• Se lever matin, sortir de la douche et s’apercevoir que l’orage vient d’éclater, c’est désolant alors que faire ? Un peu optimistes, au prétexte que la drache cesse tout à coup, celle qui m’accompagne et moi-même sommes un peu plus tard en chemin pour Mont-Saint-Aignan Village, habituellement l’un des meilleurs vide greniers de la saison, passant par la place de l’Hôtel de Ville de Rouen où règne une grande agitation de camions de pompiers et d’Electricité de France (j’apprendrai plus tard que, victime de l’orage, le O’Kallaghan’s a un peu brûlé).

    Arrivé au but, la pluie nous rattrape et pas qu’un peu. Nous nous réfugions au Café du Golf. Elle court à la boulangerie d’à côté et bientôt nous petit-déjeunons une nouvelle fois en considérant l’orage qui redouble. Les exposant(e)s se protègent plus ou moins. Certain(e)s pas encore installé(e)s repartent. Le cafetier regrette d’avoir ouvert ce dimanche. Une villageoise dit que comme la pluie fait des bulles sur le goudron, ça va durer toute la journée. On se donne jusqu’à huit heures et puis on rentre se remettre au lit.

    Malgré les bulles, la pluie cesse vers midi et le soleil pointe un peu le nez. Nous décidons de tenter notre chance à nouveau, d’abord au Grand-Quevilly mais rien pour nous, puis à Bapeaume-lès-Rouen où le bâtiment va et où un double cédé de Jeanne Moreau s’avère inachetable (il manque l’une des rondelles) enfin au Village chez les bourgeois de Mont-Saint-Aignan où forcément c’est mieux. Je trouve, dès la troisième vendeuse, des livres pour me plaire : Le Jardin des égarements de Li Ang, Le Jour de la Gratitude au Travail d’Itoyama Akiko et Thanatos de Murakami Ryû (les trois chez Picquier) et un peu plus loin les Mémoires de Madame Campan (Première femme de chambre de Marie-Antoinette) (Mercure de France). De son côté, elle achète une paire de chaussures, bientôt décevante.

    Il me reste à la raccompagner chez ses parents.

    *

    Terminé la lecture du Journal d’adolescence de Karen Horney (Editions des Femmes) qui écrit le quinze juillet mil neuf cent dix : Rien de plus insupportable que l’idée de disparaître en silence dans la grande masse de la moyenne, rien de plus accablant que le reproche d’être un individu moyen, gentil et aimable.

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  • Jour et heure inhabituels pour un vernissage chez Mam, je suis rue Damiette samedi à treize heures sans espoir d’assister au passage du camion poubelle parmi les vernisseuses et vernisseurs. Le vernis, c’est François Trocquet. On le reconnaît à sa chemise orange, à condition de ne pas le confondre avec un autre qui a une chemise orange itou. Je suis tout en noir, comme ses dessins, qu’il fait au stylo à bille, architectures inquiétantes plus ou moins cachées dans de sombres forêts, déjà deux de vendus et bientôt deux de chute.

    Chute due à la chaleur, parait-il. On s’agite pour remettre tout en place, cependant que je bois du vin rouge en mangeant des petits fours, écoutant, navré, une ancienne beauzarteuse raconter qu’elle est revenue de Paris pour participer à la performance (c’est son mot) organisée par Fabius sur la place de l’Hôtel de Ville

    Le communiqué de presse indique que l’exposition François Trocquet s’inscrit dans le festival Normandie Impressionniste, ce que confirme la présence dans la rue de deux totems en carton vantant le Fabiusland.

    Je demande à Marie-Andrée Malleville quel rapport entre les dessins de François Trocquet et l’Impressionnisme.

    -Si vous en trouvez un, dites-le moi, ça m’arrangera, me répond-elle.

    Elle m’explique qu’elle est commerçante et qu’elle profite de cette opportunité pour accroître sa visibilité, que grâce à ça on lui téléphone de Paris.

    -Et ça ne gêne pas l’artiste ? S’il y avait à Rouen une exposition surréaliste, il serait pareillement qualifié de surréaliste.

    Elle me dit que non. Je ne vais pas chercher confirmation, termine mon verre de vin et rentre à la maison où un peu plus tard arrive, vêtue de noir, celle qui me rejoint le ouiquennede.

