• Un des plaisirs des échanges sur le réseau Effe Bé, c’est celui du commentaire écrit très vite puis jugé trop minable par son auteur et retiré vite fait par ses soins mais qui arrive quand même dans la boite mail de celui qu’il attaque bassement.

    J’en fais cette semaine une nouvelle fois l’expérience en me mêlant imprudemment à une conversation de bibliothécaires où l’on critique des étudiants installés, faute de place, aux tables et aux chaises prévues pour les enfants d’une de ces petites bibliothèques de quartier rouennaises. J’ose parler de maltraitance.

    Yaka ouvrir les bibliothèques universitaires pendant les vacances, me répond-on à Rouen.

    Une bibliothécaire de Poitiers y va de son point de vue :

    « On a quand même des étudiants qui disent "chut" aux bibliothécaires en train de renseigner des lecteurs, ou encore qui demandent combien de temps dure le concert dans le hall car ça les empêche de travailler... On veut bien les accueillir, mais qu'ils ne viennent pas se plaindre. »

    Bientôt toute la troupe de ces bibliothécaires investi(e)s d’une mission me tombe dessus (c’est là qu’arrive le mail du commentaire supprimé) alors, agissant comme il est prudent de le faire face à des missionnaires, je prends la fuite.

                *

    Deux mille onze ne me verra plus participer aux discussions du réseau social Effe Bé. Cela s’appelle une bonne résolution.

    *

    Plus question de faire le compte des voitures brûlées le soir de la Saint-Sylvestre, déclare le mal nommé Briseur de Feux, Ministre de l’Intérieur.

    Une bonne idée que devrait reprendre son collègue Ministre du Travail, ça fait trop longtemps que le chômage augmente.

    *

    Deux mille dix s’achève sans convocation judiciaire dans ma boîte à lettres. En revanche, j’y trouve deux laissez-passer coupe file pour l’exposition France 1500 au Grand Palais, envoyés par France Culture, un bonheur que je partagerai bientôt avec celle qui me rejoint pour le réveillon.

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  • Reposé définitivement l’autre nuit le pesant Journal de Delacroix dont les dernières années sont surtout consacrées à l’ébauche d’un dictionnaire des beaux-arts et emplies de longues citations de ses lectures (Balzac, Dumas, Casanova, Sainte-Beuve, etc.), j’en extrais ces dernières pépites, trouvées dans beaucoup de sable :

    Vingt septembre mil huit cent cinquante-quatre,au Tréport : Dîné sur le quai, chez un M. Letraistre, qui mérite bien son nom, par le mauvais dîner qu’il m’a fait payer très cher.

    Premier juin mil huit cent cinquante-cinq : Je déteste qu’on s’occupe longtemps de ces personnages épisodiques, tels que les chiens et les enfants, qui n’intéressent jamais que leurs propriétaires ou ceux qui les ont mis au monde.

    Dix septembre mil huit cent cinquante-cinq, en partance pour le Périgord : Voyage très rapide jusqu’à Argenton par l’express, mais toutes sortes de malheurs à partir de là. Arrivé à Argenton, attendant mes paquets une heure dans la boue et sous la pluie, avant de m’installer dans cette affreuse petite voiture où j’ai fait un voyage insupportable, entre l’enfant qui pissait et les trois femmes qui vomissaient.

    Quatorze novembre mil huit cent cinquante-cinq, de retour d’Angerville : Berryer me contait, en revenant, que l’un des progrès des Etats-Unis consiste à faire assurer son père quand il part pour un de ces voyages où on est exposé à tout instant à être mis en morceaux dans les bateaux ou les chemins de fer. Une fois que vous avez la confiance qu’en cas de malheur on vous rendra votre père en billets de banque, la famille est tranquille ; le père peut aller dans la lune et y rester, si bon lui semble ; je ne doute pas que nous n’arrivions à ce degré de perfection.

    Vingt-neuf août mil huit cent cinquante-sept, déçu par le nouvel aspect de Saint-Ouen de Rouen : Bref, je préfère la plus petite église de village comme le temps l’a fait, à Saint-Ouen de Rouen restauré, ce Saint-Ouen si majestueux d’autrefois, qui est aujourd’hui tout brillant de ses grattages, de ses vitraux neufs, etc.

