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Concert Debussy Cras Pécou Ravel à la Halle aux Toiles (pour l’Opéra de Rouen)
Je suis l’un des premiers ce mardi soir à la porte de la Halle aux Toiles pour l’ultime concert de la saison de l’Opéra de Rouen, encore et toujours sous l’égide du festival Normandie Impressionniste, d’où au programme comme une scie Debussy, et puis aussi Cras (Jean de son prénom), Pécou (Thierry) et Ravel.
La dame aux cheveux blancs m’aborde :
-Vous n’allez pas encore me piquer ma place comme l’autre fois ? D’abord, je suis arrivée avant vous.
Elle ajoute qu’elle dit ça comme ça, que ça n’a pas d’importance, quoique.
Près de moi, une jeune fille et sa mère discutent :
La demoiselle :
-Il était vachement pourrave le mec du premier magasin.
La mère :
-Il était comment ?
-Vachement pourrave.
-Vachement quoi ?
Elles se comprennent mieux quand elles parlent d’argent, de celui nécessaire pour acheter une nouvelle harpe à l’apprentie musicienne, de la participation que devra mettre dans l’affaire le père divorcé.
-Et tu la laisseras où ? demande la maman.
-A Bois-Guillaume, répond sa fille.
Je m’en doutais. Derrière moi, on discute de l’avenir de la France et on le voit bien noir. L’un conseille aux jeunes de s’expatrier. Un autre, professeur, explique qu’il préférerait être malheureux en France qu’heureux ailleurs.
Enfin nous pouvons nous asseoir sur les chaises inconfortables. Victimes du gang des vieilles mélomanes, je dois me contenter qu’une place au deuxième rang.
Donc début scie, avec du Claude la Sonate pour flûte, alto et harpe jouée par Agathe Blondel (altiste), Constance Luzatti (harpiste) et Jean-Christophe Falala (l’homme à la flûte en or vingt-quatre carats faite spécialement pour lui), une œuvre, rappelle fort opportunément Christophe Queval dans le livret programme, dont « la précision d’écriture confirme le jugement laconique de Debussy, traitant d’ « imbécile » quiconque qualifiait sa musique d’ »impressionniste ». »
Il commence à faire trop chaud pour le Quintette pour harpe, flûte, violon, alto et violoncelle de Jean Cras, que Jean-Baptiste Riffault (doctorant en musicologie à l’Université de Rouen) qualifie de « compositeur impressionniste méconnu » (voir plus haut), avec les mêmes et Jane Peters (violon) et Florent Audibert (l’homme dont Le Nouvel Observateur et Diapason disent tant de bien). Les musicien(ne)s s’épongent. Les instruments se désaccordent. Le public souffre également. Je suis incapable de véritable attention.
Après l’entracte, je suis un peu mieux et apprécie davantage la Suite aquatique de Thierry Pécou (c’est aquatique donc c’est impressionniste) jouée par Florent Audibert au violoncelle et Ursula von Lerber au piano, puis le Trio pour violon, violoncelle et piano de Maurice Ravel joué par les mêmes et Jane Peters, œuvre virtuose qui vaut bien des applaudissements aux interprètes.
Il fait meilleur dehors. Un groupe prie la Vierge Marie sur le terrain de boules et, en chemin vers chez moi, je croise, place de la Calende, une équipe du Samu Social en discussion avec un cow-boy tombé de son cheval.
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Facile de faire la différence entre France Inter, que certain(e)s n’écouteront pas ce premier juillet (en grève après la mise à la porte de Porte et Guillon) et France Culture que j’écoute tous les jours du matin jusqu’au soir ; par exemple dans le traitement du festival Normandie Impressionniste par ces deux radios d’Etat.
Pour la première, il y a quelques semaines, Le Fou du Roi invitait des politiciens en public à l’Opéra de Rouen. Pour la seconde, ce mardi, Tout arrive interroge les responsables d’expositions au Musée des Beaux-Arts de Rouen.
Durant cette émission, à propos de la série des Cathédrales de Monet, une remarque intéressante et un peu méchante de Corinne Rondeau, maître de conférence en esthétique et sciences de l'art à l'Université de Nîmes, en direction du directeur des Musées de la ville :
« Laurent Salomé, je vais, je vais, je vais tenter de vous dire quelque chose, y se trouve que quand on rentre dans l’exposition avec effectivement Turner, la ville, la ville, le port de cette ville, on a une topographie, une topologie même de la ville de Rouen, puisque c’est quand même une exposition sur la ville de Rouen et quand on arrive dans cette salle, Monet ce qu’il nous donne à voir, c’est que le sujet de la peinture, c’est pas le sujet en peinture, et là, d’un coup, votre exposition, Monet lui donne un petit tacle… »