• Concert Prokofiev Mozart Escaich Poulenc à l’Opéra de Rouen

    -Elles sont de quelle origine ?

    L’une des dames derrière moi a des questions de viande bovine, de celles à quoi les restaurants affichent la réponse sur les murs : pas d’origine française certes, mais quand même d’origine européenne, les sœurs Bizjak. Leur nom en rouge et en gros ainsi que leur photo figurent sur la couverture du livret programme.

    Je suis, ce vendredi soir, sur la chaise qui devrait être la plus proche du premier piano lorsque ce sera leur tour. Avant cela, l’Orchestre sous la conduite de Luciano Acocella joue la Symphonie numéro un « Classique » de Serge Prokofiev, une œuvre guillerette avec un petit côté fête foraine qui s’accorde avec l’ouverture de la Saint-Romain, composée en mil neuf cent seize et dix-sept, pendant la Grande Guerre donc.

    Deux Steinway & Sons sont ensuite roulés sur la scène et arrivent les sœurs Bizjak. Lidija, l’aînée brune, s’installe au premier piano et Sanja, la puînée blonde, au second. Luciano Acocella lance le Concerto numéro dix en mi bémol pour deux pianos de Wolfgang Amadeus Mozart qu’attrape en route le duo. Je ne perds rien de la première tandis que je ne vois que le visage de la seconde. Toutes deux sont traversées par la musique mais pas de la même façon. Si l’on isole leurs visages on pourrait croire que l’une est saisie par la douleur et la seconde par la jouissance, ce qui convient parfaitement à l’œuvre jouée, composée par Mozart juste après la mort de sa mère à Paris et son retour forcé à Salzbourg. La performance est saluée de moult applaudissements. Luciano ose le baisemain.

    -C’est des beaux brins de filles, commente la dame derrière moi.

    En bonus les « excellentes sœurs serbes » ainsi que les appelle The Classical Source, munies pour la brune d’une tourneuse de pages blonde et pour la blonde d’une tourneuse de pages brune, donnent un morceau qui ne m’est pas inconnu mais que je ne reconnais pas. Comme dit The Telegraph « Pas la moindre comédie, une finesse et une délicatesse à couper le souffle ».

    Après l’entracte, retour à l’Orchestre pour le Prélude symphonique de Thierry Escaich, œuvre néoclassique dans laquelle le jeu des altos me fait parfois penser à Philip Glass puis, dans la même veine, la Sinfonietta pour orchestre de Francis Poulenc dont certains passages m’évoquent fâcheusement une musique de film. Il n’en faut pas plus pour que mon esprit vagabonde et que j’écrive mentalement un scénario avec dans les rôles principaux quelques-unes des musiciennes : la revenante, la disparue, la future mère et celle qui a jugé que c’était le moment de se couper les cheveux.

    *

    L’Orchestre de l’Opéra de Rouen ne manque heureusement pas d’origines : origine australienne, origine japonaise, origine roumaine, origine géorgienne, origine iranienne, etc. Il s’enrichit cette année de l’origine chinoise.

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