• En lisant les Mémoires d’un touriste de Stendhal

    J’en suis dans le deuxième volume des Mémoires d’un touriste de Stendhal, édition Ressouvenances, ces deux tomes ayant appartenu au docteur Delabrousse de Louviers. Stendhal y narre à sa façon désinvolte ses multiples voyages dans les villes françaises (avec détours par Genève et Gênes), s’attardant à Lyon, Nantes et Marseille, passant entre autres à Avignon, Beaucaire, Tours, Vannes, Granville et Rouen.

    Rouen, à une date non précisée de l’année mil huit cent trente-sept, où dès son arrivée il croise un petit homme alerte et simple, le célèbre Louis Brune, qui a eu la croix et je ne sais combien de médailles de tous les souverains pour avoir sauvé la vie à trente-cinq personnes qui se noyaient.

    Ce héros se charge de lui trouver une chambre, les hôtels étant complets, tout en lui racontant sa vie de sauveteur (on semble beaucoup se noyer à Rouen à cette époque).

    -Quand je vois un pauvre imbécile qui tombe dans l’eau, c’est plus fort que moi, me disait-il ; je ne puis m’empêcher de me jeter.

    Après quoi, Stendhal fait une originale découverte :

    Ce qui est admirable à Rouen, c’est que les murs de toutes les maisons sont formés par de grands morceaux de bois placés verticalement à un pied les uns des autres : l’intervalle est rempli par de la maçonnerie.

    Ensuite l’Henri cite les principales églises de la ville : Rouen est l’Athènes du genre gothique ; j’en ai fait une description de quarante pages que je n’ai garde de placer ici. Une note infrapaginale indique « Voir l’appendice », mais point d’appendice.

    Il se plaint d’une statue de la Jeanne élevée à la place même où la cruauté anglaise la fit brûler puis revient au point de départ : En arrivant, je suis allé tout seul rue de la Pie, voir la maison où naquit en 1606 Pierre Corneille ; elle est en bois, et le premier étage avance de deux pieds sur le rez-de-chaussée ; c’est ainsi que sont toutes les maisons du Moyen Age à Rouen. Bien vu, Henri.

    Il passe par une bibliothèque où il compte neuf lecteurs puis admire la salle des pas perdus du Palais de Justice songeant au fameux procès que le duc de Saint-Simon vint plaider à Rouen, et dont le récit est si plaisant sans que l’auteur s’en doute.

    En résumé, c’est une succession de banalités et l’avertissement figurant en tête de cette édition est de nature à l’expliquer : « Dans une « Défense de l’ouvrage », Yves Gandon rappelait les emprunts que Stendhal, pour rédiger ce guide de commande, avait effectués à l’égard de Mérimée et de quelques auteurs oubliés depuis. Impécunieux, Stendhal ne put se rendre, lors de son travail, sur tous les lieux qu’il retrace avec des précisions puisées chez d’autres, comme la pratique en était plus répandue, du moins plus admise alors que de nos jours. »

    Stendhal est-il donc venu à Rouen ? J’en doute un peu.

    *

    Louis Brune a sa rue à Rouen dans le quartier des Augustins. Après son hypothétique rencontre avec Stendhal, il a continué à sauver des vies, jusqu’au jour de Noël mil neuf huit cent quarante-trois où un saut dans la Seine du pont Boieldieu lui fut fatal. Il en était à soixante-trois.

    *

    A Paris, le véritable amour ne descend guère plus bas que le cinquième étage, d’où quelquefois il se jette par la fenêtre. Stendhal (Mémoires d’un touriste)

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