• Une bétaillère comme d’habitude mais plus courte que d’habitude où tout le monde trouve cependant place en raison des absences dues aux vacances, tel est le train de sept heures vingt-six qui ce mercredi m’emmène à Paris. Il est direct mais ne voilà-t-il pas qu’il s’arrête à Oissel. C’est en raison, nous dit la voix du contrôleur, d’un autre train en panne à Vernon. Il y a encore quelques mois ce genre d’annonce aurait suscité des commentaires acerbes. Aujourd’hui, ce ne sont que quelques soupirs. Personnellement, je me réjouis d’avoir encore pas mal de Lettres à Olga à lire. Quand nous repartons, c’est pour aller à vitesse réduite. Nouvel arrêt avant Vernon, cette fois la panne de train est censée s’être produite à Reuilly-sur-Seine. On repart et on se traîne sur tout le trajet avec plusieurs courts arrêts. Ma voisine au téléphone explique qu’on lui avait conseillé de ne pas dire qu’elle habitait loin mais que son patron va s’en apercevoir si elle arrive avec un tel retard. A l’approche de Saint-Lazare, le contrôleur annonce un retard d’« une heure vingt environ ». Il ne présente pas les excuses de la Société Nationale des Chemins de Fer et indique qu’au bout du quai seront distribuées les enveloppes destinées à se faire rembourser.

    Pour la première fois, j’arrive boulevard Saint-Michel après l’ouverture des librairies. J’y furète puis déjeune une nouvelle fois à l’Hostellerie de l’Oie qui Fume, rue de la Harpe, où faisant désormais figure d’habitué, le serveur m’offre l’apéritif. Pour dix euros, je choisis la salade de saumon fumé sauce ciboulette, le sauté d’agneau à la provençale et la tarte aux pommes tièdes. Une grand-mère a invité sa petite-fille et ne lui parle que de ses études, alors que la question serait plutôt : « Tu en es où avec les garçons, à moins que tu ne préfères les filles ? ». Bientôt, je ne les entends plus car s’installent à la table la plus proche de la mienne quatre filles de magasin d’âge divers mais de sottise égale.

    Il fait beau, aussi est-ce à pied que je rejoins la Bastille par la rue de Rivoli afin d’explorer les rayons de Book-Off. Parmi mes trouvailles, La Doulou d’Alphonse Daudet (L’Ecole des Lettres), journal de souffrance de la fin de sa vie, que je cherchais depuis longtemps après l’avoir entendu lu sur France Culture.

    Pour le retour à Rouen, c’est l’un de ces trains récents à sièges colorés qui semblent toujours sur le point de dérailler. Il est moitié moins long que d’habitude, Les voyageurs sans place assise sont quasiment aussi nombreux que les assis. Il est cependant à l’heure à l’arrivée.

    *

    Chez Book-Off, la Province pleine d’espoir : « Est-ce que vous avez un magasin à Toulouse ? »

    *

    Le débat sur la pénalisation de la clientèle des prostitué(e)s prend un tour consternant. Pire que Causette il y a maintenant Causeur et sa pétition de gros blaireaux. Heureusement, Hélène Hazera est là pour relever le niveau : « Cette loi s'attaque aux clients de la prostitution de la rue, elle sera votée par les clients de la prostitution de luxe. »

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  • Ce lundi matin, je reçois ça par mail d’une lectrice :

                « La vieille » dans le billet du vendredi 25 octobre 2013.
                Ce terme n'est pas « persifleur » il est parfaitement méprisant et condescendant.
                Au fait, quel âge avez-vous donc, le vieux ? »

                Je lui réponds ceci :

                « Je ne le sais que trop que je suis vieux et même bientôt mort.

                Ce n'est pas la première fois que je parle dans mon Journal d'un vieux et d'une vieille, de même que je parle de nain et d'aveugle quand il s'agit d'un être minuscule ou qui ne voit pas.
                Je déteste le correctement politique qui veut qu'un vieux ou une vieille soit une personne âgée ou un ancien ou encore plus ridicule un senior, et je ne parle pas des papy et mamie qu'utilisent les journaux dans des titres du genre « Un papy cultivait du haschisch dans son jardin ».

