• Terminé la lecture de Renaître, le premier des trois volumes de carnets de Susan Sontag, l’essayiste et romancière américaine née en mil neuf cent trente-trois et décédée en deux mille quatre. Publiés après sa mort par son fils David Rieff (en France chez Christian Bourgois), on y voit Susan adolescente, déterminée à être quelqu’une, à vivre son homosexualité, à écrire, puis jeune adulte commettant des erreurs, dont son mariage.

    J’aime ces notes personnelles qu’elle souhaitait ou ne souhaitait pas voir publier, son fils n’en sait rien, elle est morte d’un cancer sans rien lui dire à ce propos.

    Avant de ranger ce livre, je note les passages que j’y ai marqués :

    Sa narration de la fin de Gertrude Stein (déjà connue de moi mais je ne sais plus d’où) :

    A propos de la mort de Gertrude Stein : elle est sortie d’un profond coma pour demander à sa compagne Alice Toklas : « Alice, Alice, quelle est la réponse ? » Sa compagne a répliqué : « Il n’y a pas de réponse. » Gertrude Stein a repris : « Dans ce cas, quelle est la question ? » et elle retombée, morte. (Quatre novembre mil neuf cent cinquante-six)

    Le bilan de son mariage :

    Le mariage est une sorte de chasse tacite en couples. Le monde est tout en couples, chaque couple dans sa petite maison, qui veille à ses petits intérêts et qui marine dans sa petite intimité –c’est la chose la plus répugnante au monde. (Quinze février mil neuf cent cinquante-huit)

    Ce qu’elle dit de l’amour :

    Il est douloureux d’aimer. C’est comme se donner à dépecer, en sachant qu’à tout moment l’autre personne peut très bien partir avec votre peau. (Huit août mil neuf cent soixante)

    J’aime bien aussi :

    La vie émotionnelle est un système d’égout complexe. (Vingt-trois avril mil neuf cent soixante et un)

    Et :

    Je lui ai dit aujourd’hui : « Je t’aime », et elle a répondu : « Quel est le rapport ? » (Vingt-trois août mil neuf cent soixante et un)

    Enfin cette considération sur la vie sexuelle de ses compatriotes :

    La plupart des Américains commencent à faire l’amour comme s’ils sautaient par la fenêtre les yeux fermés. (Cinq mars mil neuf cent soixante-deux)

    *

    Ce à quoi sont prêt(e)s les Rouennais(e)s pour être au soleil. Presque toutes les tables de la terrasse de l’Echiquier sont occupées ce mardi après-midi malgré les travaux d’étanchéité de l’Espace du Palais. Boivent leur café ou leur bière parmi les engins et les camions, bruit, gaz d’échappement, risque d’accident. Vu de l’intérieur : un nuage de fumée blanche, mais c’est celui des cigarettes.

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  • Pas plus de trois quarts d’heure pour aller à pied du centre de Rouen au Kalif à l’orée de Darnétal, j’ai le temps de glandouiller dans l’un des canapés en attendant que commence le concert gratuit de The Divine’s Orchestra que je ne connais pas, considérant de loin les œuvres exposées par le Collectif d’en Face. Je les regarderai de plus près la prochaine fois. Je me contente d’aimer de loin celles au simple dessin blanc sur fond noir légendées de façon inquiétante « Luigi te déteste » « C’est la maison où est mort ton père ».

    The Divine’s Orchestra sont quatre, trois guitaristes et un batteur, sans doute assez débutants. Le chanteur, l’air timide, ne regarde pas le public. Ils font de la pop un peu rockée et réverbérée, pas désagréable à entendre. Une certaine Manon interprète l’une des chansons. Je ne sais pas ce que ça raconte sauf quand l’un des titres est traduit en français par « Heureux et fatigué »

    Ils terminent par un morceau qui n’a pas encore de titre et il n’y a pas de rappel. Ma montre indique vingt et une heures trente, bien le temps de retourner à pied jusqu’à chez moi mais comme il s’est, de façon imprévue, mis à pleuvoir, je rentre par Teor, sans payer, pas pris ma carte dix voyages ni mon porte-monnaie.

