• Je suis l’un des premiers ce mardi soir à la porte de la Halle aux Toiles pour l’ultime concert de la saison de l’Opéra de Rouen, encore et toujours sous l’égide du festival Normandie Impressionniste, d’où au programme comme une scie Debussy, et puis aussi Cras (Jean de son prénom), Pécou (Thierry) et Ravel.

    La dame aux cheveux blancs m’aborde :

    -Vous n’allez pas encore me piquer ma place comme l’autre fois ? D’abord, je suis arrivée avant vous.

    Elle ajoute qu’elle dit ça comme ça, que ça n’a pas d’importance, quoique.

    Près de moi, une jeune fille et sa mère discutent :

    La demoiselle :

    -Il était vachement pourrave le mec du premier magasin.

    La mère :

    -Il était comment ?

    -Vachement pourrave.

    -Vachement quoi ?

    Elles se comprennent mieux quand elles parlent d’argent, de celui nécessaire pour acheter une nouvelle harpe à l’apprentie musicienne, de la participation que devra mettre dans l’affaire le père divorcé.

    -Et tu la laisseras où ? demande la maman.

    -A Bois-Guillaume, répond sa fille.

    Je m’en doutais. Derrière moi, on discute de l’avenir de la France et on le voit bien noir. L’un conseille aux jeunes de s’expatrier. Un autre, professeur, explique qu’il préférerait être malheureux en France qu’heureux ailleurs.

    Enfin nous pouvons nous asseoir sur les chaises inconfortables. Victimes du gang des vieilles mélomanes, je dois me contenter qu’une place au deuxième rang.

    Donc début scie, avec du Claude la Sonate pour flûte, alto et harpe jouée par Agathe Blondel (altiste), Constance Luzatti (harpiste) et Jean-Christophe Falala (l’homme à la flûte en or vingt-quatre carats faite spécialement pour lui), une œuvre, rappelle fort opportunément Christophe Queval dans le livret programme, dont « la précision d’écriture confirme le jugement laconique de Debussy, traitant d’ « imbécile » quiconque qualifiait sa musique d’ »impressionniste ». »

    Il commence à faire trop chaud pour le Quintette pour harpe, flûte, violon, alto et violoncelle de Jean Cras, que Jean-Baptiste Riffault (doctorant en musicologie à l’Université de Rouen) qualifie de « compositeur impressionniste méconnu » (voir plus haut), avec les mêmes et Jane Peters (violon) et Florent Audibert (l’homme dont Le Nouvel Observateur et Diapason disent tant de bien). Les musicien(ne)s s’épongent. Les instruments se désaccordent. Le public souffre également. Je suis incapable de véritable attention. 

    Après l’entracte, je suis un peu mieux et apprécie davantage la Suite aquatique de Thierry Pécou (c’est aquatique donc c’est impressionniste) jouée par Florent Audibert au violoncelle et Ursula von Lerber au piano, puis le Trio pour violon, violoncelle et piano de Maurice Ravel joué par les mêmes et Jane Peters, œuvre virtuose qui vaut bien des applaudissements aux interprètes.

    Il fait meilleur dehors. Un groupe prie la Vierge Marie sur le terrain de boules et, en chemin vers chez moi, je croise, place de la Calende, une équipe du Samu Social en discussion avec un cow-boy tombé de son cheval.

    *

    Facile de faire la différence entre France Inter, que certain(e)s n’écouteront pas ce premier juillet (en grève après la mise à la porte de Porte et Guillon) et France Culture que j’écoute tous les jours du matin jusqu’au soir ; par exemple dans le traitement du festival Normandie Impressionniste par ces deux radios d’Etat.

    Pour la première, il y a quelques semaines, Le Fou du Roi invitait des politiciens en public à l’Opéra de Rouen. Pour la seconde, ce mardi, Tout arrive interroge les responsables d’expositions au Musée des Beaux-Arts de Rouen.

    Durant cette émission, à propos de la série des Cathédrales de Monet, une remarque intéressante et un peu méchante de Corinne Rondeau, maître de conférence en esthétique et sciences de l'art à l'Université de Nîmes, en direction du directeur des Musées de la ville :

    « Laurent Salomé, je vais, je vais, je vais tenter de vous dire quelque chose, y se trouve que quand on rentre dans l’exposition avec effectivement Turner, la ville, la ville, le port de cette ville, on a une topographie, une topologie même de la ville de Rouen, puisque c’est quand même une exposition sur la ville de Rouen et quand on arrive dans cette salle, Monet ce qu’il nous donne à voir, c’est que le sujet de la peinture, c’est pas le sujet en peinture, et là, d’un coup, votre exposition,  Monet lui donne un petit tacle… »

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  • Un dimanche matin ça ressemble à une fin de samedi soir pour certain(e)s que l’on croise dans les rues de Rouen, elle et moi, quand nous nous rapprochons de ma voiture, garçons bourrés titubant et invectivant, fille tombée d’un scouteur le pied en sang entre les mains d’un pompier, un peu partout des paumés du petit matin (comme chantait Brel), y compris dans l’île Lacroix qui n’est plus ce qu’elle était. S'y ajoutent quelques plumes blanches venues de Viva Cité.