                Une vieille est vieille, un vieux est vieux. Est méprisant et condescendant qui utilise à la place de cette évidence des formules alambiquées voulant faire oublier cette cruelle réalité. »

    La même m’envoie un second mail dans lequel elle m’accuse de me moquer des gens simples et de ne pas être poli, il faut dire « vieille femme » ou même « vieille dame » sinon « c'est un encouragement implicite à la grossièreté haineuse des jeunes. »

    On peut donc dire « les jeunes » mais pas « les vieux » ou « les vieilles ».

    « Vos leçons me fatiguent. » lui réponds-je, songeant qu’à l’époque où j’étais un jeune, dans les années soixante, nous avions le mot parfait pour désigner les vieilles et les vieux. On les appelait les croulants.

    *

    Autre mail, de Solidarité Bretagne, pour m’inviter à signer une pétition de soutien aux bonnets rouges « ces nouveaux chouans » « qui refusent les licenciements, la mondialisation forcenée, la fiscalité démesurée, le grand remplacement de population. »

    Le grand remplacement de population ? Kesaco ? Malgré ma sympathie pour les Breton(ne)s, je me garde bien de signer, ne voulant pas me trouver en louche compagnie.

    *

    Hollande et son gouvernement sont vraiment mal. Lui Président pourra-t-il aller au bout de son mandat ? Je ne crois pas. Il va se passer quelque chose et il n’y a peut-être pas à s’en réjouir.

    *

    Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie, mais son évolution par temps de crise. (Bertold Brecht)

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  • En 1903 ayant été reçu au Certificat d’études, je n’avais plus l’obligation d’aller à l’école, et comme c’était l’habitude en ce temps, mes parents envisagèrent de me faire gagner ma vie, dans la mesure de mes possibilités en travaillant, une vieille demoiselle, petite cultivatrice, me fit demander pour faire un remplacement de 2 mois, sa bonne partant pour se marier et celle qui devait la remplacer n’étant libre qu’au bout de ce temps, ainsi fut fait, j’avais juste 11 ans…. Ainsi commence Mon adolescence, l’un des deux textes manuscrits que mon grand-père a rédigé, ayant dépassé l’âge de quatre-vingts ans, quelque temps avant sa mort, et dont il a donné une photocopie à chacun de ses quatre petits-enfants. L’autre texte, sans titre, raconte sa guerre de Quatorze/Dix-Huit. Dommage qu'il n'y ait pas la suite.

    Ma photocopie avait disparu suite à mon déménagement de Val-de-Reuil à Rouen. Ce dimanche, je la retrouve à la faveur d’activités domestiques (ménage et rangement). Délaissant le chiffon, je m’y plonge et redécouvre la jeunesse du père de mon père.

    Grand-père Jules quitte donc ses parents peu avant que son père, mon arrière-grand-père, ne soit nommé cantonnier chef à Ourville-en-Caux. Après avoir travaillé dans des fermes et des châteaux, il devient garçon de café à Rouen et dans un certain nombre d’autres villes de la région, une itinérance consécutive à son goût de la bougeotte quand il part volontairement et à son fier caractère quand il se fait virer, ce qui se produit à plusieurs reprises, trois exemples :

    Je l’envoyais sans ménagement à la balançoire, sur ce elle me donna mes huit jours, j’étais d’accord et voulais même partir ma journée finie.

    Vous êtes ici pour faire ce qu’on vous dit : Oui mais si je veux : Si vous ne voulez pas faire ce qu’on vous commande vous n’avez qu’à aller ailleurs : D’accord je pars dans huit jours.

    Dans cette courte altercation, nous ne tombâmes d’accord que sur le point final, je finissais ma journée, et ne revenais pas le lendemain.