    *

    Le matin de ce lundi, en ma demeure, je prends un café avec l’une de mes connaissances masculines venue de façon fort sympathique me livrer deux cartons de merlot La Roche Mazet achetés, à petit prix, spécialement pour moi et celle qui me tient la main. Nous devisons de choses et d’autres, pas toujours d’accord, du vrai faux Duchamp acheté au vide grenier de Veules-les-Roses par Patrice Quéréel, cette Nature morte à la soupière vue en juin deux mille dix à la galerie Bertran (où elle faisait figure de vrai Duchamp), et de la querelle des cinémas d’Art et d’Essai rouennais (ce sujet m’intéressant peu). Il me dit que je suis pessimiste. Je suis plutôt sans illusions.

    *

    Le même, samedi matin, optimiste à l’ouverture de la vente des livres d’occasion du Secours Pop à la Halle aux Toiles espérant y trouver un livre sur Dada qu’il n’aurait pas encore, alors qu’avait eu lieu la veille la razzia de la horde des bouquinistes. De mon côté, sans chercher quoi que soit, je trouve La chair, le diable et le confesseur de Guy Bechtel chez Plon (collection Le doigt de Dieu), une étude des manuels en usage dans les églises, L’Ombre de Dionysos (contribution à une sociologie de l’orgie) de Michel Maffesoli au Livre de Poche et le Journal intime (année 1857) d’Amiel chez Dix/Dix-Huit, quatre euros le tout, ça vaut le coup.

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  • Vendredi soir, en métro, je rejoins Le Petit-Cul pour la deuxième des Sexy Scènes proposées par la Scène Nationale et arrive trop tôt au Théâtre de la Foudre. La bibliothèque François Truffaut est éclairée et, je le constate, ouverte à cette heure inhabituelle pour le vernissage d’une exposition de peinture que je me garderai de dénigrer. J’entre pour boire un verre, du crémant d’Alsace, qui vaut ce qu’il vaut, et grignoter des amuse-bouches en carton. Il est alors l’heure de pousser la porte du bâtiment voisin.

    Le stand de librairie de la scène précédente est encore là avec ses livres érotiques. J’apprends qu’il s’agit de la rouennaise Polis. On m’y offre une bibliographie de circonstance, non exhaustive, où je trouve du bon et du moins bon, beaucoup d’ouvrages que je possède déjà.

    Révolution est au programme, une chorégraphie d’Olivier Dubois, montrant douze jeunes femmes à la barre, de physique, d’âge et de vêtement différents, sur un Boléro de Ravel allongé à deux heures quinze. Cela commence par une longue marche rotative. Je fixe mon attention sur l’une des danseuses, une brune dont la robe est la plus courte, et résiste à l’hypnose comme je peux, manquant m’endormir une fois ou deux, cependant que les branlotines du rang précédent commencent à s’agiter et à demander si ça va durer deux heures comme ça.

    Non, peu à peu l’une ou l’autre des interprètes se décale ou s’arrête momentanément puis la danse s’accélère à mesure que la musique s’amplifie. Rien de sexuel dans cette révolution mécanique. Si elle était exécutée par des garçons, elle ne serait pas rangée dans la catégorie Sexy Scènes. Comme quoi le sexisme se niche là où on ne l’attendrait pas, me dis-je en suivant la rotation des douze, bien réveillé maintenant.

    Au bout des deux heures quinze, cela s’achève vite et fort et avec des danseuses qui surjouent l’essoufflement, d’où de copieux applaudissements et une partielle ovation debout. Il est presque vingt-deux heures trente. Il me reste peu de temps pour attraper le dernier métro.

    Je peste d’être coincé au milieu de la rangée qui s’évacue le plus lentement, mais arrive quand même à l’arrêt quatre minutes avant le passage de la rame. A l’intérieur, que des types dont il vaut mieux éviter le regard. Les deux assis devant moi (dont l’un a l’arcade sourcilière fraîchement recousue) tournent en boucle répétant sans cesse « Quand ça veut pas marcher, ça marche pas », leur façon à eux de faire révolution.

    *

    Cette chorégraphie d’Oliver Dubois aurait pu s’appeler La Mécanique des femmes si Louis Calaferte n’avait déjà utilisé ce titre pour l’un de ses livres authentiquement érotique, qui ne figure pas dans la liste de Polis.

    *

    Combien louche l’intérêt de beaucoup pour la triste histoire de la trop jolie Laetitia retrouvée en morceaux dans un étang près de Nantes. Combien cela révèle les turpitudes cachées au fond de chaque être humain.

