• Du Houlme aux Damps, plus d'un livre dans mon sac

    Temps incertain, samedi matin quand je prends, sans elle qui doit rejoindre sa famille, la route du Houlme où se tient un vide-grenier. Je trouve une place pour ma voiture dans la rue principale puis parcours les premières allées sous mon grand parapluie noir avant que cela s’arrange. C’est un endroit agréable que cette ville ouvrière où coule le Cailly, les vendeurs et vendeuses sont souriant(e)s et prompt(e)s à baisser les prix.

    Je rentre avec une étagère pour le rangement de mes livres de cuisine, une cafetière et quelques livres, deux romans : Après le tremblement de terre de Murakami Haruki (en poche chez Dix/Dix-huit), Retour en terre de Jim Harrison (chez Christian Bourgois) et La beauté m’insupporte (chez Payot), essai de Pierre Sansot (dont je possède déjà Eloge de la lenteur), enfin et surtout Le Musée des Supplices de Roland Villeneuve, grand ouvrage illustré paru en mil neuf cent soixante et onze aux Editions du Manoir à Paris.

    Il me semble que ces Editions du Manoir sont les mêmes que celles qui ont eu pignon rue aux Ours à Rouen dans les années quatre-vingt, passant graduellement de l’édition à la vente de livres et de disques soldés, avant de faire faillite, remplacées par un soldeur chinois, qui a dû lui aussi fermer boutique. Plusieurs des livres de ma bibliothèque proviennent de ce lieu que j’ai souvent fréquenté, peut-être même l’un de mes deux autres livres illustrés de Roland Villeneuve : Le Musée du Fétichisme et Le Musée de la Bestialité (parus autrefois chez Henri Veyrier).

    Quand elle me rejoint à trois heures, elle s’enquiert de mes trouvailles et bizarrement éprouve l’envie de feuilleter avec moi ce douloureux Musée des Supplices. Pour nous remettre, nous allons faire un tour de ville, évitant l’hypercentre commercial. Je découvre ainsi, par une affiche collée dans une rue peu passante, qu’à quatorze heures se tenait, place de la Cathédrale, à l’appel de Greenpeace, un rassemblement antinucléaire. Trop tard, lui dis-je, dépité.

    Temps prometteur, dimanche matin, quand elle et moi prenons la route des Damps où se tient un vide-grenier. Je me gare sur l’herbe au bord de l’Eure face à l’inquiétante papeterie M-Real sise sur l’autre rive à Alizay. Là aussi le sourire et les petits prix nous accueillent.

    Elle fait siens un cédé de Souchon et une paire de gants. J’achète un pot de confitures ananas whisky à une dame loquace, huit rouleaux de bâtonnets d’encens de chez Nature et Découvertes à trois jolies jeunes filles et, à une vendeuse moins attrayante, les Lettres à Anna de Marina Tsvetaeva (dont j’ai trouvé les confessions la semaine dernière à Bonsecours), ouvrage paru aux Editions des Syrtes.

    De retour à Rouen, nous passons par le marché du Clos Saint-Marc où le sympathique Thierry nous annonce qu’au premier soleil assuré, il s’installe avec tous ses livres, de quoi me tenter encore. Je sais, je sais, j’achète trop de livres. Il en est même une dans le quartier qui me soupçonne de tenir une librairie clandestine.

    Qu’elle se rassure, s’il me faut un jour reprendre un travail, je préfère me faire tortionnaire, à condition que la rémunération soit revue à la hausse, car les tarifs que donne Roland Villeneuve ne permettent pas de vivre, exemple : en mil trois cent vingt-trois, soixante-quinze sols pour faire bouillir un faux-monnayeur (y compris l’achat de la chaudière), soit en monnaie de mil neuf cent soixante et onze : cent trente-sept francs vingt-huit.

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