    Quelques heures plus tard, nous sommes dans le jardin anticipant l’apéritif quand le calme est troublé par l’hélicoptère chargé de filmer le plus grand Monet du monde. Ce bruyant bourdon nous survole longtemps et quand enfin ça s’arrête, c’est l’archevêque qui lance les cloches de la Cathédrale, à croire que lui aussi veut être inscrit dans le Livre des Records pour la plus longue clocherie du monde. Je me demande ce que fait la Direction de la Tranquillité Publique ce samedi.

    *

    Le lendemain, je regarde les images de la performance fabiusienne. C’est encore pire que ce que j’imaginais. Voir ces mille deux cent cinquante volontaires vêtu(e)s d’un ticheurte blanc siglé Normandie Impressionniste faire danser dans un premier temps leur canotier au son de Mon amant de la Saint-Jean (une chanson impressionniste) puis lever leur plaque au-dessus de leur tête afin de constituer un agrandissement bancal d’une des cathédrales de Monet m’accable.

    *

    Une véritable performance artistique à la gloire de la Normandie figure dans le Livre des Records. On la doit à Joël Hubaut, le grossiste en art, avec un lancer de camembert en milieu urbain (vingt-cinq mètres dix-sept).

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  • Vendredi soir, il fait encore bien chaud à l’heure du concert à l’Opéra. Je m’abstiens de me précipiter dans la salle où la température monte avec le nombre de spectateurs et spectatrices, d’autant qu’une fois de plus j’ai une mauvaise place.

    Juste avant la fermeture de la salle, je choisis une très bonne place restée libre. Juin est un mois de vacances pour les abonnés à cheveux gris, beaucoup n’honorent pas de leur présence le concert d’accentus, concert fâcheusement qualifié d’impressionniste, Claude Debussy est au programme. Impressionniste « terme refusé par lui à l’égard de son œuvre, rétrospectivement incontournable le concernant » ose écrire François Boyenval, étudiant en musicologie à l’Université de Rouen.

    Le chœur accentus donne Les Angélus et Des pas sur la neige puis on passe à Francis Poulenc sur des textes de Paul Eluard (tous deux se sont rencontrés dans la librairie d’Adrienne Monnier), poèmes écrits et musique composée pendant la deuxième Guerre Mondiale. Le rapport avec l’Impressionnisme ? La notice est signée d’un nommé Jardin.

    A l’entracte, j’aperçois Valérie Fourneyron, Maire de Rouen, et Laurence Tison, son adjointe à la Culture, suivies de sommités festivalières et semblant chercher une sortie discrète.

    La soirée se poursuit avec des œuvres de Maurice Ravel. C’est l’occasion d’entendre la soliste Kaoli Isshiki qui se taille un beau succès et salue modestement à la japonaise.

    Enfin et enregistrés au moyen d’une forêt de micros, ce sont les Fragments d’Héraclite du contemporain  Philippe Manoury pour lesquels chanteuses et chanteurs entrent en scène avec clochettes et mini percussions.

    Comme souvent avec Laurence Equilbey, le mieux c’était pour la fin. Je sors ravi de ce concert à l’Opéra, n’ayant toujours pas de place pour le prochain, lui aussi qualifié d’impressionniste.

    *

    Un touriste au Son du Cor se plaint l’autre jour d’avoir été réveillé au carchère. Il parle d’une de ces laveuses en voie de multiplication dans le centre de Rouen. Ces machines sont censées nettoyer les rues. Après leur passage, on constate que ce n’est ni fait, ni à faire. Bruyantes, mal sentantes, gaspilleuses d’eau, parfois pissant l’huile, en un mot écologiques, elles irritent pas mal de monde, dont ce touriste et moi.

    *

    Samedi matin, je suis à Saint-Etienne-du-Rouvray pour le vide grenier du parc Henri-Barbuuse. Les exposants sont loin d’être tous installés. Organiser un vide grenier dans un jardin fermé par des grilles n’est pas simple. On aime se compliquer la vie dans cette ville dont le maire est communiste. Les organisateurs portent des ticheurtes marqués Sécurité municipale. Je me sens aussi bien protégé que dans une ville sarkoziste mais n’y trouve pas le moindre livre.

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  • Vendredi, juste après l’émission de France Culture consacrée aux Impressionnistes (où l’on a remis les pendules à l’heure, comme on dit), je me rends au marché du Clos Saint-Marc et, dans le premier carton que je fouille, trouve Monet, sa vie, son œuvre de Gustave Geoffroy, son contemporain et ami, réédité chez Macula avec une présentation et les annotations de Claudie Judrin, conservateure au Musée Rodin. Le sympathique vendeur ne m’en demande qu’un euro.

