• Conférence illustrée (le scandale dans l’art) à l’Omnia de Rouen

    Ce mercredi matin, je téléphone à l’heure de l’ouverture au Commissariat où l’on souhaite me voir rapidement. On me dit de rappeler dans une demi-heure. Je le fais. On me dit que les policiers sont en extérieur, que je rappelle demain matin. J’ai donc ma journée libre et j’en occupe l’après-midi à assister à la Conférence illustrée consacrée au scandale dans l’art. Cela se passe à l’Omnia et est organisé par les étudiant(e)s en je ne sais plus quoi. Les invités sont Hélios Azoulay (de l’Ensemble de Musique Incidentale), Nathalie Heinich (du Céhennéresse) et Olivier Lefèbvre (du Volcan du Havre, spécialiste de la danse). La salle est pleine, beaucoup de jeunes et le reste de vieux, dont moi entre deux jeunes, plus loin à droite trois très vieilles qui ne veulent pas, disent-elles, mourir idiotes.

    Une étudiante qui étudie des choses dans le domaine de la médiation (m’apprennent mes voisines) est là pour mener le débat. Elle annonce que le public pourra prendre la parole à tout moment et passe le micro à Hélios Azoulay qui narre son scandale de l’Opéra de Paris quand il y sabota un opéra dirigé par Marc Minkowski, attendant de ne plus rien craindre de la police pour s’en avouer l’auteur. Il fait ensuite entendre ses compressions des œuvres de Mozart et de Glenn Gould, puis il vante son livre sur les scandales, puis il annonce son animation prochaine dans la petite bibliothèque de quartier Simone de Beauvoir. L’étudiante réussit à l’interrompre et passe le micro à la sociologue qui voit la problématique du scandale avec les yeux de sa science, qualifiant notamment celui d’Azoulay à l’Opéra de canular (Hélios est vexé). Elle donne son point de vue sur la fontaine de Duchamp, n’y voit nul scandale puisque passée inaperçue lors de sa première exposition à New York (Patrice Quéréel, duchampiste local, proteste). Le micro passe dans les mains du spécialiste de la danse. Celui-ci fait diffuser un dévédé au son pourri. On y voit cinq courts extraits de chorégraphies de Vanessa Gehrt, Tatsumi Hijikota, Jérôme Bel, Jan Fabre et Maguy Marin qui ont fait scandale en leur époque. Il nous explique en quoi et pourquoi. Cela fait déjà bien longtemps que je m’ennuie. La sociologue se fait un deuxième ennemi en disant à Olivier Lefèbvre que ses captations de chorégraphies sont mal filmées. Depuis un moment, un étudiant assis devant moi tente vainement d’attirer l’attention, main en l’air, afin de poser une question. On finit quand même par le repérer. Il a le micro mais là-bas les trois invité(e)s bavardent toujours. L’animatrice les interrompt enfin :

    -Prenons des questions pour que les gens aient l’impression…

    Murmures dans l’assistance, le jeune homme dit qu’il ne voit pas où est le scandale dans les images qu’il a vues. Il se fait envoyer paître. Il insiste. Autour de moi, on l’approuve.

    -Plus vous parlez, moins vous intéressez les gens, lui dit Hélios Azoulay, vous entendez ce bruit qui monte dans la salle, on ne vous écoute pas.

    -Ça, c’est ignoble, dit une femme derrière moi tandis qu’on entend plusieurs « C’est pas vrai ».

    Azoulay s’enfonce en se vantant d’être l’instigateur d’un petit scandale. Un autre spectateur dénonce le scandale institutionnalisé et subventionné en se référant à Philippe Murray. « Le scandale est le recours de l’indigent » dit-il. Cela commence à être intéressant mais l’animatrice arrête le débat, il est l’heure d’aller manger des petits gâteaux.

    Je bois un verre de poiré en mangeant mon gâteau. Plusieurs personnes viennent féliciter et consoler le jeune audacieux qui s’est fait moucher. Je dis à Hélios Azoulay qu’il ne s’est pas fait que des amis aujourd’hui et que personnellement je n’ai pas apprécié ses propos. Il me dit qu’on ne l’a pas bien compris et puis que de toute façon peu importe.

    Oui, peu importe, je n’ai pas envie de rester pour la suite, une projection du Chien andalou de Luis Buñuel. Ce soir grâce à la soirée érotique proposée par la Scène Nationale à Mont-Saint-Aignan, je passerai un bien meilleur moment.

    *

    Dans la dernière livraison de sa rouen chronicle (vingt-six janvier deux mille onze), Félix Phellion écrit exactement ce que je pense des animations de bibliothèque, plus qu’à le citer (ça se passe à Rouen, c’est valable partout) :

    Au programme, dans un neuf auditorium, on a convoqué un clarinettiste, un plasticien et un illustrateur. Un écrivain aussi ? Taratata, pas de ça ici (…/…)

    Pour intéresser, pas de livres, de l’événementiel. Une bibliothèque doit être un lieu ouvert, convivial, solidaire. Du vivant, du mouvement, de l’aérien. Bref, du vent dans les branches, jonglages et acrobaties. Les vieilles étagères, ça fait cimetière. Tous ces volumes alignés, ces rayonnages silencieux, mortel ! Et puis trop de livres, trop de lignes, trop de mots.

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