• Après Manet Mahler, j’entre brièvement ce mercredi dans la salle du Musée d’Orsay commémorant le centenaire de la mort du compositeur, ne m’attardant que devant un tableau de Klimt, arbre fleuri dont je ne note pas le titre, laissant le reste de l’exposition à celles et ceux qui s’y connaissent en musique, passant dans les salles voisines où est présentée l’exposition Une ballade d’amour et de mort (photographie préraphaélite en Grande-Bretagne).

    J’ai une particulière dilection pour la peinture préraphaélite et ses atmosphères éthérées et maladives mais, hormis Lewis Carroll, je ne connais pas les photographes qui accompagnèrent le mouvement ou en furent les contemporains. Je découvre donc les images signées par Julia Margaret Cameron, John Robert Parsons, Roger Fenton, Henry Peach Robinson et autres. Elles me retiennent moins que les tableaux qui les accompagnent, notamment : Un huguenot le jour de la Saint Barthélemy de John Everett Millais, Jeanne d’Arc embrassant l’épée de la délivrance de Dante Gabriel Rossetti et le magnifique Jane Morris (Une robe de soie bleue) du même.

    Je me balade ensuite au hasard dans la collection permanente, ravi de rencontrer l’érotique Rolla de Gervex dont j’ai parlé à Bruxelles avec celle qui n’est pas avec moi ce mercredi pour cause d’études accaparantes (dans un restaurant notre set de table reproduisait un tableau de Gervex), puis fais de même hors d’Orsay ce qui me ramène dans des librairies d’occasion.

    Je rentre à Rouen le soir venu, dans mon sac le Discours sur Shakespeare et sur monsieur de Voltaire de Giuseppe Baretti (Anatolia), le bilingue Poudre aux moineaux Dust for Sparrows de Paul van der Eerden, préface de Frédéric Pajak (Buchet Chastel Les Cahiers Dessinés Esad Strasbourg) et le trilingue Tarmini tungujortut Les bleus à l’âme Blå mærker på sjælen, poèmes choisis du Prins Henrik (Forlaget Atuagkat).

    *

                Le Prince Henrik du Danemark est donc un poète. Une photo en quatrième de couverture le montre en survêtement blanc, couvert de médailles, ressemblant plutôt à un entraîneur d’équipe nationale de bobsleigh. Mon exemplaire est orné d’une dédicace (ou d’un envoi comme il faudrait dire) : « Pour le Comte Jean d’Ormesson, souvenir fidèle, Henrik, Prince Consort, juin 2009 ».

    Je l’ai eu pour un euro chez Book-Off (ce n’est pas sympa, monsieur le Comte).

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    Titres des actualités Yahoo ce jeudi matin « La mort de Marie-France Pisier reste inexpliquée » « Toujours pas de traces du suspect » « France Télécom cherche à comprendre pourquoi » ou comment faire de trois faits-divers un seul, plus mystérieux.

    *

    Jeudi après-midi, je rentre d’avoir pris un café avec une ancienne Rouennaise devenue Clermontoise. Trois véhicules de fourrière enlèvent les voitures garées sur le quai Jean-Moulin pour faire place à la fête foraine des Deux Fois Six Heures Motonautiques de Rouen (ex Vingt-Quatre Heures Motonautiques).

    Valerie Fourneyron, Maire socialiste, a ménagé la chèvre capitaliste et le chou écologiste, plus de course la nuit, plus de croisement avec les péniches, mais à fond pendant deux fois six heures, de quoi espérer quand même un bel accident.

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  • A l’arrivée du train à Paris, ce mercredi matin, le contrôleur souhaite à tout le monde une bonne fin de journée. Il est neuf heures et quart cependant. J’ai du temps pour fureter au Quartier Latin dans mes librairies préférées puis manger chez mon kebabier habituel. De là, à pied, je rejoins le Musée d’Orsay où à midi et demi j’ai rendez-vous avec Manet.