    Je prends la route de Bois-Guillaume où il est toujours étrange de constater que se trouve un parc des Cosmonautes et non un parc des Astronautes.

    -C’est sans doute parce que les Soviétiques ont été longtemps en avance sur les Américains pour la conquête spatiale, dis-je à celle qui m’accompagne dimanche très tôt au vide grenier qui se tient dans le parc de cette bourgeoise commune dont jamais un communiste ne sera maire.

    Elle me parle des Chinois qui veulent aller eux aussi sur la lune puis nous nous intéressons à des choses plus sérieuses. Très vite, elle trouve à deux euros, le dévédé qu’elle cherchait depuis longtemps d’un film qu’elle aime beaucoup Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton.

    Je n’ai pas autant de chance mais achète quand même, pour pas grand-chose, un cédé de Dolly Parton et, pour le même prix, des pots de confitures d’ananas et de rhubarbe. De son côté, elle fait aussi sien un pistolet à colle qui l’aidera à fabriquer des maquettes.

    Nous faisons deux fois le tour des quatre cents exposant(e)s de ce vide grenier, l’un de mes préférés, où vendeurs et vendeuses ont de l’humour et ne courent pas après l’argent (de l’avantage d’être riche et cultivé). La chaleur devient accablante, ce qui nous conduit à ne pas nous attarder d’avantage.

    De retour à Rouen nous profitons de l’ombre du jardin. Le repas cuisiné par ses soins est délicieux et le vin rosé l’accompagne si bien, que bientôt nous fêtons l’approche des vacances, endormis sur la pelouse.

    *

    Cela ressemble à une grosse plaisanterie mais semble vrai. A eu lieu, jeudi vingt-quatre juin, à dix-neuf heures, rue Saint-Gervais, à l’invitation de Valérie Fourneyron (Députée Maire socialiste de Rouen), de Bruno Bertheuil (Adjoint de Secteur) et de Marc Tallendier (Directeur Régional de la Société Générale, Groupe des Agences de Rouen), une inauguration officielle de distributeur automatique de billets.

    *

    Celle qui habite depuis longtemps rue Matisse et qui, devenue vieille, en a (jeu de mollet).

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  • Samedi, je me réveille avec les mouettes et me rends au vide grenier de Buchy, lequel se tient sous les vieilles halles et alentour. Je constate qu’y vendent surtout des professionnel(le)s et en repars sans rien.

    De retour à Rouen, je vais faire un tour au marché, considérant, rue Martainville, des peintres du samedi en blouse blanche. Ils font de l’impressionnisme contemporain. L’un d’eux réussit à peindre l’église Saint-Maclou sans l’échafaudage qui la défigure depuis lurette.

    Un peu après midi, je suis au Son du Cor attablé avec Lucidité, le roman de José Saramago, prix Nobel de littérature, mort le dix-huit juin dernier. L’auteur y raconte comment un jour au Portugal les électrices et les électeurs votent blanc à quatre-vingt-trois pour cent et ce qui s’ensuit. C’est assez vite ennuyeux.

    Près de moi s’installe une assemblée de trentenaires. Elles et eux sont revenu(e)s à Rouen pour le festival Viva Cité. Ils font le point sur leur vie d’aujourd’hui, la plupart en couple avec enfants, l’un divorcé déprimé et un, trouvé là par hasard, qui a mal tourné (drogue, alcoolisme et prison) sur qui l’on s’apitoie et dont on dit du mal quand il est aux toilettes. On se lave les mains avant de prendre les enfants des autres sur ses genoux. On fait des photos. Comme c’est émouvant et comme les moutard(e)s sont fatigant(e)s.

    L’autre semaine sur France Culture, Eduardo Arroyo parlait de la machine à expulser les enfants des musées. J’en réclame une pour expulser les enfants des terrasses de café.

    Quand celle qui me rejoint le ouiquennede arrive, nous filons à Sotteville-lès-Rouen et arrivons juste à temps pour voir les deux clounes du Teatro Gestual de Chile mettre le souk dans la circulation automobile. En plein carrefour, ils organisent des courses entre des voitures, en bloquent d’autres, entrent dans un bus pour embrasser les voyageurs. L’un s’invite comme passager sur le scouteur d’un branlotin vexé. L’autre ouvre la porte arrière d’un cate-cate d’où tombe un pot de je ne sais quoi. Quelques-un(e)s des maltraité(e)s s’énervent sous les huées du public. Une femme furieuse abandonne son mari aux mains des clounes chiliens et fend la foule pour aller acheter son pain. Un sexagénaire excédé, parfait représentant de l’homo automobilus, sort de sa voiture et veut se battre avec les deux emmerdeurs. Cela commence à devenir vraiment intéressant, d’autant que se profile à l’horizon le cortège d’un mariage mais c’est le moment où arrive la voiture complice dans laquelle disparaissent les deux zozos sifflotant.