    *

    L’objet qu’il faut avoir sur la table de son salon en cette fin d’année deux mille dix, l’Indignez-vous ! de Stéphane Hessel, désormais en vente dans les hypermarchés, de quoi se cacher à soi-même le quotidien Résignons-nous.

    *

    Un coup de zapette pour éviter la publicité à la télé et je tombe deux jours de suite sur une crétine émission de jeu de Canal Plus. La première fois, le couple de candidats est constitué d’une comique et de Xavier Bertrand, politicien sarkoziste. La deuxième fois, il s’agit d’une miss France et de Jean-Paul Huchon, politicien socialiste. Marions-les.

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  • Lecture pénible que celle du Journal de Michel Polac, l’ancien présentateur de Droit de Réponse à la télévision, un déprimé sans cesse occupé à pleurnicher sur son sort. Si je suis allé jusqu’au bout, il y a plusieurs mois, c’est que Polac m’intéresse quand il parle des autres, notamment des écrivains.

    Début mil neuf cent quatre-vingt-quinze, il évoque le méconnu André Blanchard en ces termes: Reçu à l’instant Messe basse d’A. Blanchard dont j’avais aimé le premier recueil de son Journal. Je n’ai vraiment pas les mêmes goûts, Mauriac, Cabanis, Léautaud, etc., mais j’apprécie son naturel et l’audace de son idiosyncrasie, nous nous retrouvons sur bien des points. et de citer ledit Blanchard en son nouvel ouvrage : Rinaldi, Bernstein, Polac : avoir mobilisé ces importants-là, faut qu’il les ait soudoyés, ricanent mes amis de Vesoul.

    Le nom d’André Blanchard ne m’était pas inconnu grâce à Loïc Boyer, Vésulien temporaire, qui me l’avait signalé dès son arrivée en Haute-Saône.

    Je l’ai lu bien après et ne trouve le temps d’en parler que maintenant, copicollant le peu qu’en dit Ouiquipédia : « S'opposant à la prééminence du genre roman, André Blanchard publie essentiellement des carnets, réflexions sur la littérature et sur l'actualité d'où s'exhale le mal-être de l'auteur. En ressort une vision exigeante de la littérature, considérée comme un besoin absolu. André Blanchard garde les salles d'expositions municipales de la ville de Vesoul. » J’ajoute qu’il est né exactement deux semaines avant moi.

    C’est une lecture attrayante que celle des ouvrages d’André Blanchard. Il sait écrire et a de la vie une vision qui me plaît bien. On croise dans ses textes, entre autres, les amis Jules Renard, Paul Léautaud et l’abbé Mugnier.

    Je connais encore peu de ses écrits : le premier volume des carnets, écrits entre avril et septembre mil neuf cent quatre-vingt-sept, Entre chien et loup (Le Dilettante) d’où j’extrais ceci : Qu’est-ce que le progrès ? C’est par exemple la physionomie du paysan d’aujourd’hui : à trente-cinq ans, un embonpoint impossible à camoufler, à se demander qui est engraissé pour l’abattoir, son bétail ou lui ! et Pèlerinages, des récits de vagabondage publiés en deux mille neuf chez le même éditeur.

    Ces Pèlerinages nous mènent en des endroits divers : au pied d’un monument aux morts, chez monsieur le curé, dans un quartier de Besançon à la recherche de sa jeunesse, au cimetière du Père Lachaise sur la tombe de Pierre Desproges, dans celui de Blaisy-Bas devant celle de Louis Calaferte ou encore à la chapelle de Ronchamp du Corbusier.

    Je relis tout ça en diagonale pour écrire ceci, prélevant cet extrait qui dit bien :

    Habiter un village à longueur d’année, se farcir la mauvaise saison qui en mange la moitié dans cette région, il y faut un moral tout en muscles, sans quoi on peut préjuger de la réponse :

    -Comment voyez-vous l’avenir ?

    -Au bout d’une corde.

    *

    Il fut un temps où Le Dilettante ne publiait quasiment que des bons livres, cela a changé, notamment depuis l’arrivée au catalogue d’Anna Gavalda, mais je l’oublie parfois d’où l’achat trop vite fait (un euro) d’un roman de Nicolas Beaujon Le Patrimoine de l’humanité, lequel narre l’histoire d’un gardien de musée cocaïnomane. Je lis ça : Je prends racine. Je suis comme enraciné dans ce musée. Rien ne peut me faire bouger. Si un visiteur m’adresse la parole je lève vaguement la tête et lui signifie qu’il me dérange en pleine méditation. Les chiottes ou la sortie, il n’y a que ça qui les intéresse., je le referme et le mets sur la pile des livres à revendre.

