•             J’entre, mardi après-midi, rue de la Chaîne dans la galerie du Pôle Image afin d’y voir les Black Churches de Rémy Marlot, onze photographies en grand format de la Cathédrale de Cologne, dont j’ai manqué le vernissage pour cause d’évènement parallèle. J’y suis seul.

                Plus que noire ces images de la cathédrale la montre bleu nuit. En contre plongée, on ne peut pas faire autrement. Je me souviens de la découverte de cet imposant édifice au sortir de la gare lors d’une escapade là-bas avec celle qui me tenait alors la main. Aucun recul, on est obligé pour la regarder de se faire mal à la nuque. Dieu aime qu’on se sente misérable vermisseau. Rémy Marlot l’a bleuie par contre-jour. Sur deux photos, on voit les échafaudages sans lesquels une cathédrale ne serait pas une cathédrale. Ce sont mes préférées.

    *

                Autre église, locale, à goûter de l’échafaudage, Saint-Maclou. Et pas qu’un peu, un immense assemblage de tubes métalliques l’enserre, surmonté d’une toiture de tôle, cela pour une sérieuse rénovation du bâtiment qui doit durer deux ans. Fatigué de tous les jours contempler ce joyau du gothique flamboyant, je trouve que c’est mieux ainsi.

                Il n’y aurait que moi qu’on casserait tout à l’intérieur. Après l’enlèvement des gravas, on conserverait l’emballage métallique. A l’intérieur, je verrais bien un Musée de l’Echafaudage.

    *

                Rouen « la ville aux cent clochers » écrivait le Toto de Juliette Drouet, alors un de plus un de moins.

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  •             Première fois que je lis Charles-Albert Cingria dont le nom est tenu en haute estime par certains de ses confrères que j’aime. Il s’agit de Bois sec Bois vert, recueil de textes divers, publié chez L’Imaginaire/Gallimard, livre acheté il y a quelque temps au Rêve de l’Escalier. Ça commence bien :

                Cette phrase : On cire à la perfection un soulier mais pas deux. Fallait-il une virgule avant mais ? Non, car cela est pensé (part et aboutit) d’un seul trait. La ponctuation doit être rythmique, respiratoire, gymnique, stratégique, anagogique, paragogique, topologique, logique, sophistique, philosophique, poétique. A la fois ? Je ne nie pas que chacune de ces initiatives ne contredise l’autre. L’on ne sait alors comment faire. Un jour tout s’arrange.

                Cette réflexion sur l’usage de la virgule avant « mais » me fait penser à un conseil d’écriture de Paul Léautaud (il y revient à plusieurs reprises dans son Journal Littéraire). Ne jamais commencer une phrase par « mais », recommandation que je n’oublie jamais de suivre.

                La plupart de celles et ceux que je lis l’ignorent, y compris les meilleur(e)s dont Charles-Albert Cingria (son livre finit par me lasser, il évoque le plus souvent des sujets sans intérêt à mes yeux).

                « mais » en début de phrase l’affaiblit. Un exemple avec Jean Echenoz dans Nous trois (roman que je viens de terminer, déçu par sa dernière partie), c’est au début d’un paragraphe :

                Mais pour l’instant, pendant que Marseille tremblait, c’est toute une partie de son socle sous-marin, au loin, qui vient de s’incliner.

                Enlevons ce « mais », le propos n’en sera que plus vigoureux.

                Je n’accable pas Jean Echenoz dont la lecture est bénéfique à qui écrit et même aux autres. N’est-ce pas de lui que j’ai appris à dégivrer mon réfrigérateur avec un sèche-cheveux.

                Thomas Bernhard est aussi de bon conseil pour l’écriture et la vie quotidienne. De lui, je viens de lire Mes prix littéraires (Folio) où j’ai trouvé ceci à ne pas oublier :

                Csokor finit par mourir, tout comme monsieur Saiko, qui quatre ou cinq semaines avant sa mort avait eu le temps de se voir décerner le Grand Prix d’Etat autrichien de littérature et qui (trois jours avant sa mort), au cours d’un trajet en tramway de Döbling au centre de Vienne, m’avait enseigné les avantages, pour celui qui comptait s’acheter une paire de chaussures, de ne jamais les acheter avant quatre heures de l’après-midi, car ce n’est qu’à partir de quatre heures de l’après-midi environ que le pied avait la consistance appropriée à un achat de chaussures.