    Après ce début prometteur, l’édition deux mille dix de Viva Cité nous déçoit : trop d’acrobaties, trop de spectacles tout public (c’est-à-dire pour enfants), trop de musiciens, trop de pas grand chose à voir, et quand il y a peut-être un peu mieux, comme pour la dispute de couple de Kitschnette, on ne voit rien, trop de monde autour. Abandonnant les spectacles, nous buvons un verre de vin blanc sous l’un des chapiteaux puis dînons tôt d’un excellent mafé arrosé de jus de gingembre à l’une des gargotes sous les arbres. Pendant ce repas, un fantastique coup de trompe annonce l’ouverture de la gargote à patates. Les enfants se mettent à hurler et à pleurer dont l’un plus que les autres et sa mère de crier qu’on n’est pas sur un terrain de foute ici, avant de prendre la fuite avec son moutard. La machine à expulser les enfants des terrasses existe donc, un peu bruyante peut-être.

    Comme c’est toujours aussi calme côté spectacles après le repas, on décide d’aller boire un verre à la Bodega, cet attrayant bar provisoire installé chaque année dans la cour d’une école voisine, et là nouvelle déception, plus de Bodega. La remplace plus loin et bien moche, une Cité bistrot Raspail où nous n’avons pas envie de consommer.

    -Qu’est-ce qu’on fait ? me demande-t-elle. On rentre ?

    Le temps fort de la soirée (comme on dit) est le lâcher de plumes des Studios de Cirque de Marseille à minuit et demi, pas plus envie qu’elle d’attendre si longtemps pour me faire emplumer.

    *

    D’Eduardo Arroyo, dans la même émission de France Culture, ce plaisant aphorisme : « Rien n’est plus ignoble que le sourire d’un enfant. »

    *

    L’écrivain portugais qui méritait le prix Nobel s’appelle Antonio Lobo Antunes.

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  • Une énième manifestation impressionniste se déroule ce jeudi soir à l’heure où je me rends à l’Opéra. Devant l’Office de Tourisme, le parvis de la Cathédrale a un côté Mont Riboudet. On y présente la dernière Smart en plusieurs couleurs derrière des cordons rouges. Ne manquent que des filles à moitié nues alanguies sur les capots. C’est compensé par des présentoirs où s’empilent le journal du festival Normandie Impressionniste, un supplément gratuit (gratuit !) de Paris Normandie, dont le titre est « Impressionnant ».

    A l’Opéra aussi, c’est impressionniste (on en a pour jusqu’à fin septembre) et en plus ce soir c’est le dernier concert du chef Oswald Sallaberger. J’ai obtenu dans l’après-midi une place sur l’une des chaises installées devant la scène au-dessus de la fosse d’orchestre. Arrivé tôt, je choisis celle qui me semble la meilleure. Je suis bien là, jusqu’à ce que s’asseye à ma gauche une grosse dame qui ne sent pas très bon.

    J’évite de respirer tandis que les musicien(ne)s et leur chef donnent la Gymnopédie numéro trois d’Erik Satie orchestrée par Claude Debussy. De la guimauve, me dis-je, mais Debussy a fait ça pour aider Satie alors inconnu, m’apprend le livret programme. C’est ensuite Masques et bergamasques de Gabriel Fauré dont l’audition est perturbée par des applaudissements entre les mouvements (y aurait-il dans la salle des invité(e)s de mécènes,  vendeurs d’assurances ou marchands de téléphones ?). 

    Des garçons de scène installent une estrade destinée à recevoir la harpe nécessaire pour la suite, laquelle est portée par l’un d’eux qui reçoit pour son effort quelques applaudissements. Mélanie Dutreil, jeune femme blonde à longue robe noire, est la harpiste. Je suis bien placé pour apprécier son jeu de doigts et de pied pendant les Deux danses pour harpe et cordes de Claude Debussy. La seconde danse est une valse, je cite Christophe Queval : « d’un caractère langoureux quoique parsemée d’éclats virtuoses en ruissellements d’arpèges et capricieuses fusées ». C’est exactement ça. On applaudit bien fort Mélanie.

    A l’entracte, je repère une bonne place de corbeille restée libre et m’y installe pour la seconde partie : Le Festin de l’araignée de l’oublié Albert Roussel (enterré à Varengeville-sur-Mer) qui me plaît beaucoup, puis la Gymnopédie numéro un orchestrée par Debussy (aussi sucrée que la précédente) et la suite de Ma Mère l’Oye de Maurice Ravel (dont le final mène le timbalier Philippe Bajard pas loin de l’orgasme).

    C’est le moment d’applaudir copieusement Oswald Sallaberger qui vient de passer dix ans à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Rouen. Certain(e)s y vont de l’ovation debout. Jane Peters, chef d’attaque des premiers violons, est au bord des larmes.