    Un peu avant dix heures, je suis à la porte de la Halle aux Toiles en compagnie des habituel(le)s bouquinistes (dont celui qui court partout comme un dément) pour la vente de livres de l’association Terre des Hommes.

    Impossible de trouver une logique dans les prix affichés sur les livres, tel un peu rare vendu un euro, tel trouvable partout vendu cinq euros. Je laisse donc des ouvrages qui m’intéressent mais que je trouverai moins cher ailleurs, ce qui n’empêche pas mon sac d’être vite bien chargé.

    Dans celui-ci : La jeune fille et le fugitif de Tommaso Landolfi et La vieille fille et le mort de Violette Leduc (tous deux chez Gallimard), Son testament de Daniel Guérin (Encre) dans lequel l’historien de l’anarchisme parle de son amour des garçons, Blesse, ronce noire de Claude Louis-Combet (Corti) qui évoque les amours de Georg Trakl et de sa sœur Gretl et Cons de Juan Manuel de Prada (Points Seuil) qui s’intéresse notamment à ceux de la violoncelliste, de la petite gitane, de la prof particulière, de tante Lorette, de la joueuse de tennis, de sa fiancée, de Mélusine, de la fillette et de mesdames les députées.

    Ultime livre à tomber dans mon sac et par pur narcissisme, un roman quelconque d’Alain Ravennes Michel paru chez Denoël, en mil huit cent quatre-vingt-dix-sept mais c'est erreur. Je ne savais pas qu’un roman portait mon prénom en titre. C’est l’histoire d’un homme qui aime un homme et en épouse la sœur de qui il a un garçon auquel il donne le même prénom et, dit la quatrième de couverture « tout recommence entre ce père et ce fils Michel », ajoutant : « un roman qui choquera ».

    Le scandale ne fut pas au rendez-vous et le livre et son auteur sont oubliés. Mon exemplaire bénéficie d’un envoi d’Alain Ravennes : « Pour Monsieur Hervé Bazin, en hommage respectueux et sincère ».

    Les livres d’Hervé Bazin (ancien président de l’Académie Goncourt) sont disponibles à vil prix au Clos Saint-Marc. Je ne vois personne en acheter.

    *

    Toujours à lire le Journal d’adolescence de la psychanalyste Karen Horney (Editions des Femmes). Le six juin mil neuf cent sept, elle écrit à Oscar Horney (son futur mari) :

    A l’église et à la maison, j’avais entendu ma mère parler du « christianisme en action », et j’en avais une notion très claire : il ne fallait pas seulement être porteur d’une parole, mais agir. Un dimanche, je mis donc toute ma réserve de pièces de 50 pfennigs dans le tronc de l’église –et pour ce geste, j’ai été grondée par ma mère à la maison.

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  • Jeudi soir, après avoir assisté à la Mairie de Rouen au parrainage civil de Paulina, Zenel et Erblina, scolarisés au collège Barbey d’Aurévilly et à l’école Marie-Houdemare, originaires du Kosovo et menacés de reconduite à la frontière, je me trouve au premier balcon de l’Opéra pour la présentation du programme deux mille dix deux mille onze aux abonné(e)s.

    L’Orchestre nous joue Beethoven puis entre une dame qui dit être la responsable de la Culture au Conseil Régional. Elle présente les excuses d’Alain Le Vern, président de ce Conseil Régional, qui devait être là mais est retenu au vernissage de l’exposition Une ville pour l’Impressionnisme (Monet, Pissarro et Gauguin à Rouen) puis elle raconte je ne sais quoi, je n’ai pas écouté.

    Frédéric Roels, directeur de l’Opéra de Rouen, fait ensuite la lecture des points forts de la saison à venir, guère de changements, guère d’audace et la menace d’entendre des moutard(e)s chanter faux sur la musique de Mozart, cela s’appelle un opéra participatif, une production personnelle qu’il fait venir de Liège. Il se garde d’évoquer les points de friction de l’année passée : la disparition du Chœur de l’Opéra remplacé par une sorte d’accentus augmenté par l'intermittence et le vrai faux départ du chef d’orchestre Oswald Sallaberger.

    Je note dans un coin de ma tête : Carolyn Carlson en janvier, Jean-Claude Gallotta en avril (pour L’Homme à tête de chou, Gainsbourg interprété par Bashung), Alexandre Tharaud en juin, et aussi, pour l’ouverture du Cent Six (je croyais que c’était top secret) Wax Tailor and The Mayfly Symphony Orchestra, rencontre prometteuse du trifouilleur de platines avec l’orchestre de l’Opéra de Rouen. Ce sera le dix novembre (après une tournée passant deux fois par Paris et Lyon et Lille).