    *

                Je lis ça, c’est la première phrase de Et ce sont les violents qui l’emportent, roman de Flannery O’Connor publié chez Gallimard avec une bonne préface de Jean-Marie Gustave Le Clézio : L’oncle de Francis Marion Tarwater n’était mort que depuis quelques heures quand l’enfant se trouva trop soûl pour achever de creuser sa tombe, et un nègre nommé Buford Munson, qui était venu remplir une cruche, fut obligé de la finir et d’y traîner le cadavre qu’il avait trouvé assis à table devant son petit déjeuner, et de l’ensevelir d’une façon décente et chrétienne, avec le signe du Seigneur à la tête de la fosse et assez de terre par-dessus pour empêcher les chiens de venir le déterrer. Cela donne envie de lire la suite, mais au bout d’un moment je m’ennuie, trop diluée cette histoire. De Flannery O’Connor, je préfère les nouvelles.

    *

                Retour à la case Polis et à la soirée porno de l’Omnia. Christophe Bier m’envoie un mail pour me dire ceci :

                « Censure-moi est bien à trois euros. Cela a toujours été son prix. L'éditeur, L'Esprit Frappeur, a fait une erreur en deux mille. Du coup, il a imprimé des étiquettes avec le code barre et le prix de vingt francs collées sur le mauvais prix. Mais, ils n'ont pas pris la peine de coller systématiquement l'étiquette sur tous les livres. Ceux-là venaient de leur réserve. Donc Polis a appliqué le bon prix. » Dont acte, comme on dit dans ces cas-là.

                « Ce livre mériterait d'ailleurs une réédition augmentée, avec des chapitres sur la dernière décennie, plutôt riche en problème de censure. » ajoute son auteur.

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  •             C’est une bonne chose que l’Omnia organise une soirée cinéma porno un jour où celle qui me tient la main est là. L’alibi culturel est la sortie du Dictionnaire des films français pornographiques et érotiques seize et trente-cinq millimètres (Editions Serious Publishing), ouvrage de référence rédigé sous la houlette (comme on dit) de Christophe Bier, invité. Les libraires rouennaises Polis et Le Rêve de l’Escalier sont parties prenantes (comme on dit aussi).

                Avant cette soirée de plaisir, je lui propose d’aller boire un verre et grignoter quelque nourriture à la Conjuration des Fourneaux. Las, nous nous heurtons à une porte fermée et point d’explication. Dépités, nous achetons des petits gâteaux à la Boulange de la Croix de Pierre où c’est toujours à un euro et rentrons nous sustenter à la maison.

                L’heure venue, nous prenons la direction de la rue de la République et trouvons place dans la salle deux, où ne sont encore assis que trois spectateurs. Quand entrent le staff de l’Omnia et leur invité, nous sommes à peu près soixante-neuf dont pas mal de jeunes filles et garçons et quelques messieurs seuls comme on en voyait autrefois sortir un peu honteusement du Ciné Bijou, rue Saint-Etienne-des-Tonneliers. L’un d’eux s’est installé deux sièges devant nous.

                Le numéro deux ou trois de l’Omnia se félicite d’avoir eu l’audace de programmer une telle soirée. « Je dirais même plus » duponne le numéro trois ou quatre. A peine donnent-ils la parole à Christophe Bier. Celui-ci a juste le temps d’indiquer que le Ministre de la Culture qui vient d’interdire l’anodin Sleeping Beauty aux moins de seize ans, figure à l’index de son ouvrage pour avoir participé dans sa jeunesse à un film érotique. Puis est lancé Les Goulues de Claude Pierson, film datant de mil neuf cent soixante-quinze. La copie provient de la Cinémathèque de Toulouse. On nous prévient qu’elle va sans doute casser.

