• En lisant et en regardant Mélancolie de Frédéric Pajak

                Il y a peu, je me rends à la bouquinerie Le Rêve de L’Escalier avec quatre livres à négocier. Je veux reconstituer mon avoir, mis à mal par l’achat du somptueux livre rose          de Pierre Louÿs « Et ta bouche en peau de lys… » (poèmes érotiques illustrés par cent quarante et une photos inconvenantes), livre interdit aux mineur(e)s publié aux Editions de l’Aube qui a fait notre délice, à celle qui me rejoint le ouiquennede et à moi, l’autre dimanche.

                A peine l’affaire faite au Rêve de l’Escalier que j’ai déjà dépensé une partie de mon nouvel avoir dans un livre vu en vitrine : Mélancolie, écrit et dessiné par Frédéric Pajak, publié (curieusement) aux Puf, les Presses Universitaires de France. J’ai déjà de lui, publiés chez le même éditeur, L’immense solitude et Chagrin d’amour, trouvés il y a je ne sais combien d’années dans un vide-grenier, des romans graphiques comme on dit aux Etats-Unis

                Je passe une bonne nuit avec Mélancolie, suivant la pensée autobiographique méandreuse de Pajak entre passé et présent, amour et mort, rêverie et désespoir. Quel plaisir d’y rencontrer Paul Léautaud et Joseph Delteil, ombre et lumière, que j’aime tous les deux avec une nette préférence pour l’ombre, d’autres aussi, inconnus suicidés ou obstinés, sans oublier Stendhal et Malevitch. Les dessins de Pajak sont d’un noir expressionniste, parfois en décalage complet avec le texte, parfois pas, toujours terrifiants. C’est un auteur de littérature illustrée déprimée, mais pas déprimante, une littérature baladeuse qui, entre autres lieux, me fait découvrir Morez, bourgade perdue du Haut-Jura :

                Morez aurait pu être la capitale du clou. La capitale de la boire pression. La capitale de la pipe. La capitale du nougat. La capitale de la France. Non, Morez, c’est Morez, capitale de la lunetterie. C’est comme ça.

                A Morez, il y a un musée de la lunetterie. On peut y voir des lunettes, les lunettes de Morez.

                En lisant et en regardant les livres de Frédéric Pajak, je songe à ceux d’Emil Michel Cioran. L’un et l’autre me font du bien. Rien de plus tonique que la noirceur. Ce que Cioran exprime en ces termes je crois, dans je ne sais plus quel livre, je cite de mémoire : « Il n’est pas de mauvaise nuit que l’idée du suicide n’aide à passer ».

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