    Frédéric Roels vante enfin tous les moyens modernes d’être en contact avec son Opéra.

    Vient le moment des verres de champagne et des petits fours excellents puisque confectionnés par l’Institut National de la Boulangerie Pâtisserie (mes préférés : les macarons groseilles foie gras). Il faut un peu se battre devant le buffet mais je sais m’y prendre, bien que n’ayant pas l’avantage, comme l’un des présents, du bras plâtré pouvant servir de matraque.

    On discute un peu, on boit et on mange davantage, certains draguent (elle m’a fait un demi sourire alors je me suis approché pour lui faire un demi sourire mais elle avait disparu, entends-je).

    Au moment de partir, je salue l’une de mes connaissances qui devrait se trouver au vernissage de l’exposition Fabius :

    -Je suis parti au bout de cinq minutes, me dit-il, ce n’est que de la com, ça ne donne pas envie d’aller voir la peinture.

    En chemin vers mon logis, je songe que cette année la formule d’abonnement Entrée Plus n’a pas été évoquée. J’en comprends la raison quand je consulte de plus près le programme de la saison. De vingt-deux euros par mois cette année, le prix passe à vingt-sept euros l’an prochain, soit près de vingt-trois pour cent d’augmentation.

    *

    J’écoute Les Matins de France Culture ce vendredi, en me remettant de mes excès de buffet avec l’aide du paracétamol. A l'occasion du lancement du festival Normandie Impressionniste (« immense manifestation » selon l’animateur Marc Voinchet), les invités en sont Anne Distel, conservatrice générale du patrimoine, auteure du livre Les Collectionneurs des impressionnistes (Editions La Bibliothèque des Arts) et Barthélemy Jobert, professeur d’histoire de l’art à la Sorbonne dont il est le vice-président.

    « C’est à Paris que tout a commencé, c’est là que Monet, Degas, Pissarro et les autres se sont rencontrés » rappelle ce dernier dès le début de l’émission.

    « Monet ne s’est installé à Giverny qu’une vingtaine d’années après la fin officielle de l’Impressionnisme », dit-il un peu plus tard.

    Anne Distel et Barthélemy Jobert racontent comment le Musée de Rouen a refusé la totalité de collection de François Depeaux (plusieurs centaines de tableaux impressionnistes) quand elle lui a été proposée une première fois et comment toutes ces œuvres, à cause du divorce de Depeaux, furent plus tard dispersées dans le monde entier, Rouen n’en ayant que quelques-unes.

    Jobert conseille enfin d’aller à Rouen pour les onze Cathédrales, mais d’abord au Musée du Havre pour les dessins de Degas et au Musée de Caen pour l’exposition autour de la gravure.

    *

    Information que l’on n’ébruite pas à Rouen : la grande rétrospective Monet, ce sera à Paris, au Grand Palais, à la rentrée.

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  • Après Satie et Monet, j’en suis à Ravel ce mercredi soir, et Chausson que je ne connais pas, programmés par l’Opéra de Rouen à la Halle aux Toiles. J’attends devant la porte ouverte quand deux guichetières altières (l’une à chapeau, l’autre à tatouage) me marchent presque sur les pieds sans me dire bonjour et vont s’installer à leur guichet. La vieille dame à cheveux blancs arrive qui semble avoir eu toute la journée le même programme que moi. Elle me dit qu’elle n’a pas aimé l’Esprit de Satie et qu’elle a renoncé à visiter Monet et compagnie.

    A l’ouverture de la salle, je ne prends pas ma chaise habituelle, choisissant l’extrémité gauche du premier rang.

    -Vous m’avez volé ma place, me dit la dame à cheveux blancs en s’asseyant à côté de moi.

    -J’avais envie de vous embêter, lui dis-je.

    Arrivent Hélios et Florient Azoulay. Je félicite ce dernier, grâce à lui on sait à quoi peut servir le buste du Canuet qui décore la salle du Conseil Municipal. Hélios m’apprend que pour lui la visite de l’exposition impressionniste, c’est jeudi.

    -Ah, vous faites partie du gratin, vous allez voir Pierre Bergé.