                Comme souvent dans le porno, le titre du film n’a que peu de rapport avec l’intrigue. L’histoire est celle du vicomte Adhémar. Il est plus que temps de le marier mais il s’évanouit à la vue de sa promise. Il va en cure dans une clinique spécialisée, bientôt rejoint par père et mère (comte et comtesse) puis par sa promise, à l’insu les uns des autres. De sympathiques infirmières leur sont dévouées, dont mademoiselle Berthe « qui est experte ». Les acteurs et les actrices sont de tous les âges et de tous les physiques. La petite bonne qui au début du film se fait sauter par monsieur le comte est la seule à mon goût. Hélas, elle ne réapparaît que pour l’orgie finale. Entre les deux, on a droit aux habituelles scènes lesbiennes et à diverses pénétrations sans guère d’éjaculations. La scène la plus originale est la sodomie d’Adhémar avec un gode ceinture par mademoiselle Berthe (qui est experte). La musique du film est aussi atroce que le papier peint des chambres de la clinique.

                La copie des Goulues est en sale état, couleur rouge orangé, et comme prévu elle casse, casse et recasse, ce qui autorise une partie du public à se dérider, à applaudir certaines réparties particulièrement fines, comme le « Ça y est, Adhémar a démarré » du médecin-chef, ou à encourager le susdit vicomte dans certaines scènes « Allez, vas-y Adhémar ». L’étrange spectateur devant nous ne cesse de manger des gâteaux secs. Parfois, il se retourne avec un œil inquiétant vers celle qui est assise à ma droite. Elle trouve curieux d’être entourée de spectateurs dont la plupart bandent.

                Les Goulues se termine par l’éjaculation des lettres f i n, l’occasion d’un dernier éclat de rire avant la sortie. Dans le haule, nous retrouvons Christophe Bier prêt à dédicacer son Dictionnaire des films français pornographiques et érotiques seize et trente-cinq millimètres ainsi qu’un autre de ses ouvrages Censure-moi (Histoire du classement X en France) paru en deux mille à L’Esprit Frappeur. C’est la librairie Polis qui se charge de la vente. Je feuillette le second. Celle qui m’accompagne décide de me l’offrir. On regarde le prix au dos : dix francs, ce que le libraire traduit par trois euros.

                Je m’éloigne pendant qu’elle le fait dédicacer à Christophe Bier qui lui pose des questions indiscrètes à mon sujet tout en écrivant « Pour Michel, en souvenir d’une mémorable séance porno à l’Omnia ».

                Un deuxième film est projeté ensuite moyennant nouveau paiement Inonde mon ventre avec Brigitte Lahaie, mais elle et moi on a mieux à faire et c’est vraiment bon.

    *

                Je ne vais pas souvent à l’Omnia. Suffisamment toutefois pour regretter qu’on n’y donne quasiment pas la parole aux invités. Ce samedi soir, plutôt que projeter deux films, il aurait été bien venu de proposer une conférence de Christophe Bier puis un seul film pour illustrer le propos.

    *

                Dix francs qui se transforment en trois euros, on a le sens des affaires à la librairie Polis. Censure-moi est en vente sur le site de la Fnaque et chez Amazon pour un euro cinquante (et même moins après réduction), la livraison est gratuite.

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  •             En arrivant ce vendredi soir au Conservatoire de Rouen où l’on doit chanter Mahler, je croise une mienne connaissance avec qui j’échange quelques mots sur l’actualité de Tocqueville puis vais retirer ma place. Je suis le premier de la file de longue attente et m’efforce d’être patient, ce qui n’est pas simple quand on est très énervé. Devant moi, les trois ouvreuses et l’ouvreur discutent de leur nébuleux avenir professionnel.

                Quand enfin les portes s‘ouvrent, je me place là où j’aime être. C’est complet ce soir, m’a-t-on dit. Parmi les derniers et dernières à arriver, des élues municipales que je laisse passer pour qu’elles s’assoient trois sièges à ma gauche. Le noir se fait puis la lumière bleue de fond de scène devant laquelle s’installent la mezzo soprano Albane Carrère en robe de Castafiore et chignon pour se vieillir et la pianiste Alice Adler qui ne peut plus rien faire pour se rajeunir.