    Combien ai-je eu raison de prendre une entrée à l’avance pour cette exposition intitulée Manet, inventeur du Moderne, me dis-je alors en considérant l'ahurissante file d’attente qui serpente sur le parvis. J’entre sans peine et sans délai par la porte Cé, dépose mon sac au vestiaire puis me dirige confiant vers l’entrée de l’expo.

    Las, l’entrée immédiate, c’est pour le bâtiment, m’apprend un surveillant, il faut ensuite attendre pour s’approcher de Manet (oh, pas plus de dix minutes) me dit-il. C’est qu’il y a beaucoup de monde à l’intérieur. Il faut que ça sorte pour que ça rentre.

    Un quart d’heure plus tard, j’y suis et pas tout seul. Je m’efforce de m’abstraire et arrive assez bien à me concentrer sur les tableaux dont les bien connus. Il n’est pas utile de les citer ni d’expliquer pourquoi ils bouleversent la peinture, notamment en jouant sur la notion de  spectateur (qui regarde qui). D’autres sont moins connus et moins intéressants, dont je n’ai pas relevé le nom. Un qui fait parler, c’est La Maîtresse de Baudelaire aux bizarres proportions :

    -On dirait un homme, un travesti.

    -Elle a de grandes paluches.

    -Elle a l’air paraplégique.

    Baudelaire est là, pas loin, peint par Emile Deroy, ce qui montre que le poète a été jeune et n’a pas toujours ressemblé à Michel Houellebecq. On le retrouve en compagnie d’Edouard Manet et d’autres, peint par Fantin-Latour. De l’auteur des Fleurs du mal, on voit ici quatre petits dessins non dénués de talent.

    Beaucoup dans le public cherchent une place pour s’asseoir, une conséquence de l’interminable attente sur le parvis. Les élus sont peu nombreux. Des groupes cheminent à la suite de guides heureusement munis de microphone et parlant bas. Chacun évite l’autre et essaie de voir chaque œuvre. C’est le lot des grosses expositions parisiennes, celles dont une fois que j’y suis je me demande si j’ai bien fait d’y venir.

    Je m’arrête devant l’intéressant Portrait d’Emile Zola (jeune), passe vite devant les imitations de Monet par un Manet à la remorque des plus jeunes. Un Portrait de Monet dans son bateau lavoir est présenté dans un couloir. Le visage de Monet y est maltraité, barbouillé, lessivé, je soupçonne une certaine jalousie. M’intéressent peu les portraits mondains de Manet, qui me font songer au chemin pris plus tard par Van Dongen, pas trop non plus ses scènes religieuses ou de guerre civile.

    L’ultime tableau d’Edouard Manet est L’Evasion de Rochefort : une barque s’éloigne sur une mer très bleue, Rochefort y est le sosie par anticipation de Charlot.

    On sort de cet hommage à Manet en tombant chez Monet, Lebourg et autres Impressionnistes de la collection permanente, puis chez Van Gogh et Gauguin, toujours un plaisir de revoir ces deux derniers.

    Un peu fatigué, je fais une pause près des statues de Camille Claudel et d’Auguste Rodin, ne pouvant m’empêcher de penser au milieu de tant de tableaux à celui signé Maurice Utrillo que j’ai laissé filer dimanche au vide grenier.

    *

    Un micro, les guides pour touristes de Rouen en sont munis aussi mais parlent haut dedans comme s’ils n’en avaient pas. Je le constate plusieurs fois par jour quand ils cornaquent leurs troupeaux dans ma ruelle. La province a du mal à être moderne.

    *

    Mardi midi, un facteur remplaçant jette à terre sous le porche le courrier des dix-huit résidents. Je récupère le mien et appelle le numéro des réclamations de La Poste. Ce numéro m’envoie automatiquement sur un autre numéro où on me demande de taper un, de taper quatre, de taper deux, tout en m’abreuvant de publicités pour la Banque Postale et La Poste Point Effe Erre. Un jeune homme s’occupe enfin de mon cas et enclenche, dit-il, une procédure.

    -Vous ne vous parlez plus à La Poste, lui dis-je.

    -Je suis sur une plate-forme en région parisienne, je ne peux pas parler avec votre facteur, me répond-il.

    -C’est bien ce que je vous dis.

