• Au vide grenier de Bihorel (Hippodrome)

    Cruelle actualité qui me fait passer au pied de l’immeuble où vivait avec ses parents celle qui m’a écrit que je n’aurai pas de message d’elle ce ouiquennede. A hauteur du cimetière, je tourne à gauche en direction de l’hippodrome des Trois Pipes.

    C’est vide grenier ce dimanche à Bihorel et le beau temps est assuré, pas étonnant que je me heurte à la longue file de celles et ceux qui viennent vendre, dont les voitures atteignent presque le carrefour, m’obligeant à me garer le long du jardin public, où un jour elle m’attendit sur l’herbe verte, et à continuer à pied, longeant les impatient(e)s dont l’un vient de heurter la voiture d’une autre que le précédait : « Vous avez abîmé ma voiture. » « Mais non, elle n’a rien votre voiture. »

    Un peu plus haut dans cette file se trouve le camion du bouquiniste rouennais Joseph Trotta, dont la célèbre boutique encombrée n’existe plus depuis quelques mois (le propriétaire ayant voulu récupérer ses murs). Depuis, celui que beaucoup appellent Joseph s’est replié au fond de la brocante de sa femme et vend surtout à l’extérieur.

    L’installation de tou(te)s se fait assez vite. Je peux, tel un vaillant cheval, faire le tour de l’hippodrome dans un sens et puis dans l’autre, et recommencer, trouvant de-ci de-là un livre, sans pour autant perdre mon humeur sombre.

    Une vendeuse se plaint des acheteurs à son mari :

    -On leur dit trois euros, ils vous disent deux, on leur dit deux ils vous disent un, on leur dirait un ils vous diraient cinquante centimes, ils nous prennent pour des ploucs.

    -Mais vous êtes des ploucs, lui dis-je.

    Elle ne trouve rien à me répondre. Je croise Joseph Trotta, occupé à acheter tandis que son employé installe son stand. Il ne m’aime pas et ne me dit pas bonjour (sauf quand je lui achète un livre, bien obligé), mais pas d’autres concurrents en vue.

    Je repars pour un dernier tour d’hippodrome. Il est huit heures et demie, les retardataires s’installent. L’une pose une lourde valise sur la table à coller le papier peint qui doit lui servir à présenter sa marchandise, ce qui a pour effet de la faire basculer. Un quidam se précipite, s’accroche à la table. Cette force contraire la fait exploser. Je ne sais pas comment évolue cette histoire d’altruisme aboutissant à la catastrophe car des livres me font signe un peu plus loin. J’en achète un dernier : Le Grand Livre de l’humour noir. Dû à Philippe Héraclès, illustré par Kerleroux, publié au Cherche Midi, c’est un recueil de citations qui mènent au cimetière avec un rire grinçant.

    Un peu plus tard, on me voit repasser devant celui de Bihorel sans trépasser.

    *

    Ce qui serait bien : acheter un livre du Cherche Midi à quatorze heures.

    *

    Deux lycéennes dans les rues de Rouen, l’une à l’autre :

    -Il m’a demandé si c’était fini. C’est vrai, j’ai été méchante. Je lui ai dit franchement. Je lui ai dit : Va te faire enculer.

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