                Gustav Mahler est un de mes compositeurs préférés mais là non, ses lieder m’ennuient et ce n’est pas la faute de l’interprète ni de son accompagnatrice que, comme tout le monde, j’applaudis fort à la fin. Rentré tôt chez moi, je cherche comment me calmer et finis par trouver.

    *

                J’entre au Socrate pour y boire un café verre d’eau. Avisant Paris Normandie sur une table, je l’attrape afin de le parcourir (ça prend moins d’un minute). Une dame assise à la table voisine s’insurge :

                -Mais c’est à moi !

                Il y a donc encore une personne de moins de soixante ans qui achète Paris Normandie.

    *

                A propos de Paris Normandie, le bruit court qu’il va disparaître, les comptes sont dans le rouge sombre. On s’inquiète du côté du quatrième âge et de la droite régionale.

                On se fait du souci pour rien. Ouest France va racheter l’affaire et fournira la même infusette sarkozée.

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  •             Le nom a beau avoir été changé, c’est toujours la même Ecole des Beaux-Arts. Il n’y a personne à l’intérieur de la galerie où doit être vernie l’exposition Scènes de Xavier Zimmermann quand j’arrive à dix-sept heures ce jeudi. Sur la porte, une affichette m’apprend que certain(e)s élèves sont en « conférence obligatoire » avec l’artiste. J’entre et visite seul : dans la première salle, des photos d’automne, mise au point sur un détail, du flou devant, du flou derrière, c’est joli ; dans la deuxième salle, quatre vidéos sur les quatre murs, trois avec des bêtes en cage qui vont et viennent et la quatrième avec des moutards qui font du vélo sur un dallage quadrillé, le tout sonorisé des battements d’un cœur mécanique, pas longtemps pour que je me sente en cage moi aussi. Je repasse dans la forêt. Par la fenêtre, j’aperçois un groupe que je crois constitué de touristes japonais, mais non tout ce monde entre, il s’agit de la nouvelle promotion d’élèves. Pourquoi tant d’Asiatiques cette année ? C’est un mystère. Ils font le tour de l’expo en groupe, ressorte en groupe. Je vais voir si le bar est ouvert. J’y prends un verre de cidre. Le groupe arrive. La plupart boivent du vin mauvais, les Asiatiques s’abstiennent. Deux des nouvelles disent du mal des photos de Xavier Zimmermann : « Il a juste un très bon appareil et l’argent pour faire de grands tirages ».

                Je les plains quand je songe à leur avenir. Je sais ce que sont devenus celles et ceux qui étaient en première année avec celle qui me rejoint le ouiquennede et qui a heureusement choisi d’aller voir ailleurs. Un garçon est entouré. Lui aussi est parti. Le visage rayonnant, il raconte ce qu’il apprend dans son école de bandes dessinées. Un premier cercle l’envie. Un deuxième cercle lui lance des quolibets.

                On ne fait plus semblant de croire aux vernissages à l’ancienne Ecole des Beaux-Arts de Rouen : personne pour accueillir les invité(e)s qui errent et puis s’en vont, personne pour représenter la Mairie, juste quelques profs qui passent avec l’air d’avoir envie d’être ailleurs et des élèves qui font acte de présence.

                Après cela, je vais voir ce qui se passe rue d’Amiens à la galerie Störk, laquelle avant de fermer puis de renaître organise sa dernière exposition dont c’est le vernissage. Sur le trottoir, un garçon dispose des bouteilles de bière. A l’intérieur, des filles mettent la dernière main à l’installation des œuvres. Ce sont d’ancien(ne)s élèves des Beaux-Arts, ce qu’elles et eux font est formaté et pourrait être signé par n’importe qui ayant subi la même (dé)formation. Je rentre sans demander mon reste (comme on dit).

    *

                Des qui continuent à faire semblant, ce sont les politiciens, même s’ils jouent de plus en plus faux. Illustration : Merkel, Sarkozy et Monti, en réunion je ne sais où, assurant que la situation est sous contrôle.