    Grand-père Jules retrouve toujours du travail rapidement dans son domaine, sauf une fois, et comme le désœuvrement lui pèse et qu’il est curieux, il trouve autre chose à faire :

    J’obtins comme d’autres une ou deux journées par semaine en extra dont toujours le dimanche, brasserie Steurer, brasserie Paul, etc., le reste de la semaine, je trouvais le temps long, il me vint alors une idée de qualité très discutable, j’avais dans les années précédentes entendu parler de gars qui étaient sans travail et étaient obligés pour subsister d’aller travailler sur les quais de Rouen, cela n’était jamais présenté, ni comme une bonne référence, ni comme un travail intéressant, j’avais en réserve plus d’argent que j’en avais besoin pour passer tout l’hiver sans travailler si nécessaire, mais j’avais envie de me rendre compte comment vivaient cette catégorie de travailleurs.

    Un matin donc je m’habillais de mes plus vieilles fringues, de vieilles godasses et j’aillais me présenter à l’embauche (…), je fus embauché pour rouler de gros fûts vides de vin, des demi-muids, après l’avoir roulé jusqu’au dépôt on revenait en chercher un autre, toute la journée ainsi, s’il faisait beau tant mieux, s’il pleuvait tant pis, 0 F 30 de l’heure.

    Peut-être a-t-il croisé Pierre Mac Orlan à cette occasion, à moins que ce ne soit à la Taverne des Arts, près du Théâtre du même nom, où il fut engagé en même temps que son ami Sampeur :

    Je me rendis vite compte que la clientèle de ce café était d’un genre un peu spécial comprenant des garçons ayant eu pour beaucoup plus ou moins affaire avec la police et dont l’occupation déclarée en cachait une autre moins avouable, proxénétisme ou autre, il me fut affirmé, sans que je puisse en avoir la certitude que Sampeur avait fait cinq ans de bagne. Je ne jugeais pas bon de rester dans ce milieu et ayant eu la chance de trouver une place de garçon au Grand Hôtel du Nord (tout contre le Gros Horloge), je quittais la Taverne des Arts et ne revis jamais Sampeur.

    Dans la chronique de cette adolescence, il est presque toujours question du travail, pratiquement rien sur ses autres occupations et absolument rien sur sa vie sentimentale (comme on dit). Un seul paragraphe renseigne sur son logement :

    J’avais toujours ma chambre au 60 de la rue Bouvreuil à Rouen, j’avais pris une des moins chères, 15 F par mois, sous le toit, pas de chauffage, il y faisait froid en hiver, mais chaud en été cela compensait, je n’y restais jamais longtemps le jour même quand je ne travaillais pas, ma logeuse, madame Papillon, pauvre mais très estimée, veuve, avait chez elle ses deux filles qui allaient encore à l’école et son père 74 ans, avec qui j’allais assez souvent faire une partie de dames, de temps à autre aussi je mangeais avec eux.

    Peu de fautes d’orthographe dans les écrits de grand-père Jules, quelques erreurs d’accord parfois, un mot oublié par-ci par-là, ou bien pris pour un autre comme ce « vacantes » à la place de « bacchantes » quand il se laisse pousser la moustache avant de partir à l’armée pour deux ans pense-t-il, ce sera en fait soixante et onze mois pour cause de guerre.

    L’ultime page de Mon adolescence, numérotée cinquante, conclut :

    En résumé compte tenu des différences de possibilités pour les jeunes de gagner sa vie, entre le temps actuel et ce temps déjà lointain, je ne regrette pas ce que j’ai fait.

    *

    A l’issue de ce dimanche placé sous le signe des travaux ménagers, de la mémoire et de la tempête, la nouvelle de la mort de Lou Reed à soixante et onze ans, son nouveau foie, remplaçant l’ancien bousillé par la drogue et l’alcool, n’ayant pas tenu le coup.

    *

    L’adolescence de Lou Reed : les électrochocs donnés par un psychiatre avec l’accord de ses parents afin de le guérir de son goût pour les garçons.

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  • -Elles sont de quelle origine ?

    L’une des dames derrière moi a des questions de viande bovine, de celles à quoi les restaurants affichent la réponse sur les murs : pas d’origine française certes, mais quand même d’origine européenne, les sœurs Bizjak. Leur nom en rouge et en gros ainsi que leur photo figurent sur la couverture du livret programme.

