• Jeudi, je prends un dernier petit-déjeuner au Vieux Chalet d’Embrun, pains variés, confitures bonnes et yaourt au lait des Alpes, malheureusement accompagnés de la radio Air Thé Aile, un déversoir de publicités assommantes, puis la route vers Briançon, m’arrêtant à La Roche-de-Rame où le café Le Central promet un menu complet à douze euros. Je réserve une table et vais faire un tour à pied. Ce village n’a pas l’attrait touristique de beaucoup d’autres mais il ne manque pas de charme, ni de chemins fléchés que je suis et qui m’emmènent dans des hameaux où vis une population âgée occupée à l’entretien du jardin.

    Un chemin qui monte plus que les autres m’offre un banc où je m’assieds, Vita et Virginia sur les genoux. Je lis un moment au chaud soleil. De temps à autre, je lève la tête et vérifie que tout se passe bien au village. Un peu avant midi, je redescends, fais le tour d’un petit lac, et vais m’asseoir à l’intérieur du Central, bar de rien du tout où trône un vieux flippeur. On y vend des journaux pour sans cerveau, du tabac de toutes les sortes mais pas de carte téléphonique. On y subit une chaîne d’information continue.

    J’y mange assez mal : rosette, staique au poivre tagliatelles, fromage, le pire est pour la fin un sorbet au melon que je ne conseille à personne, autant chimique qu’immangeable. Le seul autre convive en a pris aussi, disant qu’il aimait tout, et en a lassé les trois quarts, tout comme moi. Comme le vin et le café sont compris, je ne peux pas me plaindre. Je dis au revoir à la dame, qui ne me reverra pas.

    Reprenant la route, je trouve pour la nuit une chambre d’hôtes avec ouifi à Prelles, un peu avant Briançon, dans une maison écologique (paille et ossature bois) nommée Brin de Paille. Elle est située près de l’église en pierre à cloches apparentes. Les oreillers y sont en balle d’épeautre. Les toilettes et la douche sont dans une cabane en bois à l’intérieur de la chambre, mais avec tout le confort moderne. Ne manque qu’un bureau pour que je puisse écrire.

    Mon ordinateur posé sur la table basse, je ne trouve pour m’asseoir à peu près confortablement que la corbeille à papier  renversée. Elle est en plastique solide. Une étiquette m’apprend qu’elle vient de chez Ikea.

    Pour m’aérer l’esprit, je fais une balade sur un chemin de grande randonnée lequel passe devant deux grandes yourtes blanches habitées, dont l’énergie provient de panneaux solaires. Eva Joly devrait avoir quelques voix à Prelles, commune de Saint-Martin-de-Queyrières.

    *

    La Roche-de-Rame, Prelles, des lieux qui sortent de l’anonymat grâce à moi.

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  • Je décide de rester une nuit de plus dans la chambre d’hôtes du Vieux Chalet à Embrun et de ce mercredi faire une journée de découverte du Queyras. Pour cela, je rejoins Guillestre déjà entrevu, que je visite à fond, ruelles sombres et pentues, église où l’on enterre, chapelle Saint Sébastien, ruisseau Guil courant.

    En attendant l’heure du déjeuner, je prends un café à la terrasse ensoleillée de Chez Antoine et y poursuis la lecture des lettres de Vita et Virginia, troublé d’y lire ceci, de Virginia à Vita partie pour plusieurs mois en Iran à la suite de son mari ambassadeur, lettre datée du dix-sept février mil neuf cent vingt-six :

    Sais-tu que ça fait hier 4 semaines que tu es partie ? Oui, je pense souvent à toi, au lieu de penser mon roman ; j’ai envie de t’emmener en promenade à pied cet été à travers les noues, j’ai en tête des millions et des millions de choses à te dire, Diablesse que tu es de t’être enfuie vers la Perse et de me planter là !