    Tant d’émotion donne soif. 

    Je retrouve celui et celle qui ne cessent de fêter leur départ pour la Suède, d’autres de leurs ami(e)s sont là aussi, et elle, princière : « Du champagne pour tout le monde ». Ce n’est qu’un début, nous goûtons ensuite différents vins et le fameux cidre Ponpon (elle et lui partent c’est sûr).

    Pas loin, ouvreuses et ouvreurs arrosent le départ de celle qu’on ne verra plus l’an prochain papillonner le téléphone en main (elle part c’est sûr).

    Au septième étage, les musicien(ne)s boivent en l’honneur d’Oswald dont la notice rédigée par Katia Choquer précise : « Le chef regarde devant lui, encore… » (c’est beau comme de l’Hugo) et qu’on reverra l’année prochaine comme chef invité (il part mais c’est moins sûr).

    Je rentre vers minuit d’un pas moyennement assuré et rassure d’un téléphonage celle qui s’inquiète à Paris.

    *

    L’avenue du Mont Riboudet, la plus déprimante des avenues de Rouen, entièrement occupée par les concessionnaires d’automobiles (note infrapaginale).

    *

    Trop drôle l’arrêté du Préfet de Seine-Maritime interdisant l’apéro géant prévu le premier juillet place de la Cathédrale à Rouen, d’abord parce qu’il ne l’interdit que dans un certain périmètre du centre de la ville, donc on peut se rassembler ailleurs, et à compter d’un certain moment, dix-neuf heures, donc on peut se rassembler au centre ville plus tôt dans la journée, et surtout par sa conclusion :

    « D'autres manifestations, et notamment le festival « Les Terrasses du jeudi » ouvrant le mardi 1er juillet 2010 sur les quais bas rive gauche à Rouen, bénéficient d'une organisation adaptée et offrent à ceux qui le souhaitent la possibilité de partager un moment de convivialité dans un espace adapté. »

    Allons donc boire sur les quais rive gauche là où « Les Terrasses du jeudi » commencent un mardi, hips !

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  • Jeudi matin, avant de me joindre à la manifestation pour le retrait de la contre-réforme des retraites de Sarkozy, je fais un tour au marché aux livres et à la brocante des Emmurées, achète Libération qui titre Fini de rire à propos du renvoi par Philippe Val et Jean-Luc Hees des deux rigolos de service sur France Inter, Didier Porte et Stéphane Guillon, puis prends un café verre d’eau en terrasse, regardant les premiers manifestants arriver.

    Ça en fait du monde bientôt, trop de milliers pour les compter. Les professeur(e)s de la Haie Fessue partent en premier. Comme ça m’arrange d’être devant, c’est derrière le gros ballon gonflé à bloc que je défile, subissant les chansons gentillettes et constatant que l’on peut encore être enseignant(e) sans savoir chanter juste (comme ce fut mon cas).

    Je ne peux éviter quelques tracts dont celui d’Europe Ecologie qui souhaite pour les retraites « des solutions écologistes durables », durables écrit en grandes capitales.

    Devant l’Hôtel de Ville, une assistante de vie lève une pancarte où elle demande s’il faut prévoir le déambulateur avec la retraite, ce qui n’est pas gentil pour moi qui ai mal au pied, et encore moins pour le vieil homme qui manifeste appuyé sur l’un de ces engins.

    N’en pouvant plus des chansons bêtes mal chantées, je passe devant la camionnette de la Haie Fessue et arrivé au carrefour de la rue du Canuet avec celle de la Jeanne, comme je constate qu’il est question d’aller tout droit, c'est-à-dire loin de chez moi, je m’arrête.

    Un musicien de fanfare abonné à l’Opéra de Rouen, appuyé contre un garde-fou, est occupé à se faire remarquer en soufflant dans un instrument en cuivre de son invention l’obsolète slogan « Ce n’est qu’un début, continuons le combat » que j’ai tant scandé jadis avec le claqueson de ma Méhari.

    Deux femmes surgissent, qui se précipitent sur moi et me saluent.

    -Vous nous reconnaissez ? me demandent-elles.

    Pas du tout.

    Ce sont des mères d’anciens élèves. Elles me disent le nom de leurs enfants mais je suis incapable de savoir qui est la mère de qui, vexant ainsi deux personnes à la fois.

    Je décide de remonter le long cortège jusqu’aux partis politiques de la fin. Je les trouve en bas de la rue de la République. Les membres du Péhesse, sans les pontes locaux, marchent derrière les Jeunesses Communistes dont la voiture diffuse à fond le J’accuse de Damien Saez, de quoi vous dégoûter de manifester avec le populo.

    Seront quand même là en septembre et moi aussi, bien que cela m’ennuie de ne manifester que pour la défense des retraites.

    Ce dont j’ai envie c’est qu’ils disparaissent tous, le Tout Puissant de la République et celles et ceux qui lui servent de ministres, empestant la magouille et le fric mal acquis.