    Je suis, ce vendredi soir, sur la chaise qui devrait être la plus proche du premier piano lorsque ce sera leur tour. Avant cela, l’Orchestre sous la conduite de Luciano Acocella joue la Symphonie numéro un « Classique » de Serge Prokofiev, une œuvre guillerette avec un petit côté fête foraine qui s’accorde avec l’ouverture de la Saint-Romain, composée en mil neuf cent seize et dix-sept, pendant la Grande Guerre donc.

    Deux Steinway & Sons sont ensuite roulés sur la scène et arrivent les sœurs Bizjak. Lidija, l’aînée brune, s’installe au premier piano et Sanja, la puînée blonde, au second. Luciano Acocella lance le Concerto numéro dix en mi bémol pour deux pianos de Wolfgang Amadeus Mozart qu’attrape en route le duo. Je ne perds rien de la première tandis que je ne vois que le visage de la seconde. Toutes deux sont traversées par la musique mais pas de la même façon. Si l’on isole leurs visages on pourrait croire que l’une est saisie par la douleur et la seconde par la jouissance, ce qui convient parfaitement à l’œuvre jouée, composée par Mozart juste après la mort de sa mère à Paris et son retour forcé à Salzbourg. La performance est saluée de moult applaudissements. Luciano ose le baisemain.

    -C’est des beaux brins de filles, commente la dame derrière moi.

    En bonus les « excellentes sœurs serbes » ainsi que les appelle The Classical Source, munies pour la brune d’une tourneuse de pages blonde et pour la blonde d’une tourneuse de pages brune, donnent un morceau qui ne m’est pas inconnu mais que je ne reconnais pas. Comme dit The Telegraph « Pas la moindre comédie, une finesse et une délicatesse à couper le souffle ».

    Après l’entracte, retour à l’Orchestre pour le Prélude symphonique de Thierry Escaich, œuvre néoclassique dans laquelle le jeu des altos me fait parfois penser à Philip Glass puis, dans la même veine, la Sinfonietta pour orchestre de Francis Poulenc dont certains passages m’évoquent fâcheusement une musique de film. Il n’en faut pas plus pour que mon esprit vagabonde et que j’écrive mentalement un scénario avec dans les rôles principaux quelques-unes des musiciennes : la revenante, la disparue, la future mère et celle qui a jugé que c’était le moment de se couper les cheveux.

    *

    L’Orchestre de l’Opéra de Rouen ne manque heureusement pas d’origines : origine australienne, origine japonaise, origine roumaine, origine géorgienne, origine iranienne, etc. Il s’enrichit cette année de l’origine chinoise.

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  • L’Opéra de Rouen proposant d’assister à la répétition commentée du concert du vingt-cinq octobre, je m’inscris téléphoniquement ce mercredi auprès de l’Administration.

    Jeudi vers midi, il se met à faire soleil, dommage d’aller s’enfermer, me dis-je, mais j’y vais quand même. Quand j’arrive, il y a déjà affluence devant la porte latérale A l’ouverture, des tickets sont distribués à celles et ceux dont le nom figure sur la liste, plus qu’à attendre le feu vert pour pénétrer dans la salle.

    Eh non, un employé faisant plus ou moins office de vigile informe qu’il s’agit d’abord de se diriger vers le foyer pour une présentation orale. Je n’obtempère point. Pas envie de ça, de cette médiation, de cette volonté pédagogique ; déjà, que la répétition soit commentée, cela ne me plaisait qu’à moitié, ayant seulement envie de voir comment ça se passe, mais manifestement pas question de se mettre dans un coin et de dire au maestro, je vous en prie faites comme si je n’étais pas là.

    Je redescends, redonne mon ticket au jeune homme qui me regarde d’un air étonné. Je lui explique pourquoi. Dehors, il fait aussi beau que possible pour une fin d’octobre. J’en profite à la terrasse du Son du Cor où je lis les Lettres à Olga de Vaclav Havel (Editions de l’Aube).

