• De Rossini à Monet en passant par le Che

                Opéra-valise pour commencer la soirée, cela se passe dans l’un des jardins de l’Archevêché rouennais, un lieu peu souvent ouvert au passant, Rossini au programme avec une adaptation de La Cenerentola, un pianiste, des chanteurs et chanteuses s’exprimant en français dans une mise en scène qui vise à « alléger le rapport que le public entretient avec le plateau » (d’où ce nom d’ « opéra-valise »), c’est dans le cadre des Musicales de Normandie, c’est gratuit et la troupe s’appelle Opéra Point Trois.

                Le public est nombreux et varié, de la touriste japonaise au moutard bien sagement assis dans les cailloux. Cendrillon, ses sœurs et son parâtre occupent plaisamment la scène. Comme le précise le programme, il s’agit d’une comédie « ménagère, sociale et romantique » et celle-ci déborde un peu sur le public.

                Les moutards se font ainsi balayés et époussetés et lorsque l’une des sœurs abandonnées par son prince lui cherche un remplaçant, c’est vers moi qu’elle s’avance :

                -Vous êtes duc ? Marquis ?

                D’un mouvement de tête, je la détrompe. Celle qui m’accompagne se penche à mon oreille :

                -Je me demande ce qui se serait passé si tu avais dit oui.

                C’est bien ce que je me suis dit quand j’ai dit non à cette chercheuse de mari.

                Applaudissements, saluts, Rossini version valise c’est bien agréable, nous disons-nous en regagnant le logis où nous dînons d’un carpaccio avant de repartir jusqu’à la rue des Bons Enfants, c’est pour fêter son départ à Paris.

                Nous voici dans l’une des caves du Guevara Café, appellation navrante pour un bar salsa. Ernesto n’a été sympathique qu’avant sa rencontre avec Fidel Castro, quand il faisait de la mobylette.

                Une Margarita pour moi, un Ti Ponche pour elle, la musique est à la sauce antillaise plutôt niaise mais ne nous empêche pas de bien profiter de son dernier jeudi à Rouen.

                Vingt-deux heures vingt, c’est l’heure de se rapprocher de la cathédrale pour y revoir De Monet aux pixels, cette projection des impressions de Monet et de Lichtenstein revisitées par la pixellisation. Eh oui ! Contrairement à d’autres, nous ne sommes pas encore saturés de ce spectacle quelque peu démonétisé par son retour annuel.

                Ce qui me gave en revanche, c’est la sempiternelle présence des cracheurs de flammes en avant-spectacle, un vrai détournement de public ou comment faire du fric (ces gens-là font la quête), sur le dos d’un spectacle gratuit, avec des pitreries moyenâgeuses qui ont pour conséquence de tirer la projection des images pixellisées vers  les médiévaleries consternantes de type Puy du Fou.

                Je sais aussi que la musique accompagnant De Monet aux pixels en énerve plus d’un. Paris-Normandie, journal proche de ses lecteurs, interroge même les spectateurs pour savoir par quoi la remplacer, c’est dire. Pour ma part, je m’en accommode fort bien. Je me demande seulement pourquoi les spectacles visuels ont si souvent besoin de s’adosser à un support sonore. Celle qui me tient la main n’attend qu’une chose, les quelques notes extraites de la Gnosienne d’Erik Satie. Son plaisir est quelque peu perturbé par la sirène d’une ambulance de pompiers se glissant parmi les spectateurs. L’un ou l’une a eu un malaise, trop de beauté peut-être.

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