• Du marché des Emmurées à celui du Clos Saint-Marc

                C’est toujours les mêmes que je côtoie, côté vendeurs comme côté acheteurs, au marché des Emmurées le jeudi comme à celui du Clos Saint-Marc le vendredi. Certains vendeurs que j’évite, qui ont le cerveau lepenisé. D’autres bien sympathiques, tel ce grand gaillard que je vois parfois aussi dans les manifestations de rue.

                L’autre vendredi, j’avise une huitaine de cartons emplis de livres de toute nature dans lesquels j’espère dénicher quelques pépites et le voilà qui arrive, ce grand gaillard, il demande à l’encan  à qui sont ces livres, une femme se manifeste.

                -Ah, c’est à toi ! lui dit-il. Tu vas bien me faire un prix, cinquante euros pour tous les cartons, ça te va.

                Elle accepte facilement.

                Je me tourne vers lui :

                -Si je comprends bien, ce n’est plus la peine que je fouille dans ces cartons. C’est sauvage comme méthode d’achat.

                -Sauvage, non, me répond-il. C’est commercial.

                Commercial, c’est le mot juste effectivement. Il va revendre tout ça à l’unité avec un bon bénéfice.

                Arrive alors le bouquiniste qui tient boutique rue Eau-de-Robec, à l’enseigne Maneki Neko.

                -C’est trop tard, lui dis-je, monsieur vient de tout acheter.

                Il fait une mine bien contrariée. Ça me fait plaisir de partager mon dépit avec un autre.

                C’est lui qui m’a affirmé, il y a peu, ne plus acheter de livres et que je croise encore jeudi dernier aux Emmurées, une pile d’ouvrages divers sur les bras.

                -Ah bonjour ! lui dis-je, je croyais que vous n’achetiez plus de livres.

                -C’est vrai, me dit-il, mais quand je vois tous ces livres par terre, je ne peux pas m’en empêcher, il faut que j’achète. C’est compulsif je sais, c’est comme ça d’ailleurs que je suis devenu bouquiniste un jour. Et si j’arrête d’être bouquiniste, il n’y a aucune raison pour que cesse cette compulsion. J’achetais des livres avant, j’en achèterai après.

                Je le comprends.

                C’est un malade qui parle à un autre malade.

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