    *

    Cherchant sur Gougueule ce qu’on y dit de la rebellocratie chère à Philippe Murray, je lui trouve surtout des disciples (aux idées brunes) qui font tort à ses idées. Tel est le sort des idéologues.

    *

    Cela me fait songer au propos de Paul Léautaud (le contraire d’un idéologue), que je cite approximativement : « On écrirait moins si on savait par quels imbéciles on est lu. »

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  • Celle qui me rejoint dimanche soir me raconte son après-midi à Paris, passé à travailler à Beaubourg, dans une Bépéhi surpeuplée, après une longue attente dans la rue. Elle y retourne ce lundi, accablée de travail par les professeur(e)s en cette période de fêtes, comme bon nombre d’étudiant(e)s. Son train prend du retard vers Pont-de-l’Arche à cause d’une caténaire endommagée. Quand elle arrive au Centre Pompidou, elle constate qu’il y a encore plus de monde que la veille. La file d’attente fait le tour du bâtiment jusqu’à atteindre la place où se trouvent les fontaines mouvantes de Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle. Estimant à trois heures le temps nécessaire pour entrer dans la Bibliothèque, elle renonce et rentre à Rouen où aucune bibliothèque n’est en mesure de la satisfaire, ici rien que des bibliothèques de quartier (« L’heure n’est plus aux cathédrales de livres » a décrété Valérie Fourneyron, Députée Maire socialiste de Rouen, sabordeuse de la Médiathèque.)

    *

    Alcootest positif à l’Opéra, titre ce mardi le site de Paris Normandie qui explique : « Vendant de l’alcool sans autorisation, le Théâtre des arts s’est fait taper sur les doigts par les douanes. » Devra-t-on, en février, assister à la Flûte Enchantée sans pouvoir, à l’entracte, s’offrir une petite flûte de champagne ?

                *

    Lire le titre et les trois lignes en accès libre d’un article de Paris Normandie, c’est comme voir une bande-annonce au cinéma, on connaît l’histoire sans perdre son temps à voir le film.

    *

    Sur le réseau social Effe Bé aussi, je n’ai pas que des amis. Un organisateur de spectacles employé de librairie m’y poursuit de son animosité, me qualifiant chaque fois qu’il le peut de rebellocrate.

    Rebellocrate, un mot qu’il a emprunté à son nouveau maître à penser Philippe Murray, signifiant plus ou moins : qui pose en rebelle tout en étant proche du pouvoir.

    Ce qui est évidemment mon cas.

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  • Toujours dans la lecture du Journal de Delacroix dont je saute les nombreuses pages consacrées à la technique picturale et aux développements théoriques sur l’art et la littérature. Eugène m’ennuie souvent, qui déteste les anecdotes alors que j’adore ça. Il en laisse passer quand même de temps à autre.

    Ainsi, en charabia, celui-ci :

    Je me rappelle le fait que j’ai lu, il y a un an ou deux, dans les journaux, d’un malheureux qui, ayant porté plainte contre sa femme laquelle vivant authentiquement en concubinage avec son propre fils, l’avait mis, lui le père et époux, à la porte du domicile commun. La femme a été condamnée à un mois ou deux de prison. (lundi six mai mil huit cent cinquante)

    M’intéressent également les précisions sur son humeur du jour :

    Je crois que les pâtisseries d’hier mangées à mon dîner pour égayer ma solitude ont contribué à me donner ce matin la plus affreuse et la plus durable morosité. (jeudi neuf mai mil huit cent cinquante)

    Début mil huit cent cinquante-deux, Delacroix est fort séduit par des tapisseries reproduisant la série Vie d’Achille de Rubens (huit pièces : hauteur, quatre mètres ; longueur de l’ensemble, vingt-sept mètres cinquante, précise Viollet-le-Duc, responsable du catalogue). Ces tapisseries font partie de la succession Louis-Philippe et sont mises aux enchères avec d’autres provenant de la Manufacture des Gobelins :

    Pierret m’apprend que les belles tapisseries se sont vendues à deux cents francs pièce : il y en avait là de très belles et des Gobelins, avec des fonds d’or. Un chaudronnier les a achetées pour les brûler et en retirer le métal. (dimanche premier février mil huit cent cinquante-deux)

    « Aucun conservateur de Musée n’a songé à surenchérir sur le chaudronnier » commente en note infrapaginale André Joubin, responsable de l’édition.

