• Dernier ouiquennede d’avril (Le Houlme, la Calende, et cætera)

    Vendredi vers vingt-trois heures trente, je suis réveillé par un voisin qui déplace les poubelles puis ouvre violemment la porte cochère pour faire sortir du jardin la moto d’un de ses peutes. J’ouvre la fenêtre et demande à ce barbu jamais vu si ça ne le dérange pas de réveiller le voisinage.

    -Il faut vous calmer monsieur, me dit-il d’un ton suffisant.

    Je le traite d’abruti avant de refermer la fenêtre, ne peux me rendormir tout de suite mais suis quand même debout à cinq heures afin d’aller au vide grenier du Houlme.

    Celui-ci est cette année resserré près de la Mairie, le vaste terrain des années précédentes étant désormais loti. De laids immeubles d’habitation et des bâtiments à usage mystérieux sont en construction. La nouvelle organisation est chaotique. Une femme en ticheurte jaune tient le rôle de la hurleuse en chef. L’installation des vendeurs et vendeuses se termine par un accrochage de voiture avec une boîte à lettres. Je parcours plusieurs fois les allées et n’y trouve rien pour moi.

    De retour à la maison, je m’affaire à préparer l’arrivée de celle qui me rejoint ce ouiquennede quand mon téléphone sonne. C’est elle qui m’apprend que suite à des travaux, son train aura moult retard. Au lieu d’être là à dix heures trente, ce sera midi. Nous déjeunons à l’intérieur, la faute au temps pourri, et ne ressortons pas avant le lendemain matin sept heures.

    Nous sommes au vide grenier rouennais de la Calende plus matinaux que bien des exposant(e)s. Celle qui m’accompagne à la joie de trouver là pour quelques euros le Pollux dont elle rêvait et qu’elle cherchait depuis plusieurs années. J’ai moins de chance, ne trouve rien à mon goût. A une femme qui cherche des livres de science-fiction, je donne le Missel des dimanches. Elle me remercie et le feuillette sans y voir malice.

    Après un tour au marché du Clos Saint-Marc, puis une boisson chaude au café du même nom et un nouveau passage au vide grenier de la Calende (« Elle est en verre ou en plastique, votre carafe ? » demande l’un. « Oh, je ne m’occupe pas de ça, répond le vendeur, qu’elle soit en cristal ou en plastique, j’en veux quinze euros. »), nous pouvons nous installer au soleil dans le jardin dont la paix est bientôt troublée par les anti mariage gay qui manifestent bruyamment près du Musée des Beaux-Arts.

    Ce tintamarre dure longtemps puis le calme revient tandis que nous déjeunons agréablement avec comme dessert un délicieux kouign amann de la boulangerie de la rue Saint-Nicolas, sorte d’avant-goût d’une semaine en Bretagne prévue pour la fin du mois de mai. Après le repas, elle photographie son Pollux dans l’herbe parsemée de pâquerettes.

    L’après-midi, nous nous baladons le long du Robec jusqu’à atteindre le four à pain où justement l’on a cuit. Un pain rustique devient le nôtre, dont elle emporte le soir venu une moitié à Paris.

    *

    Autre nouveau voisin : celui du troisième étage qui fume à toute heure de la nuit la tête sortie par un Velux, sorte de périscope humain dont la toux est la balise sonore.

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    Ces cathos perturbateurs d’inauguration d’expo impressionniste, on les verra les autres jours au Musée, admirant Monet et Sisley. Cette peinture est la leur. Aucun risque, en revanche, de les croiser à l’expo Keith Haring à Paris.

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