• Défense et illustration du livre d’occasion

    Je n’achète jamais, plus jamais, de parutions. Que de l’usagé. Du qui a fait son temps. C’est au point tel, que je me méfie du livre presque neuf traînant sur les piles du bouquiniste. Ça cache quelque chose.

    Quelle meilleure lecture qu’un défraîchi trouvé dans un carton du Clos Saint-Marc ? (et pour un euro !). Quelle meilleure lecture qu’un volume éclaté, jauni, avec des taches de café, comme on en trouve aux Capucins. Ça c’est de la lecture ! C’est du vécu. Alors que la nouveauté glacée à prix code barré, merci bien.

    Ainsi s’exprime Félix Phellion dans le numéro deux cent vingt-deux de sa plaisante Rouen Chronicle et le lisant, je me dis que désormais (je ne sais depuis quand) il en est de même pour moi, à deux différences près : je n’aime pas les livres abîmés ou salis, et je ne dédaigne pas, au contraire, le livre quasi neuf.

    L’une des raisons de ma dilection pour le livre d’occasion, c’est que j’aime l’inattendu. Quel plaisir de trouver dans un vide grenier, une bouquinerie, une vente de charité, un marché à la brocante, le livre que je ne cherche pas, dont je n’ai même parfois jamais entendu parler, et dont la lecture me réjouira. Le hasard décide aujourd’hui de mes lectures.

    L’une de mes dernières acquisitions est Portrait d’Antonio Pizzuto de Madeleine Santschi, publié aux Editions L’Age d’Homme en mil neuf cent quatre-vingt-six, acheté deux euros au Clos Saint-Marc vendredi dernier.

    Je ne sais qui est Madeleine Santschi, ni qui est cet Antonio Pizzuto dont elle fait de manière décousue le portrait. Je vois que Montale le vante en ces termes : Les Anglais ont eu Joyce et nous avons Pizzuto.

    Quant à Eugenio Montale, je ne l’ai pas encore lu. C’est pour plus tard, peut-être, quand le hasard le décidera.

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    A acheter ainsi au hasard, parfois je me plante. Ainsi de ce Cons de Juan Manuel de Prada, publié chez Point Seuil, mal écrit et des plus vulgaires. J’aurais dû le feuilleter lors de son achat chez Book-Off à Paris, ne pas me laisser séduire sottement par son titre. J’aurais ainsi vu la note manuscrite laissée par son précédent lecteur en dernière page indiquant que le seul con, c’est l’auteur.

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    Personnellement, je n’emploie jamais ce mot comme insulte, d’accord avec Brassens et son Blason : La male peste soit de cette homonymie !/ C'est injuste, Madame, et c'est désobligeant/ Que ce morceau de roi de votre anatomie/ Porte le même nom qu'une foule de gens.

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    Un qui l’emploie, c’est le Tout Puissant de la République. Deux de ses sous-ministres viennent de se casser (comme il dit aussi).

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    Au Clos Saint-Marc, ce vendredi également, un très gros livre attire mon attention : Le Bottin mondain deux mille neuf. Je le feuillette puis le referme, n’en ayant pas l’usage. Le vendeur se demande qui va bien pouvoir lui acheter ça. Un cambrioleur, lui dis-je, pour qui ce sera un excellent outil de travail.

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