi, je passe à l’Opéra afin d’y retirer ma place pour Les Noces : pas terrible, au premier balcon, décentré. Je l’échange, après réflexion et bien que la guichetière m’ait précisé que cela durait quasiment quatre heures, contre un strapontin resté libre à l’orchestre.

    Le soir venu, je me pose sur l’inconfortable siège pour ce deuxième volume de la trilogie Beaumarchais mise en scène par Stephan Grögler. L’Orchestre est dirigé par Oswald Sallaberger dont les mains éclairées volètent au-dessus de la fosse, telle une mouette vénitienne. Le Chœur de l’Opéra est de la partie (que le socialiste régional Le Vern veut faire disparaître). La scène est sévèrement surélevée, bien dommage pour celles et ceux des premiers rangs. Quant à moi, j’ai le choix entre regarder ce qui s’y passe ou lire les surtitres en haut à droite. C’est dire qu’assez vite je n’y comprends rien (mais y a-t-il quelque chose à comprendre dans cette histoire adaptée par Lorenzo Da Ponte). Entendre à nouveau de l’italien me plaît bien, mais pas Les Noces, elles m’ennuient. Je ne sais si c’est la faute à Mozart.

    C’est une suite de rebondissements entre portes géantes et fenêtres géantes que l’on ouvre et ferme pour donner un peu de mouvement pendant qu’une sorte de lutin (présenté sur le programme comme un Monsieur Loyal) virevolte de ci de là.

    Comme on a dû se creuser la tête pour tenter d’animer ces ennuyeuses noces !

    Des chanteurs et chanteuses, je retiens la soprane Guylaine Girard qui fait la Comtesse Almaviva.

    C’est vrai que quatre heures sur un strapontin, ça donne mal au cul.

    Au moment des saluts, le Chœur de l’Opéra de Rouen manifeste. Chaque chanteuse, chaque chanteur et Gildas Pungier, le chef, déroulent une immense lettre. Le message est clair : SAUVONS LE ♥ DE L’OPERA. Il soulève les applaudissements.

    A la sortie, je signe la pétition.

    *

    Deux bons achats au Rêve de l’Escalier, rue Cauchoise : Le génie des orifices (esthétique des plaisirs de la table et du lit) de Jean-Pierre Dufreigne (Editions Belfond, mil neuf cent quatre-vingt-quinze) et le Dictionnaire littéraire et érotique des fruits et légumes de Jean-Luc Hennig (Editions Albin Michel, mil neuf cent quatre-vingt-quatorze), ce qui me fait songer qu’en septembre dernier, je me promettais de raconter ici dans quelles circonstances j’ai rencontré ce dernier, il y a plusieurs décennies.

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