    *

                Sur Facebook prospèrent les petits Fouquier-Tinville. Il y a quelques jours, un certain Alain De Nullepart, que je ne connais pas, à qui je n’ai rien demandé, veut être mon « ami ». J'accepte. Ce vendredi, laissant libre cours à une pulsion de trancheur de têtes, il décide de purifier sa liste d’« ami(e)s » et me vire.

                Qu'il aille se faire foutre. Nulle part ou ailleurs.

    *

                Novembre, Noël, No Future. (Oui, c’est de moi.)

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  •             Mercredi à dix-neuf heures, je m’installe dans le Teor qui grimpe à Mont-Saint-Aignan et arrive en avance à la Maison de l’Université dans le Bocal de laquelle Trente-Deux doit donner concert gratuit. J’en profite pour déposer des flayeurs invitant à l’achat à petit prix de mes livres des meilleurs auteurs français et étrangers (il y a peut-être encore des étudiant(e)s qui en lisent) puis vais au bar prendre un café qui m’est offert, songeant au temps déjà lointain où j’étais l’invité de Radio Campus aujourd’hui disparue.

                Le Bocal est une sorte de salle ouverte sur l’entrée de la Maison de l’Université. On y a installé des tables rondes et des chaises. Deux filles mettent des bougies aux fenêtres. Au lieu des étudiant(e)s que je m’attends à voir arriver s’installent à ma droite des retraité(e)s bientôt suivi(e)s par d’autres et par d’autres constituant le genre de troupeau que je déteste côtoyer, raison principale pour laquelle je ne vais plus au cinéma. L’une me demande si j’attends quelqu’un et si elle peut prendre une chaise.

                -Vous pouvez prendre la chaise, lui dis-je, mais je n’ai pas envie être envahi.

                Elle me regarde de travers et va s’asseoir plus loin, disant du mal de moi à ses semblables, des molles et des mous du bulbe qui, bien qu’assis(e)s juste devant la scène, se demandent si c’est bien ici que ça se passe.

                Des petits fours sont généreusement déposés sur les tables.

                -Tu vois, Dominique, que t’avais pas besoin de manger ta soupe, entends-je à côté.

                D’autres heureusement arrivent, dont quand même quelques étudiant(e)s. Il faut ajouter des tables et des chaises à ma gauche. A ma droite, ça continue à jacasser :

                -Catherine, tu aurais pu nous prévenir qu’il fallait ramener un coussin, les chaises sont dures.

                Ouf arrive Trente-Deux. Claire, chanteuse guitariste, et Mélanie, guitariste chanteuse, obtiennent le silence. Elles enchaînent leurs chansons de l’air de ne pas y toucher, comme elles jouent de la guitare, chacun(e) pouvant se reconnaître dans leur univers. C’est Humeur la mienne ce soir : « J’veux pas qu’on me trouve sympathique ». J’aime aussi les autres ritournelles, autant que la première fois lors de la fête du quartier Damiette. Dommage que celle qui m’accompagnait ne soit pas là.

                La dernière, c’est Lydie Poisson, particulièrement à sa place dans le Bocal et puis viennent les chansons de rappel dont une en italien. Le cleube du troisième âge a aimé ça et se demande pourquoi elles s’appellent Trente-Deux.

                Je sors. Un Teor est affiché pour dans trois minutes, mais deux filles sous l’abribus m’apprennent que l’horloge est bloquée, le prochain c’est dans une demi-heure. Je retourne dans le Bocal et noie mon humeur noire dans un verre de cidre, échangeant quelques mots avec Claire, la chanteuse guitariste. Elle me dit qu’un cédé cinq titres doit sortir en janvier.

    *

                Jeudi matin, je rentre du marché aux livres des Emmurées avec à la main le pavé de Victor Segalen Voyages au pays du réel (Œuvres littéraires) publié chez Complexe. Rouen est dans le brouillard. Quasiment invisibles sont la flèche de la Cathédrale et le sommet de la tour des Archives. Encore moins voit-on les éoliennes qui tournent en haut de la côte Sainte-Catherine.

