• A la Lesbian and Gay Pride de Rouen

    Samedi matin, je me lève tôt et direction Oissel pour le vide-grenier, puis Darnétal pour la même raison, quelques livres, quelques cédés et surtout deux kilos de cerises pour deux euros à partager avec celle qui arrive vite dans l’après-midi avec l’intention d’accompagner la Lesbian and Gay Pride de Rouen.

    Sur le lit, malgré mes protestations, elle me dessine une bouche au rouge à paillettes et quand la musique se fait entendre dans la rue de la République, nous filons.

    Cinq camions à plateforme munis de puissantes sonos portent des grappes de garçons et de filles. Un joyeux cortège pédestre les accompagne. Tenues ébouriffantes, musiques festives, ballons multicolores, sifflets, confettis sont de la partie. Nous nous insérons dans le défilé. Elle récolte un collier arc-en-ciel et j’hérite d’un tract du Hennepéha. Ils sont partout ceux-là (sans autocollants cette fois, mais avec leurs drapeaux).

    Devant l’Hôtel de Ville, une femme à écharpe tricolore attend. Celui qui tient le micro sur le premier camion exulte :

    -Voici Valérie Fourneyron, maire de Rouen. Applaudissez-la.

    Manifestement, ce garçon n’est pas d’ici. La femme à écharpe tricolore m’aperçoit, me fait un signe de la main, en souriant de l’air de celle qui sait que je vais raconter tout ça.

    -Je donne la parole à madame Fourneyron.

    -Je ne suis pas Valérie Fourneyron, apprend-elle au gaffeur qui ne sait plus où se mettre.

    Il lui donne le micro et va se cacher.

    -Je m’appelle Hélène Klein, je suis maire adjoint chargée des problèmes de discrimination.

    Hélène Klein rappelle que deux mille neuf marque les quarante ans de luttes des homosexuels, lesbiennes, transsexuels et bisexuels pour la reconnaissance de leurs droits et que si un bon bout de chemin est fait, il en reste à parcourir. Elle termine en dénonçant l’homophobie et la lesbofolie.

    -Elle a bien dit la lesbofolie ? me demande celle qui me tient la main.

    -Oui, c’est ce que j’ai entendu aussi.

    L’adjointe au maire passe au camion suivant et refait son discours. Quand elle a fini, on repart par la rue du Canuet, et on tourne à gauche pour descendre la rue Jeanne-d’Arc. L’homme au micro enjoint aux participant(e)s de s’asseoir pour un minute de silence en mémoire des morts du Sida et des agressions homophobes. J’ai horreur d’obéir à ce genre d’injonction mais je fais en sorte de ne pas me faire remarquer, je m’accroupis avec tou(te)s les assis(e)s.

    Le cortège prend ensuite la rue du Général-Leclerc, bifurque pour passer par la rue Saint-Etienne-des-Tonneliers où se trouvent la plupart des bars arc-en-ciel de la ville. Il s’arrête sur le parvis de la Cathédrale.

    Une des sonos diffuse Vous les copains, je ne vous oublierai jamais. Ce chef-d’œuvre de Sheila me rappelle mon année de sixième, et doua di di doua di dam di di dou. Elle chante avec moi cette immortelle rengaine tout en contemplant les dizaines de jolies filles présentes. Il en est une pas loin qui lui plaît bien.

    -Va lui demander son Zéro Six, lui dis-je.

    -Je peux pas, me répond-elle, je suis trop timide.

    Partager via Gmail Yahoo!