• En boucle dans les rues de Rouen, avec plein de manifestant(e)s dont ma fille

                Quand j’arrive, ce jeudi, vers dix heures, sur le cours Clemenceau, il y a déjà beaucoup de monde et la camionnette bleue de la Cégété diffuse à pleines baffles Love on the Beat de Gainsbourg pour un peu réchauffer la température hivernale. Officiellement, il s’agit de manifester pour l’emploi, le pouvoir d’achat (horrible expression) et les services publics. Je sens bien que la plupart des présent(e)s sont là d’abord pour une autre raison : marre de Sarko.

                -C’est aussi bien qu’à l’Opéra ici, me dit un inconnu.

                Les gros bataillons de la Cégété sont devant et pas question de s’éloigner de sa banderole quand on est ouvrier de Renault Cléon. J’avance un peu avec eux car j’ai les pieds gelés. Sur le pont Corneille, une main me tape sur l’épaule. Tiens, c’est ma fille, venue là pour participer à une manif plus importante que celle d’Evreux et pour ça elle a bien choisi son occasion, foule des grands jours il y a, dans laquelle sans doute des novices du défilé piétonnier.

                Nous laissons passer les troupes de la Cégété, où l’on trouve des salarié(e)s de Monoprix et du Crédit Agricole, pas souvent que je les vois dans ce genre d’endroit. Derrière, c’est plus chaud et pas du tout encadré, ce sont les Zéduques, travailleurs et travailleuses sociaux qui en veulent plus pour le social et moins pour le capital. Ils sont suivis de la folle jeunesse des lycées. C’est dans ces parages qu’elle et moi nous nous glissons, abordés bientôt par une responsable du Planning Familial qui déplore la baisse de quarante-deux pour cent des subventions de l’Etat. Le Planning de Marseille doit fermer, celui de Rouen survit pour l’instant (la catholique intégriste Boutin est au gouvernement)

                Un peu plus loin, en bas de la rue de la République, c’est le Comité Invisible (cher à Alliot-Marie) qui nous donne de ses nouvelles : « Tout le monde s’accorde. Ça va péter. ». La Fédération Anarchiste, un peu plus loin, confirme : « Le capitalisme a un malaise…aidons-le à mourir ».

                Nous rencontrons aussi quelques connaissances du Réseau Education Sans Frontières qui appelle à manifester devant le Centre de Rétention de Oissel, le samedi sept février à quinze heures.

                Peu à peu, dans une ville qui semble entièrement livrée aux manifestants(e)s, nous arrivons devant l’Hôtel de Ville. Sur le socle de la statue de Napoléon, un écriteau rappelle l’une des sottes paroles de Sarkoléon Premier : « Désormais quand il y a une grève, plus personne ne s’en aperçoit ! »

                Rue du Canuet, un garçon promène une pancarte où il a écrit : « Pendant la manifestation je rêve de la révolution ». Je discute avec ma fille de tout et de rien et l’on tourne à gauche rue Jeanne-d’Arc où devant le Palais de Justice se tiennent des artistes porteurs de pancartes jaunes. Je retiens celle-ci : « L’utilité du banquier n’est pas prouvée ». Un peu plus loin, on réclame le droit de rêver. Du côté des Zéduques on parle de lui faire sa peau à Sarko.

                -Un petit peu seulement, rigole une manifestante.

                Je ne sais pourquoi on ne va pas jusqu’à la Préfecture, Fâcheusement, on retourne au point de départ par le pont Jeanne-d’Arc. Elle et moi nous arrêtons là, regardant passer la suite du cortège avec un bon groupe de socialistes qui se souviennent qu’ils sont de gauche, bien mignons avec leurs petits drapeaux, conduits par le berger Fabius. Un peu plus loin, c’est la fin. Il est presque treize heures.

                J’entends que Laurence Parisot, cheftaine des patrons du Medef, en une métaphore usée, ne comprend pas qu’alors que le bateau traverse une tempête, certain(e)s s’avisent de manifester.

                Pendant que les riches essaient de changer le moteur du capitalisme, les pauvres sont invité(e)s à ne surtout pas s’arrêter de ramer. Celles et ceux qui sont ce matin dans les rues de Rouen et d’ailleurs ont manifestement mieux à faire.

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