    Je songe à ma diablesse qui sort de son lit outre Atlantique à l’heure où je m’assois au soleil de la terrasse nouvellement installée du Catinat Fleuri. Les serveuses me saluent comme un habitué. Je me sustente pour douze euros (buffet d’entrées, pièce de bœuf sauce tartare frites salade, gâteau aux poires, café) puis m’engage dans la vallée du Guil, rivière torrentielle. La route est difficile, une succession de gorges, de tunnels, de virages serrés et de rétrécissements, puis cela se calme avant d’arriver à Château-Queyras qui doit son nom à l’ouvrage qui fit construire Vauban, bien agréable à voir perché sur un piton rocheux. Je ne m’attarde pas, tourne à droite vers Saint-Véran et là ça grimpe vraiment. Saint-Véran est la plus haute commune d’Europe. C’est ce qu’on prétend ici du moins. Elle est sise à deux mille quarante mètres, et c’est l’un des « Plus Beaux Villages de France », titre acheté mais pas usurpé, à voir les chalets de malade qui s’étagent autour de l’église.

    Je passe un long moment à Saint-Véran, faisant moult photos de ces bâtisses impressionnantes, des cadrans solaires de la Renaissance et des croix de mission ornées des symboles de la Passion du Christ. Au pied de l’une d’elle, ce quatrain que je prends en note sur l’un des carnets à spirale que m’a offert celle qui devrait être en promenade à pied avec moi sous le soleil, admirant à l’horizon, blanc comme neige, l’italien Mont Viso (trois mille huit cent quarante et un mètres) :

    « Choisis une des croix que tu vois au calvaire

    Choisis bien sagement puisque c’est nécessaire

    Ou souffrir comme un saint, ou comme un pénitent

    Ou comme un révolté qui n’est jamais content »

    *

    Cet homme qui marche seul dans le village et qui n’a pas l’air de savoir même où il va, c’est louche. Ça serait-y pas un terroriste ou un pédophile, ou même, va savoir, les deux. Note donc le numéro de sa voiture. Des fois qu’il se passerait quelque chose.

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  • Mardi matin, après un copieux petit-déjeuner au Vieux Chalet, je grimpe à Châteauroux-les-Alpes, « village de montagne sur l’adret de la vallée de la Durance » comme dit Le Guide du Routard. Je n’y trouve rien de remarquable hormis L’Épicerie littéraire (bouquinerie fine) où j’entre. L’une des libraires s’adresse à moi comme si c’était la première fois que je mettais le pied dans un tel lieu. Dans ses yeux, l’espoir que j’achète, mais quand je lui pose une question précise, elle ne voit pas de quoi je parle.

    Je redescends à Embrun sous un soleil estival et prends la route de lac de Serre-Ponçon qui ne sera pas caché sous les nuées. Il est bien visible en effet, d’un beau bleu, mais moins haut qu’il ne devrait, la faute à la sécheresse. Pas une goutte d’eau depuis l’automne dernier, m’a-t-on dit. La végétation est aussi jaune et sèche qu’en été, les ruisseaux quasiment à sec et le lac au plus bas. Je fais des photos d’un petit port ensablé et d’une carcasse de camionnette réapparue à l’air libre.

    Je choisis de déjeuner à Savines-le-Lac, où les panneaux municipaux sont encore à l’heure d’hiver, dans l’un des deux seuls restaurants ouverts, La Cassolette, m’installant à l’une des deux tables de la terrasse touchées par le soleil ; encore un couscous en plat du jour, pas étonnant que les Japonais(e)s pensent qu’il s’agit d’un plat français ; en entrée, une salade dite composée ; en dessert, un tiramisu, autre plat français ; le tout pour douze euros avec un café. D’un balcon voisin hurle un chien nommé Hostie (si j’ai bien compris) que sa propriétaire tente de faire taire. Ses deux moutards font du vélo en patins à roulettes. A l’autre table ensoleillée déjeunent deux livreurs employés par des sociétés concurrentes. Ils s’arrangent entre eux pour échanger une partie de leurs colis restant à livrer de façon à ce que chacun en ait terminé au plus tôt. Ils se donnent aussi des tuyaux pour aller plus vite d’un point à un autre, des « putains de petites routes à travers la forêt ».