    Autre plaisir de lecture, la narration succincte des dîners mondains auxquels Delacroix se rend de plus ou moins bon gré. L’un d’eux a lieu le vendredi seize décembre mil huit cent cinquante-trois :

    Dîné chez Véron. Il y avait là cinq ou six médecins. La conversation a roulé pour les trois quarts sur les anus, fistules, pustules et autres détails de la profession qui faisaient promettre, pour le dessert, au moins une petite dissection.

    *

    Deux filles dans un café :

    L’une : « J’t’ai pas raconté ? »

    L’autre : « Si, tu m’as raconté. »

    *

    Qui laisse traîner ses oreilles est parfois frustré.

    *

    « La jeunesse, toutes les jeunesses sont le temps kafkaïen où la larve humiliée, couchée sur le dos, n’a pas plus de raison de ramener sa fraise qu’elle n’a de chance de se remettre toute seule sur ses pattes, et autant que la vôtre, je renie la mienne.

    L’humanité est un cafard, la jeunesse est son ver blanc. »

    (Pierre Desproges, dit dans Desproges est vivant par Bernard-Pierre Donnadieu, mort ce lundi d’un cancer à soixante et un ans)

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  • Dimanche d’après Noël, je remets le pied dans les rues de Rouen et vais voir à quoi ressemble le marché du Clos Saint-Marc. Il n’est que l’ombre de lui-même.

    Je le délaisse et, par les rues vides, rejoins la bouquinerie du Rêve de l’Escalier pour laquelle il n’y a pas de dimanches en décembre. Le hideux cône métallique qui tient lieu de sapin devant la boutique est cassé en deux. La faute à des fêtards qui l’ont escaladé. Le maître des lieux m’explique que ça arrive chaque année.

    Je songe à celle qui doit me rejoindre ce soir, actuellement prête à grimper dans un train pour Paris afin d’y travailler à la Bépéhi, puis cherche une boulangerie ouverte.

    Une amie du réseau social se demande à quoi ressemble ce mystérieux « dimanche en province » dont parlent les Parisiens. Je ne le sais que trop bien.

               *

    Temps de fêtes, temps vide, temps perdu. Côté livres qui traînent par terre, je range, je note, je revends (du moins j’essaie).

    *

    Dans L’Art de marcher (Actes Sud), Rebecca Solnit évoque les guides de randonnées pédestres anglais classiques ou subversifs (tel l’itinéraire tracé au travers de différentes propriétés privées par Terry Howard, un habitant de Sheffield qui défend le droit des promeneurs d’aller et venir librement).

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  • Ai terminé Ma Valise, livre de souvenirs de Samuel Brussel, fondateur des Editions Anatolia, publié chez lui-même en mars deux mille dix. C’est assez mal écrit mais j’ai eu le plaisir d’y croiser François Truffaut, Anthony Burgess, Adolf Loos, Léon-Paul Fargue, Joseph Brodsky, Ivan Klima, Gertrude Stein. Jean-Pierre Verheggen, André Blavier, j’en saute et j’en passe.

    Quoi noter ? La rencontre avec Paul Keegan, éditeur de poésie chez Faber and Faber. Samuel Brussel évoque avec son confrère l’ancienne usine de pianos de Camden Town à Londres où se tenaient les Editions Duckworth dont le directeur faisait composer tous les manuscrits qu’il recevait pour les lire plus confortablement. La plupart des auteurs recevaient dans la même enveloppe une lettre de refus et, simultanément, un jeu d’épreuves de leur texte dûment mis en page dans une élégante typographie… Cet exemple de cruauté mentale me réjouit assez.

    A propos de cette usine, Samuel Brussel écrit aussi : Les escaliers de secours métalliques peints en noir à l’extérieur de ce bâtiment victorien me faisaient rêver chaque fois que je les apercevais au cours de mes promenades. Paul me raconta que l’artiste Escher y perdit un enfant en bas âge, qui passa à travers l’une des balustrades. Quelle place tient cet accident dans l’œuvre d’Escher ? Question que je me pose.

