•             Que me restera-t-il de la lecture du second volume (mil neuf cent quarante-quatre – mil neuf cent soixante-quatorze) des Carnets de Louis Guilloux, l’auteur de La Maison du Peuple, d’Angélina, du Sang noir, livres lus et oubliés ? Pas grand-chose, me dis-je en refermant le gros volume (six cent vingt-quatre pages) publié chez Gallimard en avril quatre-vingt-deux, lu au Socrate en ce printemps pluvieux.

                Peut-être ce que Guilloux raconte sur l’esquive de la Guerre de Quatorze par Gaston Gallimard :

                L’autre dimanche, toujours au Berkeley où Gaston à ses habitudes et où je suis témoin qu’il est toujours fort bien traité, il se mit tout à coup à me parler de la guerre, de la stupidité de la guerre, et de tout ce qu’il avait fait pour y échapper dès la mobilisation du 2 août 1914. Il s’arrangea, je ne sais comment, pour faire inscrire dans le registre de l’état civil, la mention « décédé » en face de sa déclaration de naissance, opération qui fut exécutée contre une somme de deux mille francs. (mil neuf cent cinquante-quatre)

    *

                Ce jeudi matin, je passe par la Cité Administrative et glisse ma déclaration d’impôts dans l’urne, un peu surpris de ne pas entendre « a voté » et de ne pas avoir à émarger.

    *

                J’aime bien la notion de panique morale utilisée par certain(e)s spécialistes des sciences humaines pour qualifier les cris d’orfraie poussés par certains adultes à propos de la sexualité des adolescent(e)s J’en connais plus d’un(e) qui pour dénoncer la prétendue hypersexualisation de la société contemporaine met ses filles en avant. Ainsi, l’autre soir sur France Cul, l’ancien subversif Jérôme Savary prêchait pour l’interdiction de la pornographie sur Internet au prétexte qu’il a une fille de onze ans. L’intérêt que ces adultes en état de panique morale portent au sexe de leurs filles me paraît d’ailleurs un peu louche.

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  •             Une nouvelle fois au soir du huit mai, deux jours après l’entrée des néonazis au Parlement grec, Hélios Azoulay et son Ensemble de Musique Incidentale proposent des œuvres composées par des musicien(ne)s enfermé(e)s dans les camps nazis. Cette année, c’est sous le titre La Musique des Camps, « le Négatif du rire ». Cela se passe à la salle Sainte-Croix-des-Pelletiers. Sur scène : un piano, des pupitres, de vieilles chaises, un désordre de cables électriques qui semblent avoir été trouvés dans un débarras. Je suis installé au premier rang, ce qui m’obligera à lever haut la tête lorsque seront projetées des images sur l’écran descendu du plafond. Derrière moi, une dame s’inquiète de ce qui va être montré, elle ne sait pas si elle pourra le supporter, son père est mort à Birkenau.

                Rien d’horrible dans les images qui suivent l’une des chansons de Zara Leander dont le répertoire était diffusé à toute occasion dans les camps, explique Hélios Azoulay, volubile comme toujours. Ce sont deux scènes d’un film de propagande nazie dont le sujet est la vie au camp de concentration, la première où l’on voit que les prisonniers sont de vrais travailleurs bien traités, la seconde qui montre comme on s’y occupait parfaitement des enfants juifs.

                Florient Azoulay donne lecture du poème d’un enfant juif polonais de treize ans, très beau texte que je ne peux malheureusement pas citer, n’en ayant pas la copie, puis place est donnée à la musique : une fugue pour piano de Zikmund Schul ; une danse pour violon, alto et violoncelle d’Hans Krása ; la suite Terezin pour piano de Karl Berman ; deux impromptus pour piano, trois pièces faciles pour quatuor à cordes et un duo pour violon et violoncelle d’Emile Goué, dont le fils est dans la salle ; trois mélodies d’Ilse Wener chantées a capella par Marielle Rubens et aussi N° 78707 pour récitant et quatuor à cordes, une composition d’Hélios Azoulay. Cette œuvre lui a été inspirée par le journal de captivité de celui qui portait ce matricule, un homme toujours vivant qui ne veut pas apparaître sous son nom, passé par les camps de Buchenwald et d’Annen après avoir été torturé dans le donjon de Rouen. Florient Azoulay est le récitant. Il dit le courage de survivre au travers de recettes de cuisine, de bons plans pour acheter des marchandises moins chères, de la liste des œuvres musicales dont on se souvient et de l’envie de manger une bouchée à la reine.

