• De Barcelonnette à Embrun avec détour à Guillestre (et de Clovis Hugues à Andrée Chédid)

    Ce lundi, c’est mon dernier petit-déjeuner en tête à tête avec mon hôte des Allemands, au-dessus de Barcelonnette, toujours le même pain, heureusement que les confitures sont de la maison et bonnes. L’Establoun est ouverte depuis trente-quatre ans, m’a-t-il dit. C’est souvent dans les chambres d’hôtes anciennes que les petits déjeuners sont les moins élaborés, la fatigue sans doute, le manque d’envie qui s’installe au fil des années. La porte de la douche est cassée et remplacée par un bout de rideau en plastique. Je sens qu’elle ne sera jamais remise à neuf. Ce sont des détails mais le prix demandé pourrait en tenir compte. Ce n’est pas le cas. Cinquante et un euros la nuit pour une personne seule, c’est un peu cher. J’ai néanmoins droit à une réduction de deux euros par nuit pour y avoir passé trois jours.

    En attendant que les vitres de ma petite voiture dégivrent, je fais une dernière photo de mes amis les ânes, puis prends la route d’Embrun (Hautes-Alpes) par le lac de Serre-Ponçon. Celui-ci est invisible, couvert de nuées. L’impression est celle que l’on a dans un avion quand on vole au soleil par-dessus des nuages. Sans en avoir rien vu, j’arrive à Embrun que je visite assez rapidement. Un buste de Clovis Hugues m’apprend que le poète oublié est enterré dans cette ville. De lui, je n’ai lu ni sa Chanson de Jehanne d'Arc (mil neuf cent) ni son Ode au vagin (mil neuf cent un).

    La poésie me rattrape à Guillestre où je déjeune fort bien pour douze euros au restaurant Le Catinat Fleuri (buffet d’entrées, confit de canard pommes sautées, glace rhum raisin menthe au chocolat, café). Alors que je redescends vers ma voiture, je découvre tracé à la main d’une écriture appliquée sur la vitrine de la laverie la Lavandière ce quatrain d’Andrée Chedid :

    Jusqu’aux bords de ta vie

    Tu porteras ton enfance

    Ses fables et ses larmes

    Ses grelots et ses peurs

    *

    C’est au-dessus d’Embrun que je trouve logement au Vieux Chalet, route de Chalvet, une chambre d’hôtes dont les fenêtres en angle donnent un magnifique point de vue sur les sommets enneigés et sur la ville logée dans la vallée, le tout pour un prix de célibataire : trente-huit euros la nuit, petit-déjeuner compris, à deux ce serait cinquante-deux.

    *

    Un extrait de l’Ode au vagin trouvé chez Médiapart :

    Mais les cuisses s'ouvrent. Victoire !
    Voici le con dans sa beauté,
    Sous sa frisure blonde ou noire
    Adorablement abrité,
    Humide comme une prunelle,
    Frissonnant déjà comme une aile
    Dans le fouillis des rameaux verts,
    Détendu sur sa fente rose,
    Et l'air tout de même un peu chose,
    Avec son sourire en travers !

    On comprend que Clovis n’ait pas la première place dans le domaine de la poésie érotique mais il a son buste sur la place d’Embrun, jouxté d’une statue où une jeune mère lit ses œuvres à son garçon.

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