    *

    Je me souviens de Philippe Val quand il était jeune. Je l’ai vu sur scène avec Patrick Font à Louviers et à Val-de-Reuil faire l’insolent pire (ou mieux) que Guillon et Porte. Aujourd’hui, il est aux ordres de Sarkozy. Encore un qui n’aurait pas dû vieillir, pour qui Jacques Brel autrefois écrivit Les Bourgeois.

    *

    Durable, un mot que je ne peux plus supporter : développement durable, ville durable, retraite durable, planète durable, architecture durable, environnement durable… du râble de lapin (oui ça je veux bien).

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  • Grève prévue pour ce jeudi, à la gare de Rouen mercredi matin des gilets rouges (comme on les appelle dans le milieu) distribuent les horaires des trains qui circuleront quand même cependant que quatre membres de la Sécurité Ferroviaire, tonfa, revolver, discutent entre eux. On les croirait choisis par castigne, un la peau noire, un l’air vaguement arabe, un l’air gaulois au crâne rasé, un l’air gaulois à cheveux longs et barbe, tous costauds. J’attends, bien renseigné et bien protégé, le train de huit heures neuf pour Paris.

    En chemin pour la capitale, je lis Une malle pleine de gens, le recueil des textes qu’Antonio Tabucchi a consacré à Fernando Pessoa et à ses hétéronymes, paru chez Dix/Dix-Huit. Juste avant l’arrivée, une escouade de contrôleurs envahit la voiture. Contrôler après Mantes-la-Jolie nécessite un certain courage et implique l’émission d’un nombre conséquent d’amendes. L’un des hommes à casquette exige les papiers d’identité d’une famille espagnole n’ayant point composté. Je lui demande pourquoi. Il me répond qu’il s’agit de s’assurer que ces gens résident bien à l’étranger, certains faisant semblant pour échapper à l’amende.

    Au Quartier Latin, sous un soleil revenu, je fais l’habituelle tournée des librairies puis mange un habituel kebab. Peu de monde dans les rues, à croire que les Parisien(ne)s sont déjà parti(e)s en vacances et que les touristes boudent.

    En métro, je rejoins La Villette où j’attends quatorze heures à l’ombre près de la Grande Halle. C’est la première fois que je vois cette magnifique architecture métallique dans laquelle danse en ce moment Sidi Larbi Cherkaoui. Pas loin la Cité de la Musique, entre les deux la fontaine qui servait autrefois d’abreuvoir aux animaux. Une voiture blanche marquée Prévention et Sécurité patrouille avec deux hommes en orange dedans. D’autres hommes orange surveillent à pied. Des jeunes gens sont assemblés un drapeau algérien sur le dos et répètent sans cesse « On va gagner Inch’Allah ». Il y a des pays comme ça où c’est Dieu qui joue au foute.

    Je ne suis là ni pour la danse ni pour la musique, encore moins pour le foute, mais pour Duane Hanson dont les sculptures hyperréalistes sont exposées gratuitement dans le pavillon Paul Delouvrier. A l’heure prévue, les portes du Rêve américain s’ouvrent. Pas le droit de toucher, pas de le droit de faire des photos et une médiatrice à disposition (c’est la nouvelle manie), nous disent les hôtesses en vert protégées par des vigiles en blanc.

    Ce sont quinze œuvres des dernières années qui sont montrées dans ce grand pavillon, témoignant de l’utopie manquée, parmi lesquelles Queenie, la femme de ménage noire (qu’aimait particulièrement Hanson), Vieux couple sur un banc, Bébé dans une poussette ou encore Homme sur une tondeuse. Certaines sont en bronze, d’autres en résine synthétique, toutes peintes et accessoirisées jusqu’à les croire vivantes, ce que ne manquent pas de faire certain(e)s des moutard(e)s présent(e)s. D’autres tentent de se transformer en statue hansonienne. Pour ma part, je n’ose malgré mon mal de pied m’asseoir sur le banc face au Vieux couple. Personne ne l’ose d’ailleurs, ni rester immobile trop longtemps. C’est que, comme l’écrit Bruce Bégout dans le catalogue de l’exposition, « Tout le monde, à un moment ou à un autre de son existence, a été ou sera une figure de Hanson. »

    Lequel déclarait en mil neuf cent soixante-dix-sept : « Le sujet que je préfère, ce sont les personnes ordinaires des classes populaire et moyenne de l’Amérique aujourd’hui. Pour moi, la résignation, le vide et la solitude de leur existence captent la véritable réalité de la vie de ces gens… ».

    Ce que Bruce Bégout exprime en ces termes : « Hanson ne proteste pas tant contre cette culture de masse et ses mécanismes standardisés que contre ce qu’elle provoque incidemment chez tous les individus, ennui, désillusion, abattement, solitude. »

    Je feuillette un livre en anglais à lui consacré où l’on peut voir ses sculptures des années soixante, violemment contestataires : cadavre vietnamien dans la rue ou scène de lynchage d’un homme à la peau noire par un policier blanc.

