• Balade champêtre à Ydes, visite de Saignes, déjeuner en ferme auberge à Vebret

    Une chambre à l’ancienne au rez-de-chaussée que la mienne à Mérigot, literie qui craque, armoire mil huit cent cinquante-neuf, lavabo et douche dans un placard à portes coulissantes, toilettes à l’extérieur, cela dans une maison en forme de grand chalet sans cachet particulier, où je suis bien content d’être quand éclate l’orage ce vendredi soir, même s’il n’est guère violent.

    Au matin, enfermé dans la douche du placard (toute juste assez grande pour me contenir), j’ai un moment de frayeur avant de trouver comment en ouvrir les portes. Je monte à l’étage où est servi le petit-déjeuner. J’y suis seul, étant le premier. C’est pain beurre confiture et café à volonté, avec en fond sonore une radio diffusant de l’accordéon.

    Ayant repéré une pancarte « Ferme Auberge » du côté de Saignes, je prends cette direction et la trouve à Vebret, au lieu-dit La Vergne Petite. Un homme en tracteur me dit de sonner. Une dame m’entrouvre la porte. J’aperçois derrière elle une salle pas folichonne, mais j’y réserve quand même une table. « Alors, en vacances ? Faut bien ! », me dit l’homme descendu de son tracteur

    Faut bien oui, je vais voir à quoi ressemble Ydes où l’on promet belle église et y trouvant un « chemin champêtre » le prend au mot sous les nuages. Un kilomètre deux cents plus tard, je suis à l’entrée de Saignes et l’averse menaçant, je décide de rebrousser, arrivant à ma voiture sous les premières gouttes. Elle me reconduit à Saignes où, la pluie ayant cessé, je fais quelques courses dans un magasin de proximité aux rayons peu fournis avant de prendre un café verre d’eau à la terrasse du Café de la Poste, face à une Salle des Fêtes vintage (comme on dit aujourd’hui) dont je fais une photo. Sur la place centrale, Raymond le fromager a installé son camion et c’est l’affluence. Je passe à l’Office de Tourisme et demande à la jeune fille ce qu’elle sait de la ferme auberge où je dois déjeuner. Elle fait la grimace et me dit :

    -On ne nous en a pas dit du bien, dans tous les domaines.

    -Vous croyez que je peux quand même m’y risquer ?

    Elle me le déconseille, mais à midi trente, j’en pousse la porte. Une seule table est mise avec une seule assiette, la mienne. Heureusement celle-ci est près de la fenêtre car la salle est dans une semi-obscurité et d’aspect lugubre. Certaines tables sont encombrées de pots de fleurs et des paniers de linge traînent près de la cuisine. Au mur, des affiches invitent à des expositions de peintres locaux. Les plus récentes datent de deux mille quatre.

    -C’est calme aujourd’hui, me dit la dame dont la corpulence et le tablier me rappellent ma défunte mère.

    -On dirait, oui.

    -Hier soir j’avais du monde, quinze personnes, une chorale qui chantait à Antignac. Ils voulaient manger après le concert et les restaurants sont fermés à cette heure-là. J’ai dit oui, ça me dérange pas de veiller.

    Elle me propose un Birlou, apéritif du pays à base de châtaigne, de pomme et de vin blanc. C’est bien bon.

    -Je peux vous faire une assiette de charcuterie, ensuite du chou farci, salade, fromages et dessert.

    C’est la première fois de ma vie que je mange seul dans une ferme auberge et pour y être seul, j’y suis seul. Je songe à celle qui n’est plus avec moi et qui déménage aujourd’hui à Paris avec l’aide de son père, fuyant l’horrible individu, ancien chanteur raté (une vidéo en témoigne sur YouTube), ancien majordome de Chirac (une photo semble en témoigner), chez qui elle sous-louait une chambre pour un prix bien supérieur à celui du loyer de l’appartement et qui lui a pourri la vie pendant des mois. Elle ne l’a pas mis au courant et cela risque d’être sanglant. Par la fenêtre, j’observe une nouvelle averse.

    Je mange très bien chez cette dame mal considérée. La charcuterie (jambon, saucisson, pâté) est vraiment rustique au point que j’y plie la fourchette, le chou farci excellent et il y en a pour deux, le plateau de fromage est le plus exhaustif que j’ai vu depuis mon arrivée dans le Cantal, la salade parfaitement assaisonnée et le gâteau aux poires « C’est moi qui l’ai fait » fort bon. Tout cela m’est facturé seize euros. Avec le Birlou, le demi de vin rouge (j’avais demandé un quart mais n’ai pas chipoté quand j’ai vu arriver un demi) et le café, cela fait vingt-quatre euros dix que je paie avec un chèque.

    Il me reste à rentrer prudemment à Mérigot, ce que je fais sans croiser le képi du gendarme, d’ailleurs pas vu un depuis mon arrivée dans le Massif Central (même pas à Tarnac).

    *

    « Ça y est ! Ça y est ! Ça y est ! », m’écrit-t-elle en fin d’après-midi. L’horrible individu a gardé sa caution, mais elle a gardé ses clés.

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