                Pour finir, c’est la très joyeuse sérénade pour violon et piano de Robert Dauber, dont on sait peu, hormis qu’il est mort de la typhoïde à Dachau à l’âge de vingt-deux ans. Elle est reprise en bis, puis Hélios et Florient Azoulay, Marielle Rubens et les membres de l’Ensemble de Musique Incidentale (Clara Abou, Maja Bogdanovic, Karine Ostyn-Page, Pablo Schatzman et Laurent Wagschal) saluent. Il me semble que c’est Valérie Fourneyron, Députée Maire, venue avec son adjoint Bruno Bertheuil, qui est à l’origine de l’ovation debout. Tout le monde se lève donc et je suis obligé de faire de même.

    *

                Hélios Azoulay s’adressant aux quelques-uns qui ont applaudi entre deux mouvements : « Je vous ai senti gênés, il ne faut pas, si l’enthousiasme vous vient à ce moment-là, pourquoi ne pas le manifester. »

    *

                L’Histoire ne se répète pas mais les mêmes causes produisent les mêmes effets. Que va-t-il se passer en Grèce? Une guerre civile? Un coup d’Etat militaire?

    *

                Romain Gary dans La nuit sera calme cité par Hélios Azoulay sur le programme de la soirée : Je note en dictant que la secrétaire, Martine, qui transcrit ces lignes nous demande comment ça s’écrit, Auschwitz, elle n’en a jamais entendu parler, il faudra sans doute recommencer par souci d’orthographe…

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  •             La presse rouennaise s’interroge : Rouen va-t-elle perdre sa Maire promue Ministre des Sports ? Une trajectoire que pour ma part j’ai vu venir de loin, bien avant les journalistes locaux, précisément depuis le vingt-deux décembre deux mille dix quand j’écrivais dans ce Journal :

                Et pendant ce temps-là, que fait Valérie Fourneyron, Députée Maire ? Elle cosigne une tribune libre consacrée à la situation du sport en France dans Le Monde, elle participe à un colloque de la fondation de gauche libérale Terra Nova sur l’avenir du foute français, bref elle fait ce qu’il faut pour être Ministre des Sports (au cas où un(e) socialiste serait élu(e) Président(e) en deux mille douze).

                Logiquement oui, elle devrait faire Ministre de Hollande sauf que celui ci doit neutraliser Fabius en lui offrant le Ministère des Affaires Etrangères, ce que Le Monde évoque en citant le propos chaleureux d’un membre de l'équipe de campagne du nouveau Président: « C'est la seule position où le problème du has-been ne se pose pas. Il pourrait être le Juppé de la gauche. »

                Deux ministres venus de Rouen ce peut être trop, d’autant que le nouveau Président y est né. Ce qui tranchera en faveur de Fourneyron, c’est que c’est une femme et il en faut une moitié dans le prochain gouvernement. Les médias nationaux sauront enfin comment elle s’appelle, qui pour l’instant hésitent entre Fourneyrou et Fourneyrau.

                Elle avait pourtant eu un semblant de notoriété au début de son mandat de Maire quand elle avait voulu instituer une nouvelle discipline olympique : la destruction de Médiathèque.

    *

                Ce lundi après-midi, alors que je me dirige vers l’Office de Tourisme pour y prendre le programme du Printemps de Rouen, j’avise une caméra dirigée vers la fenêtre ouverte de l’étage. S’y tiennent un faux Monet et une sorte de Superman en tenue jaune de cycliste. Encore un coup de Fourneyron et de Fabius, ce Tour de France qui couche avec l’Impressionnisme. A Rouen, ville socialiste, la Culture est une grande prostituée.

