• Au Tribunal Administratif de Rouen en soutien à cinq lycéens d’Abbeville et d’Amiens menacés de reconduite à la frontière

    Jamais vu autant de monde au Tribunal Administratif de Rouen, nous sommes au moins quarante du Réseau Education Sans Frontières, de la Cimade, de Droit au Logement, de la Ligue des Droits de l’Homme et du Comité de Défense des Libertés Fondamentales venus ce lundi après-midi soutenir cinq lycéens originaires de divers pays d’Afrique attrapés par la Police au sortir de la douche dans leurs foyers d’accueil à Abbeville et à Amiens la semaine dernière et qui depuis ont connu la garde à vue puis l’embastillement au Centre de Rétention de Oissel. Ils soutiennent être mineurs et contestent leurs Arrêtés Préfectoraux de Reconduite à la Frontière.

    Ces jeunes gens sont un peu en retard car il a fallu les faire manger après leur comparution en appel devant le Juge des Libertés et de la Détention, lequel a refusé de les libérer.

    Ils arrivent avec leurs cinq policiers, s’entretiennent avec leur avocat, maître Demir, puis la greffière annonce Madame le Juge. Nous nous levons. L’audience est déclarée ouverte. Nous nous asseyons.

    L’affaire, expliquée par maître Demir, est assez rocambolesque. C’est l’Aide Sociale à l’Enfance de la Somme dont ils étaient les protégés qui l’a déclenchée en demandant un examen osseux afin de vérifier leur âge sans réaliser que cela entraînerait le déboulement de la Police dans les foyers. Aujourd’hui, cette même Aide Sociale à l’Enfance conteste le résultat des tests osseux, demande des contre-expertises et s’associe, avec l’aide d’une avocate de la Somme, à la contestation de la décision préfectorale (ce qu’on appelle ici être partie volontaire).

    Maître Demir explique le peu de fiabilité des tests osseux pour établir la minorité ou la majorité et dénonce le fait qu’on soupçonne toujours les Noirs, sans jamais le dire, parce qu’ils sont grands et costauds. Il évoque aussi les raisons de la fuite de ces garçons mineurs, tous menacés dans leur pays et sans familles. La juge donne alors la parole à chacun des garçons, l’un a besoin d’un interprète, les autres non, qui défendent éloquemment leur besoin et leur désir de rester en France. Elle se retire alors pour délibérer, nous disant qu’elle reviendra dans vingt minutes.

    Nous discutons entre nous, tous et toutes optimistes, pendant que l’une des responsables du foyer de l’Aide Sociale à l’Enfance d’Abbeville s’excuse auprès des trois garçons qu’elle loge.

    Madame le Juge revient et déclare que les cinq Arrêtés Préfectoraux de Reconduite à la Frontière sont annulés, pour deux garçons parce qu’ils ont fourni un certificat de naissance prouvant qu’ils sont mineurs, pour les trois autres en vertu d’un article de loi dont elle ne donne que le numéro et donc je n’en sais pas plus. Applaudissements, les cinq se lèvent, l’un pleure. France Bleu est là avec son micro ainsi qu’une journaliste sans doute de la presse écrite régionale.

    Cette fois, nous quittons le Tribunal Administratif de Rouen avec le sourire. Les jeunes gens vont rentrer avec leurs éducateurs à Amiens et Abbeville et les policiers tout seuls à Oissel.

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    La Tunisie, l’Egypte, maintenant en beaucoup plus sanglant la Libye, depuis deux mois outre Méditerranée, c’est la rue qui gouverne (je me souviens de Kadhafi, vu place du Châtelet à Paris en décembre deux mille sept, vautré dans son interminable voiture blanche, lors de son invitation par le Tout Puissant de la République, cet ami des milliardaires et des dictateurs).

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    Pas de dictature en France, quelque chose comme une démocrature, avec pareillement un grand nombre de jeunes au chômage ou dans des emplois précaires (intermittents, vacataires, intérimaires, stagiaires, contractuels, remplaçants), alors à quand dans la rue ?

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    Le double visage de Fessebeuque : du côté de la liberté quand il s’agit de politique, du côté de la censure quand il s’agit des mœurs. Deux de mes « amis » viennent d’en faire les frais, profil supprimé sans avertissement préalable. Des artistes aussi, dont Joël Hubaut pour son Epidemik Art et Frode Steinicke au Danemark (ce dernier a eu la faiblesse de s’excuser d’avoir mis en photo de son profil L’Origine du monde de Courbet).

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