    Je me renseigne un peu sur Ernest Chausson lisant sur le livret programme que sa carrière fut prématurément interrompue en mil huit cent quatre-vingt-dix-neuf à la suite d’un fatal accident de bicyclette.

    Derrière moi, une dame discute avec son voisin qui lui annonce qu’il a déjà ses places pour le festival Automne en Normandie.

    -Je croyais que la location n’était pas encore ouverte, s’étonne la dame.

    -Oui, mais je connais Alexandra qui s’en occupe alors j’ai déjà toutes mes places. Il faut faire fonctionner son carnet d’adresses. Si vous avez du mal à avoir des places pour Automne en Normandie, demandez Alexandra et dites-lui que vous venez de la part de monsieur Lépouzé.

    La dame lui fait répéter son nom, elle ne connaît manifestement pas l’ancien libraire.

    -J’ai mes places avant l’ouverture des locations pour tous les évènements, se vante-t-il. Parfois des mois à l’avance. Remarquez, c’est un peu gênant parfois.

    Je m’attends à l’évocation de quelque scrupule moral.

    - Oui c’est un peu gênant, parce qu’on prend des engagements pour dans longtemps sans savoir si on sera encore vivant.

    Il reste beaucoup de places libres quand arrivent Jane Peters et Florent Audibert pour la Sonate pour violon et violoncelle en do majeur de Maurice Ravel, œuvre réjouissante qui suscite de nombreux applaudissements à l’issue.

    Pendant le court entracte, je bavarde avec l’un de mes fidèles lecteurs qui m’annonce un prochain départ pour la Suède où son amie a trouvé à s’employer puis je retourne m’asseoir près de la dame à cheveux blancs.

    -On va finir par croire que nous sommes de la même famille si on nous voit toujours ensemble, lui dis-je.

    -Et cela vous dérangerait ? me demande-t-elle.

    -Oui beaucoup.

    -Moi aussi.

    C’est le moment de Chausson dont on donne le Concert pour piano, violon et quatuor à cordes en ré majeur. Je suis très bien placé pour voir le jeu de Laura Fromentin au piano, celui de Jane Peters au violon et le joli dos nu d’Elena Pease au deuxième violon. La musique de Chausson est une très bonne découverte et obtient un joli succès d’applaudissements.

    En rappel, annoncé par Jane Peters, est repris le deuxième mouvement, une « Sicilienne ». Je dis au revoir à la vieille dame à cheveux blancs. Hélios Azoulay m’interpelle :

    -Alors Michel, que choisir Satie, Ravel ou Chausson ?

    -On ne peut pas choisir, lui dis-je.

    C’est aussi son avis. Il me vante la musique de Chausson et je lui dis mon plaisir d’avoir découvert ce musicien au nom déplorable.

    Il fait grand jour quand je rentre en contournant l’obstacle appelé Cathédrale de Rouen.

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  • Sorti de la Mairie subvertie par Satie, je prends le chemin du Musée des Beaux-Arts où, sous le patronage de Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture et de la Communication, Pierre Bergé, Président de Normandie Impressionniste, Laurent Fabius, Vice-président de Normandie Impressionniste et Président de la Crea, Valérie Fourneyron, Députée Maire de Rouen, Jérôme Clément, Président du Conseil scientifique de Normandie Impressionniste, Laurence Tison, Adjointe au Maire de Rouen chargée de la Culture, Jacques-Sylvain Klein, commissaire général du festival Normandie Impressionniste et Laurent Salomé, directeur des Musées de Rouen, ouf, sont heureux de me convier, ce mercredi après-midi, à une visite en avant-première de l’exposition Une ville pour l’Impressionnisme (Monet, Pissarro et Gauguin à Rouen).

    Je fais bien d’être l’un des premiers arrivés. Je peux entrer dans la première partie de la formidable exposition à l’entrée de laquelle se trouve non pas le directeur du Musée mais celui de l’Office de Tourisme. Je file vers la fin, où sont exposés les quelques tableaux que Gauguin fit lors de son court séjour décevant dans notre bonne ville, des toiles où l’on devine le vrai Gauguin, celui d’après, de Pont Aven et des Marquises, puis je vais attendre l’ouverture des portes de la deuxième partie où on ne peut entrer car la télévision n’a pas fini de filmer les Cathédrales de Monet. Dès le feu vert, j’y suis et seul avec elles. Elles ne sont que onze, moins nombreuses que lors de l’exposition d’il y a je ne sais combien d’années quand les politiciens ne se transformaient pas en commissaires d’exposition, quand on pouvait à Rouen montrer de l’art sans la fête foraine autour. Je m’attarde aussi un peu devant la série des bords de Seine que fit le vieux Pissarro depuis la fenêtre de son hôtel après avoir vues les Cathédrales de Monet, une sorte de « à la manière de ».

