• En suivant Marcel Proust suivant John Ruskin dans les rues de Rouen

                Il n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré, ainsi commence (et je suis bien d’accord avec cette remarque) Journées de lecture, la préface écrite par Marcel Proust pour Sésame et les lys de John Ruskin qui fut bien connu autrefois pour ses études sur l’art gothique et la peinture préraphaélite (pour laquelle j’ai une particulière dilection) et qui est bien oublié aujourd’hui.

                John Ruskin, raconte Marcel Proust, est venu plusieurs fois à Rouen et ses écrits en témoignent, il y étudie notamment le portail des Libraires de la cathédrale rouennaise, Marcel est parti sur ses traces : Et j’allais à Rouen comme obéissant à une pensée testamentaire. Il s’agissait d’abord pour lui de chercher quel minuscule personnage de ce portail évoque longuement Ruskin dans ses écrits. Il y parvint avec l’aide d’une jeune sculpteuse anglaise.

                Je ne peux faire de même aujourd’hui car le portail des Libraires est inaccessible pour cause de travaux de restauration ce qui aurait bien énervé Ruskin, farouche opposant de Viollet-le-Duc. Dans Sept Lampes de l'Architecture, il rapproche les bâtiments des êtres humains qu'il faut soutenir mais aussi laisser mourir. La cathédrale de Rouen dans un aussi bel état de ruine que l’abbaye de Jumièges, j’aimerais bien voir ça mais ce n’est pas dans l’humeur du temps, pas un mois sans nouvel échafaudage, le dernier grimpe autour d’un des trois clochetons (le quatrième, balayé par la tempête de mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, ne semble pas prêt d’être réinstallé).

                Pas de difficulté en revanche pour atteindre et observer le porche de l’église Saint-Maclou à la suite de Marcel suivant John qui écrivait : Les bas-reliefs du tympan du portail de Saint-Maclou, représentent le Jugement dernier, et la partie de l’Enfer est traitée avec une puissance à la fois terrible et grotesque, que je ne pourrais mieux définir que comme un mélange des esprits d’Orcagna et de Hogarth. Les démons sont peut-être même plus effrayants que ceux d’Orcagna ; et dans certaines expressions de l’humanité dégradée, dans son suprême désespoir, le peintre anglais est au moins égalé. Tout cela est désormais bien noirci. Dégradée elle aussi, l’église Saint-Maclou vient de rouvrir ses portes après restauration intérieure, j’y entre et vais saluer Mac Low, le moine gallois en son bateau.

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