    Il veut me donner un numéro de dossier de réclamation. Je lui réponds que je n’en ai pas besoin, que simplement quelqu'un dise à ce remplaçant que sa clé ouvre la porte et que s’il n’y arrive pas, il peut appuyer sur l’une des dix-huit sonnettes.

    Ce jeudi midi, je reçois deux lettres circulaires de La Poste me remerciant, etc.

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  • Ce lundi de Pâques, elle repartie à Paris pour ses études, c’est seul que je me rends tôt à Appeville-dit-Annebault, près de Montfort-sur-Risle, dans l’Eure, où se tient un vide grenier d’importance. Décor champêtre, ruisseau chantant, chevaux dans les prés, et beaucoup de vendeurs et vendeuses dans la rue principale et ses adjacentes qui montent vers la forêt, dont pas mal de professionnel(le)s parmi lesquel(le)s plusieurs marchand(e)s habituel(le)s du Clos Saint-Marc.

    Le public est rural, augmenté à cette heure matutinale de celles et ceux qui collectionnent ou achètent pour revendre. Les échanges verbaux sont tout en finesse, du genre de ce dialogue entre femmes :

    -Y a pas d’âge pour perdre sa fleur.

    -Oui mais parfois faut un marteau-piqueur.

    Au carrefour central, la chaussée est marquée de plusieurs « COCU » à la peinture blanche. Je cherche choses et autres, pas de livre sauf si exceptionnel, et tombe en arrêt devant un tableau signé Maurice Utrillo. Le vendeur en veut trente euros. Je lui demande où il l’a eu. Il me répond qu’il l’a acheté dans une brocante. Lui-même est un brocanteur plus ou moins. Je suis vachement hésitant. Est-ce un vrai, une copie, un faux ?

    J’y réfléchis en continuant mon chemin et bientôt fais demi-tour, décidé à l’acheter. Il n’est plus là. Un autre n’a pas hésité. Evidemment, je me dis que ce devait être un vrai et que je suis passé à côté de pas mal d’argent, une impression amplifiée de retour à Rouen quand je cherche des images de tableaux d’Utrillo sur mon ordinateur et en trouve qui s’apparentent à celui que j’ai laissé filer.

    « Allez, ce n'est pas grave, tu ne sauras jamais réellement si tu es passé à côté d'un vrai ou pas mais tu sais, c'est peu probable, dis toi ça. » m’écrit celle qui étudie dans la capitale.

    Je ne suis pas certain de pouvoir être aussi sage.

    *

    Lecture nocturne de la Correspondance Gustave Flaubert Alfred Le Poittevin publiée chez Flammarion aux bons soins d’Yvan Leclerc, professeur de littérature à l’Université de Rouen (avec qui je me suis entretenu une fois ou deux). Le jeune Gustave (vingt-trois ans) a de Rouen une opinion arrêtée comme le montre la lettre à son ami Alfred écrite de Gênes le premier mai mil huit cent quarante-cinq :

    Dans trois semaines, un mois au plus tard, nous sommes de retour à Rouen, dans ce vieux Rouen qui peut bien être envahi par l’étranger, pillé et saccagé sans qu’il m’en coûte un regret. Je m’y suis embêté sur tous les pavés, j’y ai baillé de tristesse à tous les coins de rue.

    *

    Yves Leclerc est Directeur Général de l'Office de Tourisme et des Congrès Rouen Vallée de Seine, il est interrogé par Paris Normandie ce lundi. Titre de l’article : Tourisme religieux : Yves Leclerc «C'est une niche importante».

    Les surréalistes ont déjà dit ça avec le tract intitulé À la niche les glapisseurs de dieu !

    *

    Lequel fut publié le quatorze juin mil neuf cent quarante-huit et signé, entre autres, par Sarane Alexandrian, Hans Bellmer, Joë Bousquet, Victor Brauner, André Breton, Charles Duits, André Frédérique, Maurice Henry, Jacques Hérold, Alain Jouffroy, Henri Pastoureau, Benjamin Péret, Gaston Puel, Jean-Dominique Rey, Toyen et Clovis Trouille.