    *

    Dégoulinages de Noël : pas seulement les vitrines qui se déversent dans les chaussures des marmots, il y a aussi les cloches de la Cathédrale qui se débondent dans mes oreilles en pleine nuit.

    *

    Il est question d’une bonne nouvelle, donc d’un mensonge.

    *

    Le soleil est là et les oiseaux ne cessent de chanter, ce vingt-cinq décembre, mais impossible de mettre le pied dehors. Trop peur de croiser un moutard en train d’essayer une voiture télécommandée dans une rue déserte. Rien de plus déprimant.

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  • Comme celle qui me tient la main sera avec sa famille le soir du vingt-quatre, notre Noël est avancé au jeudi soir vingt-deux décembre. Elle arrive donc un peu après vingt heures chargée de mets et de cadeaux. Pour bande son, on choisit Brassens ; pour vin, une bouteille de Crozes-Hermitage.

    La fête continue le lendemain, débutant avec l’échange de cadeaux et s’achevant au Vicomté, où nous flambons le billet de vingt euros que j’ai trouvé un soir pas loin d’un distributeur automatique. Dégustant deux coquetèles accompagnés de choses à grignoter, nous nous sentons en ce lieu aussi bien que dans une série télévisée (saison un, saison deux, saison trois, et cætera).

    *

    « Y a même des journalistes qui l’disent : a l’dit pas bien mais a pose de bonnes questions », entends-je derrière moi, rue du Gros, mercredi matin vers dix heures. Je devine de qui on parle. Je me retourne : deux artisans à cheveux blancs et à caisses à outils. Ils baissent les yeux et la voix. Il semble qu’on ait toujours un peu honte de soutenir le F-Haine.

    *

    Jonathan Safran Foer, dont j’ai tant aimé Tout est illuminé, beaucoup moins Extrêmement fort et incroyablement près, est l’invité de France Culture ce vendredi midi, jour de dinde aux marrons, pour son livre Faut-il manger les animaux ? Derrière son discours mesuré, je pressens le prochain régime totalitaire.

    *

    « Petits enfants, ce soir c’est Noël, mettez vos vieilles galoches pourries à la cheminée et toutes les devantures brillantes des magasins vont dégouliner dedans. », une chansonnette de Coluche que je viens de découvrir sur Dix heures.

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  • D’Eugène Delacroix, je n’aime pas la peinture, n’ayant aucun goût pour le romantisme et l’orientalisme. En revanche, suis intéressé par son Journal que je lis la nuit dans l’édition Plon, un livre acheté il y a quelque temps à la bouquinerie rouennaise Le Rêve de l’Escalier.

    Ce Journal, écrit pour compenser un manque de mémoire, en cache deux, celui de sa jeunesse (de mil huit cent vingt-deux à mil huit cent vingt-quatre) où l’on voit Delacroix faire bon usage de ses modèles (Risqué la vérole avec Emilie) et celui de sa maturité (de mil huit cent quarante-sept à mil huit cent soixante-trois, année de la mort du peintre).

    Cette seconde partie est la plus intéressante. Je n’en suis qu’à mil huit cent cinquante.

    J’en extrais ce conseil médical qui peut toujours servir : Mme de Barrière (…) s’est bien trouvée du goudron pour une maladie du larynx. Faire fondre dans les commencements dans beaucoup d’eau et organiser un appareil pour ne rien perdre. Le goudron des ports vaut mieux. (mercredi quatorze février mil huit cent quarante-neuf) et cette réflexion philosophique que je fais mienne : L’homme recommence toujours tout, même dans sa propre vie. Il ne peut fixer aucun progrès. Comment un peuple en fixerait-il un dans la sienne ? (mercredi quatre avril cent quarante-neuf).

    Le jeudi trois octobre de cette même année, Eugène Delacroix se rendant à l’abbaye de Valmont (elle appartient à un sien cousin) s’arrête en chemin à Rouen, ville qu’il connaît déjà, afin de revoir au Musée l’un de ses tableaux : Le retard que j’ai mis à mon départ qui devait avoir lieu hier est cause que j’ai manqué à Rouen l’occasion de voir mon tableau de Trajan. Quand je suis arrivé au Musée, il était depuis le matin seulement (et c’était le jeudi) couvert à moitié par des charpentes élevées pour l’exposition des peintres normands. Si j’avais persévéré dans mes projets, je l’aurais vu à mon aise.

