• Duchamp, bientôt quarante ans qu'il a pris du champ

                Je sens bien que ça repart franchement, bien que l’on soit encore au mois d’août. Ce jeudi matin, les marchands de bric-à-brac sont plus nombreux place des Emmurées, Libération reprend ses pages littéraires et sur France Culture, depuis lundi, les émissions habituelles sont de retour.

                A l’étalage d’un brocanteur, sur le tas de livres où il surnage, j’attrape Le Jardin parfumé, le manuel d’érotologie arabe du Cheikh Nefzaoui, publié en mil neuf cent soixante-douze par Régine Desforges, qui fut bonne éditrice avant d’être mauvaise écrivaine. Pour deux euros, il est à moi. A peine plus cher que Libération où je lis, rentré chez moi, l’entrevue avec Richard Ford qui parle de l’Amérique des années deux mille :

                « C’est un pays qui essaie de nier tout ce qui a lieu autour de lui. Sa manière de le nier, c’est de se réfugier dans la vie privée : les gens étaient alors fascinés par les enfants, les maisons, le prix des appartements, etc. Ils ne parlaient que de ça au lieu de faire attention aux élections, à la crise constitutionnelle. Et Bush a été élu. »

                Un propos qui peut s’appliquer à bien d’autres pays, dont celui où je vis, me dis-je, écoutant en même temps sur France Cul l’émission consacrée à l’année soixante-huit dans les pays de l’Est. Il est bien sûr question de l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie, en août, il y a juste quarante ans, et je me souviens que ce fut là l’occasion de mon premier acte politique. J’avais dix-sept ans. J’ai envoyé une carte postale de protestation à l’ambassade soviétique à Paris. Pas très efficace, c’est certain.

                Voilà qu’il se met à pleuvoir. Je téléphone à celle avec qui je devais pique-niquer au cimetière monumental de Rouen entre les tombes de Gustave et de Marcel. Ce sera pour une autre fois. Il faut que l’on aille saluer Duchamp qui, le deux octobre prochain, sera mort depuis quarante ans.

                En matière de commémoration, le train passe tous les dix ans. Je sais que Patrice Quéréel, ce sympathique personnage qui se promène parfois vêtu de rose, doit faire quelque chose pour le quatrième passage. Laurent Salomé, directeur du Musée des Beaux-Arts, lui, a anticipé en ouvrant il y a déjà un certain temps une salle Duchamp avec conférences annexes, répondant positivement à la question de Marcel : Faut-il réagir contre la paresse des voies ferrées entre deux passages de trains ?

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