    Je suis consterné de voir aussi nombreuses les frechonneries et pichonneries de la prétendue Ecole de Rouen. L’un de ses zélateurs, François Lespinasse, ancien galeriste, est présent. Il est membre du Conseil scientifique de Normandie Impressionniste. Le lobby des possesseurs de tableaux de l’Ecole de Rouen (la bourgeoisie bourgeoisante locale) sait y faire pour augmenter la côte de ses croûtes. Un tableau me surprend cependant, c’est Le Pont de pierre de Charles Angrand, sorte de plagiat par anticipation de la Nuit étoilée de Van Gogh.

    Je repasse par la salle des Cathédrales de Monet où l’on est en train de faire son marché : « Ah, celle-là me plairait mieux ». Un responsable est interrogé par une dame qui veut savoir le pourquoi de tout ça. Il lui répond qu’il s’agit de donner un coup de fouet à toute la Normandie. Peut-être que ça la fera jouir, me dis-je en sortant avec l’intention de retourner dans la première partie de l’exposition.

    Hélas, les files d’attente sont maintenant considérables aux deux entrées. Je m’apprête à partir quand je suis appelé. C’est Bernard Clarisse, assis à l’une des tables rondes, l’air abattu. Je m’assois avec lui.

    -Il n’y a que des vieux ici c’est écœurant, me dit-il, le pire c’est que nous en faisons partie tous les deux.

    -Je suis venu parce que j’ai une carte des Amis du Musée, ajoute-t-il, mais quand je suis arrivé la première chose que j’ai vue, c’est Fabius en train de se faire maquiller sous un arbre. Je me suis dit ça commence mal.

    Nous médisons de concert pendant un moment puis comme ça se dégage du côté de la première partie, je l’invite à y entrer. Nous nous attardons un peu devant les Corot, qu’il aime particulièrement, puis devant deux Monet du début :

    -On ne dirait pas des vrais, me dit-il.

    -Oui, c’est de la fausse Monet.

    Nous voici devant les Pissarro du premier séjour à Rouen qu’il trouve un peu croûteux puis devant les Gauguin du quartier Jouvenet dont l’un est en train d’être abîmé par le puissant faisceau lumineux d’une caméra de télévision.

    -C’est toute cette peinture qui a donné les peintres du dimanche, me dit Bernard Clarisse. C’est une exposition pour temps de crise, ça ne va pas donner au peuple l’envie de se révolter.

    Il renonce à voir la suite et insiste pour que j’aille au vernissage de son exposition ce jeudi à l’Institut Universitaire de Formation de Maîtres de Mont-Saint-Aignan, mais non trop de choses à faire en ce moment.

    Nous nous séparons et je vais chercher mon sac à dos à la consigne. Quand je m’apprête à sortir, je vois arriver Fabius, le nouveau maître des lieux. Il se précipite sur les deux vieilles dames qui me précèdent :

    -Alors ça vous a plu ? leur demande-t-il tout sourire dehors.

    -Oh oui, répond l’une, j’ai découvert Lemaître.

    -Ah, Lemaître, s’écrie le Fabuleux, que j’adôôôre, que j’adôôôre !

    Ça pue, comme dirait celle qui n’est pas avec moi, il est vraiment temps de mettre les bouts.

    *

    Trouvé sur le blog d’Alina Reyes, auteure, entre autres livres, du Boucher et de Poupée, anale nationale : « Ce ne sont pas les riches bourgeois qui achetèrent des tableaux de Cézanne et de Monet qu’ils dédaignaient », me rappelait mon cher Sarane Alexandrian, ancien compagnon de route de Breton,  « mais l’employé des douanes Vincent Choquet, le pâtissier Eugène Maurer, qui collectionna trente Renoir quand personne n’en voulait, le baryton Faure, etc. »

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  • Pour l’ultime moment du cycle Satie confié à Hélios Azoulay, je suis à l’Hôtel de Ville de Rouen, ce mercredi midi, l’un des premiers à attendre l’ouverture des portes de la Salle du Conseil. A ma droite une vitrine contenant divers objets dont ce qui n’est pas une tête de Maori mais un masque de la Commedia del Arte offert lors du jumelage avec la ville de Salerne.

