•             Ce vendredi soir, Noël commence dans les rues de Rouen (avec un éclairage municipal minimal, style fauché) et à l’Opéra aussi (avec un sapin encore un peu plus petit que l’an dernier ou alors c’est moi qui grandis). J’y suis pour Viva La Mamma !, modernisation due à François de Carpentries et Karine Van Hercke de l’opéra Convenienze ed Inconvenienze teatrali de Donizetti,

                Mon fauteuil est au premier balcon, trop sur le côté du jardin, et je suis d’autant plus mal placé que la mise en scène fait jouer la chose en partie dans le public d’en bas, comme je le constate.

                Cet opéra est un opéra sur l’opéra, comment ça se monte dans la douleur et comment on se jalouse et déteste dans ce milieu. Les allusions à l’actualité sont à foison, certaines bien vues, comme lorsqu’il est question de l’ouverture du rideau à l’italienne, à la grecque ou à l’allemande. J’aime aussi le discours du régisseur aux politicien(ne)s du cru, tout entier destiné à « flatter leur orgueil régional », on s’y croirait, comme on dit (l’une est présente, que je regarde à l’entracte recevoir les salutations appuyées de sa petite cour). A d’autres moments, je trouve ça un peu lourdingue, notamment lors de reparties du genre « toi, tu vas perdre ton triple a ». Le plus important, c’est que c’est bien chanté.

                J’aurais été meilleur client d’une version plus courte, sans l’excès de bla bla noyant la musique de Donizetti, me dis-je en descendant l’escalier.

                Par les rues piétonnières mouillées, je regagne mon logis. Devant la Cathédrale, je slalome par la diagonale dans le Village de Noël. Il est vingt-trois heures trente. Certains commerçants sont encore occupés à remplir de marchandises leurs moches cabanes. La pluie annoncée leur permettra de savoir dès le premier jour du marché de Noël si elles sont étanches.

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                La bonne plaisanterie de Viva La Mamma ! : « Un chef d’orchestre et un metteur en scène pour monter un opéra ? C’est comme pour le préservatif, c’est plus sûr avec et c’est meilleur sans. »

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  •             C’est le festival Chants d’Elles. Ce jeudi soir, Rokia Traoré chante au Hangar Vingt-Trois, un endroit où je préfère aller à pied, bien qu’il soit situé loin du centre de Rouen. Cependant, comme il pleut, je prends ma voiture et me farcis le labyrinthe qui mène au bout du port. Je me gare prudemment en dehors du parquigne, près d’un camion chargé de véhicules neufs. Son chauffeur semble avoir choisi cet endroit désolé pour y passer la nuit.

                La pluie cesse. Je me mets dans la file d’attente, pas loin du début. Le sympathique vigile donne le feu vert. Une petite attente à l’intérieur et je suis bientôt installé sur l’étroit fauteuil central du quatrième rang. La première rangée est en partie réservée à un nombre étonnant de béquilleurs et béquilleuses, l’automne et ses feuilles mortes peut-être.

                Le nouveau maître des lieux dit quelques mots au micro puis arrivent, en vestes blanches, les musiciens, puis, en élégantes tenues inspirées de l’Afrique traditionnelle, les choristes et l’artiste attendue. Celle-ci commence par une longue ballade, envoûtante.

                Roots est l’occasion pour Rokia Traoré, que j’ai déjà vue et entendue lors d’un Printemps au Parc au Grand-Quevilly en compagnie de celle que je vais rejoindre à Paris ce ouiquennede, de reprendre à son compte en acoustique (trois instruments : n’goni, kora, bolon, et parfois sa guitare) les chansons qui ont marqué son enfance et son adolescence, surtout maliennes ou africaines de l’Ouest. Elle interprète aussi Africa Unite de Bob Marley et Ces gens-là de Jacques Brel (« Jacques Brel, mon amoureux ») et laisse place pour une chanson à ses trois talentueuses choristes. Celles-ci se livrent vers la fin à une petite danse de popotin dont sont friands les Gaulois mais pas moi.

                C’est un bon spectacle, bien applaudi sans plus, un seul rappel. Beaucoup sont pressés de sortir de la salle afin d’être dans les premiers à quitter le parquigne (pour les moins rapides c’est l’embouteillage garanti). Comme quelques malins, je contourne le pire en longeant la Seine tant que c’est possible et je m’en tire bien.

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                « Au prochain spectacle », entendais-je derrière moi en sortant.

                Leur prochain spectacle, c’est Thiéfaine et ce sera sans moi (tu n’avais qu’à pas choisir le Zénith, Hubert-Félix).

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                « En alsacien un roots est un mucus nasal solidifié », m’apprend Ouiquipédia. Une assez bonne définition des racines, je trouve.

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                Racines : ce mot m’insupporte (ce qu’il y a derrière). Un autre : Indigné. Ce dernier de plus en plus cuisiné à toutes les sauces. Cette semaine, à l’appel de la Cégété, les pompiers pas contents avaient installé un stand devant le Palais de Justice de Rouen. Sur leur banderole : « Sapeurs pompiers indignés ». J’ai quand même signé leur pétition.

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                Comme c’est émouvant des commerçant(e)s qui préparent leur boutique pour Noël avec l’envie de s’en mettre encore une fois plein le tiroir-caisse. Ce vendredi matin, celles et ceux de la rue Saint-Romain déroulent la moquette sur le pavé mouillé. Je me demande s’ils ont bien fait de la choisir noire.

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  •             J’écoute ce mercredi, comme chaque jour, Les Matins sur France Culture. L’invité de Marc Voinchet est Paul Jorion, anthropologue, sociologue, spécialisé dans les sciences cognitives de l'économie. Il annonce pour très bientôt le décès du capitalisme. Il est même déjà mort, martèle-t-il. Le cœur a fondu.

                Si c’est le cas, j’aurai eu raison de m’inquiéter depuis au moins une dizaine d’années, répétant à mon entourage, et parfois dans mes écritures, ça va mal tourner, ce système économique n’est pas viable, ajoutant pour celles et ceux en désir d’enfant, c’est une folie, tout ce bazar va s’écrouler, comme le communisme en Russie, avec de pires conséquences, émeutes de désespoir débouchant sur coup d’état militaire et gouvernement totalitaire, une nouvelle barbarie si ce n’est la guerre.

                Certains jours, je me dis que si je pense cela, c’est parce que pour moi ça ne peut que mal tourner, étant sur la mauvaise pente, chaque jour me rapprochant de la catastrophe finale, et que je fais de mon cas particulier un cas général.

                Qui vivra verra (le novembre de deux mille onze s’achève, encore un auquel j’aurai survécu).

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                Ce même matin, aux infos de cette même radio, à propos de la grève des fonctionnaires anglais qui protestent contre le recul de l’âge de la retraite, l’un d’eux interrogé déclare « C’est la goutte d’eau qui fait déborder la vase ».

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