    Duane Hanson est mort d’un cancer en mil neuf cent quatre-vingt-seize « suite » comme le dit en une jolie formule le dépliant offert à l’entrée de l’exposition « à son contact peu précautionneux avec ses matériaux de prédilection, la résine et la fibre de verre ».

    Dans le métro qui m’emmène vers le Book-Off de l’Opéra je découvre deux statues posthumes de l’hyperréaliste artiste : Vieil homme épuisé et Lectrice de roman d’amour.

    *

    De cette escapade parisienne, quelques livres dans ma besace : Le Lecteur somnambule, recueil de comptes-rendus de lecture d’Henri Lewi (Editions du Rocher), Le Livre d’un homme seul, roman de Gao Xingjian (Editions de l’Aube) et La cinquième saison du monde de Tristan Ranx (Editions Max Milo) qui narre sous forme romancé l’histoire de la cité de Fiume de septembre mil neuf cent dix-neuf à décembre mil neuf cent vingt quand transformée en zone autonome « elle fut le havre des futuristes, des anarchistes, des révolutionnaires, des dadaïstes, des bolcheviks, des aventuriers, des fêtards, des femmes fatales et des âmes perdues », comme le dit la quatrième de couverture, livre qui a reçu le prix Technikart.

    *

    Le cadavre du pigeon qui traînait dans ma ruelle n’y est plus. Une vieille à chariot, tout droit sortie de chez Duane Hanson, l’a emporté dans un sac en plastique translucide, peut-être pour lui donner une sépulture.

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  • Lundi en fin d’après-midi, je mets un pull pour sortir car c’est l’été et il fait froid en ce jour où l’on fête la musique. Je me rends directement place du Lieutenant-Aubert où jouait l’an dernier le musicien à chapeau melon dont les chansons m’avaient plu (et à quelques autres aussi). Il est là, sans chapeau mais avec sa fiancée. Nous faisons connaissance. J’apprends que son nom d’artiste est Sabstien. Il lui convient bien.

    C’est donc lui que j’écoute en premier, surtout séduit par sa voix, puis je vais ouïr pas loin Free Zay, une fille accompagnée de deux musiciens. Elle joue de la flûte traversière à la Jethro Tull et chante plutôt bien.

    Quand j’en ai assez, je remonte la rue Eau-de-Robec. Une fille rousse plantée devant Couleur Café chante folque et bien, du Tracy Chapman et une histoire qui fait peur, d’enfants perdus dans la forêt, en lithuanien ou en ukrainien (je ne sais plus). Un peu plus loin, face au Son du Cor, un groupe fait de la musique vaguement balkanique. M’arrête ensuite devant L’Eau Vive, où jouent les Flying Ducks, déjà entendus l’an dernier, très Hugues Aufray et son Skiffle Group, et puis devant le restaurant africain Mbongo, où l’on percussionne.

    J’écoute tout ça en regardant autour de moi. Certain(e)s promènent leurs enfants, d’autres leurs chiens, d’autres leurs bières. Une mère peste contre sa fille qui lance des cailloux dans l’eau, pas bien compris comment elle s’appelle, Nivéa, un nom comme ça.

    Je poursuis ma déambulation, évitant les groupes de branlotin(e)s qui découvrent le roquennerolle et les grosses scènes devant lesquelles on s’amasse, mais ne peux échapper, rue Damiette, à trois illuminé(e)s chantant Notre Seigneur, dont l’un vient vers moi :

    -Vous allez voir la gloire de Dieu dans votre vie, me dit-il extatique.

    Il me donne un petit papier : « Vous tous, peuples, battez des mains ! Poussez vers Dieu des cris de joie ! » avec le numéro de téléphone où tu peux te faire endoctriner.

    Sur le parvis de l’église Saint-Maclou, je m’arrête devant un garçon guitariste et une fille chanteuse entourés d’un nombreux public mais elle me soûle vite avec ses parlotes entre les morceaux, ses histoires de tube de dentifrice pas rebouché dans la salle de bains. Elle doit déplaire pareillement aux abeilles qui volent nerveusement au sommet de la Banque du Miel. Je ne traîne pas dans le coin.

    Pas davantage ne me retiennent les papys du rock qui endorment les client(e)s des terrasses au début de la rue Martainville. En revanche, ceux qui jouent un peu plus loin devant le Pub Alexander, du même âge, dépotent bien. Le chanteur est une sorte de José Bové qui saurait jouer de la guitare.

    Je repasse rue Eau-de Robec. Sur le terrain de boules du Son de Cor se donne une musique brésilienne peu audible. Devant Couleur Café joue une sorte de sous Sanseverino. Je m’échappe par une venelle dont j’ignore le nom où trois écroulé(e)s envisagent d’aller s’allonger dans la verdure.