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  •             Après avoir appris le résultat de la présidentielle grâce à la liberté de la presse régnant en Suisse et en Belgique, j’en regarde la confirmation sur Téheffun, mon ordinateur portatif posé sur le bar ouvert à la page du réseau social Effe Bé où se succèdent des images réjouissantes. C’en est enfin fini de Sarkozy et putain que ces cinq années à devoir le supporter ont été longues.

                Je ne sais pas de quoi Hollande est capable mais je sais de quoi l’autre est coupable, comment notamment il a passé son temps à insulter et à humilier les immigré(e)s avec l’aide de son gang, ces malfaisants Hortefeux, Guéant, Guaino, Buisson et autres lepenisés.

                Il y a quelques jours dans l’épicerie tenue pas des originaires du Sénégal où celle qui vit temporairement à New York faisait ces courses, on se réjouissait à l’avance en songeant aux cousins de Belleville : « C’est coui pour la hyène ». Effectivement.

                Sarko va maintenant pouvoir s’expliquer avec les juges sur toutes les magouilles qui sont à l’instruction, à moins qu’il ne prenne la fuite à l’étranger, comme je le pense.

                Cela dit, Hollande a été élu de peu. Si la droite avait été moins bête et avait présenté Juppé ou Fillon, elle aurait sûrement gagné.

                J’appelle New York avec Skype où se sent un peu seule celle qui fête son anniversaire ce lundi. Il y a cinq ans, c’était au lendemain de la victoire de la hyène. Cette fois, c’est un lendemain qui chante mais sans la moindre illusion.

                Elle s’inquiète de ses cinq années de plus. Je la rassure, elle me plaît toujours autant.

    *

                Un aspect alarmant du programme de François Hollande, le Président normal (extrait du débat télévisé d’avant second tour) :

                Hollande : « Sur les centres de rétention, je considère qu'un enfant ne peut pas être mis dans un centre de rétention parce qu'il est avec sa famille au milieu d'autres étrangers dans des conditions très difficiles. »

                Sarkozy : « Qui a créé les centres de rétention pour enfants ? Monsieur Jospin, c'est monsieur Jospin qui les a créés. »

                [...] Hollande : « Ce que nous devons faire maintenant, c'est avoir des centres de rétention permettant l'accueil des familles pour permettre ensuite leur reconduite... »

                Sarkozy : « Ça existe déjà. »

                Hollande : « Un seul. »

    *

    Soit on est normal, soit on est vivant. (Cioran), citation de circonstance.

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  •             Organiser un vide grenier alors que certain(e)s sont en vacances, d’autres en ouiquennede de quatre jours, d’autres parti(e)s voter et qu’en plus la pluie menace, c’est risquer le peu de vendeurs et de vendeuses, comme je le constate à l’aube dans le quartier Saint-Eloi à Rouen où le nombre de voitures enlevées par la fourrière est bien supérieur à celui des emplacements occupés par celles et ceux qui déballent. J’en ai vite fait le tour et décide de rejoindre ma voiture pour aller voir si c’est mieux à Saint-Aubin-Epinay. A cette fin, je marche sur le quai haut de la rive droite et y croise cet ancien camarade de collège retrouvé lors d’un vernissage au Musée des Beaux-Arts, ce que j’ai raconté dans ce Journal sans dire son nom ni du mal de lui. Depuis il m’ignore ostensiblement, une fois encore il trace tout droit.

                Je me gare facilement à Saint-Aubin-Epinay où l’on vend plus qu’à Rouen mais moins que l’an dernier (c’est ici que j’ai appris, me souviens-je, l’accusation de viol portée contre Strauss-Kahn à New York). Je constate assez vite que rien n’est pour moi dans cette marchandise déballée.

