• Escapade à Saint-Aubin-Epinay

            Sans pouvoir conduire pour cause de clavicule cassée, c’est en bus numéro vingt, munis d’un bagage des plus légers, qu’elle et moi rejoignons Saint-Aubin-Épinay, village de la région rouennaise où il s’agit de faire journée de vacances grâce à l’hôtel une étoile baptisé L’Épinoy, improbable établissement ne figurant pas dans le Guide des hôtels de charme. Pourtant il n’en manque pas, son architecture de briques rouges, sa véranda, son jardin et ses chambres sans commodités.

            Celle que nous propose le patron bénéficie au moins d’un beau lit et d’une armoire assortie. Pour la douche et les toilettes, c’est collectif et au bout du couloir. Heureusement, c’est calme en ce moment, comme dit le sympathique patron.

            -Vous serez sans doute seuls à l’étage. J’ai juste un pensionnaire au-dessus.

            Les murs du bar sont couverts d’affiches et de photos rock and roll, de Little Bob aux Stones. L’une de ces images montre le maître des lieux en compagnie du chanteur du groupe Ange. Et là, ne serait-ce pas Higelin ?

            -Oui, nous dit la patronne, c’était il y a quatre ans je crois, à la Traverse à Lillebonne.

            J’en doute, cet Higelin à cheveux longs date plutôt d’il y a quatorze ans. À L’Épinoy, le temps est immobile.

            Avant qu’il ne soit l’heure du repas, nous partons par le chemin piétonnier en direction du hameau d’Épinay avec un petit détour jusqu’à la source de l’Aubette et un arrêt devant les fleurs à papillons jouxtant une maison isolée. Parvenus au but, la fatigue due à ma clave en voie de rafistolage, m’impose de m’asseoir. Point de banc près de l’église récemment restaurée, une tombe accueille nos fesses. Nous évoquons la mort de très proches et comment elle et moi on vit avec cela. Nous faisons ensuite le tour du petit cimetière, nous attardant devant une tombe sculptée d’un scouteur. Un jeune homme est enterré là, qui en est peut-être mort.

            De retour à Saint-Aubin, nous nous intéressons à l’ancienne indiennerie dont la cheminée de briques domine le village, au gîte rural installé dans un moulin, à l’Aubette qui circule fraîchement, puis nous entrons dans le café près de l’église fermée. Nous en ressortons très vite. Le lieu, largement peuplé d’hommes échoués, est franchement désespérant.

            Celle qui me tient la main me rappelle le jardin de l’hôtel, et bien sûr, lui dis-je. Nous y prenons une boisson fraîche sous le cerisier à proximité du cheval rétif et de la chèvre narquoise.

            Le menu du soir est à dix euros, entrée, plat, fromage, dessert, café et pour ce prix-là on ne mange pas très bien. Qu’importe, la nuit est à nous, dont nous faisons bon usage. Par la fenêtre ouverte entrent le hululement de la chouette et le cri d’un animal inconnu, remplacés au matin par le chant du coq. Un petit déjeuner correct et nous allons attendre le bus du retour. Au loin, se dressent les tours des Hauts de Rouen.

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