    Il nous est permis d’entrer, je trouve une place au premier rang avec vue sur le piano près de la dame à cheveux blancs que je côtoie souvent. Un jeune homme venu de l’arrière-salle distribue le programme de Rouen Impressionnée, l’opération municipale greffée sur le festival Normandie Impressionniste de Laurent le Fabuleux, non merci je l’ai déjà, puis Hélios Azoulay donne encore une chance à celles et ceux qui ont un grand salon de gagner un concert privé avec livraison de piano, de pianiste et de cantatrice interprétant Chopin en polonais. Je pense avoir la réponse aux cinq questions mais ne peux jouer étant logé petit. Je lis pendant ce temps, face à moi, la liste des maires depuis mil huit cent. Juste en dessous se trouve le buste du plus pesant d’entre eux, le Canuet.

    Hélios évoque ensuite les courtes œuvres de la première partie du concert : Petite ouverture à danser, Rêverie du pauvre, Les trois valses du précieux dégoûté, Avant-dernières pensées, Sonatine bureaucratique et le Rag-Time Dada issu du ballet Parade, tout cela joué par Beata Suranyi qui fit ses études à l’Académie Liszt de Budapest.

    En seconde partie, c’est Le piège de Méduse « comédie lyrique en un acte de M. ERIK SATIE avec musique du même monsieur », pièce de théâtre loufoque en quoi, nous dit Hélios Azoulay, on peut entendre une préfiguration du théâtre de Ionesco, dont les scènes sont entrecoupées de petites parties musicales jouées avec un piano sur les cordes duquel sont placées des feuilles de partition, préfiguration des pianos préparés de John Cage. Beata Suranyi est toujours au piano et Florient Azoulay joue seul tous les rôles de la pièce : le baron Méduse, sa fille Frisette, le prétendant Astolfe et le valet de chambre Polycarpe. Il donne également vie au singe empaillé Jonas qui danse quand joue la pianiste. Le buste du Canuet est promu accessoire de théâtre, ce qui pouvait lui arriver de mieux (peut-être un jour servira-t-il à caler une porte).

    Cela dégénère un peu plus quand le comédien lance l’animal à Hélios, qui me le lance, je le relance à son manipulateur, qui le relance dans la salle. Le singe empaillé vole au-dessus des têtes pendant un moment et l’on sent que l’esprit de Satie est vraiment là, loin de l’ennui habituel des conseils municipaux.

    La pièce s’achève par la fuite de Méduse et du récitant. Ce dernier revient et se fait applaudir comme il le mérite avec Beata Suranyi et Hélios Azoulay qui ensuite pulvérise l’urne en carton et donne le nom du gagnant du concours Chopin à la maison, lequel habite la rive gauche où il est grandement logé.

    *

    Vous reviendrez dans dix minutes. Je ne serai plus là. Erik Satie (Le piège de Méduse)

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  • Rentré du chantier du Cent Six, ce mardi, je dîne en regardant d’un oeil distrait sur France Trois Normandie, l’émission spéciale consacrée au formidable festival Normandie Impressionniste en direct du Musée des Beaux-Arts de Rouen puis je file sous une légère pluie à l’Opéra pour Justitia, une chorégraphie de Jasmin Vardimon, dansée par la compagnie anglaise qui porte son nom.

    Je suis au premier balcon, bien placé pour de la danse, et je lis sur le livret programme qu’il s’agit d’une histoire policière écrite en collaboration avec l’écrivaine Rebecca Lenkiewicz (inconnue de moi).

    Ça commence. Un homme est mort. Qui l’a tué ? Plusieurs versions sont données, dansées, parlées en anglais avec surtitrage (ou bien tu regardes les artistes ou bien tu regardes le texte, pas moyen de faire les deux en même temps). Une tournette à trois cases permet de passer d’une version à l’autre et d’un lieu à l’autre (maison du crime, tribunal, salle de thérapie). Cela se veut drôle, l’est parfois.

    Une suspension d'audience au tribunal autorise un entracte. Quand ça se remet à tourner, cela devient encore plus confus. Une femme raconte comment elle a tué une petite fille avec sa voiture. Il est ensuite question d’un avortement. A la fin, l’écrivaine range sa machine. Les personnages, objets de ses fantasmes, sont fixés au mur comme papillons de collection.

    Je n’aime pas les histoires policières, ni les tournettes, ni la danse bavarde, aussi applaudis-je peu.

    Dans l’escalier, certain(e)s essaient encore de trouver la clé de l’énigme.