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  • Des bouquineries à Rouen il en naît et il en meurt (avec plus ou moins d’élégance). L’une des nouvelles, dernière née, s’appelle Les Mondes Magiques. Elle est sise rue Beauvoisine, côté droit en remontant, au quatre-vingt-dix-huit, plus bas que la concurrente encombrée de Joseph Trotta. Ici, tout est rangé et on est sympathiquement accueilli par des jeunes gens téméraires qui aiment les livres (ce n’est pas le cas de tous les bouquinistes) et qui les vendent à prix raisonnable (le même qu’au Rêve de l’Escalier, un tiers du prix neuf).

    Deux fois que j’y vais, non pour y acheter de quoi lire (trop de livres dans mon escalier attendent que je les ouvre) mais afin d’y vendre un peu de mon excédent de bibliothèque.

    Un endroit attrayant où l’on entend France Culture et où l’on peut boire un café (ou autre chose) entouré de bons livres, c’est fait pour durer, du moins je l’espère.

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    Dimanche matin, je passe vers dix heures et quart avec celle qui me tient la main au marché du Clos Saint-Marc. Il s’agit de se joindre à la manifestation antinucléaire qui devait commencer à dix heures, mais personne en vue (les écolos, toujours infoutus de se lever tôt). Pas question d’attendre, nous prenons la direction du Musée des Beaux-Arts de cette bonne ville de Rouen afin d’y voir gratuitement (c’est le Printemps des Musées) l’exposition Le Baroque en Flandres (Rubens, Van Dyck, Jordaens) composée de dessins venus de L’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. C’est minuscule et décevant. D’ailleurs rien d’intéressant au Musée cette année, celui-ci est exténué par la boursouflure impressionniste de l’été dernier.

    *

    Dîner du samedi et déjeuner du dimanche au jardin avec celle qui m’accompagne, soleil radieux mais tranquillité amoindrie depuis l’arrivée dans un minuscule appartement du rez-de-chaussée d’une Tatie Danielle dure de la feuille et à la porte ouverte. Le soir Questions pour un champion, le midi la messe de Pâques. Un(e) jeune laisserait sortir sa musique par la fenêtre que la copropriété lui tomberait dessus. Une vieille, il ne faut rien dire, au prétexte qu’elle n’a plus que ça et qu’elle va bientôt mourir.

    Personnellement, je souhaite une petite canicule l’été prochain.

    *

    Oui, je sais, il ne faut pas souhaiter la mort des gens. Comme le chante Dominique A, ça n’est jamais assez méchant.

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  • Ce jeudi soir, à l’Opéra de Rouen, j’ai droit à une chaise dans la fosse et comme je suis l’un des premiers à entrer dans la salle, je choisis la meilleure du premier rang à quelques mètres du piano. Un couple s’installe à ma gauche qui partage mon avis, c’est là qu’on est le mieux. Lui craint juste de ne pas voir tous les musiciens, surtout Naoko.

    Personnellement, je la vois bien la charmante clarinettiste mais pour le Triple concerto pour violon, violoncelle et piano en ut majeur de Ludwig van Beethoven, mes yeux sont sur Jane Peters au violon, Florent Audibert au violoncelle et Gérard Gasparian au piano. Le chef est encore Oswald Sallaberger. Le Triple concerto, comme l’explique Marie Delcambre Monpoël dans le livret programme, est une œuvre à part dans la production de Beethoven, mélodieuse, limpide, fluide et simple. Le trialogue entre les solistes est subtil et captivant. A la fin, j’applaudis copieusement. Les autres aussi.

    Après l’entracte, c’est encore la création mondiale d’une œuvre de Christophe Queval « peut-être aujourd’hui son chef d’œuvre » estime Jean-Baptiste Riffault dans le livret programme. Je ne sais en juger mais j’aime beaucoup ce Cassandre ou les Troubles songes (cinq fragments d’autoportrait sibyllin en forme de concerto pour orchestre) léger et sévère. Le compositeur grimpe sur scène, salue et fait applaudir le bassoniste et le percussionniste particulièrement mis à contribution. Pour finir, on en revient à Beethoven avec l’Ouverture d’Egmont.