                Je repars pour gagner l’Eure par la côte Jacques-Anquetil. A Romilly-sur-Andelle, je fais le même constat : moins de déballeuses et de déballeurs, moins de monde dans les allées. J’achète trois pots de confiture, abricot, fraise, abricot, pour cinq euros, à une dame qui me dit les avoir faites dans la semaine. J’espère qu’elles sont bonnes, qu’elle a bien travaillé pour moi.

                De retour à Rouen, je repasse par Saint-Eloi où davantage de vendeurs et de vendeuses sont maintenant présent(e)s mais pas assez pour le nombre d’acheteuses et d’acheteurs. On se fait marcher dessus, on se fait bousculer, on peste contre les poussettes pleines d’enfants et les chariots emplis de marchandises. On, c’est moi, qui quitte les lieux énervé.

                Après déjeuner, j’ôte de ma veste le badge « Casse-toi pauv’con » (acheté au Rêve de l’Escalier) et me rends au Lycée Camille-Saint-Saëns. La salle de vote est dans ce qui ressemble à une cantine. Je glisse dans l’urne le bulletin anti Sarkozy.

                A la sortie, je suis suivi par un jeune père et ses deux enfants dont l’un lui demande :

                -Dis papa, tu voteras toujours pour François Hollande ?

    *

                Parmi les personnes que je connais à des titres divers, quatre n’auront pas voté au second tour de cette présidentielle, l’une qui séjourne à l’étranger et n’a pas voté au premier tour s’y étant prise trop tard pour donner procuration, l’une qui est en ouiquennede et a voté Mélenchon au premier tour, l’une ayant voté Hollande et l’un pour je ne sais qui au premier tour qui sont en vacances ensemble (ces trois-là ne connaissaient personne susceptible de voter à leur place dans leurs villages). Ça fait quatre voix perdues pour Hollande. J’espère que ce n’est pas la même chose dans l’entourage de chacun(e).

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  •             Pas encore eu l’occasion de lire en terrasse au Son du Cor cette année pour cause de pluie, de vent, de froid, c’est donc à l’intérieur du Socrate que je me livre au vice solitaire de la lecture chaque après-midi de la semaine ; parmi les livres lus les Ecrits intimes de Roger Vailland, l’auteur de Beau Masque, de La Loi, de 325 000 Francs et autres romans, C’est un pavé de huit cent trente-neuf pages publié en décembre mil neuf cent soixante-huit par Gallimard.

                Vailland fut un temps communiste et toujours libertin comme le montre cet extrait : On se déshabille et on se lave, sans commentaires, tous rodés. Les draps sont sales. Il est mieux de rester sur le couvre-lit. Un instant d’hésitation : qui sera au milieu ? puis Elisabeth prend l’initiative. Elle aime les gens, elle aime donner du plaisir aux putains et que j’aime le plaisir qu’elle donne sur le visage des putains (…/…) Dominique sort, nue sous son manteau « pour un coup de téléphone très important ». Elisabeth s’occupe de Marie-Lou. Dominique revient et s’applique heureusement à mieux s’occuper de moi que Marie-Lou, déjà habile et sachant ce que son regard noir ajoute. Aussitôt déliés, la conversation mondaine reprend : mérites comparés de Moreau, Signoret, etc. puis on nous présente Françoise et Suzanne ; mais c’est assez. Elisabeth est la femme de Roger Vailland et cela se passe le vingt-huit décembre mil neuf cent soixante et un dans un bordel de Lyon (raconté le lendemain).

                Aussi noté ceci datant de mil neuf cent quarante-huit :

                Gina (petite fille de Paul Fort, fille du peintre Severini qui habite à Meudon chez Maritain) m’a raconté : «  j’ai eu beaucoup d’amis catholiques et pédérastes. J’étais très liée avec Marcel Schwob. J’allais communier avec lui dans les Catacombes bien que j’eusse déjà cessé d’être croyante, pour lui faire plaisir. A cette époque, il ne touchait plus au petits garçons, il se mortifiait ».