    Place Saint-Amand, la fanfare Orphéon Piston m’achève. Avant que la fête de la bière batte son plein, un peu clopinant, je me glisse dans ma ruelle. Deux garçons, dont l’un dit à l’autre : « Quoi, je sais pas si tu te souviens d’elle, mais j’avais des affinités avec elle », bien entamés, viennent d’y pisser. Ils seront suivis de beaucoup d’autres.

    *

    Cette façon qu’ont maintenant les mâles de tout âge de s’embrasser pour se dire bonjour. Je crois que ça vient des comédiens. Moins on s’aime et plus on fait comme si.

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  • Le temps est encore pire que le matin, ce samedi, à l’heure où avec celle qui me tient la main j’attends que le défilé de la Lesbian and Gay Pride de Rouen veuille bien franchir le pont Corneille. Nous sommes à l’abri du vent en bas de la rue de la Rép. Près de nous cinq branlotin(e)s avec des appareils photo luxueux, assis sur le trottoir, attendent aussi. Au carrefour, trois policiers municipaux font de même. C’est long. Devait partir de Saint-Sever à quatorze heures, ce monde gay lesbi trans bi hétéro, mais est encore plus en retard que l’an dernier.

    Enfin, après je ne sais combien de quarts d’heure, finissent par apparaître les drapeaux dans le vent, moins nombreux que l’année précédente. Faut dire que cette manifestation a failli ne pas être. Elle ne s’est faite, en dernière minute, que par l’initiative de deux filles et d’un garçon qui se sont dit : C’est pas possible qu’il n’y ait rien à Rouen.

    Nous prenons place dans le cortège. Elle aimerait bien récupérer un autocollant arc-en-ciel mais il n’y a plus, semble-t-il. Il ne manque pas en revanche de drapeaux du Parti Communiste. J’en aperçois également un du Parti Socialiste et un du Parti de Gauche. Je lui fais remarquer que la Lesbian and Gay Pride est l’un des endroits où l’on peut constater qu’il y a parfois une différence entre la gauche et la droite, cette dernière n’y étant pas.

    Celle qui m’accompagne irait bien derrière le deuxième char mais ça bouge trop pour moi. Nous restons au cul du premier où le son est mauvais, pas trop près des politiques. Elle cherche des jolies filles et n’en trouve pas beaucoup.

    Le cortège, tranquillement encadré par quelques policiers municipaux, arrive devant la Mairie. On tourne à gauche et par la rue du Canuet nous rejoignons la rue de la Jeanne. Sur les trottoirs, autochtones et touristes nous considèrent sans montrer le fond de leur pensée. Tout à coup, la quinze ans qui marche devant nous devient toute rouge puis met un doigt sur sa bouche, implorant du regard un garçon assis devant le Palais de Justice, son frère sans doute (ne le dis pas à maman que tu m’as vue ici).

    Au carrefour avec la rue du Gros, le cortège est coupé en deux par le petit train des touristes puis un garçon travesti dit au micro de quel monde il rêve et comme on n’entend pas ce qu’il dit ça m’arrange. En revanche, je ne peux qu’ouïr la fille qui ensuite hurle :

    -On fait un sitigne, tout le monde s’assoit.

    Pas envie d’obéir, je reste debout, celle qui est avec moi aussi, ainsi que quelques fainéant(e)s de jeunes.

    -Tout le monde assis, beugle l’apprentie dictatrice, sans plus de succès.

    Nous repartons dans le froid, empruntant la voie de Teor vers la Cathédrale et là, à notre surprise et à celle des policiers, le défilé vient s’écraser contre le mur en bas de la place de la Calende, endroit désert où souffle un vent d’enfer.

    -D’habitude, ils montent sur le parvis, dit l’un des policiers à son collègue.

    Oui, cette année c’est plutôt raté, nous disons-nous alors que tombent les premières gouttes de pluie. Nous filons, utilisant la Cathédrale comme raccourci.

    *

    Un peu plus tard, nous sommes à l’Ecole des Beaux-Arts où elle photographie l’installation (peintures et miroirs cassés) de Lori Hersberger. Je demande à la gardienne si les touristes entrent ici. Elle me répond que non, sauf deux qui croyant à un acte de vandalisme se sont précipités à l’intérieur  pour lui demander si tout allait bien.

    *

    A propos de reflet, je me demande quel est le miroir de l’autre, l’équipe de foute de la France ou le gouvernement de la France ? Difficile de savoir qui copie sur qui.

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  • Il pleut samedi matin au moment où je suis prêt à quitter mon logis pour le vide grenier de Oissel. J’ajourne mon départ. Une heure plus tard, je m’y risque. Malgré le temps pourri, ce déballage a bonne mine et le centre de Oissel, où je ne mets ordinairement pas le pied (qui va un peu mieux), me plaît bien.

    C’est un jour de chance. Sur une table m’attendent, assemblés par un élastique, quatre volumes de photos de David Hamilton dont le prix figure sur un petit carré blanc : dix euros le lot.