    C’est une bonne soirée, l’Orchestre et son chef sont salués comme ils le méritent et puis chacun(e) rentre chez soi à une heure raisonnable, il est vingt-deux heures.

    *

    Toujours à la recherche d’un café rouennais de mon goût, un espoir à chaque nouveau, par exemple ce Café Perdu de la rue d’Amiens mais sitôt entré, sitôt déçu, trop froid, trop réfléchi, l’impression d’être dans la salle d’attente d’un cabinet d’architecte.

    *

    Du côté des anciens estaminets, l’un m’évite d’y entrer en affichant à l’extérieur sur papier jaune fluo découpé en étoile « Nous ne servons pas de boissons chaudes après 19h » « Verre d’eau 30 centimes » Il s’agit du Murphy’s, place du Vieux. La deuxième de ces pratiques est interdite par la loi, la première je ne sais pas.

    *

    Des cafés, à Rouen, il s’en ouvre plus qu’il ne s’en ferme. Pourquoi pas un pour moi ? Allez, ce n’est pourtant pas compliqué d’aller à Paris voir à quoi ressemblent La Fourmi et Chez Prune et d’en faire un copié collé local. Je ne demande rien de plus.

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  • Je l’attends mercredi un peu avant dix-neuf heures place Saint-Michel parmi deux cent vingt-trois de mes semblables qui en attendent d’autres, touristes de tous les pays et habitant(e)s de la capitale. On se saute dans les bras en poussant des cris quand ça marche. On attend en fumant ou en consultant sans cesse sa montre quand ça ne marche pas. J’ai les yeux sur la sortie du métro mais c’est elle qui me débusque. On se saute dans les bras (des risques de la dysclaverie : « On se saute dans les bras » qui devient « On se saute dans les bars », je corrige).

    Point de bar, ce soir c’est pique-nique. Celle qui me tient la main au milieu de la foule porte le manger et dans mon sac j’ai le boire. Nous descendons sur le quai rive gauche et avons la chance de disposer d’un banc qui se libère juste en face de la Cathédrale. À proximité, des jeunes gens musiciens nous délivrent une musique jazzy de bon aloi. Nous déballons notre marchandise, une terrine à la recette secrète, des asperges, deux desserts et une demi-bouteille de merlot biologique, que du sain et du bon.

    Tandis que nous dînons passent les bateaux-mouches, d’autres futurs pique-niqueurs en quête d’un endroit où s’asseoir et deux policiers à vélo qui s’arrêtent le temps que le retardateur d’un appareil photo se déclenche. Ne manque que Quasimodo dans les tours de Notre-Dame, lui dis-je, à quoi elle me répond qu’elle préfère Esméralda.

    Il en passe parfois de jolies et court-vêtues, en accord avec le temps qu’il fait. Ce pique-nique est pour celle qui est assise à ma droite, un opportun décrochage, obligée qu’elle est pendant toutes ces journées ensoleillées de travailler durement pour l’obtention d’un diplôme. Bientôt, une dame touriste et sa fille nous abordent, en peine d’un tire-bouchon.  C’est l’occasion pour celle qui m’accompagne de montrer son savoir-faire. Un peu plus tard, elle propose au couple de garçons qui nous fait face de les prendre en photo ensemble. Quand nous partons, nous échangeons quelques mots avec la fille et le garçon qui convoitaient notre banc et s’y installent. On est bien ici mais il me faut rentrer à Rouen et elle doit rentrer dans son beau quartier. Avant cela, elle m’accompagne jusqu’à Saint-Lazare.

    Rejoignant la rive droite à pied, nous découvrons un superbe coucher de soleil sur la Seine. La boule rouge tombant dans l’eau arrête tout ce qui porte appareil photo, dont un groupe de Japonais en Vélib’. Derrière nous, le spectacle est autre, vulgaire. Une immense affiche « J’adore Dior » recouvre l’échafaudage masquant la façade de Palais de Justice.

