• Concert Luigi Boccherini à l’Opéra de Rouen

    Me hâtant pour cause de nuage menaçant, je me dirige ce samedi en fin d’après-midi vers l’Opéra de Rouen et y arrive au moment où l’un de ces jeunes zonards qui en peuplent toujours les abords est en train de pisser contre le mur de l’auguste maison. De ces marginaux il est  bientôt question dans les appareils audio qui relient les un(e)s aux autres les membres du staff. Ils perturbent l’entrée du public avec leur ballon, faut-il envoyer quelqu’un ? Oui.

    Je suis en corbeille bien placé. Une annonce signale que Je chante le Stabat Mater de Rouen de Piotr Pospelov qui devait être donné en « seconde création mondiale » n’est plus au programme. Ce sera Boccherini, Boccherini et Boccherini pour ce concert de musique de chambre confié à des musiciens de l’Orchestre et à sa soprano.

    C’est d’abord le Stabat Mater, écrit presque cinquante ans après celui de Pergolèse. Notre soprano, vêtue d’une longue robe couleur chair, est debout à son pupitre. Derrière elle sont assis(e)s les six musicien(ne)s. Comme à chaque concert, nul ne s’est soucié de la lumière. C’est éclairé à l’économie et ce soir l’ombre malvenue du pupitre de la chanteuse lui dessine un triangle noir façon toison pubienne au bon endroit. Il ne me faut pas longtemps pour être sûr que Boccherini m’ennuie.

    Pendant l’entracte, chez celles et ceux qui font le nécessaire pour se faire remarquer, la palme revient au candidat Chabert à la municipale rouennaise. Ce centriste de droite porte autour du cou la grande écharpe mauve, couleur de sa liste ; une façon de contourner la loi qui interdit toute propagande la veille du vote. Ce geste désespéré et un brin ridicule ne lui évitera pas d’être l’un des deux principaux perdants de ce premier tour.

    Au retour à Boccherini, c’est d’abord le Quintette à deux violoncelles puis avec le concours de la soprano et de son ombre « Deh respirar lasciatemi », encore de la musique à deux de tension. Le bonus est signé Vivaldi et marque la différence.

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    L’annulé Je chante le Stabat Mater de Rouen de Piotr Pospelov « s’appuie sur une partition existant que l’on trouve dans un paroissien local édité durant l’épiscopat de Monseigneur Pierre Petit de Julleville, archevêque de Rouen de 1936 à 1947 » est-il écrit dans le livret programme sous la plume d’un certain Père Lazare Rigault.

    Sur une archive de l’Institut National Audiovisuel, on peut voir ce Petit de Julleville accueillir chaleureusement le Maréchal Pétain à l’abbatiale Saint-Ouen le dix-neuf mai mil neuf cent quarante-quatre.

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    Avant ce concert, je termine la lecture d’Hôtels Littéraires de Nathalie H. de Saint-Phalle au Vascœuil dont la clientèle en début d’après-midi est celle des fins de banquets. L’un des convives avinés :

    -C’est une femme, elle va te pourrir la vie. Parce que t’as pas voulu remonter les courses. Parce que  t’as pas voulu lui lécher la moule. Elle va te pourrir la vie.

    J’écoute ensuite France Culture en direct du Salon du Livre de Paris, qui reçoit Maylis de Kerangal, lauréate du premier prix France Culture Télérama des étudiants pour son Réparer les vivants. Elle commente doctement son livre et en lit des extraits suffisamment longs pour ne pas me donner envie de le lire. C’est de l’écriture qui se regarde écrire.

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