    L’après-midi, je marche au-dessus du Vieux Chalet près d’un hameau lui aussi nommé Les Allemands et trouve une pierre où m’asseoir pour y lire, face à la montagne, la Correspondance Vita Sackville-West Virginia Woolf qui furent amantes, un gros livre rose du Nouveau Cabinet Cosmopolite de chez Stock.

    *

    Peu à peu, Rouen m’indiffère. Je ne sais même pas ce que j’aurais écrit suite à la présentation de l’Historial Jeanne d’Arc par Laurent le Fabuleux.

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  • Ce lundi, c’est mon dernier petit-déjeuner en tête à tête avec mon hôte des Allemands, au-dessus de Barcelonnette, toujours le même pain, heureusement que les confitures sont de la maison et bonnes. L’Establoun est ouverte depuis trente-quatre ans, m’a-t-il dit. C’est souvent dans les chambres d’hôtes anciennes que les petits déjeuners sont les moins élaborés, la fatigue sans doute, le manque d’envie qui s’installe au fil des années. La porte de la douche est cassée et remplacée par un bout de rideau en plastique. Je sens qu’elle ne sera jamais remise à neuf. Ce sont des détails mais le prix demandé pourrait en tenir compte. Ce n’est pas le cas. Cinquante et un euros la nuit pour une personne seule, c’est un peu cher. J’ai néanmoins droit à une réduction de deux euros par nuit pour y avoir passé trois jours.

    En attendant que les vitres de ma petite voiture dégivrent, je fais une dernière photo de mes amis les ânes, puis prends la route d’Embrun (Hautes-Alpes) par le lac de Serre-Ponçon. Celui-ci est invisible, couvert de nuées. L’impression est celle que l’on a dans un avion quand on vole au soleil par-dessus des nuages. Sans en avoir rien vu, j’arrive à Embrun que je visite assez rapidement. Un buste de Clovis Hugues m’apprend que le poète oublié est enterré dans cette ville. De lui, je n’ai lu ni sa Chanson de Jehanne d'Arc (mil neuf cent) ni son Ode au vagin (mil neuf cent un).

    La poésie me rattrape à Guillestre où je déjeune fort bien pour douze euros au restaurant Le Catinat Fleuri (buffet d’entrées, confit de canard pommes sautées, glace rhum raisin menthe au chocolat, café). Alors que je redescends vers ma voiture, je découvre tracé à la main d’une écriture appliquée sur la vitrine de la laverie la Lavandière ce quatrain d’Andrée Chedid :

    Jusqu’aux bords de ta vie

    Tu porteras ton enfance

    Ses fables et ses larmes

    Ses grelots et ses peurs

    *

    C’est au-dessus d’Embrun que je trouve logement au Vieux Chalet, route de Chalvet, une chambre d’hôtes dont les fenêtres en angle donnent un magnifique point de vue sur les sommets enneigés et sur la ville logée dans la vallée, le tout pour un prix de célibataire : trente-huit euros la nuit, petit-déjeuner compris, à deux ce serait cinquante-deux.

    *

    Un extrait de l’Ode au vagin trouvé chez Médiapart :

    Mais les cuisses s'ouvrent. Victoire !
    Voici le con dans sa beauté,
    Sous sa frisure blonde ou noire
    Adorablement abrité,
    Humide comme une prunelle,
    Frissonnant déjà comme une aile
    Dans le fouillis des rameaux verts,
    Détendu sur sa fente rose,
    Et l'air tout de même un peu chose,
    Avec son sourire en travers !

    On comprend que Clovis n’ait pas la première place dans le domaine de la poésie érotique mais il a son buste sur la place d’Embrun, jouxté d’une statue où une jeune mère lit ses œuvres à son garçon.