    *

    -Je n’ai pas envie de voir les affreuses images de poumon pourri ou de langue cancéreuse sur tes futurs paquets de tabac, lui dis-je. Elle me répond qu’elle gardera l’actuel et fera des transvasements.

    *

    Nous sommes l’un et l’autre outrés que l’on mette de pareilles images sous les yeux des enfants. Une image érotique est censée les traumatiser, ça non.

    *

    Bon, il n’y a pas que des horreurs sur les nouveaux paquets de cigarettes, on y voit aussi le n’importe quoi avec une image de jeune femme promenant une poussette vide pour illustrer le slogan « Fumer peut nuire aux spermatozoïdes et réduit la fertilité ».

    *

    C’est quoi ton contraceptif ? Ben, le tabac évidemment.

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  • Mercredi matin, à la gare de Rouen, le train pour Lille est annoncé supprimé et ma balise humaine n’est pas là sur le quai de celui pour Paris. Il manque beaucoup d’autres honnêtes travailleurs d’un certain âge. Seuls les plus jeunes sont présents. Les vacances de Pâques doivent se prendre à l’ancienneté. Je suis bientôt installé à contresens dans une voiture de milieu de convoi. J’y lis les Carnets du ghetto de Varsovie d’Adam Czerniaków. C’est une voix féminine qui annonce l’arrivée dans la capitale et demande de ne rien oublier dans le train et de faire attention en descendant, accentuant le côté maternage.

    Parmi mes envies du jour, celle de découvrir le nouvel accrochage du Centre Pompidou, section art contemporain, mais ce n’est pas l’heure. Je file vers le faubourg Saint-Antoine pour y explorer Book-Off  et, en attendant dix heures, me balade sur les pavés du quai du port de plaisance de Paris Arsenal. Habiter sur un bateau, ça doit être bien, et puis on doit s’en lasser, me dis-je, en considérant tel qui lave son pont, telle autre qui crie après ses enfants ne voulant pas venir petit-déjeuner.

    Je passe un bon moment chez Book-Off  où l’on écoute les Clash en concert (de quoi me donner envie de trouver le cédé au prochain vide grenier), déjeune chez Délices Traiteur d’un menu vapeur et me dirige à pied vers Beaubourg, m’accordant une longue pause place des Vosges. Rue des Francs-Bourgeois planent un air de rébellion et des banderoles : « Sauvons les Archives Nationales » « Non à la Maison de l’Histoire de France » « Hôtel de Soubise occupé », la faute à la politique nationale sarkoziste.

    Terminé l’accrochage au féminin, le Centre Pompidou est revenu à la mixité pour son étage contemporain. On y voit donc essentiellement des œuvres dues à des mâles. J’y retrouve de vieilles connaissances parmi lesquelles l’homme au canoë rouge de Peter Doig, vu lors de l’exposition à lui consacrée au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, et de récentes acquisitions, dont aucune ne m’excite particulièrement. Je m’abstiens de m’enfermer dans le noir pour les vidéos.

    En ce moment, le Centre Pompidou ne risque pas de choquer les pisse-froid et de voir débouler une bande de cathos tendance facho. Il met en valeur l’art ludique qui plaît aux parents comme aux enfants avec, par exemple, le Champignon triple géant de Carsten Höller et A=P=P=A=R=I=T=I=O=N (titre emprunté à Stéphane Mallarmé) de Cerith Wyn Evans et Throbbing Gristle (groupe de musique expérimentale et bruitiste), un mobile à la Calder diffusant au gré des mouvements du public des sons planants. Je les écoute de loin, sous le champignon géant, quand une fille ronde à lunettes m’aborde :

    -Excusez-moi si je vous dérange, mais j’ai l’impression de vous connaître, vous êtes un dessinateur, non ?

    C’est avec une autre que j’ai rendez-vous de l’autre côté de la Seine.

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  • Il y a un métro à Rouen ? Bien des fois je me suis vu poser la question. Par des Parisiens incrédules notamment. Eh bien oui, un tout petit, trois stations enterrées rive droite et une rive gauche, tout le reste en aérien comme un tramouais mais en moins bien.