    Oui, David Hamilton, dont les photos dans les années soixante-dix étaient en postères aux murs de la plupart des chambres de jeunes filles et en cartes postales aux présentoirs de la plupart des rues commerçantes, et qui maintenant se voit régulièrement dénoncer comme pédophile, au point que je ne sais plus quel musée de la photographie au Canada l’a décroché de ses cimaises pour l’aller ranger aux oubliettes.

    La dernière fois que j’ai vu des affiches signées David Hamilton chez une fille, c’était lors d’un déménagement. Je quittais Champigny-la-Futelaye où l’école fermait faute d’élèves pour aller m’installer au hameau des Taisnières à Lyons-la-Forêt. La jolie fille qui y faisait l’institutrice n’avait pas encore décroché les photos de jeunes filles nues qui décoraient la chambre de son logement de fonction. Cette chambre allait devenir la mienne. Il y faisait très chaud le jour de notre rencontre. Nous avions un point commun : elle était comme moi enfant d’arboriculteur. Je me souviens qu’en parlant avec moi elle jouait avec sa braguette et comme je me suis maudit après de ne pas avoir tenté ma chance. C’était en soixante-seize, je crois.

    J’achète à la dame de Oissel La jeune fille, L’album de Bilitis, Collection privée et The Best of de David Hamilton, tous parus chez Robert Laffont. J’ai déjà les trois premiers. Ils feront plaisir à celle qui me rejoint le samedi après-midi et qui regrette de n’avoir pas connu le temps où les filles dénudées d’Hamilton étaient visibles partout.

    *

    Avant qu’elle n’arrive, je passe ce samedi en début d’après-midi au Rêve de l’Escalier. C’est jour d’animation commerciale rue Cauchoise. Je la remonte pour voir ça jusqu’aux vendeurs de disques installés tout en haut. Entre les deux, accrochées à des panneaux d’exposition comme on en voit dans les salles des fêtes villageoises, de hideuses peintures donnent envie de fuir. Tout cela sinistre, faisant regretter la rue telle qu’elle est habituellement.

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  • Vendredi soir, je suis le premier (comme l’an dernier, remarque Maurice Attias, le professeur de théâtre du Conservatoire de Rouen) à attendre l’ouverture des portes du Théâtre de la Chapelle Saint-Louis pour le spectacle dit de fin d’année des élèves de ce Conservatoire.

    Près de moi quatre filles venues soutenir leurs camarades papotent comme on ne peut s’empêcher de le faire à cet âge.

    L’une : Y a mon frère là-bas.

    Les autres, en chœur : Lequel ?

    La première : Le moche.

    Les autres, en chœur : Aaaah…

    Le moment venu, je m’installe sur l’un des sièges qui couinent au centre du quatrième rang. Le spectacle cette année a pour titre Arturo Ui. C’est un montage de scènes tirées de Grand-peur et misère du troisième Reich et de La résistible ascension d’Arturo Ui de Bertolt Brecht et agrémentées de musiques originales composées par Jacques Petit et Julien Payant. C’est dire qu’on n’y parle pas seulement des années trente du vingtième siècle mais aussi d’aujourd’hui.

    Danses et chansons ponctuent la soirée, avec trois musicien(ne)s en scène (lesquel(le)s donnent aussi le titre des différents moments). Pour chacun de ces moments, l’un(e) des apprenti(e)s comédien(ne)s joue le rôle de l’annoncière ou annoncier, énonçant les didascalies, reprenant au besoin le jeu de tel ou telle. Quelques clins d’œil en direction du public ou de la rangée des examinateurs assis au fond dédramatisent ponctuellement l’enjeu du texte de Brecht et celui de la soirée. Des parents filment ou photographient leur progéniture qu’ils ont un peu de mal à reconnaître.

    Comme chaque année, je suis séduit par le jeu de ces actrices et acteurs débutants et par la mise en scène de Maurice Attias (assisté de l’une d’elles : Marie-Charlotte Dracon). Assises devant moi, les quatre filles du début se lèvent en hurlant des bravos à l’issue. Je me contente d’applaudir copieusement avant de rentrer chez moi, songeant en chemin que je n’ai jamais vu au théâtre de pièce de Brecht.

    Je me souviens en revanche d’un Cercle de craie caucasien vu à la télévision, il y a bien longtemps, peu avant que je parte de chez mes parents, et surtout de toutes les pièces lues dans la collection de l’Arche, empruntées à la bibliothèque municipale de Louviers, quand je n’avais pas un sou pour acheter un livre.

    *

    Ce vendredi matin, au marché du Clos Saint-Marc, un seul sujet de conversation : le match de foute perdu par la France la veille au soir. J’entends des : « On est nuls » « On a joué comme des nases » « On a été ridicules » « On l’a bien mérité ».

    Ce « on » en lieu et place de « l’équipe de France » montre à quel point les amateurs de foute sont atteints de la maladie dangereuse nommée Identité Nationale, me dis-je, évitant de parler à qui que ce soit.

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