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  •             Je me doute que ça ne va pas être palpitant cependant j’y vais. Le rendez-vous est à quinze heures ce mercredi place de la Cathédrale. Il s’agit de manifester contre le passage du train nucléaire Castor à Rouen (Castor pour CAsk for Storage and Transport Of Radioactive material), le dernier train chargé de déchets retraités hautement radioactifs en provenance de La Hague et à destination de Gorleben en Allemagne. A Valognes, de plus déterminé(e)s cherchent à empêcher son départ.

                Ici, on n’est pas plus d’une centaine, les habituel(le)s, près du ridicule sapin de Noël, membres de groupuscules antinucléaires ou politiques (Verts discrets, Alternatifs à calicot, Hennepéha à drapeau). Quelques journalistes sont de service. Des tracts sont distribués aux passant(e)s qui s’en fichent (comme quatre-vingt-quinze pour cent de la population). Deux discours sont prononcés au mégaphone. Il s’agira ensuite de partir dans les rues jusqu’à la gare en s’arrêtant par-ci par-là pour des opérations « die in ». Avant cela, les participant(e)s sont invité(e)s à se rassembler devant la Cathédrale « qui est là depuis longtemps » pour une photo souvenir. Je m’abstiens et mets les bouts n’ayant pas la moindre envie de m’allonger par terre pour faire le mort du nucléaire.

    *

                La photo souvenir, ponctuation des rassemblements où tu t’emmerdes, réunions familiales, assemblées générales, manifestations sans énergie.

    *

                François Mitterrand enterré à Jarnac (Charente), Danielle Mitterrand enterrée à Cluny (Saône-et-Loire). Il n’est jamais trop tard pour divorcer.

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  •             Encore un ouiquennede printanier de novembre, j’en profite samedi matin pour emmener celle qui me tient la main voir le port de l’Arsenal qu’elle ne connaît pas et qui lui rappelle, comme à moi, Amsterdam. Nous franchissons l’écluse, passons sous les voies du métro et continuons la balade au bord de la Seine. Assis sur un banc de pierre, nous considérons le va-et-vient des péniches et des bateaux-mouches. Elle me parle des fêtes où elle est allée sur la rive d’en face, près de la fac de Jussieu et de l’Institut du Monde Arabe, musique et bouteilles partagées, et me propose de passer boire un thé à la menthe à la Grande Mosquée. Ce sera pour plus tard.

                Nous retournons à l’Arsenal puis cherchons où déjeuner dans le quartier de la Bastille. Y surprenant un restaurateur en train de changer le prix de son menu au prétexte que c’est samedi, on va voir ailleurs. Un bus nous conduit à Nation. Nous optons pour le restaurant Le Muguet, avenue de Taillebourg. Hormis nous, le lieu n’est fréquenté que par des habitué(e)s et c’est vite complet. On comprend pourquoi quand arrive le copieux couscous méchoui dont on se régale. Comme promenade digestive, nous parcourons les allées du vide grenier de l’avenue Philippe-Auguste.

                Le soir venu, nous testons les coquetèles de La Timbale, rue du Mont-Cenis, et nous laissons séduire par un hamburgueur qui pourrait être meilleur. Heureusement, les frites sont de la maison.

                Le dimanche, il fait aussi beau. Nous déjeunons à la maison puis gagnons Saint-Michel en métro. Par le bord de la Seine et le Jardin des Plantes, nous arrivons à la Grande Mosquée où nous ne sommes pas venus depuis cinq ans. Dans ce décor à la Delacroix, nous buvons le thé à la menthe. Des moineaux devenus résidents volent au-dessus de nos têtes.

    *

                Les deux vieilles et le vieux qui s’installent sur un banc du jardin de la Tour Saint-Jacques. L’une des vieilles jette à terre une bouteille en plastique qui y traînait. Une femme de bon genre sortant du Centre Pompidou (dans son sac un catalogue de l’expo Munch) la ramasse, la montre à la vieille et la met dans la poubelle.

                -C’est pas à nous, s’insurge la vieille.