    Un véritable tramouais aurait eu meilleure figure, animant les rues comme c’est le cas à Nantes, à Strasbourg et dans moult autres villes capitales. Ici, les politiciens font toujours le mauvais choix et les voici obligés d’engager des travaux colossaux et coûteux afin de mettre en circulation des rames un peu plus longues : renforcer un pont, améliorer les stations, etc.

     Passant ce mardi à proximité de la station Palais de Justice, j’avise un panneau annonçant sa fermeture pour plus d’un mois à certains moments de la journée (ou toute la journée, ce n’est pas clair) et montrant, pour se déplacer, comment prendre une navette je ne sais où.

    Voulant en savoir plus, je tape Té Cé Ha Erre (Transports en Commun de l’Agglomération de Rouen) sur mon ordinateur et obtiens des informations que je ne comprends absolument pas. Heureusement que je n’ai pas à le prendre souvent le célèbre métro de Rouen.

    *

    Granville l’autre jour, je descends de voiture et le premier homme que je vois s’approche pour me demander si je suis bien de Rouen. Il m’a vu souvent dans les foires à tout. Pas la première fois que ça m’arrive.

    *

    Granville toujours, un peu plus tard, avec celle qui me tient la main, j’observe le sans abri qui s’approche et lui fais comprendre d’un signe que je ne lui donnerai pas d’argent.

    -Non non, nous dit-il, je veux juste vous poser une question.

    -Oui ?

    -Vous avez pas un euro ?

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  • Public restreint, c’est les vacances, à l’Opéra de Rouen ce lundi soir où, en corbeille, je bénéficie de l’échange entre deux femmes d’âge certain qui parlent d’une troisième, absente mais dont le nom est claironné :

    -Y a kekchose qui me travaille, quand t’arrives en fin de carrière, y a quand même autre chose à faire que corriger des copies jusqu’à minuit. Y a kekchose que j’ai pas compris chez elle.

    -Je t’en dirai plus. Je t’expliquerai.

    La seconde donne un prospectus à la première, le programme d’une de ces animations culturelles dont on a le secret en province, des conférences à Bonsecours si je comprends bien. Elles se taisent enfin et je regarde un peu de quoi il est question ce soir, musique de chambre, Oswald Sallaberger au violon, dans l’ordre Albrechtsberger Queval Beethoven Mozart.

    Ordre bientôt remis en cause par Frédéric Roels, directeur, monté sur scène avec un micro, au prétexte d’un accordage particulier du violoncelle pour la « création mondiale » de Ciel ! mes boyaux…. Ce sera Queval Mozart Albrechtsberger Beethoven.

    Les boyaux sont ceux des instruments à cordes et l’allusion est à la Castafiore. J’aime bien cette composition de Christophe Queval qui déplaît à ceux qui sont derrière moi (l’un prétend que les gens applaudissent par politesse). Le compositeur grimpe sportivement sur la scène et prend sa part d’applaudissements.

    J’aime moins le Quintette numéro trois en sol mineur de Wolfgang Amadeus Mozart, dont la fin du premier mouvement, enlevée, entraîne des applaudissements mal venus qui reviennent à chacun des mouvements suivants.

    Pendant l’entracte, je discute d’autre chose avec l’une des mes connaissances avant d’aller me rasseoir dans ma corbeille.

    Ma voisine consulte le prospectus à elle donnée. Elle annonce à son mari qui, semble-t-il, n’a pas son mot à dire :

    -On ira à son truc. Ça lui fera plaisir.

    Derrière moi une bonne âme s’enquiert de l’état de santé d’une.

    -Alors, on dirait que ça va un peu mieux ?

    -On peut dire que c’est stationnaire si on est optimiste et si on est réaliste que ça décline doucement, s’entend-il répondre.

    Je ne me retourne pas pour voir la tête du maladroit, d’ailleurs c’est l’heure de la reprise, le Divertimento de Johann Georg Albrechtsberger (fâcheusement écrit Albrechtberger sur le livret programme) qui me divertit un peu, puis le Quatuor à cordes numéro un en fa majeur de Ludwig van Beethoven (bien applaudi et seulement à la fin).