    *

    Les forains en surnombre sont donc partis et c’est maintenant qu’on apprend via Paris Normandie qu’ils dénonçaient « des irrégularités dans l’attribution d’une quinzaine de places volantes, traditionnellement « tirées au chapeau ». » et reprochaient « à l’Intersyndicale qui a signé l’accord avec la mairie d’avoir porté la voix de quelques familles, et non l’intérêt de tous. En particulier, sur une zone bleue de 5 %, réservée aux « volants ». »

    L’accord en question est celui signé l’an dernier pour organiser la translation de la Foire suite à la création du Jardin des Ecolos.

    *

    Simply Market, rue de la Jeanne, ce vendredi matin.

    La caissière :

    -Oui, c’est aujourd’hui que ça commence la Foire Saint-Romain.

    La vieille :

    -Oh bah, c’est pas sûr, avec tout ce qui s’est passé, oh la la.

    *

    Haut Bama, toi qui sais tout sur chacun(e), peux-tu me dire ce qu’est devenue Sarah, franco-libanaise résidant à Paris, qui m’appelait régulièrement au téléphone et un jour a disparu sans laisser de traces ? Non ? Il est vrai que c’était au temps du Bas Bush.

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  • Conséquence du déplacement de la foire Saint-Romain, le Cent Six, salle de musiques zactuelles, est cerné par les manèges et les marchands de barbe à papa, au milieu desquels je me faufile ce mardi en fin d’après-midi afin de jouir du concert gratuit Leave Her To Heaven + Old Battlefield Entertainer + BBC. A la sortie du labyrinthe, je tombe sur trois Céhéresses occupés à garder le parquigne que voulaient occuper les forains recalés.

    Si je suis là, c’est pour découvrir la musique de BBC dont je connais par correspondance le chanteur. Nous nous saluons. Cette succession de prestations se tient dans la Petite Salle qui porte bien son nom. C'est vite plein, heureusement certains préfèrent rester au bar. Le public est d’âge divers, les hommes majoritaires, bien qu’un groupe de filles fassent beaucoup de bruit pour Leave Her To Heaven.

    -Je suis allé les chercher dans un institut pour demeurées, c’est pour ça qu’elles sont toujours contentes, indique le chanteur guitariste dont j’apprécie la voix.

    Il est accompagné d’une violoncelliste et d’un  percussionniste. A eux trois, ils font dans le folk rock et c’est pour moi une bonne découverte.

    Leur succèdent Old Battlefield Entertainer un groupe de cinq garçons dont une majorité de barbus. Le nombre de décibels augmente. C’est du bon gros rock avec du poil au menton. Au bout de trois morceaux, je vais soulager mes oreilles au bar où je commande un verre de bordeaux à trois euros. Le verre est grand, le vin mauvais.

    C’est pour finir BBC, bassiste, batteur, chanteur guitariste, depuis un moment dans le circuit. Ce pop rock parfaitement rodé à la sauce anglaise me sied parfaitement et comme cela se termine par une reprise vitaminée de Summer in the City des Lovin’ Spoonful, quand je sors du hangar à musique j’ai de nouveau quinze ans.

    *

    Ce mercredi, entre midi et quatorze heures, nouvelle « opération escargot » des forains sans place dans les rues de Rouen. Les articles à leur sujet publiés via Internet sont suivis des commentaires qu’on imagine. On dirait que les journalistes tiennent à rappeler chaque jour que leur lectorat est en grande partie composé de primaires.

    Jean-Michel Bérégovoy, qui lui réfléchit (à quand il sera Maire écolo de Rouen) et que le désespoir de ces hommes laisse froid, considère que « la politique du coup de force est une pratique archaïque à l’opposé de notre conception d’une démocratie apaisée basée sur le dialogue et l’intérêt collectif. » (Grand Rouen).

    Le soir venu, ces forains sans place dont les camions montrent qu’ils font partie des plus pauvres (les riches ayant leur emplacement réservé depuis longtemps) annoncent qu’ils renoncent.

    *

    Citation de circonstance : « Le cerveau de l'imbécile n'est pas un cerveau vide, c'est un cerveau encombré où les idées fermentent au lieu de s'assimiler, comme les résidus alimentaires dans un colon envahi par les toxines.  » (Georges Bernanos La France contre les robots).