    Ce n’est donc pas d’aujourd’hui que le Musée des Beaux-Arts de Rouen est accaparé à certaines périodes par les peintres normands. Delacroix devait être de bonne composition, qui ne s’offusque pas de voir son œuvre ainsi mise à mal. Il faut dire qu’auparavant il avait déjeuné « fort bien » à l’Hôtel de France.

    Il soigne sa déception en visitant Saint-Ouen : ce lieu m’a toujours donné une sublime impression : je ne compare aucune église à celle-là puis les jours suivants : la Cathédrale qui est à cent lieues de produire l’effet de Saint-Ouen. (J’entends à l’intérieur, ajoute-t-il, car extérieurement, et de tous les côtés, elle est admirable), s’ensuit une description détaillée du bâtiment ; Saint-Maclou : vitraux superbes, portes sculptées, etc. ; Saint-Patrice : dont les vitraux sont beaux, mais (l’)ont ému faiblement.

    Cette escapade lui vaut d’être trempé par la pluie qui est continuelle dans ce pays.

    *

    Enfant, mère, grand-mère, en fin de déjeuner à l’Echiquier, mercredi après-midi. La mère regrette une sortie annulée à cause de la neige. Il s’agissait de monter jusqu’à un monastère où il y a encore des sœurs et de manger avec elles :

    -C’est marrant. C’est sympa comme tout. C’est familial.

    *

    Enfants, père, grand-mère, en pause au même endroit, un peu plus tard. L’enfant fille refuse de boire la boisson gazeuse qu’elle a commandée. Le père :

    -Sale morpionne ! Tu m’énerves !

    (C’est marrant, c’est sympa comme tout, c’est familial.)

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  • Laurent Fabius n’a pu résisté longtemps aux moqueries des artistes programmés au Cent Six, la seule Salle de Musiques Zactuelles sans alcool. Son porte-parole, Jean-Christophe Aplincourt, programmateur de cette Smac, annonce l’arrivée de la bière dès janvier, une bonne nouvelle pour celles et ceux qui ne peuvent assister à un concert debout qu’un pot de bière à la main, comme d’autres (ou les mêmes) ne peuvent voir un film au cinéma qu’un seau de pop-corn sur les genoux.

    Autre nouvelle locale, mauvaise, la fin du Festival de Cinéma Nordique de Rouen après vingt-trois éditions, une disparition annoncée par l’association organisatrice qui n’ira pas plus loin que le trente et un décembre deux mille dix.

    Suis peu touché par ces deux nouveautés, ne buvant pas de bière et boudant le cinéma nordique (trop de films de la sélection me décevaient, qui recevaient des prix à Rouen, sortaient ensuite nationalement et étaient alors classés par les critiques dans la catégorie médiocre).

    Et pendant ce temps-là, que fait Valérie Fourneyron, Députée Maire ? Elle cosigne une tribune libre consacrée à la situation du sport en France dans Le Monde, elle participe à un colloque de la fondation de gauche libérale Terra Nova sur l’avenir du foute français, bref elle fait ce qu’il faut pour être Ministre des Sports (au cas où un(e) socialiste serait élu(e) Président(e) en deux mille douze).

    *

    A l’Echiquier mardi après-midi, où je lis, le temps d’un café, Les naufragés et les rescapés (Quarante ans après Auschwitz) de Primo Levi (Arcades/Gallimard), un couple de quinquagénaires fait une pause dans la course de Noël. Le téléphone de la femme sonne. Elle le sort d’un étui à lunettes et s’en sert comme d’un tauquie-ouauquie. Le mari plonge le nez dans son banana split. C’était Louloute, lui dit-elle en remettant l’engin dans son étui.

    *

    Pas mis les pieds, ce mardi soir, à la Maison des Arts du Grand-Quevilly pour le vernissage de l’exposition collective Ils chantent et ils jouent, les gens entrent, pas eu envie de faire l’un des gens, suis allergique à ce mot, à tout ce qu’il signifie.

    (Pas étonnant qu’il soit si souvent employé par les responsables communistes « les gens en ont assez, les gens ceci, les gens cela » et d’une autre façon par les troupeaux de branlotin(e)s « allez les gens, on s’bouge ».)

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