                Et ceci du quinze mai mil neuf cent cinquante :

                Dîner samedi soir chez le peintre abstrait Capogrossi avec une douzaine de personnes (…/…). Merveilleuse fillette déjà femme de douze ans et demi, avec le bas du visage lourd, mat, que j’avais tellement envie de toucher, et des lèvres tendues à éclater. La mère, Constanza, a la même bouche, distendue et saignante, petits yeux aigus, monstre de lubricité maigre.

                Enfin, du premier juillet mil neuf cent soixante-quatre :

                Inauguration du camping-caravane de Meillonnas. Je flaire de loin le pédago. Il faut être débile, avoir fameusement peur de la vie, pour ne jamais sortir de l’école, se contenter de passer du banc au pupitre, régner sur des enfants et se satisfaire de longues vacances vacantes et de l’espoir d’une retraite. Le gars de Lyon au sifflet entre les dents, Marie-Louise en cure au plateau d’Assy, communiste, me disait qu’il n’y a guère d’actifs dans la section que les pédagos et les boueux. « Militer me manque un peu ». Elle est gênée de ne penser qu’à son con (chaud et juteux) et au dos de son homme qu’elle encule (si j’ai bien compris une des lettres qu’il lui écrit).

                Frédérique de Lyon à propos d’Anne, intellectuelle de gauche dont le pédantisme l’exaspère : « quand elle parle, j’ai envie de lui bouffer la chatte ». Pour provoquer une réaction vraie.

                Et les belles tuberculeuses que nous ne baiserons pas.

    *

                Satie a protégé sa musique comme du bon vin. Il n’a jamais remué la bouteille. Ainsi s’exprimait Cocteau dans une conférence dont le texte publié dans La Revue musicale de mars mil neuf cent vingt-quatre est repris par Philippe Olivier chez Hermann dans Aimer Satie, en compagnie d’autres signés Fernand Léger, Valentine Hugo, Georges Auric, Francis Poulenc, Alfred Cortot, Henri Sauguet, Jean Wiener, Francis Picabia, etc. avec une ouverture d’Ornella Volta, une autre de mes lectures récentes au Socrate l’après-midi des jours de pluie.

    *

                Point ne cesse ce temps désolant mais vole au vent la jupe des filles.

    *

                Ce samedi matin à dix heures et quart, comme l’autre samedi à la même heure, deux policiers en tenue de garde mobile sont postés devant la Synagogue de Rouen, rue des Bons-Enfants, ce qui donne à penser qu’il y a menace.

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  • Une des conséquences de l’absence de celle qui est pour plusieurs mois à New York, c’est que je n’ai plus de coiffeuse à domicile.

    J’attends le plus que je peux mais il faut bien en couper un peu des cheveux qui restent, me dit mon miroir chaque matin. A dix-sept heures ce vendredi,  j’entre chez Figaro, petit salon à l’ancienne de la rue Alsace-Lorraine, où la coiffeuse solitaire me prend en charge sur fond de Radio Nostalgie. Cela commence par un champoing sur fauteuil massant, un drôle d’engin mécanique dont les rouleaux ne sont pas suffisants pour me détendre.

    Je donne mes consignes à la professionnelle, qui peuvent se résumer à cette formule que je lui répète « Je ne veux pas avoir la tête de quelqu’un qui sort de chez le coiffeur ». Elle obtempère et en réponse à ma question me dit que son salon est un vrai salon ancien, elle l’a juste un peu éclairé et rafraîchi.

    Rafraîchi, je le suis aussi à l’issue. « Vous avez vraiment les cheveux fins », me dit-elle à deux reprises, un peu comme le dentiste me dit que j’ai une bouche qui ne s’ouvre pas assez grand. J’en ai des défauts.

    Je ressors de là avec une tête qui n’a pas trop l’air de sortir de chez le coiffeur et rentre directement à la maison pour me décoiffer devant le miroir.

    *

    Ce vendredi matin, énième tentative de me faire rembourser les trois euros indûment perçus par l’agence immobilière Cegimmo « dont la notoriété s'est construite au fil des années sur (le) travail et (la) rigueur ». La secrétaire imprime une nouvelle fois mes versements de loyer et fera le nécessaire auprès de sa patronne (me dit-elle comme d’habitude).