    *

    Réserver les commentaires des articles de presse en ligne au signalement d’erreur et à l’information complémentaire, voilà ce qui serait une bonne initiative.

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  • Une douce température, un peu de soleil malgré une pluie annoncée, il ne m’en faut pas plus pour avoir envie de faire un tour à Dieppe ce mardi matin et pour cela je rejoins ma voiture toujours garée dans l’île Lacroix. Un attroupement autour du distributeur de billets m’intrigue. M’approchant, je constate qu’il est en sale état et que ceux qui l’entourent sont policiers. Ce distributeur planté au milieu du trottoir (ressemblant de loin à une pissotière) sera une proie de choix pour les malfaiteurs : un coup de camion bélier et il sera cul par-dessus tête, les billets à l’air." écrivais-je dans ce Journal le dix-sept mars deux mille onze. C’est fait.

    A l’approche de Dieppe, je tourne à gauche vers Pourville-sur-Mer pour prendre encore une fois la route côtière qui me rappelle bien des souvenirs et que les autorités menacent de fermer en raison des chutes de falaise. Je me gare au bord de cette falaise puis descends en ville par le chemin qui contourne le Château-Musée.

    Impossible de boire un café Au Tout Va Bien, celui-ci est en travaux sérieux. C’est L’Escale Café qui m’accueille en terrasse. La clientèle est locale et cause du journal. Les Informations dieppoises titre en effet 90 ans après le naufrage de l’Espérance la sépulture de 10 marins retrouvée, curieuse formule pour évoquer la découverte de la carcasse de ce bateau.

    Je fais le tour du port, assiste au débarquement de coquilles Saint-Jacques et de grosses huîtres à coquille poilue puis à l’arrivée sous l’œil étonné des marins d’un campigne-car immatriculé dans la Haute-Loire composé d’une caravane déglinguée sans roues posée sur la plate-forme d’un vieux camion, à l’intérieur un jeune couple à chien.

    Quand il s’agit de déjeuner, j’opte pour le curieusement nommé La Cravache d’Or, quartier du Pollet. Au menu : brochette de Saint-Jacques au lard fumé, raie sauce dieppoise, tarte au pommes tiède avec sa boule de glace (quatorze euros quatre-vingt-dix) avec un quart de vin blanc (trois euros quatre-vingts). C’est suffisamment bon, mais les plats se font un peu attendre bien que nous ne soyons que quatre convives (dont trois habitués), pas au point cependant de rebaptiser ce restaurant La Cravache dort.

    Il pleut lorsque je sors, ce qui m’incite à rentrer plus tôt que prévu et je fais bien car à peine suis-je arrivé à Rouen que la ville est bloquée par des forains mécontents (voulant s’installer sur le parquigne du Cent Six vers lequel la foire Saint-Romain a été déplacée en raison de la création d’un parc paysager sur le quai bas, ils s’en sont fait chasser par les Céhéresses).

    *

    Port de Dieppe, une affichette autocollante sur une camionnette de pêcheurs : « La mer aux marins. Non aux éoliennes ». Jamais un marin du coin ne se soucie de savoir si sa pêche est irradiée par la centrale nucléaire de Penly.

    *

    Il était pourtant parfait le terrain vague des quais bas qui accueillait la foire Saint Romain, les cirques, des concerts, etc. Les municipalités ont la sale manie de vouloir tout aménager. Pas besoin d’être devin pour savoir que ce jardin, situé comme il est situé, sera plus dégradé que fréquenté.

    *

    76actu est là pour me dire ce qui s’est passé dans l’île Lacroix :

    « Pas d’explosion, aucune déflagration, ça non. Il s’agit d’une simple tentative d’arrachage de Dab. La machine était vide… », précise une source judiciaire. »

    « Personne n’a rien entendu mais quelques-uns ont vu des jeunes à scooter roder autour de l’appareil. Pour l’heure, personne n’a été interpellé. »

    Ah, les jeunes à scouteur !

    *

    Malheureux habitants de l’île Lacroix, ils ont un distributeur de billets mais aucun billet à l’intérieur.