    *

    Bonne pêche en ce début de semaine au Rêve de l’Escalier : Adrienne Monnier, éternelle libraire publié en deux mille dix par l'association Verbes, Les Poils, histoires et bizarreries (cheveux, toisons, coiffeurs, moustaches, barbes, chauves, rasés, albinos, hirsutes, velus et autres poilants trichosés) du polygraphe Martin Monestier (Le Cherche Midi, deux mille deux) et Les Folies Bergères de Rouen de Sébastien Lefebvre, publié en deux mille neuf par l’association Le Pucheux.

    Je vais en savoir plus sur la chaude vie nocturne de l’île Lacroix, découverte par la lecture du Journal Littéraire de Paul Léautaud. C’était avant l’ère de la Direction de la Tranquillité Publique.

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  • Mardi en fin d’après-midi, c’est en voiture que j’arrive dans la zone portuaire où se poursuivent les travaux de construction du Cent Six, future scène rouennaise de musiques actuelles. Il pleut à seaux. Je me gare sur le terrain vague qui entoure l’ancien hangar portuaire agrandi. J’écoute France Culture en attendant dix-sept heures, moment où la pluie cesse et où arrive une employée du lieu. Le coffre de sa voiture est empli de casques de chantier. Pas question de courir partout sans casque comme lors de la visite de la Non Médiathèque de Rouen avec Rudy Ricciotti. Ici, on ne plaisante pas avec la sécurité. « C’est obligatoire » nous dit notre guide. J’adapte mon casque à ma grosse tête.

    Curieux public que celui venu voir à quoi ça ressemble le Cent Six, bien plus âgé que celui qui viendra y écouter de la musique. Parmi la quinzaine de personnes casquées, quelques professionnels du bâtiment et du spectacle, l’œil critique.

    Quinze millions d’euros, c’est le prix de l’investissement. Il fait murmurer, on trouve ça « cher pour c’que c’est ». Il y aura à droite une petite salle de trois cent vingt places debout et à gauche une grande salle de mille cent places debout (trois spectateurs par mètre carré, c’est la norme, apprends-je). Cette grande salle aura un gradin amovible pour des spectacles assis ou à moitié assis à moitié debout. Assis on m’y verra, debout c’est moins sûr. Entre les deux salles se trouveront un studio de radio, un bar donnant sur la Seine et une salle pas montrée où l’on enfermera les fumeurs qu’il n’est pas question de laisser ressortir.

    La grande salle n’est pas encore étanche. Il nous pleut dessus. Quelqu’un trouve que c’est pas si grand que ça. Un autre doute que les travaux soient terminés en novembre comme prévu. Notre guide nous répète que Laurent Fabius de la Crea (nom barbare de la communauté de communes) fera une conférence de presse en juin pour annoncer la date d’ouverture. Un insolent demande si le Cent Six va remplacer le Hangar Vingt-Trois. « Le Hangar Vingt-Trois, c’est la ville de Rouen et le Cent Six, c’est la Crea » nous dit celle que nous suivons.

    -Elle passe vite et ce n’est pas une réponse, commente un autre.

    Nous montons à l’étage voir trois futurs studios de répétition, les bureaux de l’administration et l’accueil des artistes (trois loges, une salle de réunion et une immense salle de restauration avec une longue baie vitrée donnant sur le pont Flaubert). Mieux vaut venir faire ici l’artiste que le spectateur debout, me dis-je alors que nous montons au deuxième étage sous la tôle pour y découvrir encore deux studios de répétition, un studio de maquettage et un studio de création d’images numériques, toutes choses qui me concernent peu. Une élue de la Créa arrive, qui répond à une question concernant le fonctionnement en régie. Quant à la future programmation (quatre-vingt-dix concerts par an), c’est top secret (je suppose que Laurent Fabius de la Crea fera une conférence de presse).

    La visite de ce bâtiment à l’architecture sans intérêt est terminée. Nous redescendons. En bas, le groupe suivant, peu nombreux et un peu plus jeune, attend en compagnie de Jean-Christophe Aplincourt, le maître des lieux. Je donne mon casque à une dame et rentre par les quais non aménagés interdits à la circulation pour cause de transformation en plage de Rouen, l’une des attractions annuelles de Rouen Parc à Thèmes.

    Le premier tas de sable est déjà déchargé d’une péniche, triste comme un jour de pluie. Je n’ai pas posé ma question sur la future crue centennale et ce qu’elle fera du Cent Six.

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