                -C’est pas une raison, s’insurge la bonne citoyenne.

    *

                Un moutard de maternelle au Centre Pompidou : « Est-ce qu’on va aller dans les tuyaux ? »

    *

                Un vieux couple bourgeois à La Mezzanine du Centre Pompidou :

                Lui : Il peut y avoir une crise, ça fera pas de mal à certains.

                Elle : Oui mais le problème, c’est qu’elle touchera tout le monde.

    *

                Hormis le copinage, pour quelle raison Erik Orsenna, socialiste d’Académie, sera-t-il le parrain de la prochaine édition de l’animation fabiusienne Normandie Impressionniste dont le thème sera l’eau ? Eh bien, il a écrit L’avenir de l’eau livre publié par Fayard dont les invendus sont actuellement bradés en piles (trois euros au lieu de vingt-deux) chez Mona Lisait, un coup d’épée dans l’eau (comme on dit à l’Académie).

    *

                Ce n’est assurément pas avec le livre d’Erik Orsenna que je rentre de Paris mais avec Suicide d’Edouard Levé, narrant celui d’un ami à lui et donc le futur sien (Pol) et La Police des écrivains de Bruno Fuligni, recensant des rapports de police sur les auteurs suspectés de subversion (Horay).

    *

                -Tu n’as pas eu envie d’aller voir Patti Smith au Cent Six ? me demande-t-on.

                -Non, je n’aime pas les vieilles chanteuses aux cheveux filasseux. 

                Je me félicite encore plus de mon absence lorsque j’apprends qu’avant son concert cette rebelle s’est livrée à une lecture privée pour les notables rouennais dans l’abbatiale Saint-Ouen.

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  •             Sortant du Centre Pompidou vendredi après-midi, où je suis allé revoir l’exposition Yayoi Kusama, j’ai l’œil attiré par le titre ironique de celle proposée en face au Centre Culturel de Serbie Aimez la France comme elle a aimé Van Gogh 1886 ! J’entre, dis bonjour et attrape un dépliant, apprenant qui est Raša Todosijević, connu (mais pas de moi) depuis les années soixante-dix, alors membre du groupe d’avant-garde yougoslave « Nouvelle pratique artistique » avec, entre autres, Marina Abramović (« Nos professeurs étaient des paresseux, des gens gras et stupides. » dit-il)

                Ici l’on montre en vitrine l’une de ses installations du cycle Grand Piano, instrument transpercé de cannes de marche, mais je suis davantage intéressé par les photos de ses performances passées, quand il frappait une femme en lui demandant sempiternellement en allemand ce que c’est que l’art Was ist Kunst ?, ou quand il servait à ses invités des plats nationaux serbes (haricots, pain et bière) sur une table en forme de croix gammée Gott liebt die Serben (Dieu aime les Serbes).

                A l’étage, une équipe filme en anglais un homme trop jeune pour être l’artiste, ce qui m’empêche de tout voir. Je redescends, emportant le texte d’un entretien de l’artiste avec Hans Ulrich Obrist. Il y raconte sa première performance en ces termes « J’avais un poisson rouge. J’ai jeté le poisson rouge sur le sol et j’ai commencé à peindre mon corps avec de la boue et à courir à travers le Melville College en attendant que le poisson meure. Les gens disaient, « Oh mon Dieu ! S’il vous plaît remettez le poisson rouge dans l’aquarium » et ils ont commencé à pleurer pour le poisson… Ils mangent du poulet chaque jour, pourquoi sont-ils en train de pleurer pour un poisson ? ». J’aime beaucoup cette histoire.

    *

                Autre délectation, la lecture de ce fait-divers l’autre semaine sur le site de Paris Normandie. Je résume. Un couple de Belbeuf se dispute. Elle annonce qu’elle va aller dormir à l’hôtel. Le fils de douze ans se cache dans le coffre de la voiture. Sa mère va en fait chez son amant à Caudebec-lès-Elbeuf. A l’arrivée devant la maison dudit, le fiston téléphone à son père qui déboule. L’homme trompé frappe sa femme, lui cassant la mâchoire. L’amant se réfugie chez un voisin. Pendant que le père essaie de forcer la porte, le fiston ravage l’appartement de l’amant. Les policiers appelés par le voisin arrivent et constatent les dégâts.