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  • Lecture du soir, Nuits aux bouges de Pierre Mac Orlan (Editions de Paris), recueil de souvenirs d’une jeunesse aventurière aux nuits passées dans les mauvais lieux (comme on disait) :

    Ceux de Rouen étaient extraordinaires. Il y avait dans les petites rues qui accédaient aux quais, du côté du « Perroquet vert », en allant vers le Champ de Mars, des bouges infiniment curieux, auprès desquels les bars anglais de la rue des Charrettes et de la Vicomté étaient des établissements pour des lords et des ladies.

    Une abominable cohorte de piqueurs de fûts (des soleils) et de rôdeurs décrépits s’y donnaient rendez-vous avec des dockers encore mal débarrassés de la couche de charbon qui les vernissait. On buvait du gros vin épais d’Algérie et, comme la ville offrait l’hospitalité à des interdits de séjour, les bagarres devenaient souvent dangereuses.

    Certains de ces bars, fréquentés par des dockers et des chauffeurs chinois qui promenaient avec eux leur odeur comme des économies, parvenaient à représenter ce que l’on peut concevoir de plus parfait concernant les enfers de l’humanité.

    Des filles, souvent presque des enfants, qui se prostituaient pour une soupe, derrière les piles de bois de Norvège, y venaient afin de passer la nuit à l’abri du vent et de la pluie. Elles buvaient des « inséparables », des absinthes à deux pour trois sous.

    Inutile de sortir du lit, tout cela a disparu depuis longtemps.

    *

    Le privilège des piqueurs de fûts est le titre d’un court texte d‘Alfred Jarry à la gloire de ces voleurs d’alcool. Il se termine ainsi :

    Quoi qu’il en soit, la tâche du piqueur de fûts est louable et comparable de tous points à celle du militaire : celui-ci a pour mission de soulager par une ponction hygiénique, la pléthore de l’humanité vivante : de même celui-là se dévoue à obvier à la mévente des vins.

    *

    Où trouver une terrasse pour lire au soleil ce lundi ? Allant de café fermé en café fermé, je trouve ouvert et ensoleillé celui nommé Perdu. Las, le soleil bas d’octobre disparaît vite derrière les immeubles de briques. Je continue ma lecture à l’ombre. Un peu avant seize heures, c’est le bar qui ferme.

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  • Une pancarte près de l’entrée des artistes attire mon attention lorsque j’arrive ce dimanche après-midi à l’Opéra de Rouen. Placée là sous le contrôle d’un huissier, elle indique qu’une antenne relais doit être installée dans ce bâtiment par la maison Free et que les mécontents ont deux mois pour se manifester, après ce sera trop tard. Je suppose que l’Opéra touche de l’argent pour ça.

    Alexandre Tharaud est à l’affiche et la salle est à moitié vide. Comment est-ce possible ? L’une des deux spectatrices assises derrière moi donne la réponse quand elle consulte le livret programme :

    -C’est bien ça, c’est bien Pécou, ah bah une fois de temps en temps.

    Avant Pécou et Tharaud, c’est Poulenc et le Chœur de Chambre les éléments (qui comme accentus tient à sa minuscule) conduit par Joël Suhubiette avec la Messe en sol majeur pour chœur mixte a capella puis des chansons sur des poèmes de Paul Eluard et Guillaume Apollinaire, tout cela un peu soporifique, j’aurais dû boire davantage de café. L’une des femmes assises derrière tousse de temps à autre pour maintenir ma vigilance.

    -Ce doit être ces fichus fauteuils en velours, se justifie-t-elle à l’issue. Je dois être allergique.

    Je doute qu’il s’agisse de velours et suis certain qu’avant la réfection ça toussait autant. Après l’entracte, j’apprends que la tousseuse est professeure d’anglais en lycée, S’étonnant du faible niveau de ses élèves, elle est allée voir la professeure de français, une certifiée comme elle, pour avoir son avis. Celle-ci lui a répondu :

    -Je leur ai dit qu’il fallait qu’ils acquérissent des méthodes de travail.

