• Au vide grenier d’Appeville-dit-Annebault, où j’aurais peut-être pu faire fortune

    Ce lundi de Pâques, elle repartie à Paris pour ses études, c’est seul que je me rends tôt à Appeville-dit-Annebault, près de Montfort-sur-Risle, dans l’Eure, où se tient un vide grenier d’importance. Décor champêtre, ruisseau chantant, chevaux dans les prés, et beaucoup de vendeurs et vendeuses dans la rue principale et ses adjacentes qui montent vers la forêt, dont pas mal de professionnel(le)s parmi lesquel(le)s plusieurs marchand(e)s habituel(le)s du Clos Saint-Marc.

    Le public est rural, augmenté à cette heure matutinale de celles et ceux qui collectionnent ou achètent pour revendre. Les échanges verbaux sont tout en finesse, du genre de ce dialogue entre femmes :

    -Y a pas d’âge pour perdre sa fleur.

    -Oui mais parfois faut un marteau-piqueur.

    Au carrefour central, la chaussée est marquée de plusieurs « COCU » à la peinture blanche. Je cherche choses et autres, pas de livre sauf si exceptionnel, et tombe en arrêt devant un tableau signé Maurice Utrillo. Le vendeur en veut trente euros. Je lui demande où il l’a eu. Il me répond qu’il l’a acheté dans une brocante. Lui-même est un brocanteur plus ou moins. Je suis vachement hésitant. Est-ce un vrai, une copie, un faux ?

    J’y réfléchis en continuant mon chemin et bientôt fais demi-tour, décidé à l’acheter. Il n’est plus là. Un autre n’a pas hésité. Evidemment, je me dis que ce devait être un vrai et que je suis passé à côté de pas mal d’argent, une impression amplifiée de retour à Rouen quand je cherche des images de tableaux d’Utrillo sur mon ordinateur et en trouve qui s’apparentent à celui que j’ai laissé filer.

    « Allez, ce n'est pas grave, tu ne sauras jamais réellement si tu es passé à côté d'un vrai ou pas mais tu sais, c'est peu probable, dis toi ça. » m’écrit celle qui étudie dans la capitale.

    Je ne suis pas certain de pouvoir être aussi sage.

    *

    Lecture nocturne de la Correspondance Gustave Flaubert Alfred Le Poittevin publiée chez Flammarion aux bons soins d’Yvan Leclerc, professeur de littérature à l’Université de Rouen (avec qui je me suis entretenu une fois ou deux). Le jeune Gustave (vingt-trois ans) a de Rouen une opinion arrêtée comme le montre la lettre à son ami Alfred écrite de Gênes le premier mai mil huit cent quarante-cinq :

    Dans trois semaines, un mois au plus tard, nous sommes de retour à Rouen, dans ce vieux Rouen qui peut bien être envahi par l’étranger, pillé et saccagé sans qu’il m’en coûte un regret. Je m’y suis embêté sur tous les pavés, j’y ai baillé de tristesse à tous les coins de rue.

    *

    Yves Leclerc est Directeur Général de l'Office de Tourisme et des Congrès Rouen Vallée de Seine, il est interrogé par Paris Normandie ce lundi. Titre de l’article : Tourisme religieux : Yves Leclerc «C'est une niche importante».

    Les surréalistes ont déjà dit ça avec le tract intitulé À la niche les glapisseurs de dieu !

    *

    Lequel fut publié le quatorze juin mil neuf cent quarante-huit et signé, entre autres, par Sarane Alexandrian, Hans Bellmer, Joë Bousquet, Victor Brauner, André Breton, Charles Duits, André Frédérique, Maurice Henry, Jacques Hérold, Alain Jouffroy, Henri Pastoureau, Benjamin Péret, Gaston Puel, Jean-Dominique Rey, Toyen et Clovis Trouille.

    Partager via Gmail Yahoo!