    *

                Rouen, à la Halle aux Toiles des peintres et sculpteurs du coin exposent leurs œuvres sous le titre « Rouen National Arts », intitulé abscons et louche. Que vient faire ce National entre Rouen et Arts ?

    *

                La grosse imprudence de Hollande : faire commencer son ultime mitigne électoral par un discours de Jospin.

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  • Ce premier mai vers neuf heures et demie je me gare près du cimetière de Louviers, venu là rendre visite à mon frère Jacques, mort dans la nuit du deux au trois mai, seul dans son appartement de la rue du Collège à La Rochelle, il y a dix-sept ans.

    Je grimpe jusqu’à l’orée de la forêt. Là se trouve sa tombe. Son nom est à peine visible. Je doute qu’il ait d’autres visites que celles du peu de famille. Il n’en sait rien, heureusement. Que dit-on à quelqu'un qui ne peut vous entendre ? Des choses inutiles. Avant de partir, je casse une branche fleurie de l’un des arbres et la plante dans la jardinière.

    Sur la route vers Rouen me revient sa définition de la chaise qui figure dans l’un de ses recueils de poèmes. Comme chaque année, je les feuillette à nouveau. Dans celui intitulé Tous les chats qui sont blancs et qui ont les yeux bleus sont sourds, datant de mil neuf cent quatre-vingt-six, je choisis ce qui suit :

    dans le jaune

    le maître de maison

    referme son livre

    se dresse sur son lit

    prend un fusil à son côté

    vise la gouvernante

    tire

    éteint la gouvernante

    repose le fusil

    se rallonge

    se tourne vers le mur

    et s’endort dans le noir.

    *

    Jamais je ne suis autant entré dans la Cathédrale de Rouen. C’est que la rue Saint-Romain est coupée en son extrémité par les travaux de finissage de l’Espace Monet-Cathédrale et ceux du jardin de consolation de Valérie Fourneyron. Les moins renseignés font le détour par la rue de la Croix de Fer, la rue Saint-Nicolas et la rue des Carmes, n’ayant pas idée du raccourci gothique dont je profite au risque de passer pour pieux.

    *

    Pas question de perdre trois heures de ma vie à regarder un débat Hollande Sarkozy, je me contente du résumé du lendemain. Pas grand-chose à en retenir, hormis l’utilisation de l’anaphore par le futur Président de la République.

    *

    Qu’on ne compte pas sur moi pour m’abstenir au second tour dimanche, ce serait voter pour Sarko le fat sot.

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  • Pas envie de mettre le pied dans le défilé plan plan du premier mai à Rouen, je prends la route aux aurores. Une demi-heure plus tard, je me gare à l’entrée du village d’Hondouville dans l’Eure, évitant le pré fangeux transformé en parquigne le temps du vide grenier.

    Il n’est pas aussi important qu’il pourrait l’être, la faute au mauvais temps persistant. Le ciel est gris, la dernière averse date de la nuit. Le soleil est annoncé pour l’après-midi mais le Normand est prudent. Une partie des vendeurs et des vendeuses sont installés dans l’une des rues tandis que d’autres sont dans un pré humide et boueux derrière l’école. Ici l’on a voté à plus de cinquante-quatre pour cent pour Sarko Le Pen au premier tour de la présidentielle, comme dans pas mal de trous perdus. Celui-ci je le connais depuis longtemps. J’y ai fait mes débuts d’instituteur en classe à double niveau grande section de maternelle cours préparatoire, avec trente-deux élèves sans femme de service dans un minuscule local aujourd’hui désaffecté. Mes ancien(ne)s élèves ont dans les quarante-cinq ans. Je ne risque pas de les reconnaître.

    Peut-être est-ce l’un deux qui interpelle une vendeuse :

    -Alors Marie-Laure, tu vends tes petites culottes ?

    -Non, pas cette année, répond l’interpellée (pas de Marie-Laure dans mes élèves d’autrefois).