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  • Dimanche, après une nuit de changement d’heure, je tire un peu du lit mon hôte. Déjeuner à huit heures pour moi c’est déjà tard, mais pour lui cela semble tôt. Je l’interroge sur le tremblement de terre dont j’ai eu écho par une affichette sur la porte de la Mairie de Saint-Paul-sur-Ubaye, les habitants y étant invités à faire connaître leurs dégâts au secrétariat. Il me dit que l’évènement a eu lieu il y a quatre semaines, que l’épicentre était là-bas, quatre virgule neuf sur l’échelle de Richter, « j’étais dans mon bureau, j’ai entendu un grondement qui venait de la terre puis toute la maison a été soulevée, cela n’a duré que quelques secondes mais ça m’a semblé long ». Il a l’air de dire la vérité. Quelques cheminées seraient tombées ici ou là.

    Je ne vais pas bien loin en ce jour dominical, me contentant de grimper jusqu’au Sauze, petite station de ski familiale. En terrasse à l’hôtel bar Le Soleil des Neiges, je bois un café à deux euros en contemplant le petit monde qui remonte pente, descend et recommence. Je suis le seul touriste de la vallée et un peu plus tard de retour à Barcelonnette le seul étranger au pays à déjeuner en terrasse au Gaudissart. À ma gauche est installée une famille dont l’une des filles vient de s’apercevoir qu’elle a oublié son IPhone. « Je vais être dangereuse toute la journée », déclare-t-elle rouge d’énervement. La conversation est également prosaïque à ma droite où un couple de quinquagénaires consulte la carte :

    Elle : « Ben ouais, mais j’ai repris ce que j’avais perdu, sept cents grammes. »

    Lui : « Tu sais ce que j’ai envie : un magret de canard, et puis une entrée avant. »

    Il fera comme il a dit et elle prendra une salade, mais une salade gourmande.

    J’ai été un peu sévère l’autre jour avec la maison Gaudissart, elle a le mérite d’être ouverte le dimanche, d’avoir une terrasse au soleil face aux sommets enneigés et de proposer son premier menu (seize euros cinquante) en ce jour férié. Cette fois, j’opte pour la trioline de pâtés quelconques, pour suivre (comme on dit dans le métier) un couscous plutôt bien mais dont je pleure les légumes, enfin une mousse au chocolat standart.

    Le café bu, je rentre aux Allemands car à trois heures j’ai rendez-vous sur Spyke avec celle qui me manque, avant qu’elle n’aille visiter Spanish Harlem.

    *

    Tic de serveur venant prendre la commande : « Alors, dites-moi tout. » Je l’entends autant en Provence qu’en Normandie.

    *

    La phrase du jour ; « Eh ouais, faut remettre tous les appareils à l’heure, peuchère. »

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  • Le soleil est radieux quand je me réveille samedi matin. Mes hôtes me tiennent compagnie au petit-déjeuner dans une grande salle voutée sombre. Ils me conseillent de grimper au col de Larche d’où l’on voit le massif des Ecrins, ce que je fais dans la matinée, mettant un pied en Italie. Je photographie une stèle érigée à la mémoire de Fausto Coppi, coureur cycliste dont j’entendais parler pendant mon enfance. Je me promène un peu où la neige n’est plus, laissant la blancheur aux skieurs de fond, peu nombreux.

    Vers onze heures, je rebrousse et me mets à la recherche d’un restaurant, tombant plusieurs fois dans le piège du resto marqué « ouvert toute l’année » sur le bord de route et « fermé » quand on s’en approche. Ainsi en est-il à Saint-Paul et à La Condamine. Que maudits soient leurs propriétaires. Allez à Jausiers, me dit la boulangère de La Condamine, vous y trouverez quelque chose, et en effet le boucher de ce lieu m’indique avec son couteau deux restaurants ouverts.