    *

    Pendant ce temps, hormis celles et ceux qui habitent dans le coin, nul(le) ne s’intéresse au sort des deux étudiants disparus à Nantes début décembre deux mille dix et dont on ne sait toujours rien.

    *

    Un qui n’est pas en reste pour faire son miel de l’affaire Laetitia, c’est Sarkozy, le démagogue, le populiste, qui s’en prenant aux juges va connaître le goût du bâton quand il revient.

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  • Les filles clonées sont de retour à Rouen pour la French Cup de patinage synchronisé. J’en croise une équipe, chignons tirés, uniformes sportifs, valises à roulettes, en allant ce jeudi soir à pied jusqu’à ma voiture. Elle m’emmène à Saint-Etienne-du-Rouvray.

    Bientôt, je suis assis dans la salle du Rive Gauche parmi le public clairsemé venu voir Habit(u)ation, le deuxième volet de la Trilogie des parenthèses d’Anne-Cécile Vandalem. Le premier, (Self) Service, vu l’an dernier au même endroit, m’avait plu. Aujourd’hui, je n’accroche pas à cette nouvelle histoire d’enfermement familial.

    Le père est découpeur de saumon à domicile, la mère secrétaire dans les assurances, la tante conductrice de bus et la petite fille tire les ficelles. Au début de la pièce, on est dans un Tchekhov chez les pauvres, puis cela tourne au fantastique, la faute à la gamine qui rêve de Norvège et qui se venge de ne pouvoir y aller en saccageant mentalement l’univers familial. C’est joué sans conviction par l’acteur et les deux actrices adultes. Chloé Résibois, l’enfant fille qui fait l’enfant de la famille, y va de son naturel. C’est lent, ennuyeux, accompagné d’une musique sans intérêt. Je m’ennuie, mais contrairement à deux spectateurs qui s’esquivent côté jardin, je reste jusqu’à la scène finale, trop longue elle aussi. J’applaudis sans enthousiasme, et par le boulevard Industriel, je rejoins le centre de Rouen où plus trace de clones venues de Norvège ou d’ailleurs.

    *

    Autre représentation théâtrale annuelle : la vente de livres d’occasion du Secours Populaire vendredi matin à la Halle aux Toiles de Rouen. Les bouquinistes y jouent leur rôle d’acheteurs massifs. Les dames d’œuvre celui des bureaucrates à ticket. Je me contente de Gustave Flaubert écrivain de Maurice Nadeau paru chez Denoël en mil neuf cent soixante-neuf.

    *

    Une fois, j’ai déjà poussé la porte du Commissariat de Police Beauvoisine, il y a de nombreuses années, quand j’habitais à Val-de-Reuil, ayant trouvé un sac de fille oublié dans la cabine téléphonique devant le Musée Flaubert, d’où dépassait un livre sur le théâtre, l’y avait déposé, ce qui m’avait valu quelques jours plus tard les remerciements téléphonés de la demoiselle.

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  • Je remonte, jeudi matin, vers neuf heures moins le quart, une rue Beauvoisine très encombrée de voitures puis traverse le boulevard et sonne au Commissariat de Police. Une policière en uniforme est à l’accueil à laquelle j’explique que je suis convoqué pour neuf heures. Elle me demande ma carte d’identité, téléphone dans les étages et m’invite à attendre, ce que je fais en lisant Libération et en écoutant une dame qui essaie d’arranger les affaires de son père qui s’est fait voler tous ses papiers en Espagne.

    La policière me dit de monter au troisième. J’entre dans un bureau où se tiennent trois jeunes policiers à blouson de cuir. Celui qui m’a convoqué m’invite à m’asseoir. Les deux autres quittent les lieux. Les murs sont décorés de grandes affiches de films policiers. Une radio joue en sourdine. Une machine à café vient de fonctionner. Le policier me dit qu’il a un peu de mal à comprendre ce qu’on me reproche dans cette affaire. Je lui dis que moi aussi. Je lui demande quel est l’objet de la plainte. Il me parle de diffamation.

    Je dois d’abord répondre aux questions d’usage dont certaines m’étonnent. Ai-je une autorisation de port d’armes ? Non. Quel est le montant de mon loyer ? Je réponds à peu près. Quelle est la date de mon divorce ? Je n’en sais plus rien (on en met quand même une : mil neuf cent quatre-vingt-cinq, le premier avril).

