• Exposition Edvard Munch, l’œil moderne au Centre Pompidou

    A Paris, ce mercredi, rue Saint-Séverin, je déjeune tôt à la kebaberie habituelle cependant qu’une jeune femme en tenue de laborantine y prélève des échantillons de viande, de salade et de sauce blanche qu’elle range dans une mallette. La tâche accomplie, elle ôte sa blouse blanche et sa charlotte, dit au revoir, à bientôt. Il n’en faut pas plus pour que je trouve un goût bizarre à mon sandouiche mais les deux kebabiers n’ont pas l’air inquiet.

    En pleine forme, je traverse la Seine, regrettant que celle qui vit à Paris ne soit pas disponible pour visiter avec moi l’exposition Edvard Munch, l’œil moderne qui ouvre aujourd’hui au Centre Pompidou. Je me souviens du bon moment passé ensemble à l’exposition Munch de la Fondation Beyeler à Bâle en juin deux mille sept et de notre visite décevante d’Edvard Munch ou l’Anti-Cri à la Pinacothèque de Paris en avril deux mille dix.

    Cette nouvelle exposition parisienne est organisée en collaboration avec le Musée Munch d’Oslo. Ses commissaires sont Angela Lampe et Clément Chéroux. Leur parti pris est de démontrer en quoi Munch fut un homme de son temps. Ils partent pour cela de six chefs-d’œuvre des débuts : Deux êtres humains. Les solitaires (un homme, une femme, seuls à deux), Les jeunes filles sur le pont (l’une au moins doit songer à se suicider, me dis-je), L’enfant malade (souvenir de sa sœur décédée), Vampire (homme dévoré par son amante), Le baiser (couple fusionné) et Puberté (nymphette nue assise sur son lit, menacée par l’ombre de sa vie future).  Le Cri n’en est point, interdit de voyage.

    Le jeune Munch au tournant du vingtième siècle est au sommet de son art (comme on dit). La suite n’est que tentative d’aller plus loin. Munch explore la redite, la réinterprétation, l’impression de mouvement, le cadrage photographique, l’autoportrait et s’approche même de l’abstraction, parfois avec succès, parfois frôlant la croûte.

    Pas trop de monde dans les salles, je peux regarder ça tranquillement, en l’absence de visites guidées mais en présence d’une télévision non identifiée qui interroge Angela Lampe et de France Inter qui s’occupe de Clément Chéroux, lequel parle des photos de l’artiste (des autoportraits essentiellement) dont un certain nombre sont présentées. Un film de Munch montrant la vie parisienne de son temps est également visible. Parmi le public, je repère deux bûcherons norvégiens en tenue de travail (bizarre qu’ils parlent français).

    Le monde de Munch n’est pas de tout repos, loin des fleurettes impressionnistes de la même époque, bagarres, meurtres, émeutes, maisons brûlées, tirs sur des visiteurs indésirables, femmes en pleurs et drames intimes. J’aime particulièrement Jalousie (visage défait au premier plan de celui dont l’amie embrasse un autre en arrière-plan dans une pièce au papier peint barré), L’artiste et son modèle (sur le côté, un lit défait en dit plus long que le titre) et A la douce jeune fille (deux femmes décaties trinquent à celle qu’elles ne sont plus).

    L’un des tableaux les plus impressionnants montre des ouvriers au pas lourd sortant de leur usine. Il est remarquablement mis en valeur par un cadre découpé dans l’une des cloisons des salles d’exposition qui en fait surgir le personnage principal.

    La dernière salle (circulaire) est consacrée aux dessins que fit Munch lorsqu’il fut atteint de maladie oculaire à soixante-sept ans : nombreuses aquarelles montrant la rétine de l’artiste ainsi que des illusions optiques où naissent crânes, aigles et autres figures inquiétantes.

    Il n’en faut pas plus pour que j’aie mal aux yeux lorsque je quitte Beaubourg mais cela ne m’empêchera pas de revenir voir Edvard Munch, l’œil moderne avec celle qui n’est pas là.

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    Remis de mes émotions, j’entre chez Templon. On y expose les derniers Garouste sous le titre Walpurgisnachtstraum (Songe d’une nuit de Walpurgis), tableaux et sculptures inspirés du Faust de Goethe, dans la continuité du déjà vu ici. Comme modèles des connaissances et ami(e)s et lui-même, je reconnais la grosse tête de Jean-Michel Ribes. Pour chez moi, je pourrais choisir Sorcière au bouc dont la charge érotique donne à rêver.

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    Toujours ces déplorables panneaux publicitaires géants sur les édifices parisiens en travaux. Près d’un vantant une tablette Samsung, un calicot de bonne taille en jargon jargonnant : « Cet affichage contribue au financement des travaux de la restauration du patrimoine du Palais de Justice ».

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