    Je choisis La Sonnaille (chez Maryse) parce que je peux m’y installer en terrasse au soleil, avec vue sur les sommets enneigés. C’est au rez-de-chaussée d’un bâtiment résidentiel qui comprend des appartements achetés en multipropriété, chacun(e) ayant droit à une semaine d’occupation par an, un piège qui semble fonctionner encore et qui vous condamne à de fortes dépenses, aggravées par les vacances passées tous les ans au même endroit.

    La Sonnaille est un snack. Il est fréquenté par des résidents de l’immeuble de vacances dont certains viennent d’arriver. Le plat du jour est à douze euros, brochette de bœuf au sirop d’érable, frites, salade. Je cherche vainement le goût du sirop d’érable mais je l’accompagne d’un quart de rosé. Je me prive de dessert, prends néanmoins un café, et avant de repartir, je grimpe jusqu’au clocher perché dans la montagne par le chemin de croix. J’y découvre le cimetière du village et photographie la tombe de la famille Mourou dont le nom me paraît approprié.

    Je rentre tôt au lieu-dit Les Allemands. Dans ma chambre est accrochée la reproduction d’une toile de Jean-François Millet montrant un bouquet de marguerites, œuvre visible au Musée d’Orsay. Millet est mort à soixante et un ans. Je m’efforce de ne pas y voir un mauvais présage.

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  • Ce vendredi matin, je déjeune au plus tôt à l'Oustau Dou Pitchoun Blu (les confitures, la brioche et le pain sont de la maison et tout cela est fort bon) puis je quitte Peipin en direction de Gap et tourne à droite quand il le faut, vers la vallée de l'Ubaye. Je m’arrête à Tallard (joli village dominé par les ruines d'un château jusqu'où je grimpe) puis à l’extrémité du lac de Serre-Ponçon (le temps d’une photo).

    La vallée de l'Ubaye mène en Italie mais je ne vais pas plus loin que Barcelonnette, bourgade principale, trois rues parallèles et piétonnières où se concentrent les commerces, les cafés et les restaurants. Aucun de ces derniers ne me convient. C'est au restaurant Gaudissart, hors centre, pas loin de la gare routière, que je prends place, attiré par l'aïoli figurant au menu du jour. En entrée, je prends de la tourte aux herbes, boudant la trioline de pâtés. C’est quoi une trioline de pâtés, demande une dame. Eh bien, ce sont trois morceaux de pâtés différents, répond le serveur. A la table du personnel hospitalier on parle d’ici : « Forcalquier, oui c’est bien, mais si on n’est pas du pays » « C’est comme Barcelonnette » « Et le dimanche à Gap, vous savez, pas un chat ».

    L’aïoli, ça fait toujours envie et puis quand on l'a devant soit on se dit ce n'est que ça, me dis-je à l'arrivée du mien. C'est en tout cas une affaire pour le restaurateur, la matière première n'étant guère onéreuse et la préparation réduite. En dessert, j'opte pour une mousse au chocolat. Avec le quart de vin rosé, cela frôle les vingt euros.

    Gaudissart ne mérite pas d’être illustre comme son homonyme balzacien. L'ai-je seulement lu jusqu'au bout cet Illustre Gaudissart. J'y réfléchis un peu plus tard prenant un café en terrasse au Choucas, place Manuel, qui fait karaoké le jeudi soir à partir de vingt-deux heures. De ce que j'ai lu de Balzac, quand j’étais au lycée, livres empruntés à la bibliothèque municipale de Louviers, je n'ai pas retenu grand-chose : Le Cousin Pons, La Cousine Bette, Le Lys dans la vallée, Eugénie Grandet, Le Père Goriot et cet Illustre Gaudissart. Je sautais les descriptions et allais assez peu souvent jusqu’à la fin, mais je me souviens parfaitement de l'aspect des ouvrages et de leur odeur de livres de messe.

