• Déjeuner parisien dans des effluves droitistes

    Rue de la Harpe, ce mercredi midi pour un déjeuner sans surprise, c’est le même menu au même prix dans quasiment toute la rue, toute l’année, dix euros, j’opte pour l’un où je suis déjà connu et où un verre d’apéritif est offert. A ma droite est bientôt installé un couple de quinquagénaires unis pour la vie et pour le travail. Plutôt que parler de la vie, ils évoquent le travail, surtout elle. Lui écoute, comme font toujours les hommes à partir d’un certain âge :

    -Je lui ai dit à Régine que j’étais pas d’accord.

    Deux femmes s’assoient à ma gauche. L’une a aussi dans les cinquante ans, l’autre dans la trentaine. Elles sont contentes de se retrouver. La plus vieille félicite la plus jeune de son haut à poils longs.

    -C’est un cadeau de ma belle-mère.

    Cette femme est enceinte du troisième et a du souci avec les aînés, surtout l’un qu’elle doit mettre au coin, il n’y a que ça qui marche, peut-être parce que ça l’humilie, et espérons qu’il aille bientôt au pot parce que c’est ça l’examen pour entrer à la maternelle.

    Elle connaît l’attaché parlementaire du Maire de Marseille, tu sais bien, comment il s’appelle déjà ?

    -Gaudin, c’est génial ! s’exclame la quinqua.

    Elle connaît aussi quelqu’un qui a un chauffeur mais a su rester simple ou bien c’est le même et un autre à Dreux qui fait partie des veilleurs, quelqu’un qui pense bien, au premier rang des manifestants contre le mariage gay. Brusquement, elle revient à son futur descendant.

    -François-Xavier est content ? demande l’autre.

    -Oui très, et on a trouvé une dame qui viendra m’aider le matin, pour lever les enfants, les préparer, les faire déjeuner, enfin si elle ne me laisse pas tomber.

    -C’est génial !

    Tout cela dans un restaurant dont le personnel pourrait bénéficier de la nouvelle loi sur le mariage, au mur une photo dédicacée de Michou.

    *

    Sorti de Beaubourg, rejoignant la station Châtelet, quelle n’est pas ma surprise (comme on dit) de voir une nouvelle librairie Mona Lisait ouverte, celle de la Fontaine des Innocents. M’approchant, je constate qu’elle a changé de raison sociale. La maison Boulinier a repris les locaux mais non le stock. Même chose pour celle de Bonne Nouvelle, apprends-je. Sur la place quantité de livres marqués « Tout-venant » attendent l’acheteur, cinquante centimes pièce, beaucoup de daube évidemment. De son côté, Joseph Gibert a installé une nouvelle librairie dans l’ancien Virgin de Barbès. Ça en fait des livres d’occasion. Reste à espérer suffisamment de volontaires pour continuer à acheter des neufs.

    *

    Le soir, gare Saint-Lazare, je demande à l’accueil où l’on traite les objets trouvés.

    -C’est ici, me répond une jeune cheminote. Qu’est-ce que vous avez perdu et quand ?

    -Un parapluie, ce matin.

    -Ah non, on n’en a pas eu. En général, on ne nous les ramène pas les parapluies.

    -C’est-à-dire ?

    -Les gens qui les trouvent les gardent pour eux.

    -C’est bien ce que j’avais compris.

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