    Un autre vendeur tient le rôle du sadique :

    -Des petits soldats, ah non j’en ai plus, j’en avais, mais ils sont vendus, pas chers en plus, y a même pas cinq minutes.

    On trouve un type de ce genre dans chaque vide grenier.

    Ce que je ne trouve pas, c’est quoi que ce soit qui m’intéresse. Quand je repars, l’une des voitures garées dans le pré tente de se dégager de la boue. Plus elle patine, plus elle s’enfonce. Je n’ai pas ce souci. Par un raccourci que je connais, je quitte le village et me dirige vers le cimetière de Louviers.

    *

    Plus intéressant que les habituelles manifs françaises de premier mai, le rassemblement Occupy Wall Street que rejoint après son travail (le premier mai n’est évidemment pas férié aux Etats-Unis) celle qui m’écrit ensuite ceci :

    « Les dix ou vingt mille personnes qui y étaient ont largement moins de quarante ans pour la plupart. Plutôt mon âge. Des vrais de vrai hippies, des anarchistes qui couvrent la moitié de leur visage, des gens avec des bouts de carton avec marqué plein plein de trucs différents (depuis : "he fucked all of us" au-dessus d'une photo de Bush, jusqu'à "it cures" sur une feuille de cannabis en passant par des gens déguisés en statue de la Liberté anorexique ou Captain America avec des béquilles), toutes les langues aussi. Il y avait presque autant de flics que de manifestants, y compris en hélicoptère. Du coup, certains déplient des bâches de plusieurs dizaines de mètres au-dessus de leur tête avec des trucs marqués dessus pour que ça se voit bien d'en haut. »

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  • Dimanche matin à Paris il fait encore un temps pourri. Je vais quand même voir ce qui se passe rue Ordener où doit se tenir le vide grenier de printemps. Il est dans l’eau. Quelques intrépides se sont quand même installés, qui écopent. Je rentre aux Amiraux et ai la chance d’être appelé par celle qui devrait dormir à New York. Nous parlons un bon moment.

    Quand il pleut moins, je vais faire un tour dans le quartier, remontant le boulevard Barbès jusqu’à Château Rouge. Là point le soleil qui me fait retourner rue Ordener où sont maintenant installés davantage de vendeurs et de vendeuses. J’en fais le tour sans trouver de livres pour me plaire.

    Il est onze heures trente, ce qui n’est pas trop tôt pour déjeuner au Va et Vient du Nord dans cette même rue, une brasserie dont les murs sont décorés d’icônes du vingtième siècle, Gainsbourg, Colombo, Che Guevara, Fernandel, etc. Je commande un couscous méchoui. En l’attendant, je goûte au côtes-du-rhône avec dans les oreilles une radio cent pour cent chansons françaises qui m’apprend la mort d’Eric Charden, surtout connu pour ses duos avec Stone dans les années soixante-dix. En hommage, une de ses chansons sera diffusée toutes les heures.

    Je me souviens bien des chansonnettes nunuches de Stone et Charden, notamment de Made in Normandie dont le succès valut au couple de tourner un film publicitaire pour le beurre Elle et Vire. Une séquence de ce film fut réalisée au Bec-Hellouin dans la ferme du paysan qui devait prendre ma chèvre en pension l’hiver, une dizaine d’années plus tard, cette chèvre étant un cadeau de fin d’année des parents d’élèves.

    Le couscous méchoui du Va et Vient du Nord est copieux et goûteux. Je prends le temps de le déguster. Pas loin de moi sont assis deux vieux Arabes qui boivent eux aussi du côtes-du-rhône mais commandent des grillades avec des coquillettes. J’en suis à la deuxième chanson d’Eric Charden quand je sors du restaurant. Le vide grenier bat son plein (comme on dit). Il est temps pour moi de quitter les Amiraux et de revoir ma Normandie.

    *

    La publicité Elle et Vire de Stone et Charden n’a pas suffi à apporter la renommée à la ferme du Bec-Hellouin. En revanche, une autre bâtisse du village y a eu droit, connue de tous sous le nom de « la maison que Johnny Hallyday a failli acheter ».

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