    Je sais une chambre d’hôtes avec ouifi au-dessus du village de Barcelonnette où je réserve trois nuits par téléphone (il existe encore quelques cabines pour les gens comme moi démunis de téléphone mobile). J'y grimpe par une route étroite et défoncée vers quatorze heures trente.

    Sous un soleil incertain, mes bagages déposés, je découvre à pied les alentours, en arrière-fond des sommets enneigés. Tour à tour, je rencontre une chapelle, un cheval, de la volaille et une troupe d’ânes sympathiques avec qui je cause un moment.

    *

    Un couple en discussion au Choucas. Lui à elle « Après, hein, si ça te fait plaisir de te reposer, de rester seule, je comprends, hein. »

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  • Quitter le Var en remontant vers les Alpes de Haute-Provence, tel est le fruit de mes réflexions et pour ce faire, après avoir petit-déjeuné en compagnie du tueur de Toulouse toujours cerné par la Police sur l’écran de la télévision, je prends de bon matin, ce jeudi vingt-deux mars, la route de Manosque, pays de Jean Giono, ville que je connais pour l’avoir parcourue, bien accompagné, par les jours trop chauds de l’été.

    Je préfère la température du printemps qui permet d’explorer les rues étroites et pentues sans être épuisé. J’en fais des photos pendant qu’elles sont désertes, puis prends un café au Cigaloun face à l’Hôtel de Ville tandis que sur des bancs devisent de vieux Arabes. J’entre dans deux églises, massives. Devant celle nommée Saint-Sauveur se trouve un groupe d’écoliers et d’écolières accompagnés de leur maître et d’une guide à la voix fatigante. Les élèves n’écoutent guère. La guide hausse la voix : « Saint-Sauveur, on met un esse majuscule à Saint et un esse majuscule à Sauveur ». L’instituteur (professeur des écoles) menace : « Je vous rappelle qu’on est sur le temps de l’école. J’ai déjà noté quelques noms. Ils passeront la récré de cette après-midi en classe à faire une punition ». Ne trouvant rien qui me convienne pour déjeuner, je poursuis jusqu’à Mane, village perché sis un peu avant Forcalquier.

    A midi, j’entre au bar restaurant Le France, lequel propose un menu complet pour quatorze euros cinquante, cela au moment précis où le sarkoziste Ministre de l’Intérieur, commente la mort toute récente du tueur de Toulouse. Quelques locaux regardent et écoutent ça sans dire un mot. Le fils de la maison fait le service tandis que sa mère est en cuisine et son père au bar. Il résume l’affaire pour les habitués du repas qui arrivent par deux ou trois : « Putain, il a canardé tout le monde. Quand ils ont envoyé le retour, il a sauté par la fenêtre et il est mort avant de toucher le sol. ». La chaine d’info continue reprend tout au début. « Allez, envoyez la boîte à musique », commente un esseulé. Pour les autres, impossible de savoir ce qu’ils pensent. Assiette de charcuterie, raviolis frais poudrés de parmesan, panna cotta au chocolat, un quart de vin rouge, un café et c’est bouclé, je quitte les ouvriers d’Azur Agencement et de Provence Construction, reprends la route, passe Forcalquier et m’arrête à Peipin pour faire étape dans une chambre d’hôtes possédant la ouifi.

    *

    Dans le jardin, buvant l’orangeade offerte par l’hôtesse, je lis Moi et les autres, la correspondance d’Umberto Saba publiée à l’Atelier La Feugraie. De passage à Paris, Saba note dans une lettre à sa fille Linuccia datée du mardi trente août mil neuf cent trente-huit : J’aurais vu volontiers, si l’occasion s’était présentée, le poète Cocteau ; mais…il est en prison parce qu’ils l’ont pincé à fumer de l’opium dans un local clandestin. Il s’en sortira avec quelques mois de sanatorium.

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  • Mercredi matin, au Formule Un de Bormes-les-Mimosas La Londe, c’est l’heure des ouvriers dont beaucoup petit-déjeunent en tenue de travail. Le jaune fluo domine. Ils ont déjà l’air fatigué. La plupart terminent leur café dehors en fumant une cigarette. Une camionnette vient en chercher certains. Tous sont partis que je n’en ai pas encore fini.

