• Dans la proximité de Bourganeuf

    Mardi matin, au petit-déjeuner, l’hôtesse de Martinèche m’explique que l’appellation Plateau de Millevaches est relativement récente et qu’avant cela on parlait ici de Montagne Limousine, c’est d’ailleurs ce que l’on dit encore en occitan. C’est donc dans la Montagne Limousine que je choisis de rester en me déplaçant d’un saut de puce jusqu’au lieu-dit Chignat, toujours dans la commune de Soubrebost (sous les bois en occitan), où m’accueille en chambre d’hôtes, un couple d’Anglais (ayant pour autres clients des Hollandais, des Flamands et des Anglais) dans une belle bâtisse de pierres dont le parc est entouré de grilles de style Art Nouveau. Nous sommes aux Quatre Saisons. Ma chambre est L’Automne (ce qui est conforme à mon âge). Elle est élégamment minuscule avec un lit d’une personne et un prix en conséquence : vingt-cinq euros la nuit.

    J’y pose mes bagages et descends vers Bourganeuf, m’arrêtant en chemin pour aller pédestrement (comme on dit au service des filatures) visiter les gorges du Berger, dénomination présomptueuse pour le cours d’un sympathique ruisseau quelque peu encaissé.

    A Bourganeuf, je me gare sur la place centrale devant l’église et très vite je sens que ce n’est pas là que je déjeunerai. Ce bourg est rude, rugueux même, et invite à s’en éloigner, ce que je fais par la route de Royère-de-Vassivière que je remonte jusqu’au Compeix où je retiens une table dehors au café restaurant ouvert sept jours sur sept. Il est onze heures, j’ai le temps d’aller voir la cascade d’Augerolles par un chemin forestier pentu, elle aussi présomptueusement baptisée, et d’en remonter juste avant midi, épuisé, suant comme un baudet et affamé. Le grand air et la marche à pied, ça creuse (comme on dit dans le pays).

    Une table est mise à l’auberge. C’est la mienne. Je suis le seul client durant un quart d’heure mais ensuite cela arrive de tous côtés, familles du cru et ouvriers du coin. La plupart mangent à l’intérieur. Seuls me tiennent compagnie à l’extérieur un assureur et l’un de ses amis. Le menu est à treize euros cinquante tout compris : feuilletés de jambon champignons, crépinettes de dinde pommes sautées, fromages, glace en cornet, quart de vin rouge et café. Ce n’est pas de la grande cuisine mais qu’importe. Je mets un certain temps à en venir à bout car la patronne est seule au service et il lui faut courir partout à la fois. Je profite donc à loisir de la conversation de l’assureur et de son vis-à-vis qui font le tour des gens des environs :

    L’assureur à propos d’une de leurs connaissances :

    -Il l’a vendu son étang. Et même, on peut dire qu’il l’a bu.

    L’autre, à propos d’un qui arrive au restaurant :

    -Çui là, c’est celui qui s’occupe des clochers des églises, quand la minuterie est en panne. (« Sans blague ! », commente l’assureur)

    L’autre toujours, parlant du café restaurant L’Atelier à Royère-de-Vassivière où j’étais hier :

    -Tu te pointes à neuf heures et c’est pas ouvert. Je leur ai dit : vous êtes plusieurs, vous pouvez faire un roulement. Y z’en ont rien à foutre.

    L’après-midi, je le passe dans le parc de la maison d’hôtes de Chignat à lire Perros et à écrire ceci, cependant que dans le voisinage tournent les tondeuses à gazon et que le ciel se charge de nuages noirs. De temps en temps, des oies cacardent.

    *

    Constatation déprimée d’un assureur creusois déjeunant en terrasse au mois de juillet :

    -Dans nos petits pays, c’est l’hiver qui est long.

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