• A la vente de livres du Secours Populaire au cinéma Pathé des Docks Soixante-Seize

    Vendredi matin, par le quai de la rive droite, je me dirige pédestrement vers les Docks Soixante-Seize où, à dix heures, le Secours Populaire ouvre une vente de livres au profit de ses bonnes œuvres. De l’autre côté de la Seine, on monte les manèges de la Saint-Romain et on construit la future salle Cent Six. Au loin, le pont Flaubert sort de la brume. Une péniche baptisée Titanic cherche à se garer. Tout est calme, mais pour bientôt sont annoncés mille tracteurs venus des campagnes de Haute-Normandie pour envahir la ville à la demande de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles dont les adhérent(e)s votent toujours à droite. Des affiches jaunes non signées sont collées un peu partout « Les agriculteurs souffrent/ Le gouvernement ne fait rien/ Bruno Lemaire démission ».

    Arrivé aux Docks, je me laisse porter par l’escalier mécanique jusqu’au deuxième étage. Cela se passe au cinéma Pathé et visiblement à l’intérieur on est loin d’être prêt.

    Dix heures sont déjà passées depuis longtemps qu’on en est encore à vider les cartons. Pendant ce temps, à la limite du rideau levé s’agglutinent des acheteurs et des acheteuses de plus en plus agacé(e)s. Certain(e)s tentent d’attirer l’attention mais ces dames tournent le dos aux clients comme au bon temps des démocraties populaires. Je ne suis pas le moins furieux, trouvant insupportable que l’on dispose de mon temps.

    Il est presque dix heures et demie lorsqu’un acheteur prend la tête de la révolte : « Messieurs dames, je vous propose qu’on y aille ». Tout le monde le suit et s’engouffre dans le cinéma. Une vendeuse s’insurge : « Mais qui vous a dit d’entrer ? ». Je laisse à d’autres le soin de répondre et cherche mon bonheur parmi les livres à vendre, mais il n’est pas au rendez-vous, rien ici qui puisse m’intéresser, ou alors c’est qu’il y a trop de monde et qu’il fait trop sombre dans le coin où est confiné le Secours Pop.

    Je quitte vite les lieux, bredouille et fort énervé, ayant envie de chercher noise au premier qui passe, me gardant cependant de m’en prendre aux fiers Céhéresses en tenue que je croise devant le Musée Flaubert, embusqués là pour défendre la Préfecture si jamais la manifestation paysanne tourne à la jacquerie.

    Poussant jusqu’à la place Saint-Marc, je découvre à l’étalage d’un sympathique vendeur du marché du vendredi Pierre Louÿs, une vie secrète, biographie due à Jean-Paul Goujon, parue en mil neuf cent quatre-vingt-huit chez Seghers/Pauvert. Il ne m’en faut pas plus pour retrouver ma bonne humeur.

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