    -Les élèves sont nuls, les profs sont nuls, commente l’autre. Pas étonnant, cette année, au Capes, on a recruté avec quatre sur vingt de moyenne.

    « Alexandre Tharaud vous souvenez-vous de lui ? Il était à l’Opéra de Rouen Haute-Normandie » est-il écrit sur le livret programme en ouverture d’une interviou de lui dans laquelle il évoque son amitié avec Thierry Pécou qui « est l’inverse d’un compositeur tortionnaire comme j’ai pu en rencontrer dans ma carrière ». Comment pourrait-on oublier Alexandre. Il arrive d’un pas tranquille avec des chaussures vernies. Le Chœur les éléments et son chef sont déjà en place. Va pour Le Visage – Le Cœur, concerto pour piano et chœur créé en juillet dernier au Festival de La Roque-d’Anthéron (commande d’Etat), inspiré des chants nahuatl de l’Ancien Mexique. Cela me tient bien éveillé.

    Les applaudissements sont nourris. Derrière moi, on trouve ça « finalement pas si révolutionnaire que ça ». A l’invitation d’Alex, Thierry Pécou saute sur le plateau, porteur d’une chemise à rayures automnale. Après de nouveaux applaudissements, c’est le bonus.

    Alexandre Tharaud annonce qu’il s’agit d’un morceau de Bach, le compositeur préféré de Thierry Pécou, un extrait de son Concerto d’après Marcello. C’est magnifique.

    *

    Rouen, rue de la Jeanne, tous les matins avant dix heures, une longue file d’hommes et de femmes visiblement venus des quartiers périphériques attendent l’ouverture de la boutique Free. A aucun moment de la journée cette boutique ne désemplit.

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  • Ce vendredi soir, après avoir quitté le rassemblement de soutien à Léonarda, je passe par le Café du Théâtre, le temps de boire une tasse de noir breuvage, puis trouve place en corbeille à l’Opéra. Il y a foule, c’est complet. Ce n’est pas parce que l’Orchestre va jouer Johannes Brahms mais parce qu’au violon ce sera Laurent Korcia, star dudit. Sur le programme, le nom du second est deux fois plus gros que celui du premier.

    A ma droite, on se demande si Yvon sera là. C’est que certains appellent Monsieur le Maire par son petit nom. Il arrive en effet et reste un long moment debout causant. Politicien, tu dois être vu, surtout quand les élections approchent.

    Des caméras sont présentes dans la salle et sur scène. Il ne nous est pas dit pour quel usage. L’Orchestre arrive, avec des têtes manquantes et des têtes nouvelles. Le chef, c’est toujours Luciano Acocella, à qui l’on doit cette profusion de Brahms.

    En apéritif est donné Syntax01 d’Ivan Fedele, œuvre de deux mille neuf en forme d’hommage à Brahms, puis l’on passe au Concerto pour violon en ré majeur de Johannes. Laurent Korcia, solidement campé à l’avant-scène, se tient prêt et attaque quand c’est à lui, jouant d’un Stradivarius de mil sept cent dix-neuf, le Zahn, à lui prêté par un chef de file mondial de l’industrie du luxe dont le Secrétaire Général est le Socialiste Maire de Val-de-Reuil. Son jeu de virtuose suscite moult bravos et applaudissements qui nous valent en retour un supplément en solo d’un compositeur qu’il n’annonce pas.

    A l’entracte, je constate qu’en plus du Maire habituel est présente la Sénatrice inhabituelle. « On est gâtés » entends-je d’une dame (elle parle de la musique).

    En seconde partie, c’est la Symphonie numéro un en do mineur du même Brahms que conduit sans partition le maestro, une grosse machinerie avec moments intimes qui emporte l’adhésion enthousiaste de la salle. Je ne suis pas fou de cette tonitruance, mais je ne peux cependant pas dire qu’elle me déplaise, la musique du chouchou de Luciano.

    *

    Ainsi on capture Léonarda en pleine sortie scolaire pour ne pas la séparer de sa famille puis on lui propose de revenir en France sans sa famille. Entendu sur France Culture, parmi d’autres commentaires consternés, celui-ci venu de l’étranger : « This President is a joke ».

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