                Epilogue : le fiston est placé chez sa tante, la femme à l’hôpital et le mari en garde à vue (il en sort assez vite, sa femme n’ayant pas porté plainte contre lui).

    *

                Elle lui dit que l’important c’est qu’elle puisse rebondir. Rebondir, un mot que je déteste mais comme il est question d’une professeure de danse il est peut-être à sa place.

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  •          Je suis présent, mercredi à dix-huit heures, pour la petite démonstration que donnent l’Orchestre de l’Opéra de Rouen et le Grupo Compay Segundo dans le centre commercial de l’Espace du Palais là où se trouve le peuple des Rouennais(e)s. Les artistes sont installé(e)s devant deux agents immobiliers du cabinet Lintot perchés comme des jars sur des chaises de bar dans l’attente de l’acheteur d’appartement.

                Le Grupo Compay Segundo est présenté comme l’héritier du Buena Vista Social Club. Disons qu’il a repris la marque Compay Segundo après la mort du renommé chanteur. Deux de ses membres, guitaristes chanteurs, y vont de leur hymne à la gloire de Che Guevara, ce Hasta Siempre Comandante que jamais le Compagnon Second n’a chanté : Et avec Fidel, nous te disons « Avec toi pour toujours, Commandant ». Les consommateurs applaudissent. Les deux propagandistes de la dictature cubaine enchaînent avec une deuxième chanson.

                Les musicien(ne)s de l’Opéra prennent le relais pour des morceaux mâtinés d’exotisme puis toutes et tous se retrouvent sur Guantanamera. Une seconde session est annoncée pour un peu plus tard, en bas, c'est-à-dire dans les tripes de la Fnaque, pour laquelle je ne reste pas, me demandant ce que sera jeudi soir le spectacle Aux rythmes de Cuba avec les mêmes sur la scène de l’Opéra de Rouen.

                 Le jeudi soir, je suis donc à l'Opéra au premier rang sur une chaise avec à ma gauche deux filles excitées comme des puces. « Non mais c'est dingue, c'est dingue » ne cessent-elles de répéter. L'une est au téléphone. Elle négocie son ouiquennede avec sa mère. C'est encore plus compliqué qu'une discussion entre le Péhesse et les Verts sur le nucléaire: « Mais maman, je ne peux pas, j'ai du travail ». « Mais maman, lundi matin, j'ai cours ». Frédéric Roels, directeur de la maison, interrompt la conversation.

               Il se félicite de la soirée qui s'inscrit dans la semaine « Orchestres en fête » et de la présence dans la salle d'autorités cubaines dont un Consul. Autant de flics surveillant le Grupo, me dis-je. Les musicien(ne)s de l'Orchestre de l'Opéra entrent et se casent au fond avec leur chef Benjamin Levy, puis arrivent les Cubains dont un fils du Compagnon Second qui fait le second chanteur. Il annonce que ce dix-huit novembre est le jour où son père aurait eu cent quatre ans.

              Celui-ci apparaît sur des diapositives de mauvaise qualité. Elles se succèdent pendant que s'enchaînent les chansons du disparu, une douzaine, accompagnées comme faire se peut par un Orchestre de l'Opéra sous-employé. Ce n'est pas la fête pour tout le monde chez les musiciens classiques mais ça l'est à coup sûr pour mes deux voisines vite repérées par les musiciens cubains.

              Les rappels d'usage amènent ces deux filles à se lever pour danser. Les musiciens leur serrent les mains faute de pouvoir faire plus. Elles quittent la salle subjuguées en répétant « C'est incroyable, c'est incroyable ». Je ne suis pas aussi enthousiaste. Ce Grupo n'est que pâle réplique de ceux de l'époque de Compay Segundo, un outil de propagande de la dictature castriste, me dis-je, tandis que je file sans tarder, snobant la suite : un cours de danse de Rouen Salsa.

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