• En lisant la Correspondance de Charles Bukowski (Un)

    Il est bien temps que je me replonge dans mes notes de lecture de la Correspondance 1958 1994 de Charles Bukowski, lesquelles datent d’avant mon séjour à New York, ville que l’écrivain n’aimait pas, ne jurant que par Los Angeles. Ce recueil de missives, que j’ai donc lu l’an dernier, est publié par Grasset. En couverture, on y voit un Bukowski ventripotent buvant de la bière couché sur les rails devant une locomotive de Musée, piètre image.

    Quelques notes choisies :

                … ce qui, évidemment, est le lot commun de tous les Américains : ils n’arrêtent pas d’y penser, ils minaudent, ils se baladent avec des photos pornos dans la poche, et pourtant ce pays est le plus puritain que tu puisses trouver au monde ! Ici, les femmes ont placé la barre trop haut et les garçons ont fini par se planquer derrière la grange avec une vache. Ce qui rend particulièrement pénibles les relations entre les garçons, les vaches et les femmes… (à Jory Sherman, sans doute en soixante et un)

                Un jour je me suis marié et ma femme a demandé le divorce parce que je ne lui ai jamais dit que je l’aimais. Comment j’aurais pu lui dire sans être obligé par la suite d’avoir avec elle des conversations sur Hollywood, le voisin, le patriotisme, la salle d’attente du coiffeur et le cul du chat ? (à John William Corrington, le vingt-trois février mil neuf cent soixante et un)

                Oui, tuer un poulet avec un marteau c’est stupide, quoique d’après ce qu’on m’a raconté je doute que cette personne fût sadique, c’était plutôt quelqu’un à mon avis qui n’avait pas les idées claires. (au même, le vingt-six novembre mil neuf cent soixante et un)

                Il est inutile d’insister, je ne quitterai pas la Ville des Anges, cet endroit foutrement chouette où les Saints se branlent dans le ciel ! (au même, le vingt-quatre décembre mil neuf cent soixante-deux)

                Ils ont tous la bougeotte, ils se mettent à parcourir le monde (voyez Ginsberg, Corso, Kaja, Burroughs, etc., etc.). Je ne sais pas trop ce que ça signifie, mais je me rangerai du côté de Faulkner qui pensait qu’il y avait largement de quoi faire juste autour de son paillasson. Cette chasse à la culture dans le monde a pour moi une trop forte odeur de Cadillac neuve. (à Jon et Louise Webb, vingt-quatre juin mil neuf cent soixante-trois)

                Mais pour avoir bien connu des profs de lettres, pour les avoir observés, pour avoir bossé dans les abattoirs, dans les biscuiteries, pour avoir fréquenté des bandits de grand chemin et des cinglés, je lui ai répondu que ça n’était pas la peine de me parler des angoisses d’un prof de lettres… que je connais la musique… correction de copies… organisation des cours… avancement selon échelon… écriture de poésie… et dans tout ça, entre deux angoisse, ils ont encore l’incroyable force de se demander s’ils sont homosexuels ou si Clayborn, qui enseigne aux deuxième année, est un blanc-bec ou pas… (à John William Corrington, le sept décembre mil neuf cent soixante-trois)

                Les enfants dehors se trémoussent, découvrant l’herbe, les mystères de la nature, la liberté, et la tyrannie des parents aussi. Mais malheureusement la jeunesse de ces enfants bénis s’évanouira, ils me ressembleront : un vieil homme qui couche ses pensées sur une feuille de thé à 4 heures de l’après-midi dans un réduit qui sent le bacon les grenouilles et le silence qui tombe en cascade… (à Jon et Louise Webb, le onze mars mil neuf cent soixante-quatre)

                En ce qui me concerne, je dois suivre ma propre voie. Si d’aventure je n’arrive pas à atteindre le firmament, il me restera toujours la crasse de mes orteils à contempler et le rêve de dormir à côté d’une jeune fille de 14 ans. (à Douglas Blazek, le douze avril mil neuf centsoixante-cinq)

                Sur ce doux rêve, je fais une pause.

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