    Le policier me lit ensuite ce qu’a déclaré l’ancienne commerçante rouennaise qui n’aime pas ce que j’ai écrit en deux mille neuf dans mon Journal au sujet de l’ouverture et de la fermeture de sa boutique. Elle parle de dénigrement, non de diffamation, ce que je fais remarquer à ce policier. En annexe du dépôt de plainte, début deux mille onze, sont jointes les copies de mes deux textes et celle d’un plus récent où je raconte comment cette dame m’a souhaité une très bonne année deux mille onze, via mon répondeur téléphonique.

    Le policier ne perçoit pas bien ce qu’est mon Journal. Il ne voit pas l’intérêt de passer sa vie à la raconter. J’essaie de le lui expliquer puis, en réponse à l’une de ses questions, je précise que je ne pratique jamais la diffamation, ni l’injure, ni l’atteinte à la vie privée, que mes propos sont du domaine de la liberté d’expression et de la littérature.

    Il veut savoir ce qu’il y a de littéraire dans le fait de raconter sa vie.

    -Ce qui est littéraire, c’est la façon de la raconter.

    Il prend note, comme de toutes ses questions et de toutes mes réponses. Ai-je l’autorisation de publier ce que j’écris ? Je n’ai pas besoin d’autorisation pour le faire. Vous allez encore écrire sur cette personne ? Je raconte ma vie, donc je vais raconter ma venue au Commissariat ce matin. Vous êtes obligé de raconter votre passage dans nos services ? Non, mais je vais l’écrire.

    Je lui fais remarquer que, dans mes textes, je ne donne jamais le nom de cette personne. Oui c’est vrai, me dit-il.

    On en arrive à la classique dernière question :

    -Reconnaissez-vous les faits qui vous sont reprochés ?

    -Non.

    C’est le moment de l’impression du procès-verbal. Je le lis. Il est fidèle à mes propos. Je le signe.

    Le policier me dit qu’il va transmettre au juge. Soit celui-ci donnera suite à la plainte et il me rappellera, soit il ne donnera pas suite et il ne me rappellera pas. Il ajoute que la deuxième hypothèse est la plus probable. Je lui demande quand il le saura. Sans doute la semaine prochaine, me répond-il. Nous nous souhaitons une bonne journée et je redescends les trois étages. Il est un peu moins de dix heures. Dehors, le soleil pointe le bout de ses rayons.

    *

    Parler de littérature avec un policier, c’est comme parler de tauromachie avec un ours blanc.

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  • Lorsque j’arrive à la gare de Rouen mercredi matin, une demoiselle me tend le numéro un de Côté Rouen, nouveau journal gratuit du groupe Ouest France, cent pour cent rouennais et vite lu. À peine l’ai-je déplié dans le train qui me mène à Paris, que je le replie, préférant la lecture du Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier dans l’édition Folio. Le train est trop petit pour y asseoir tout le monde. Les malchanceux remontent vers la queue avec l’espoir d’un siège. Quand il arrive à Saint-Lazare, il s’arrête en pleine voie puis, enfin, atteint son but.

    Je prends la ligne Quatorze du métro et vais à pied de Châtelet à Saint-Michel pour mon tour des librairies puis, avant midi, je rejoins par la Une la place de la Nation, près de laquelle se trouve l’Ecole de celle qui étudie dans la capitale. Nous allons déjeuner au restaurant Chez Sofiane, rue de Charonne, un endroit que nous aimons bien, parlant de nos soucis respectifs, son mémoire de philosophie, ma convocation au Commissariat de Police, et de sujets plus attrayants, tout cela en buvant du vin rouge.

    Elle doit retourner travailler. Je poursuis mon vagabondage. Il me mène dans le quartier chaud où je prends un café à la Fourmi, cet estaminet sympathique du bas de la rue des Martyrs qui me rappelle bien des souvenirs. Le café bu et la lecture du Poisson-scorpion achevée, je gagne à pied, répondant par la négative aux sollicitations des hôtesses de rue, l’impasse de la Défense, près de la place Clichy.