    Le moment venu, je vais voir de plus près le village de Bormes-les-Mimosas accroché sur la colline. Il est éclairé de soleil cependant que souffle un vent du diable. A l’entrée une affichette prévient que sous peine d’une amende de soixante-dix euros « il est interdit de cueillir le mimosa dans toute la commune, rues, jardins et collines ». Une plaque m’apprend qu’ici Jean Aicard a écrit à la lueur des bougies son roman Maurin des Maures. Je n’ai pas lu ce livre mais je me souviens des jours d’ennui mortel chez mes parents à regarder le feuilleton qui en fut tiré par la télévision à chaîne unique en noir et blanc. Sans avoir croisé quiconque, je redescends vers ma voiture en empruntant la draille des Bredouilles.

    Je longe ensuite la mer, passant Le Lavandou puis Cavalaire, et grimpe à Ramatuelle, autre très beau village, fortifié celui-là. Je me gare au Pont du Curé, lieu prisé des chats mal peignés. La terrasse du Café de l’Ormeau m’appelle. J’y bois un café verre d’eau en écrivant sur le papier à celle qui se réveille dans la Grosse Pomme, cependant que des autochtones solitaires lisent le journal du pays.

    Ensuite ça se gâte. je me rends à La Garde-Freinet songeant à y déjeuner mais ce que j’en vois me déplaît et sans l’avoir voulu, je me retrouve dans l’une des parties les plus hideuses du Var : l’axe qui mène de Cannes à Aix-en-Provence, route à quatre voies, bordée de commerces et d’entreprises, de panneaux publicitaires et de végétation desséchée. J’entre Chez Maxime pour y manger, en ressors bientôt car il me déplaît d’être installé près du bar « Vous allez où monsieur ? », « Je m’en vais, c’est tout. ».

    Il est quatorze heures quand je prends place à une table d’un restaurant routier nommé La Coupure (Chez Fred) où devant une télé branchée sur une chaîne d’information en continu la clientèle discute du tueur fou cerné par la Police à Toulouse. « Des islamistes comme lui, y en a plein en France, ils sont en sommeil pendant un an ou deux et un jour on leur dit vas-y, tu peux sortir ton flingue » tel est le fond du propos général. Pour treize euros et quelques, je déjeune d’un buffet d’entrées, d’osso bucco, de glace rhum raisin café, accompagnés d’un peu de vin et suivis d’un café. Et maintenant que vais-je faire ? M’arrêter, ce que je fais à l’Etap Hôtel de Saint-Maximin, et réfléchir à la suite, une seule certitude : quitter le Var.

    *

    La mer ici ne sent rien. Ce n’est pas comme en Bretagne où elle fleure bon l’odor di femina.

    *

    Les chaînes d’info continue, une entreprise de décervelage pire que Téheffun et France Deux.

    *

    A qui profite le crime ? Aux deux candidats d’extrême droite : Sarkozy et Le Pen.

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  • Je petit-déjeune avec la France qui se lève tôt ce mardi à l’Etap Hôtel de Mougins, ouvriers qui avalent vite leur café et filent sur leurs chantiers, alors que je prends mon temps, suivant d’un œil et d’une oreille les informations télévisées qui parlent des enfants juifs assassinés à Toulouse et du tueur fou devenu ennemi public numéro un.