    Il me semble que je goûte moins la musique de chambre depuis qu’elle n’est plus donnée à la Halle aux Toiles, salle contre laquelle j’ai pourtant pesté souvent, mais où au moins j’étais près des musicien(ne)s. De loin, c’est moins bien, me dis-je, tandis que sur scène on s’apprête à bisser la création mondiale signée Christophe Queval, un petit coup de réglage du violoncelle et c’est parti et pas du goût de certain(e)s qui sortent bruyamment, écouter ça une seconde fois leur tord trop les boyaux.

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  • Cela s’appelle des vacances et celle qui m’accompagne en a autant besoin que moi. Nous partons l’autre dimanche, tôt le matin, en direction de la Bretagne sans savoir où exactement.

    Il fait magnifiquement beau et arrivé à la hauteur de Granville, je propose à ma copilote de bifurquer, pas envie de conduire davantage. Nous trouvons chambre à l’Hôtel Michelet pour deux nuits, profitant bien de la ville le premier jour et faisant le tour de Chausey dans la brume le lendemain.

    S’ensuivent de courtes étapes bretonnes de chambre d’hôtes en chambre d’hôtes et de chemin de douaniers à chemin de douaniers, le temps devenant au fil des jours de plus en plus beau. A mi-semaine, on est à Ploumanac’h puis on refait le chemin dans l’autre sens, en sauts de puce, et rentrons à Rouen ce dimanche, bien bronzés.

    *

    Un des meilleurs moments bretons, le déjeuner à la ferme auberge de la Ville Andon à Plelo : poulet au cidre pour elle, andouille purée pour moi. Dans l’immense cheminée en pendent de bien belles.

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    L’endroit de la déception : l’île de Bréhat dont les propriétés privées empêchent de faire le tour, que des bourgeois(e)s à rayures et à vélo.

    *

    Au retour, après que celle qui me tient la main l’a lâchée pour rejoindre sa famille puis Paris, je fais le tour du vide grenier des Rameaux, quartier Augustins Molière.

    Le matin seul avec elle à la pointe du Grouin, l’après-midi perdu dans la foule des familles rouennaises, une erreur quelque part sans doute.

    Pour cinquante centimes, j’achète un exemplaire de L’Insurrection qui vient du Comité Invisible (Editions de la Fabrique). Ce sera pour elle, un rappel des dernières vacances d’été.

    *

    Reprise de contact avec l’actualité lamentable, j’apprends la destruction ce dimanche matin du Piss Christ d’Andres Serrano par une bande de nazillons et de calotins, encouragés par l'évêque Jean-Pierre Cattenoz, chez Lambert à Avignon. Dans les commentaires sous les articles de Libération et de Rue Quatre-Vingt-Neuf  s’étale la beaufitude de comptoir « je suis athée mais… » « il voulait faire parler de lui, il a réussi » etc. Pas un(e) de ces crétin(e)s pour s’interroger sur les intentions de l’artiste ni pour resituer l’œuvre détruite dans son contexte historique (mil neuf cent quatre-vingt-sept, l’une des années sida).

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    J’entends dimanche soir l’ancien ministre de la Culture de Chirac, Jean-Jacques Aillagon, comparer l’irruption de l’extrême droite catholique dans la salle d’exposition d’Avignon et la destruction de Piss Christ et d’une autre œuvre de Serrano avec l’irruption de la Ligue des Patriotes et d’associations antijuives lors de la projection de L'âge d'or de Bunuel et la dégradation d’œuvres exposées dans le hall notamment une de Salvador Dali, en mil neuf cent trente.

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    Piss Christ avait été exposé maintes fois sans problème, notamment au Centre Pompidou pour l’exposition Traces du sacré où je l’ai vu en juin deux mille huit. Depuis, il y a eu les propos de ce fat sot de Sarkozy sur la France aux racines chrétiennes.

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    Consternant le titre de l’article de Pierre Hasky sur le site Rue Quatre-Vingt-Neuf, qui reprend le langage de l’ennemi : « Des cathos intégristes détruisent le « Piss Christ » blasphématoire ».

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