    Au numéro six vient d’ouvrir Le Bal, nouveau lieu d’exposition dédié à la photo et à la vidéo, dû aux architectes Caroline Barat et Thomas Dubuisson et sis dans ce qui était autrefois un lieu mal famé nommé « Chez Isis ». Le président en est Raymond Depardon et la directrice Diane Dufour, qui fut celle de l’Agence Magnum. Elle est en compagnie d’un couple à qui elle fait visiter sa première exposition au moment où j’y entre, après avoir payé mon obole et apposé une pastille autocollante sur ma veste.

    L’exposition s’appelle Cinq étranges albums de famille et montre, au rez-de-chaussée et au sous-sol, les œuvres de cinq artistes : A première vue, les photographies les plus limpides semblaient les plus étranges d’Emmet Gowin, L’album de famille de Lucybelle Crater de Ralph Eugene Meatyard, Flat is beautiful de Sadie Benning, My Sister d’Erik Kessels et Les aventures de Guille et Belinda et le sens énigmatique de leurs rêves d’Alessandra Sanguinetti. Ce sont les deux dernières qui me retiennent le plus.

    My Sister d’Erik Kessels est une vidéo, film de famille retravaillé (et mis en musique par Ryuichi Sakamoto). On y voit une mère et ses deux enfants jouant au ping-pong dans un jardin, l’aîné est Erik Kessels, la benjamine, jolie petite blonde, mourra bientôt dans un accident. Sa raquette racle à répétition sur le bois de la table.

    Les aventures de Guille et Belinda et le sens énigmatique de leurs rêves d’Alessandra Sanguinetti montre en une série de photos en couleur la croissance de deux cousines dans une ferme d’Argentine. L’une est une grosse fille, l’autre mince et jolie. Elles grandissent au fil des images et sont victimes de leur physique, la première reste solitaire, la seconde se fait engrosser. Des vidéos les montrent également, enfants rêveuses, puis devenues adultes avec pour conversation les tâches de la vie domestique.

    *

    Dans mon sac au retour de Paris : Les Vertus du Vice (Sexe, tabac, alcool, l’anthologie littéraire des jouisseurs) de Gilles Verlant (Albin Michel) et L’année de la pensée magique de Joan Didion (Grasset).

    Je lis ce dernier dans le train. L’auteure y raconte la mort, devant elle, de son mari, l’écrivain John Gregory Dunne, victime d’une crise cardiaque foudroyante, et ce qu’est sa vie ensuite.

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  • Autre recueil d’aphorismes : Le papillon et la poutre de Baldomero Fernández Moreno, écrivain argentin né en mil huit cent quatre-vingt-six, mort en mil neuf cent cinquante, que je viens de lire dans l’édition Pierre Mainard, des aphorismes choisis et traduits par Philippe Billé.

    Parmi les mille deux cent vingt-deux, j’en trouve une dizaine à emporter sur mon île :

    « Comment ça va ? » est en général tout ce à quoi se résume notre amour du prochain.

    Des sept péchés capitaux, deux ou trois me suffisent.

    L’Asie mineure doit avoir pas mal grandi depuis le temps.

    Mourir, c’est attendre les autres.

    Rien de plus précis qu’une balle perdue.

    Il ne suffit pas d’être bon, il faut être écrivain.

    On a du mal à croire que le paon appartient à l’ordre des gallinacés.

    Aussi excellent que soit un film, nous ressortons un peu honteux du cinéma.

    Quiconque tient devant lui un chien en laisse descend une pente.

    Seuls les vieux ont le privilège de commettre des excès.

    Evidemment, s’il fallait n’en garder qu’un, ce serait le sixième.

    *

    Terminé aussi Enquête sur Edgar Allan Poe poète américain, la biographie signée Georges Walter, publiée en Phébus libretto. Edgar Poe qui à l’âge de vingt-sept ans épouse sa cousine Virginia âgée de treize ans (un imprimeur a déclaré sous serment qu’elle en a vingt et un) et dont le seul livre réédité de son vivant sera Le premier livre du conchyliologiste, ouvrage alimentaire dans tous les sens du terme.

    *

    Digression de Georges Walter dans sa bio de Poe : C’est ainsi qu’à Monte-Carlo, un jour, Charlie Chaplin se glissa incognito dans un concours d’imitateurs de Charlot… et n’obtint que le troisième prix. Le genre d’anecdote dont on se dit que c’est trop beau pour être vrai. Ouiquipédia raconte une histoire similaire, mais à San Francisco.