    Cela fait, le propriétaire de l’hôtel m’explique comment gagner Cannes par une voie détournée. Je me gare avant le péage et descends à pied jusqu’à la Croisette en passant sous la gare. Cette Croisette est, comme les Champs-Elysées ou la Canebière, bien plus réputée qu’elle ne le mérite. C’est un bord de mer banal qu’on ne peut même pas parcourir dans sa totalité. Un vigile m’en empêche. J’en demande la raison à un autochtone. « Un congrès, des congrès, toujours des congrès, et nous on peut plus voir la mer », me répond-il. Je photographie le Majestic Barrière et le Palais du Festival bien que je déteste cet évènement, puis fais le tour de ce laid bâtiment et arrive au port des bateaux de luxe, presque tous anglais, dont les propriétaires doivent fuir les rigueurs du capitalisme de leur pays. J’en ai assez vu, je rejoins ma voiture et tente de rejoindre la route de la corniche de l’Esterel, pas facile à trouver. Plutôt que des panneaux « Sortir à Cannes » le Maire d’icelle devrait installer des panneaux « Sortie de Cannes », me dis-je au bord du désespoir quand soudain, oui, je trouve un panneau Saint-Raphaël par la côte.

    C’est une belle côte mais salopée par les constructions. On ne peut la suivre qu’en voiture, ou en vélo si on n’a pas peur de se faire renverser. Je ne m’arrête que pour photographier les sommets enneigés derrière Cannes.

    Arrivé à Saint-Raphaël, dont la massive et belle basilique est cachée derrière un Mac Donald’s, je cherche où déjeuner d’autre chose que d’un mauvais hamburger, pas facile, on attend presque partout le touriste avec de banals plats du jour à douze euros ou des marmites de moules aussi chères. J’entre pour finir au Jus des Oliviers et je fais bien. C’est un endroit fréquenté par des gens du lieu. Il propose un menu. Je choisis des beignets de calamar et un tagine de mouton aux abricots. La patronne m’offre en supplément des légumes de couscous. Ici pas de mauvaise musique, l’ambiance est assurée par les conversations des convives, celles de deux cagoles notamment, l’une accompagnée d’un chevalier servant, l’autre s’épanchant auprès des serveuses. En dessert, je prends un tiramisu. Avec le vin et le café, ça fait dix-neuf euros, un prix d’ami pour la Côte d’Azur.

    Je continue à longer la mer, passe Sainte-Maxime, partout le mauvais goût des lieux de vacances destinés au grand nombre, et m’arrête à Saint-Tropez, trouvant pour ma petite voiture une place en or devant la fourrière. Je visite la vieille ville et ses rues étroites, boudant le port dont les bateaux rivalisent avec ceux de Cannes. Beaucoup de magasins sont en travaux, dans l’attente de la saison, comme on dit chez les commerçant(e)s. L’Office du Tourisme l’est aussi, provisoirement installé au parquigne du port. Un Anglais le tient qui refuse de me renseigner sur les hôtels à prix abordable de la région. Il ne veut parler que de ceux de la ville qui l’emploie. Je le quitte fâché et entre un peu plus loin au Centre Information Jeunesse où une dame aimable fait pour moi une recherche sur Internet. C’est ainsi que je trouve le Formule Un de Bormes-les-Mimosas La Londe où je passe la nuit de mardi à mercredi.

    *

    Au port de Saint-Tropez, d’horribles tableaux sont en vente.

    L’un des vendeurs à un autre :

    -Je peux pas laisser le coffre de ma voiture ouvert, y a plein de bordel à l’intérieur.

    L’autre :

    -Mais si, comme ça les gens croiront que tu es un artiste.

    *

    Encore un sale fait divers qui interfère avec la campagne électorale des Présidentielles. Un cinglé tue des militaires puis des enfants juifs et voici les candidat(e)s nageant en eau trouble. Il serait temps de cesser d’élire ce type, le Président, au suffrage universel. S’il en faut un ou une, qu’il ou elle soit désigné(e) comme en Allemagne et n’ait guère de pouvoir. S’il faut que quelqu’un(e) gouverne, que ce soit un ou une Premier(e) Ministre choisi(e) par les député(e)s. Ces élections puent. Je n’arrive pas à comprendre que certain(e)s s’enthousiasment, qui pour Mélenchon, qui pour Joly, qui pour Hollande. Je parle de gens que je connais.

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