• Allemagne, les années noires, au musée Maillol

                Elle est longue la rue de Grenelle quand on doit la remonter à pied parce qu’on s’est trompé de station de métro, comme c’est mon cas ce mercredi ensoleillé, et il me faut en plus passer devant le Ministère de l’Education Nationale (gardé par la police). Des travaux partout dans cette rue, le bâtiment va.

                Des échafaudages donc contre les murs du musée Maillol, c’est là que je vais. Je paie mon écot pour Allemagne, les années noires, exposition des dessins, gravures et peintures signés Otto Dix, Georg Grosz, Max Beckmann, Ludwig Meidner et d’autres moins connus, l’horreur de la guerre, la première mondiale, et ses suites, en Allemagne.

                Otto Dix, Georg Grosz, Max Beckmann, trois de mes peintres préférés, c’est dire si je suis content d’être là, juste un peu énervé par la présence encombrante de plusieurs groupes de branlotin(e)s menés là par des professeurs d’histoire, certains bénéficiant d’une conférencière pédante. L’une s’interroge sur la liaison entre l’art et le beau et se demande si on peut parler d’art ici. Je bats en retraite.

                Terribles évidemment sont les dessins d’Otto Dix, hommes devenus fauves ou machines à tuer, mutilés, le regard fou, pour finir cadavres en putréfaction. Même folie meurtrière dans les dessins de Georg Grosz et de Max Beckmann, accentué par le trait zigzagant chez le premier, enchevêtré chez le second. Chez les trois et chez les autres, omniprésente la violence, avec pour vie sexuelle le choix entre le viol (Soldat violant une religieuse, Otto Dix) et le bordel (En visite chez Madame Germaine à Méricourt et Souvenir du Havre du même). Ces dessins datent pour la plupart des années vingt : Dix, Grosz, Beckmann ont heureusement survécu à la guerre.

                Et y apparaît déjà ce qui fera la guerre suivante : des chômeurs meurent de faim tandis que des industriels banquètent, des orateurs exaltés haranguent les foules. En mil neuf cent vingt-trois, Georg Grosz dessine L’arbre de Noël du peuple allemand, un maigre sapin décoré d’armes, de casques et de croix gammées.

                Je pense à mon grand-père, Jules, jeté lui aussi dans la tourmente de la première guerre mondiale, dans le camp d’en face. Revenu de l’enfer avec un éclat d’obus dans le pied et attendant d’avoir quatre-vingt ans pour raconter par écrit sa vie de cible (à l’entrée de l’exposition, une huile d’Otto Dix Autoportrait en forme de cible).

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