    *

    Aucun film de la sélection Télérama montré à Rouen ne m’a attiré et je n’ai pas eu le temps d’aller en voir un pendant l’opération « Tous au cinéma » du Conseil Régional, donc pas eu l’occasion de sortir honteux du cinéma pendant les deux semaines à trois euros.

    *

    Rouen, café de l’Echiquier, une fille à une autre : « J’suis sûre que sa mère c’est du genre à faire des escalopes de dinde. »

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  • Vraiment je n’arrive plus à lire les romans, au point que je suis en train d’en revendre un grand nombre (d’essayer du moins), des livres de poche achetés pendant de nombreuses années, empilés sur le muret de mon escalier, que je n’ai plus envie d’ouvrir. Dernier essai en date, Milo de David Bosc, publié chez Allia, ce n’est pas que ce soit inintéressant, ni mal écrit, mais arrivé au milieu, j’en ai eu assez. J’en sauve ceci : L’escargot ne saurait avoir du caddie une vue d’ensemble. J’ai le goût des aphorismes.

    Ce pourquoi, je suis allé jusqu’au bout de Dits et contredits de Karl Kraus (dramaturge, poète, essayiste, satiriste et pamphlétaire autrichien mort à Vienne en mil neuf cent trente-six), un recueil d’aphorismes publié en mil neuf cent quatre-vingt-six aux Editions Gérard Lebovici (prolongation des Editions Champ Libre après la mort de Lebovici assassiné de quatre balles dans la nuque en quatre-vingt-quatre).

    Cela a vieilli, est empli de truismes et de partis pris, de généralisations abusives et de paradoxes faciles. Les femmes n’y sont pas gâtées : « La femme, ceci » « La femme, cela ». Nonobstant, j’y trouve de quoi me satisfaire :

    Aucune frontière n’incite plus à la contrebande que celle de l’âge.

    Le surhomme est un idéal prématuré qui suppose l’homme.

    Qui ne creuse pas de fosse à autrui y tombe soi-même.

    Ces conversations de coiffeur sont la preuve irréfutable que les têtes sont là à cause des cheveux.

    Le monde est une prison où la détention individuelle est préférable.

    Un poète qui lit : le même spectacle qu’un cuisinier qui mange.

    Mieux vaut qu’on ne vous vole rien. Car alors, on n’a du moins pas d’ennuis avec la police.

    L’aphorisme ne coïncide jamais avec la vérité : il est soit une demi-vérité soit une vérité et demie.

    Malheur à la loi ! La plupart de mes contemporains sont la triste conséquence d’un avortement omis.

    Aussi celui-ci, trop long pour mériter le nom d’aphorisme au sens strict mais plus que jamais valable aujourd’hui :

    Au commencement il y avait le service de presse, et quelqu’un le reçut, envoyé par l’éditeur. Puis il écrivit un compte rendu. Puis il écrivit un livre, que l’éditeur accepta et qu’il transmit au service de presse. Le suivant, qui le reçut, fit de même. C’est ainsi que s’est constituée la littérature moderne.

    Un dernier qui me plaît particulièrement :

    Les pensées sont libres. Mais on a quand même des ennuis.

    *

    Des romans au format de poche à vendre donc. J’en emporte un lot au Rêve de l’Escalier :

    -Bonjour, je vous apporte une série de lampes de poche.

    Ce lapsus au moins n’est pas sexuel. Ni autobiographique. Jamais, durant mon enfance et mon adolescence, je n’ai lu en secret sous les draps avec une lampe de poche.

    *

    Pourtant je ne cessais de lire, tout ce qui me tombait sous la main, même les Martine de ma sœur. Marcel Marlier, leur auteur, vient de mourir. Je me souviens avoir lu dans Libération, il y a quelques années, un article dans lequel on racontait que certains des dessins de ses albums avaient été refaits lors d’une réédition, au nom du nouvel ordre moral, pour la raison que chacun aurait pu avoir pour titre Martine montre sa culotte.

    *

    Dommage que Briseur de Feux, le Ministre de l’Intérieur, ait cédé si vite aux Céhéresses en congé de maladie contre la fermeture de deux de leurs casernes. « Je ne comprends pas, on a de plus en plus de travail » ai-je entendu l’un de ces solides policiers dire au micro de France Culture. Ils envisageaient des manifestations. J’aurais bien aimé voir les uns taper sur les autres.

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